Les configurations d’enfances canevas de l’accessibilité des soins 

Santé et survie des enfants : de la santé publique à l’anthropologie de la santé

Problématique majeure, la santé des enfants constitue une priorité de santé publique internationale. Le quatrième des huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD 4) vise une réduction de deux tiers du taux de mortalité infanto-juvénile entre 1990 et 2015. À l’approche du terme des OMD, entre 2010 et 2012, la survie de l’enfant de moins de cinq ans a considérablement progressé dans le monde, passant de 75 à 48 décès pour 1000 naissances vivantes (OMS, 2014). Les dernières estimations pour 2012 signifient qu’un enfant sur 21 décède avant cinq ans. La mortalité néonatale, qui diminue plus difficilement, représente une part croissante de ces décès. S’agissant de la mortalité infantile, les inégalités mondiales sont criantes : le risque pour un enfant de décéder avant son cinquième anniversaire est huit fois plus élevé dans la région Afrique de l’OMS que dans la région Europe (OMS, 2014). Le taux de mortalité des moins de cinq ans est à 95 décès pour 1000 naissances vivantes en 2012 (OMS, 2014). Pour la Mauritanie, ce taux est légèrement plus favorable que dans la région Afrique dans son ensemble, estimé à 84 décès pour 1000 naissances vivantes (OMS, 2014). Malgré les progrès accomplis, l’atteinte de la cible de l’OMD 4 en Afrique et en Mauritanie est loin d’être acquise. Une large part de ces décès est attribuable aux pathologies néonatales, aux maladies infectieuses et parasitaires : diarrhées, paludisme, pneumonie et infections respiratoires.
Mais les enfants sont aussi confrontés à une morbidité importante avec diverses pathologies chroniques comme la drépanocytose, l’asthme, les cancers ou le diabète, encore relativement peu ciblées par les autorités publiques.
Pour lutter contre la mortalité infanto-juvénile, le Gouvernement mauritanien et l’UNICEF ont conjointement établi une Stratégie de Lutte pour la santé et la survie de l’enfant, dont la mise en œuvre a débuté en 2010. Cette stratégie repose notamment sur la promotion et la généralisation de quelques interventions reconnues pour avoir un impact élevé sur la mortalité infantile, afin d’atteindre l’OMD . Certaines des interventions concernent le champ de la prévention (promotion de l’allaitement maternel exclusif, du lavage des mains, utilisation des moustiquaires imprégnées,…) d’autres reposent sur le dépistage et la prise en charge médicale de certaines symptomatologies telles que la fièvre, les difficultés respiratoires, la malnutrition. Les facteurs sociaux et culturels opposent certaines résistances à la mise en œuvre de ces interventions : des difficultés qui se situent tant du côté des familles, de leurs pratiques quotidiennes et de leurs réticences à recourir aux soins médicaux, que du côté de l’organisation du système de santé et de la qualité de l’offre de soin. La Stratégie de Lutte pour la santé et la survie de l’enfant définit comme «goulot d’étranglement» les obstacles sociaux que sont «le manque d’information des populations» et la  faible motivation des professionnels de santé». Autant dire que la part octroyée au social comme facteur de survie de l’enfant est congrue.

Le développement de l’anthropologie de l’enfance : une évolution du regard sur l’enfant

La courte histoire de d’anthropologie de l’enfance a été reconstituée par plusieurs écrits (Lallemand, 2002; Bonnet & Pourchez, 2007 ; Hejoaka, 2012). De son côté, Régine Sirota (1994, 2006, 2012) a retracé les ancrages académiques et institutionnels successifs qui ont marqué l’émergence et la structuration de la sociologie et de l’anthropologie de l’enfance. Le premier constat de ces auteurs est que l’anthropologie de l’enfance, « petit sujet » est longtemps resté dans l’ombre des approches structuro-fonctionnalistes et des sujets plus reconnus tels que l’histoire des peuplements, le système symbolique, les formes de production ou d’échange économique : « À vrai dire, outre ces courtes mentions dans la littérature ethnographique pure […] les données sur l’enfance apparaissent éclatées, émiettées aux quatre coins d’un ouvrage, ou bien intermittentes, par le biais de certains articles » (Lallemand & Le Moal, 1981 : 12). Du côté de l’anthropologie anglophone, un constat similaire est établi notamment par la publication de l’article au titre provocateur : « Pourquoi les anthropologues n’aiment-ils pas les enfants ?» (Hirschfeld, 2003). Diverses explications à la sous-représentation des enfants dans les sciences sociales ont été apportées, notamment leur statut social subordonné dans la société, la prégnance des approches relevant de la psychologie et de la psychanalyse s’agissant des questions relatives à l’enfance, ou encore les difficultés méthodologiques et éthiques posées par les enquêtes auprès d’enfants (Danic et al., 2006). Une vision «naturalisant» l’enfance rapportée à une psychologie du développement a dû être dépassée afin que la pertinence des approches anthropologiques de l’enfance se révèle. Des d’anthropologues précurseurs ont décrit la diversité des enfances (Mead, 2004[1928] ; Malinowski, 1989[1929] ; Kardiner, 1969[1939]), remettant notamment en cause nos conceptions universalistes de l’adolescence. En France, nous devons à d’autres disciplines l’évolution du regard sur l’enfance et la généralisation de l’idée selon laquelle l’enfance est une construction sociale. L’historien Philippe Ariès (1973[1960]), au travers de ses travaux sur l’enfance et la vie familiale dans l’ancien régime, révolutionne les approches de l’enfant dans les sciences sociales. Il montre comment l’investissement affectif des enfants – et le « sentiment d’enfance » – émergent au 17ième avec l’évolution de la vie familiale vers la résidence nucléaire et l’apparition de nouveaux modes de conjugalité. Une thèse notamment reprise par la philosophe Elisabeth Badinter (1980), qui, partant de descriptions concernant l’indifférence des mères envers leurs enfants au 17ième et 18ième, décrit comment l’amour maternel s’impose peu à peu comme une valeur et une obligation maternelle.

