Les Conseil en architecture, urbanisme et environnement (CAUE) 

LES FONDEMENTS DE LA REFLEXION

Le premier chapitre s’articule en deux volets. En premier lieu, il s’agit de définir les termes et expressions omniprésentes durant l’apprentissage et le bénévolat. En effet, il nous importe de clarifier une base lexicale, un langage commun qui assureront la compréhension de l’ensemble du mémoire et du raisonnement général. Cette recherche de sens conduit à établir une typologie de la participation tantôt inclusive tantôt exclusive.
Il convient également d’observer les différents niveaux et degrés de la participation et de se pencher davantage sur celui de la concertation. En effet, une clarification des différences entre participation et concertation s’impose. La concertation est-elle un degré de participation ou un processus global ? Parfois dépeinte comme simple niveau à peine plus abouti que la consultation, parfois prônée comme paroxysme des démarches participatives entre collectivités territoriales et société civile, quelle est la place à accorder à cette notion de concertation ?
Après une étude des définitions, des typologies éventuelles et des échelles de la participation, nous considérerons la concertation comme un degré de participation limité dans le temps. Nous nous intéresserons également aux notions connexes telles que la confiance, l’écoute et l’apprentissage mutuel, qui semblent s’insinuer progressivement dans les pratiques actuelles de la concertation. Ces composantes sont celles d’un « temps humain » comportant une part de complexité. Un temps humain reposant sur trois piliers temporels fondamentaux : le temps du développement individuel, le temps du développement collectif et le temps de l’action.
Une participation « efficiente » ou qui intègre le « temps humain » favoriserait le temps de développement individuel et le temps de développement collectif, autrement dit les deux composantes de l’empowerment. Cet empowerment des participants permettrait par la suite l’action ponctuelle, récurrente ou continue dans le temps entrainant des répercussions de multiples natures, matérielles et immatérielles.

Polysémie du vocable et analyse sémantique

La base fondamentale de toute action collective : le langage commun

Toute action ou toute réflexion demandant un travail de groupe nécessite une mise à plat du vocable, une fondation langagière commune qui est utilisée durant le processus jusqu’à sa finalité. Avoir un langage partagé (Zepf, 2004) entre professionnels, habitants, élus, entreprises ou tout autre acteur semble indispensable avant de débuter un processus incluant plusieurs encéphales. Non seulement pour une compréhension de chacun, mais également pour faciliter une synergie et non provoquer une perte d’énergie en remise en question du vocable à chaque étape. Les mots inclus dans ce langage commun renvoient alors à des images mentales ou des connotations similaires pour l’ensemble des individus.

La recherche d’une définition partagée de la participation

Avant d’utiliser un mot, nous souhaitons le définir. Non uniquement d’après les définitions énoncées dans la littérature grise de la participation, mais en ayant un regard à la fois sur les écrits et sur les usages quotidiens des professionnels et des organismes spécialisés. Pour nous, un mot ou une expression doit être employé après explication préalable. En effet, aujourd’hui les mots peuvent avoir un sens détourné, galvaudé. Il convient alors de leur redonner un contour, un cadre, une signification pour avoir une certaine légitimité à les utiliser. Qu’est-ce que la participation ? A quoi font référence les démarches participatives, les niveaux ou degrés de participation ? Quelle est la différence entre l’emploi du terme de participation plutôt que celui de concertation ? Faut-il évoquer la participation citoyenne ou la participation des usagers ?
Ainsi des définitions basiques, nous évoluerons par la suite aux définitions usuelles. Donner du sens aux mots et aux expressions demande également de les relier à leur origine, à leur histoire. Leurs usages précédents, dans d’autres époques, d’autres contextes sociaux aident à l’appréhension des notions auxquelles ils renvoient actuellement. Ainsi, cet essai de définition comprend également un rapprochement avec les différentes évolutions de notre société humaine.
Les termes à définir sont multiples. Devons-nous utiliser l’expression de participation habitante, de participation citoyenne, de participation du public ou de participation des usagers ? A quoi revoient ses expressions ? Laquelle est la plus appropriée dans telle ou telle situation ? Ces expressions sont-elles apparues par le biais d’évènements particuliers ?
Autant de questionnements qui se superposent et auxquels nous essaieront d’apporter des réponses.
En effet, dans cette recherche sur les mots, leurs valeurs, leurs dimensions, plusieurs notions sont alors mises en lumière. Et ces notions clés deviennent par la suite les composantes du socle de réflexion générale. Ainsi le travail sur un mot va mettre en exergue ses termes liés, proches qu’il faudra également prendre en considération.

