Les confits portant sur l’environnement : regards scientifques

Les conflits portant sur l’environnement : regards scientifiques

Les sciences humaines et sociales ont toujours fait de la notion de confit un objet central de leurs travaux, tant les confits, qu’ils soient sociaux, liés à l’aménagement, politiques ou encore géopolitiques dans le cas de grands confits de guerre, fascinent par les multiples dimensions qu’ils recouvrent et les perspectives qu’ils ofrent pour l’étude des sociétés humaines.

Des situations locales de forte opposition à des projets d’aménagement ou de rejet d’installation ou d’infrastructures déjà en place se sont multipliées depuis trente ans en France. Ce chapitre propose d’en dresser le portrait, de comprendre les mécanismes et les efets de ces confits liés à l’aménagement et à l’environnement, dans ses composantes sociales et spatiales. Après un état de l’art des diférentes approches scientifques et des modèles d’analyses de ces confits, nous présenterons leurs signifcations, leurs productions sociales ainsi que leurs dimensions territoriales. Enfn, nous poserons la question de l’articulation entre les mobilisations d’opposition à des projets et l’émergence de la démocratie environnementale qui tente d’apporter des réponses en termes d’ouverture au public des décisions.

L’étude des confits liés à l’environnement

Un contexte de multiplication des confits d’aménagement et environnementaux

Depuis une trentaine d’années en France, se multiplient des situations dans lesquelles deshabitants, des associations ou des collectivités locales s’opposent et se mobilisent contre des projets d’implantation d’équipements, d’infrastructures, et plaident pour la protection de lieux, de territoires et d’espaces. Si ces confits portent le plus souvent sur la localisation de nouveaux projets (éoliennes, ligne TGV, autoroute, installation industrielle, ligne électrique à très haute tension), de plus en plus de confits et mobilisations locales concernent des installations existantes dont le voisinage crée des nuisances ou externalités jugées insupportables (industrie polluante, nuisances olfactives, bruit aéroportuaire, antennes-relais de téléphonie..).

Ces questions ne sont pas nouvelles et ont fait émerger ce que certains développent commela marque de l’avènement d’une société dite confictuelle (Freund, 1983). Alors que les années soixante sont souvent décrites comme celles des luttes urbaines mobilisées sur la résistance aux projets d’urbanisme et de rénovation urbaine (Castells, 1972), des mobilisations d’ampleur nationale ont marqué la fin de cette décennie, fondatrices de la cause écologiste et participant à l’inscription publique de l’environnement (Charvolin, 2003). Elles ont pu concerner la lutte contre la construction du parc électronucléaire français (projet de centrale de Plogof, 1975- 1981, sur-générateur de Crey-Malville, 1975-1977), l’extension du camp militaire duLarzac (1972-1981) ou encore les barrages de la Loire. Historiquement, ce « mécontentement environnemental » se présente comme un Janus bifrons, à la fois critique des conséquences de la modernisation sur l’environnement (efets locaux et globaux) et mise en cause du mode de conduite des afaires publiques (Barbier, Larrue, 2011). Il pose des interrogations nouvelles toujours d’actualité : les fondements scientifques et techniques de la civilisation moderne, la conception strictement économique du développement et les façons de gouverner (Lascoumes, 1994).

D’autres confits plus récents ont eu, par la suite, un retentissement national, comme celui lié au canal Rhin-Rhône (1978), au tunnel du Somport (1988-1998) dans les Pyrénées ou au projet de TGV Méditerranée (1989-1995), mais sans bénéfcier de la portée emblématique et du rôle de combat exemplaire et fédérateur de ceux de la décennie précédente. Les années quatrevingt ont marqué en efet le début d’une généralisation des confits et d’une banalisation de la contestation des politiques d’aménagement, signe d’une appropriation de ces mouvements par une partie importante de la société (Subra, 2007). Puis, bien que l’évolution du nombre de confits soit difcilement mesurable, plusieurs travaux font état d’une stabilisation depuis la fin des années 1990 du nombre des situations confictuelles (Charlier, 1999 ; Dziedzicki, 2001 ; Lecourt, 2003), corrélée à une efcacité croissante des associations impliquées.

Plusieurs chercheurs en sciences sociales s’accordent à observer une concordance de phénomènes qui forment un contexte propice à la systématisation de confits dans l’aménagement du territoire français. Car en efet, il n’est pas abusif de parler de généralisation : tous les projets d’aménagements sont aujourd’hui sources de contestation, malgré un contrôle des nuisances et des impacts environnementaux en progression et en dépit d’une importante institutionnalisation du débat public et de la consultation citoyenne. C’est même davantage le devenir de leurs territoires respectifs qui mobilise les citoyens que la question générale et technocratique de l’aménagement du territoire, qui reste trop abstraite (Subra, 2007). Ce que les aménageurs nomment « l’acceptabilité sociale des équipements» ne concerne aujourd’hui plus seulement les grands maîtres d’ouvrage (comme EDF ou la SNCF) mais toute une série d’opérateurs : organismes HLM, petites industries manufacturières, exploitants de carrières, d’éoliennes, municipalités etc.