Enfances africaines : des travaux centrés sur les soins maternels

Sur le terrain africain, de nombreux travaux sur l’enfance ont été menés, notamment initiés dans les années 1960-70 avec les travaux de l’« École de Fann » à Dakar associant psychiatres, psychologues et ethnologues (Zempléni & Rabain, 1965 ; Ortigues & Ortigues, 1966). Par la suite, l’anthropologue Pierre Erny publie une série de travaux de synthèse rassemblant des données africaines sur les conceptions de l’enfant (1968), les conceptions de l’éducation (1987), les soins et pratiques relatives à l’accouchement et aux soins maternels (1988).
Jacqueline Rabain publie un ouvrage de référence sur la petite enfance en milieu wolof (1979), qui décrit notamment les pratiques de nourrissage et d’alimentation, les gestes de maternage et contacts corporels, les statuts des jeunes enfants en tant que partenaires sociaux, mais aussi, les conceptions imaginaires et symboliques de l’enfant. À la même période, l’anthropologue Suzanne Lallemand réalise une série de travaux qui donneront à l’anthropologie de l’enfance sa légitimité par rapport à l’anthropologie sociale (Bonnet & Pourchez, 2007). Après avoir abordé la question de l’enfance au Togo et au Burkina Faso, (1981, 1988), elle dirige notamment un ouvrage sur la grossesse et la petite enfance (1991), et réalise un travail comparatif sur la « circulation des enfants en société traditionnelle » (1993). Doris Bonnet apporte de nombreuses contributions sur les soins et les maladies de l’enfant en Afrique, notamment au travers de son ouvrage sur la procréation et les maladies de l’enfance chez les Mossi au Burkina Faso (1988), mais aussi de chapitres d’ouvrage et articles sur le paludisme (1990), la malnutrition (1997), ou encore l’épilepsie (1999). Plus tard, elle participe notamment à la coordination de deux ouvrages collectifs sur « les soins et les rites dans l’enfance » (2007) ainsi que sur les « modèles d’enfance » (2012). Ces travaux ont en commun de se centrer sur la petite enfance, les savoirs populaires relatifs aux pratiques de maternage et les conceptions ontologiques de l’enfant, dans un contexte de forte mortalité infantile. Ils s’appuient sur de nombreuses descriptions des savoirs et pratiques relatives à la grossesse, l’accouchement et au maternage des enfants, telles des « techniques du corps » (Mauss, 1936). Dans la lignée de ces travaux inauguraux, une nouvelle génération d’anthropologues approfondit les recherches dans diverses sociétés. Leurs travaux portent sur les conceptions de la procréation (Dupuis, 1981 ; Journet, 1981 ; Jonckers, 2001 ; Walentowitz, 2006) ; les pratiques de maternage (Lestrange & Passot-Guevara, 1981 ; Gélard, 2003 ; Razzy, 2007), la socialisation dans l’enfance (Fellous, 1981 ; Querre, 2002 ; Guilhem, 2008). De nouveaux objets sont investis, tels que le travail des enfants (Bonnet, 1993 ; Jacquemin, 2000).