De la littérature grise au dictionnaire de la participation

La participation interpelle les individus, les professionnels de différents secteurs. Les tentatives de définition sont nombreuses sur les blogs, les sites internet. Ces moyens de communication et d’expression représentent les dispositifs actuels par lesquels les individus quels qu’ils soient peuvent émettre, prendre part aux réflexions, s’instruire et diffuser des informations. Nous nous intéressons alors à un organisme particulier, à la fois réseau transversal de professionnels et plate-forme de ressources documentaire : le Groupement d’Intérêt Scientifique Démocratie & Participation (GIS D&P). Cette structure est à l’origine du premier dictionnaire des termes de la participation. Par conséquent, une recherche sémantique ne peut s’effectuer sans une mise en lumière de cet outil accessible et interactif.
Selon le Groupement d’Intérêt Scientifique « participation du public, décision, démocratie participative » (GIS D&P) , les écrits à propos de la participation produits en abondance sur ces canaux représentent une littérature grise parfois discordante nécessitant une harmonisation.

La participation des usagers

L’habitant, le citoyen, le riverain, le passant, le flâneur, le promeneur, le travailleur. Autant de casquettes, de statuts que peut cumuler un même individu. Quel facteur lui donnerait alors la légitimité d’évoquer un lieu ? De prendre des décisions, ou tout du moins de prendre part aux réflexions le concernant ? Cette légitimité ne résiderait-elle pas dans le fait d’user, d’utiliser le lieu ? Que cet usage soit ponctuel, occasionnel, court, ou qu’il soit quotidien, récurrent. Le terme usager intègre la notion d’usage du lieu, d’utilisation du lieu. Quel que soit cet usage. Passage, contemplation, repos, loisirs. L’usager est aussi l’enfant, la personne âgée, le handicapé, le marginal, le sans-papier. Celui qui est lié directement ou indirectement à l’espace de vie. Il est donc concerné par un changement éventuel de ce cadre qui altère son quotidien, ses habitudes son rapport au monde construit et habité.

Choix de l’utilisation du terme participation au sens large

Quel que soit l’adjectif adjoint, la participation dans sa globalité intègre cet ensemble d’expressions (participation citoyenne, participation de la société civile etc…). Certes, il est primordial de tenir compte des nuances, néanmoins le phénomène de fond reste le même.
Celui d’un acte conscient de prendre part à un événement collectif, qui dépasse le simple cadre de l’individualité et dont découlent des conséquences matérielles et immatérielles.
Après une tentative de définition par focus sur les connotations et les utilisations des mots, il convient de faire un point sur les contextes historiques et les évolutions législatives influant sur la participation. Quand et comment est apparu ce « phénomène » ? De quelle manière at-il évolué dans les courants de pensée, dans les usages et dans le droit français ?

Les niveaux de participation

Ancrée dans le concept de développement durable depuis 1980 en tant que composante fondamentale, la participation est jugulée par ses réglementations et ses outils financiers.

La concertation, un échelon supérieur et intégrateur

La loi n°85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement met en exergue une notion de généralisation de la concertation préalable aux projets d’aménagement. Ainsi, le citoyen peut prendre part à la réalisation d’un projet d’aménagement. Cette loi oblige le porteur de projet à prendre en compte l’avis des citoyens et des futurs usagers. Avant une opération d’aménagement ou d’urbanisme, une collectivité locale (commune, intercommunalité) doit selon l’article 1 : « définir les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole ».
En général la concertation s’effectue sous forme de réunions publiques, de parutions d’articles dans les bulletins municipaux ou les journaux locaux. Cependant la loi ne garantit pas la prise en compte effective de la matière issue de la concertation. La diversité du public n’est pas un fait acquis et sa portée peut être limitée.
La loi du 2 février 1995, dite loi Barnier, est à l’origine de la création d’une Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Cette commission est une instance indépendante et permanente, garante du respect de la participation de la population au processus d’élaboration des projets d’aménagement des collectivités locales, des personnes privées et d’équipement d’intérêt national.
Dans la continuité de la Convention d’Aarhus signée le 25 juin 1998 par la Communauté Européenne et la France, garantissant le droit de participation du public aux processus décisionnels en matière d’environnement, la loi Solidarité Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 renouvelle les politiques d’aménagement de l’espace. Ainsi sont créés les schémas de cohérence territoriaux (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU). Les premiers portent la stratégie globale du territoire, les seconds sont l’émanation d’un projet urbain local. Chacun de ces deux documents contient un diagnostic et un projet d’aménagement et de développement durable (PADD). C’est à ce niveau de planification que les besoins des territoires et des populations doivent être pris en compte et faire l’objet d’une démarche intégrée. Cette loi généralise les enquêtes publiques pour l’élaboration de tous les documents d’urbanisme.
La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est garante de la participation effective du public à l’élaboration de projets, conformément à la convention d’Aarhus. La définition du principe de participation est alors élargie : « chacun a accès aux informations relatives à l’environnement, […] le public est associé à l’élaboration des décisions ayant une incidence importante sur […] l’aménagement du territoire ». La loi précise également les missions et le fonctionnement général de la CNDP. Par conséquent la participation du public doit être assurée « depuis l’engagement des études préliminaires jusqu’à la clôture de l’enquête publique ».

Des outils territoriaux incitateurs de démocratie locale

Par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, le législateur favorise l’implication des citoyens dans la sphère publique par le biais de dispositifs consultatifs. Le niveau communal se meut alors en lieu d’apprentissage collectif et d’implication locale. Les conseils de quartiers deviennent obligatoires pour les communes de plus de 80 000 habitants et leurs modalités de fonctionnement sont arrêtées par les conseils municipaux.
Ces conseils de quartiers peuvent être consultés par le Maire ou associés à l’élaboration d’actions ayant un intérêt à l’échelle du quartier. Cette loi donne également plus de pouvoir aux commissions consultatives des services publics (CCSP) instituées par la loi ATR en 1992.

Quelques exemples d’outils financiers participatifs

Les contrats de ville sont passés entre les collectivités locales et l’Etat. Le contrat engage chacun des partenaires à initier et mettre en place des actions concertées. L’objectif étant l’amélioration du quotidien des habitants et de leur cadre de vie. Ceux-ci s’adressent notamment aux quartiers considérés comme difficiles et sont censés prévenir les risques de marginalisation urbaine.
Les Fonds de participation des Habitants (FPH) permettent de financer des projets habitants à une échelle de quartier. Il s’agit de projets de faible coût entre 700 et 800 euros, solidaires, culturels ou conviviaux. Le FPH reconnaît aux collectifs et aux associations, composés d’habitants le droit d’organisation par le biais d’un Comité de Gestion. Ainsi, ils peuvent prendre des décisions conformes à un règlement intérieur issu d’une Charte cadre. …aux échelles sociologiques et usuelles des niveaux d’implication

Différents types d’implication de la population

A ces niveaux de participation s’ajoutent également des types d’implication. Philippe Verdier, sociologue et urbaniste, distingue trois types d’implication. En premier lieu, l’implication descendante. Celle-ci porte également l’appellation anglophone top-down (Chalas, 2004). Autrement dit, une implication des habitants-citoyens-usagers dans le but de susciter leur adhésion. Celle-ci prend la forme de réunions publiques, d’expositions, de publications généralistes dans les bulletins municipaux. Le deuxième type d’implication ou implication test sert à vérifier l’adhésion, à atténuer les inquiétudes, à connaître les opinions des habitants. Le deuxième type utilise un panel d’outils comprenant les sondages et les enquêtes d’opinions.
Enfin, le dernier type, l’implication montante ou bottom-up se décline en deux branches.
D’une part l’implication montante subie provenant d’une réaction en opposition avec une décision ayant une incidence sur le cadre de vie ou résultant de l’élaboration de contreprojets. Et pour finir l’implication montante provoquée qui tend à prendre en compte les aspirations profondes dans le but d’éviter les blocages contre le projet initial, de connaître les partenaires éventuels et de mettre en place un processus démocratique (Verdier, 2009). Deux types d’échelles graduant le degré d’implication des individus aux processus participatifs se distinguent. D’une part les échelles ou les degrés reconnus et admis par le monde scientifique et les professionnels, d’autre part les échelles provenant des documents de la littérature grise. Nous nous intéresserons tout d’abord aux pionniers qui ont initié ces concepts, puis à quelques exemples d’organismes qui se sont réappropriés ces notions pour forger leur propre langage commun.

Comparaison des différentes échelles de participation

Selon la description des degrés de participation contenue dans la Charte de la ville de Grenoble, il existe une articulation entre ces différents degrés. En effet, pour concerter ou consulter il est primordial d’informer au préalable. Pour aider les citoyens grenoblois à comprendre ces degrés, des définitions sont énoncées. Ainsi l’information ne serait pas à sens unique. D’ailleurs, elle prend trois formes : l’information descendante ou de l’élu à l’habitant, l’information ascendante ou de l’habitant à l’élu et l’information transversale ou information entre acteurs du territoire tel que les habitants et les comités consultatifs de secteurs (CCS). Nous employons le terme d’habitant au sens large, regroupant le triptyque habitant-citoyen-usager.
La consultation consiste à demander leur avis aux habitants. Les avis recueillis servent à discerner les envies et besoins, éclairant le décideur dans sa prise de position finale.
Néanmoins, ces avis ne sont pas nécessairement pris en compte et les retours à la population ne sont pas obligatoires. La concertation correspond à un degré de travail en commun « mettant autour de la table les élus, les techniciens, les habitants et les usagers pour discuter du projet, l’ajuster, le modifier […] il n’y a pas de sens unique dans la concertation. […] La concertation est une démarche continue qui accompagne le projet tout au long de son élaboration » . Dans ce cas, la collectivité se doit de faire un retour aux habitants sur la prise en compte ou non des informations récoltées. Les outils de concertation prennent de multiples formes : balades urbaines, enquêtes, micro-trottoir, ateliers thématiques etc…
Le degré le plus important dans cette Charte est celui de la co-élaboration où les citoyens sont amenés à prendre part à la conception du projet ou à la gestion d’équipement. Nous remarquons que ce niveau le plus élevé n’est pas équivalent au ni veau de contrôle citoyen défini par Sherry Arstein en 1969. Cette définition de la co-élaboration est certes inclusive, mais elle indique clairement que le cône de négociation, bien qu’il soit plus ou moins ouvert, est fixé au préalable.