Parmi ces éléments favorisant l’apparition de confits, le géopolitologue Philippe Subra met en avant un facteur fondamental de « crise du modèle français » qui prendrait naissance après les années soixante-dix (Subra, 2007). En efet, jusqu’au milieu des années soixante-dix, les objectifs de la politique française en matière d’aménagement du territoire bénéfciaient d’un large consensus. La légitimité de l’État comme dirigeant quasi exclusif permettait d’asseoir la volonté d’équiper le pays pour répondre à la croissance démographique, à l’urbanisation, aux besoins nouveaux de la population, et de moderniser le pays dans un contexte de sortie du colonialisme et d’intégration européenne. Ce rôle prédominant de l’État, qui allait changer avec la décentralisation, confant aux collectivités locales des prérogatives en matière d’aménagement, se traduisait sur le plan idéologique par l’adoption de la culture du corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées dont les critères défnissaient le « bon aménagement ». Ce contexte d’ « évidence de l’intérêt général » (Jobert, 1998) a permis la réalisation sans encombre des grandes opérations d’aménagement dans les années soixante, bien qu’elles occasionnaient d’importants bouleversements dans les territoires concernés (paysages métamorphosés, déplacements de milliers de personnes, travaux gigantesques). Les élus locaux étaient alors soit des partisans collaborateurs, soit des spectateurs impuissants de cette politique d’aménagement.

Aujourd’hui, la prédominance étatique a changé (Lascoumes, Le Bourhis, 1998), avec l’apparition de nouveaux acteurs intervenant sur les territoires (collectivités locales, entreprises), participant d’un phénomène de « décentralisation des légitimités » (Jobert, 1998), auxquels s’ajoute de plus l’inscription de nouvelles priorités et en particulier la préservation de l’environnement, dans un contexte politique d’institutionnalisation du développement durable. Cette multiplication d’échelons politiques soufre de plus d’une crise de légitimité et du modèle de la démocratie représentative qui touche l’ensemble des élites politiques. Les projets d’aménagement sont a priori accueillis avec méfance parce qu’ils sont élaborés par des élites largement discréditées (Lolive, 1999). L’image des élites scientifques et techniques pâtit elle aussi des grands scandales sanitaires des années 1990 (« vache folle », afaire du sang contaminé) et des grandes catastrophes environnementales (catastrophe de Tchernobyl en 1986 et mensonge d’État au sujet du survol du nuage radioactif en France).

Ce bouleversement des représentations de la légitimité de l’aménagement public soufre également d’une évolution de la notion d’intérêt général , qui revêt désormais une signifcation davantage territorialisée et privatisée (Lascoumes, Le Bourhis, 1998 ; Jobert, 1998 ; Juan, 2008). Avec la pratique presque généralisée de la négociation au cas par cas des projets et périmètres de l’action publique, et l’usage de la compensation par exemple pour les grands projets  (compensation fnancière mais aussi en terme de réhabilitation ou de « reconstruction » d’espaces naturels), il en résulterait une vision désenchantée, marchande et marchandée de l’intérêt général, provoquant la multiplication d’intérêts généraux locaux bien compris des édiles locales. L’intérêt général est désormais perçu non pas comme une réalité immuable, mais comme une « représentation au service d’une politique précise, refétant dans une certaine mesure des intérêts communs, mais aussi des rapports de force entre acteurs et l’hégémonie de certains de ces acteurs sur l’ensemble de la société » (Subra, 2007).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : Défnition du champ de la recherche
Chapitre 1. Les confits portant sur l’environnement : regards scientifques
Chapitre 2. Territoires, espaces vécus et risque industriel : le démon moderne
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE : Vivre en Sévésie
Chapitre 3. Le territoire de l’étang de Berre et du golfe de Fos
Chapitre 4. Du constat de pollution à la gestion des risques industriels
Chapitre 5. L’industrie aux portes des maisons
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE : Des mobilisations environnementales dans l’aménagement du territoire
Chapitre 6. Fos-sur-Mer, défense d’aménager ?
Chapitre 7. La difcile poursuite de l’aménagement industriel et la portée institutionnelle des mobilisations
Chapitre 8. Maîtriser l’urbanisation autour des installations à risques : la difcile mise en œuvre du PPRT de la rafnerie de Provence
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION GÉNÉRALE
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *