L’Espagne : un Pays en pleine mutation
Un puzzle d’identités régionales
Les conséquences de la guerre civile sur les revendications régionales
Profondément marqué par la guerre civile le travail de mémoire en cours est au centre des débats politique et sociaux. En effet la centralisation, visant à une uniformisation à l’extrême, tentée par Franco il y a trente ans connait aujourd’hui un effet boomerang : l’Espagne est à présent l’Etat le plus décentralisé d’Europe, sur le plan administratif comme sur le plan culturel.
L’exemple du pays Basque et de la Catalogne
En 1977 le président du Conseil Adolfo Suarez reconnait aux autorités catalanes, et au président de la Généralité de Catalogne leurs statuts.
Certaines régions comme la Catalogne, le Pays Basque et la Galice sont appelée « régions autonomes historiques », les différenciant des régions dissemblables dénommées « communautés autonomes » désignant ainsi leurs spécificités territoriales et culturelles. Ce mouvement de décentralisation s’est montré tout à fait bénéfique en termes de politique publique, pourtant il n’a pas réussi à étouffer les mouvements nationalistes. Bien au contraire ces mouvements ont connu un renforcement de leur notoriété, donnant naissance à une multitude de débats et à une émergence de nouveaux partis. A l’échelle nationale ces « petits partis » ont eu une influence conséquente puisqu’ils participent activement à la construction de majorités parlementaires. En 2003 les dynamiques politiques traditionnelles et le bipartisme ont été bouleversés par le mouvement indépendantiste Catalan Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). Le monopole du pouvoir nationaliste aux élections régionales prendra donc fin pour laisser sa place à une coalition entre le parti socialiste catalan ERC, le parti écologiste et le parti communiste (Pellistrandi,2006) Concernant le pays Basque, depuis 1980, la région est gouvernée par le Parti Nationaliste Basque (PNV) d’abord en coalition avec les socialistes puis seul. Le chef du gouvernement basque a proposé un projet de nouveau statut d’autonomie incluant la possibilité d’un vote d’autodétermination. Lequel a été rejeté en utilisant la Constitution de 1978, explicitant le fait que « la souveraineté réside dans tout le peuple espagnol et ne peut être divisé en sous-souverainetés nationales ». La récente annonce d’un cessez-le-feu de l’ETA se fait miroir des mutations sociales ayant eu lieu dans la région depuis les années 1980, et annonce de nouveaux défis pour l’exercice politique au Pays Basque. Les débats politique se sont déplacées vers une reconquête idéologique de l’importance du politique sur la scène sociale, mais surtout une alternative à une société en grande difficultés face à la crise .
Une société particulièrement touchée par la crise
En 1998, malgré une économie instable, l’Espagne est qualifiée pour faire partie de l’Eurogroupe. Progressivement elle rééquilibre ses comptes publics, fait reculer le chômage jusqu’à 11,5% et réduit la dette publique à 40% du PIB. La crise de la zone euro a particulièrement affecté l’Espagne, en effet entre 2007 et 2010, trois millions d’espagnols perdent leur emploi, le PIB connait un déficit de 9%, les taux d’emprunt sont extrêmement haut car une prime de risque relativement élevée est imposée. Cette crise économique a entrainé une crise politique sans précédent, en effet Pedro Solbes, membre du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, été partisan d’un plan de rigueur dès le début de la crise, auquel Zapatero (Parti socialiste espagnol) s’est fermement opposé, ce qui a provoqué la démission du deuxième vice-président du gouvernement. Une des premières réponses à la « décroissance » fut celle de créer une allocation de 426 € mensuels pour les chômeurs en fin de droit pendant six mois. Une partie importante de la population ayant connu une perte d’emploi relativement durable, la durée de l’allocation a été allongée à un an afin de subvenir aux besoins d’individus n’ayant plus aucun moyen de subsistance. Après 2010 ces mesures « de gauche » ne portent pas leurs fruits et l’Europe entière se préoccupe pour la situation de l’économie espagnole. Zapatero change alors de politique et déploie un vaste plan dit « de rigueur ». Il baisse le salaire des fonctionnaires, supprime l’aide aux chômeurs en fin de droits, réforme les retraites en 2011, il fait également privatiser la loterie nationale ainsi que plusieurs aéroports (dont celui de Madrid). L’effondrement de la bulle immobilière a eu des conséquences sociales dramatiques sur la population et rend compte d’une économie principalement basée sur la construction et la consommation.