L’émergence du « temps humain »

Les mots et les expressions ne peuvent avoir une consistance uniquement par des définitions théoriques. Les usages des acteurs (professionnels, associatifs, économiques etc…) et les événements historiques, leur apportent la densité nécessaire. En France, l’histoire de la participation est ancienne. Bien que les termes de participation ou d’empowerment soient peu connus ou peu utilisés, des démarches françaises s’apparentent à ces processus.
Outre les expériences chrétiennes de 1950 et les expériences socialistes des années 70, « on pourrait retrouver les traces d’une longue conversation engagée dès la fin du 19éme siècle autour des idées de coopération, d’engagement et d’initiative » (Bacqué, Biewener, 2013, p123). En effet, bien que les idées, les valeurs et les actes ne portent pas les mêmes dénominations, des similitudes sont évidentes avec la participation et l’empowerment tels qu’appréhendés aujourd’hui. Par conséquent, nous souhaitons énoncer dans la partie suivante quelques expériences passées qui constituent les prémisses d’une culture participative.
Le travail effectué sur les définitions, sur les typologies de la participation et l’étape d’énumération des expériences passées, mettent en relief des notions comme celles de l’engagement, de la confiance, de l’écoute. Autant de termes qui renvoient à une idée de temps long, de temps vécu qui prend corps sur un rythme quotidien et récurrent. Ce « temps humain » implique la transmission de connaissances et de savoirs par la dimension relationnelle et sensible. Les démarches de concertation ponctuelles dans le cadre de la révision ou d’élaboration de PLU s’imprègnent peu à peu de ce temps humain, mais leur nature obligatoire et règlementaire ne favorise pas un empowerment des participants. Par conséquent, il faut distinguer ce type de concertation avec la participation que n ous qualifions « d’efficiente », autrement dit une participation qui conduit à l’empowerment.
Ce type de participation efficiente pousse les participants à se placer dans un rôle actif.
L’expérience se produit sur un temps suffisamment long pour permettre un développement personnel et individuel, l’acquisition d’une « conscience critique », le développement du « pouvoir d’agir collectif » (Bacqué, Biewener, 2013) et pour finir la traduction visible de l’action par l’aboutissement d’un projet. Nous entendons par projet, l’objectif, le dessein des participants. Dans ce type de participation conduisant à l’empowerment nous distinguons trois grandes phases temporelles qu’il convient d’expliquer par la suite : le temps de développement individuel, le temps de développement collectif et le temps d’action.

Les premières expériences françaises

En 1965, une expérience inédite se produit à Grenoble. Le parti socialiste unifié (PSU) élu, mené par Hubert Dubedout, après les élections municipales met en pratique une nouvelle forme de socialisme. Le groupe d’action municipale (GAM) souhaite impliquer activement les habitants dans l’élaboration de leur lieu de vie. Cette équipe municipale innove dans les moyens d’informer la population grenobloise. Se terminant en 1983, l’expérience mise au point par le GAM est la plus longue et la plus réussie en France. Cependant, les difficultés de sensibilisation des plus défavorisés et de marginalisation de certains quartiers ont également émergé. Cette innovation du GAM a été diffusée au niveau national. A l’issue de cette expérience, un besoin, une nécessité d’avoir des outils de participation en urbanisme.
L’agence d’urbanisme apparaît peu de temps après, en 1967.
A la même époque, quelques familles se réunissent en petits groupes et veulent un autre mode d’habiter, sans intervention d’intermédiaires (promoteurs). Les habitants s’organisent, choisissent un architecte et réfléchissent ensemble. Les projets d’habitat groupé se décomposent en général en habitations privatives et en espaces communs. Dans la foulée, en 1970 des ateliers publics d’urbanisme prennent corps souhaitant pérenniser l’implication des habitants.
L’un des plus connus, l’atelier populaire d’urbanisme de l’Alma-gare à Roubaix est créé en réaction à un projet défavorable. Proche de l’advocacy planning, des professi onnels se mettent au service de la population. Cette démarche militante fait échouer le projet de destruction des courées roubaisiennes par une proposition d’habitat intermédiaire conçu par les habitants, les professionnels des sciences spatiales et les décideurs (Carrel, 2013).
Cependant, deux décennies plus tard l’ensemble de ces actions est remis en cause par la dégradation du quartier, les squats des coursives et des lieux de rencontre et la montée de la délinquance. Une seconde étape de rénovation a lieu. Le quartier de l’Alma accueille alors une maison de l’emploi, un foyer de personnes âgées et des bureaux. Les habitants quant à eux sont déplacés, relogés dans des espaces de moindre qualité.
Le cas de l’Alma-gare de Roubaix s’inscrit réellement dans une culture de l’opposition. De faire « contre » ce qui est imposé. Néanmoins, la méthode employée, contestataire est non violente. Elle permet une assistance à une population qui n’a pas les moyens et les capacités de proposer des alternatives qui seront perçues comme dignes d’intérêt. Dans ce cadre, l’aide des professionnelles de l’architecture ou de l’urbanisme se révèle indispensable.
D’ailleurs cet engagement de la part de professionnels prend des allures de démarches militantes pour une justice sociale, celle d’une égalité de traitement pour tout individu résidant dans une ville donnée. L’expérience de Roubaix datant de 1973 a notamment inspiré les Ateliers Populaires d’Urbanisme menés actuellement au quartier de la Villeneuve à Grenoble par l’association Planning. Plusieurs types d’ateliers se distinguent. D’une part les ateliers populaires, réellement ancrés dans le quotidien des habitants et du quartier où les professionnels sont immergés. D’autre part les ateliers publics mis en place par les collectivités, qui eux sont considérés comme un outil pour « faire remonter les attentes de la population » (Verdier, 2009, p.87). Le GAM de Grenoble inspire les municipalités qui mettent en œuvre des ateliers publics. Une première tentative d’institutionnalisation de ces outils, impulsée suite à la loi sur l’architecture se solde par un échec (Bacqué, Biewener, 2013). Les ateliers publics disparaissent ou perdurent par mutation en association loi 1901. L’atelier public abraysien mené à Saint-Jean de Braye près d’Orléans jusqu’en 2001 représente l’atelier ayant duré le plus longtemps. Il est clos suite aux élections municipales.
Ces missions se déclinaient en information-formation de la population, en conseil en urbanisme réglementaire et en conseil à la maîtrise d’œuvre. Le positionnement délicat de ces ateliers en intermédiaire permanent entre pouvoir et habitant a sans doute conduit à leur raréfaction sur le territoire français. Certes leur caractère permanent constitue leur qualité primordiale de collecte de la mémoire collective d’un quartier, de son identité et de son contexte. Mais il demande également un effort d’écoute, de prise en compte et d’échanges fréquents avec les élus locaux.

L’émergence du faire « avec » les habitants en urbanisme

La crise des banlieues dans les années 80-90 fait ressurgir la question de l’écoute des habitants. Cette crise ne serait pas la conséquence de problèmes liés à la morphologie urbaine mais une création sociétale (Bourdieu, 1993). Réhabiliter physiquement des édifices ou ériger de fabuleux projets urbains ne sont pas la panacée au bien-être. Il s’agit d’aborder les difficultés des quartiers par une lorgnette globale pour s’apercevoir des influences contextuelles propices à leur exclusion (Dubet, Lapeyronnie, 1992). Les grandes surfaces concurrencent les commerces de proximité, les emplois se concentrent dans les pôles, les travailleurs les moins qualifiés sont dévalués (Donzelot, Estèbe, 1994).
Suite aux élections municipales et présidentielles de 2001-2002 les politiques pour les « quartiers difficiles » s’orientent tout de même vers le bâti. L’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est alors crée légitimant une volonté de démolition reconstruction de grande ampleur. L’aspect social est rattaché à l’amélioration physique des quartiers. Ces actes posent les jalons d’un questionnement en profondeur sur la pertinence des mécanismes de la participation. Pourquoi s’impliquer ? Pour les militants il s’agit de défendre une cause, une population oppressée par une décision. Une décision impactant sur leur cadre de vie, leur quotidien. Une décision qui en se concrétisant modifie leur réalité et initie un changement auquel aucun individu d’une communauté, d’un groupe n’est préparé.
Ce changement est alors vécu comme un traumatisme. La démolition du lieu de vie est une perturbation car il est lié à l’affectif, à l’émotionnel. Le changement s’accepte s’il est voulu et s’il est préparé, non s’il est imposé.
A ce moment, il est ressenti comme une cassure, un déchirement, un fait subi engendrant un sentiment de rejet, d’abandon et de dévalorisation (Carrel, 2013). Prendre en considération les besoins réels et les aspirations des habitants avant de prendre une décision ayant des conséquences visibles et durables sur le territoire devrait être un fait acquis, une pratique normale et en amont de toute conception.
Néanmoins les pratiques de l’aménagement du territoire telles que pratiquées auparavant et telles que pratiquées par une majorité aujourd’hui ne sont pas fondées sur l’humain. Les mouvements des ateliers populaires d’urbanisme ou de réappropriation des territoires abandonnés résultent d’un besoin de prendre les choses en main, de se faire entendre et d’un besoin de reconnaissance en tant qu’individu.
Les définitions énoncées tantôt, suivi des évènements successifs relatifs à la montée en puissance de la participation qu’elle soit instituée par les collectivités ou initiée par la base, mettent en évidence un « temps humain ». Un élément sous-jacent mais omis. Une composante qui selon nous devrait être centrale mais qui s’apparente au superflu, à l’inutile.
Pourtant, comme nous allons le voir, chaque notion clé telle que la confiance, l’engagement, l’écoute sont des éléments dont l’essence première repose sur le temps de la relation, le temps humain.