Los indignados
De nombreux mouvement sociaux cherchant à contester les expulsions massives des logements dont le crédit n’a pas été payé se sont mis en place. La Puerta del Sol à Madrid est devenue le point d’ancrage de ces contestations, les manifestants appelés « los indignados » .
Différentes actions spectaculaires ont été menées, comme l’occupation d’immeubles appartenant à des banques par des familles sans hébergement. Ces actions ont donné une visibilité mondiale au mouvement, et une notoriété nationale au mouvement des « indignados ». Après toutes ces actions menées, une illusion de retour au calme se ferait presque sentir dans la société espagnole, pourtant s’annonce une nouvelle tempête, politique cette fois.
La fin du bipartisme
Issu du mouvement « los indiganados », nait le groupe « Podemos » en 2014, il prône les mêmes changements qu’à la Puerta del Sol, mais utilise des outils politiques. Pourtant le 20 décembre 2015 les deux premiers partis (PSOE et PP ) ne raflent que 50% des voies. Podemos s’est en moins d’un an, imposé dans le paysage politique espagnol. Le groupe Ciudadanos au centre libéral fait aussi son apparition sur la scène politique et cherche à modifier un système électoral qui privilégie les deux parties ayant la notoriété la plus marquée. Le paysage politique espagnol se distingue relativement des autres pays de la coalition, en effet aucun mouvement anti-européen n’a été créé, la guerre civile ayant profondément marqué les esprits, aucun parti xénophobe n’a vu le jour et ce malgré la crise ainsi qu’une augmentation du solde migratoire sans précédent.
Les conséquences de la crise sur les jeunes
Cette crise mondiale n’a pas été sans conséquence sur le quotidien des jeunes, en effet ils ont été les premiers touchés par la précarisation du marché du travail. Ils sont les premiers à occuper les 29% d’emplois à temps partiel, et 39% d’entre eux sont au chômage d’après le conseil espagnol de la jeunesse. Enfin 55% d’entre eux occupent un emploi en dessous de leur qualification et la fuite des cerveaux devient un phénomène de société. Ils voient donc leur processus d’émancipation retardé, développent des stratégies de survies marquant une rupture avec les générations précédentes et font preuve d’une capacité d’adaptation plus accrue (Pellistrandi, 2012).
Ils développent diverses stratégies pour survivre, comme l’acceptation d’emplois même précaire, et une émancipation plus tardive (la moyenne d’âge actuelle étant de 28,1 ans). Ces diverses mutations rendent compte d’une certaine cassure entre les générations, pourtant un fil conducteur se fait voir, emprunte à un héritage chrétien.
L’Héritage chrétien dans les représentations de genre
Dans les écrits chrétiens la misogynie est omniprésente, la violence faite aux femmes apparait comme naturelle, et dans le discours religieux prend corps une lutte tendant à effacer certaines attitudes féminines afin « d’éviter la provocation ». Au fur et à mesure de ces lectures se forge l’idée que la femme est une « méritante » de cette violence, et que si elle va à l’encontre des prescriptions de l’Eglise ou de l’homme étant son responsable il va de soi qu’elle rencontrerait de multiples punitions telles que la violence ou le viol. La religion n’est ici pas appréhendée comme responsable de la genèse de la violence de genre, mais plutôt comme un outil ayant permis d’enraciner et de diffuser un discours banalisant des rapports de domination en Occident.
La place des femmes dans la Bible
Depuis plus de 2000 ans, la Bible, rassemblant l’ancien et le nouveau testament, est LE livre qui a imprégné les mentalités d’hier et d’aujourd’hui. En effet même si la société française se réclame laïque, il va de soi que c’est une société profondément marquée par le concept judéo-chrétien. En Espagne en revanche, l’idée de la laïcité est beaucoup moins ancrée, puisque religion et Etat forment un duo fusionnel. Cet attachement pour la tradition chrétienne se note par exemple dans la transmission des connaissances religieuses, notamment par le biais de l’école. En effet en Espagne 47% des élèves fréquentes une école privée (essentiellement monopolisée par l’Eglise Catholique) et « Education religieuse » est une matière obligatoire dans les collèges publics. Le programme de cette matière est essentiellement composé d’enseignement portant sur la religion chrétienne (lectures de la Bible, analyse de certains passages…).
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Table des matières
Introduction
Précarité & Maternité dans l’Espagne contemporaine
I- Le contexte espagnol
1. L’Espagne : pays en pleine mutation
A. Un puzzle d’identités sociales
Les conséquences de la guerre civile sur les revendications régionales
L’exemple du pays Basque et de la Catalogne
B. Une société affectée par la crise
La crise en Espagne
« Los indignados »
La fin du bipartisme
Les conséquences de la crise sur les jeunes
2. L’Héritage chrétien dans les représentations de genre
A. La place des femmes dans la Bible
La femme porte de l’enfer
Une propriété privée
Le sexe
La punition
B. Violences de genres
Protection et droit d’assistance aux victimes
Le rôle des médias
Conséquences de la violence de genre sur les fils et filles exposées
C. Le droit des femmes à disposer de leur corps, un exemple : l’avortement
Un droit constamment menacé
L’interruption volontaire de grossesse aujourd’hui
3. L’Encadrement de la grossesse en Occident
A. La perception de la sexualité
Sexualité et capitalisme
La sexualité féminine assujettie au contrôle scientifique
B. Les femmes et la grossesse
L’éviction progressive des femmes du savoir médical
Les violences obstétriques : un exemple de violence de genre dans le système
biomédical
II-Genre et Précarité
1. Précarité : cadre théorique
A. La précarité, conséquence d’une dégradation des conditions de travail
Les conséquences de la révolution industrielle sur la perception de l’humain
Précarité et identité sociale
B. La précarité économique : fruit d’une série de rupture sociale, affective ou spatiale
Le capital social
La vulnérabilité relationnelle
2. Maternité et condition sociale
A. Parentalité et Education
L’expérience de la parentalité
La pratique de la parentalité
B. Les mères célibataires
Histoire des mères célibataires
La Maternité un facteur accentuant la précarité
Le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri
3. L’Histoire coloniale et son influence dans le contexte migratoire
A. Femmes en migration
Les rapports de genre dans la migration
Une stigmatisation liée à un passé colonial
Quelques effets de la migration sur les migrantes
B. Une inter-influence entre migration et précarité
Une population fragilisée par la migration
Une orientation vers le Care
L’exclusion des travailleuses migrantes des politiques du Care
III-La vie en centre d’hébergement social
1. Une vie sociale complexe
A. Les rapports familiaux
Les parents proches
La relation aux enfants
La place des hommes
B. L’Espace, la notion du privé et du publique
L’intimité
Les rapports entre mères
C. L’éducation comme bien social
Une valorisation du rôle de mère
Education et migration
2. Les professionnels sociaux : des acteurs clés dans la vie en centre d’hébergement social
A. Un cadre normatif exigeant
Le rythme au sein des centres
Les normes pratiques
B. Des relations dissymétriques
L’échange
La décentralisation et ses conséquences sur le social
3. Un objectif unique : L’émancipation par le travail
A. « L’intégration » des femmes au travail
Typologie de l’intégration professionnelle
L’emploi au féminin
B. L’insertion professionnelle
La formation des professionnels sociaux
Les formations proposées aux usagères
Conclusion
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