Le temps humain, une composante reléguée au second rang ?

Dans la partie précédente il ne s’agissait pas de faire un état de l’art exhaustif ou de recréer un dictionnaire du vocable participatif, mais de poser les bases de notre réflexion. De ces définitions théoriques et usuelles des termes de « participation » et de « concertation » surgit la notion de temps. Non pas d’un temps unique, mais de temps pluriels qui se superposent, s’alternent et s’enchainent. En effet le temps humain se décompose en trois entités temporelles fortement imbriqués : le temps de développement individuel, le temps de développement collectif et le temps d’action. Cependant dans les démarches de concertation, le temps humain est souvent soumis à un rapport de force l’opposant au temps de projet fixe et limité. Cette relation d’opposition s’est instaurée et formalisée par influence de forces issues d’un système global. « La globalisation […] le développement sont les […] aliments de la même dynamique qui produit une pluralité de crises interdépendantes, enchevêtrées, dont la crise cognitive, […] les crises sociales, qui elles-mêmes produisent la crise de la globalisation. La gigantesque crise planétaire est la crise de l’humanité qui n’arrive pas à accéder à l’humanité » (Morin, 2012, p.42).
Ainsi les problématiques rencontrées dans notre quotidien sont dues à une course contre la montre implicite et imposée par un système à la fois économique, sociétal, politique. Un ensemble de facteurs semble compromettre réellement la participation, surtout la combinaison budget-temps, qui impose des limites strictes et ne permet pas une adaptation aux retards et aux aléas.

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Table des matières
CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA REFLEXION
A. Polysémie du vocable et analyse sémantique
1. La base fondamentale de toute action collective : le langage commun
2. Une demande de définition émanant d’une pluralité d’acteurs
3. La participation, une quête de sens
B. Les temps de la participation
1. Une superposition d’évènements historiques
2. Le temps humain, une composante reléguée au second rang ?
3. De l’empowerment à l’action : les trois temps de la participation
CHAPITRE 2: PRATIQUES DE LA PARTICIPATION EN ISERE 
A. La participation vue sous deux angles différents
1. Les Conseil en architecture, urbanisme et environnement (CAUE)
2. L’association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV)
3. Une complémentarité d’action en faveur du facteur humain
B. Un apprentissage professionnel et personnel par l’action
1. Les PLU concertés dans le département de l’Isère
2. Les projets participatifs menés dans le cadre du KAPS
3. Analyse des activités participatives et concept des hot spots de participation

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