Anthropologie de l’enfant malade en Afrique

S’agissant des questions relatives à la santé et aux maladies des enfants en Afrique, les travaux précédemment cités de Doris Bonnet (1988, 1990, 1997, 1998) sont précurseurs. D’autres anthropologues se sont interrogés sur les représentations des maladies de l’enfance (Jaffré, 1996 ; Landry Faye, 2009) et les recours thérapeutiques de leurs parents pour les soigner (Gruénais, 1985 ; Fassin, 1986 ; Baxerres & Le Hesran, 2008). Ces travaux documentent notamment les différents rôles et positionnements des membres de l’entourage en contexte de maladie. Les mères, qui assurent les soins quotidiens des enfants, jouent un rôle central dans l’organisation des recours aux soins (Baxerres et Le Hesran, 2008 ; Baxerres, 2010). Soumises à un certain contrôle social s’agissant des soins apportés aux enfants, elles s’avèrent être souvent prises comme responsables en cas de maladie (Epelboin, 1982 ; Bonnet, 1988 ; Desclaux, 1996 ; Egrot, 2004). Les pères, dont les moyens financiers sont en moyenne plus importants, jouent un rôle majeur s’agissant de l’accès aux structures sanitaires (Franckel, 2007 ; Fromageot, 2005). L’importance des grand-mères dans l’accès aux soins des enfants en Afrique est souvent évoqué (Jaffré, 2006 ; Franckel, 2007 ; Keith & Dedah, 2009), mais leur rôle, en pleine mutation, est encore peu documenté. Une multiplicité d’autres membres de l’entourage de l’enfant – oncles, tantes, grand-tantes, grand-oncles, cousins, voisins,… – sont susceptibles d’endosser des rôles variables, plus conjoncturels.
De manière concomitante au développement des systèmes de santé et des services destinés aux enfants, quelques travaux vont aborder la question de la prise en charge des enfants à l’hôpital et des relations entre parents et professionnels de santé (Gruénais, 1985 ; Desclaux, 1996 ; Jaffré, 1996). Notons que dans le contexte de la pandémie du VIH, des questionnements particuliers ont émergé. Alice Desclaux (1997) a notamment consacré son travail de thèse au traitement social et de santé publique du sida chez l’enfant au Burkina Faso, analysant comment le sida des enfants met à l’épreuve le système de santé. Suivent une série de publications analysant en particulier l’impact du VIH sur les pratiques et représentations de l’allaitement maternel (Desclaux, 1996, 2000, 2002).

Catégoriser l’offre de soin : l’anthropologie face au pluralisme thérapeutique

Prenant le parti de ne pas exclure les pratiques de soins traditionnelles et/ou informelles, les travaux anthropologiques sur l’offre de soin se sont davantage concentrés sur des tentatives de compréhension de l’offre dans sa pluralité. Plutôt que d’opposer la biomédecine aux « médecines traditionnelles », de nombreux anthropologues, ces dernières décennies, ont favorisé dans leurs travaux l’étude du « pluralisme thérapeutique ». Parmi les contributions les plus significatives, citons « La quête de la thérapie au Bas-Zaïre » de John M. Janzen (1995) « Soigner au pluriel », ouvrage collectif dirigé par Jean Benoist (1996), et « Corps et chamanisme : Essai sur le pluralisme médical », ouvrage d’Ilario Rossi (1997). Sur les terrains africains, dès les années 80, plusieurs anthropologues ont mené des réflexions sur le pluralisme thérapeutique, s’interrogeant notamment sur les rapports entre les différentes options de l’offre plurielle : Andréas Zempléni (1982), Jean-Pierre Dozon (1986, 1987), Didier Fassin (1988, 1992, 1994) et Marc-Eric Gruénais (1988). À la suite de ces travaux, considérer le pluralisme thérapeutique de l’offre de soin est devenu une option classique, intégrée à la plupart des études anthropologiques réalisées en Afrique.
Considérant l’offre de soin sous l’angle du pluralisme thérapeutique, il est possible d’approcher la diversité des pratiques tout en évitant des catégorisations dont les limites ont été mises en évidence (Dozon & Sindzingre, 1986 ; Fassin, 1988). Les tentatives de classifications des différents types de «médecines» ont été nombreuses. Outre les classifications binaires opposant la biomédecine aux «ethnomédecines», aux «médecines traditionnelles» ou aux thérapies «magico-religieuses», la classification d’Arthur Kleinman (1978), qui distingue trois secteurs qui sont les secteurs « biomédicaux », « populaire » et « traditionnel », a marqué les approches théoriques de plusieurs générations d’anthropologues de la santé. Les limites de cette classification, qui fait référence, ont néanmoins été largement discutées.
«L’intellectualisme de cette démarche, qui conduit à envisager des pratiques hétérogènes sous la forme d’un système théorisé, réduit celui-ci à un culturalisme. En effet, l’illusion classificatoire qui, dans la catégorie, voit une essence, la considère comme un objet ‟en soi”, au lieu de replacer les pratiques thérapeutiques dans l’ensemble des relations qui les définissent et leur donnent un sens.» (Fassin & Fassin ; 1988 : 209)

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Inscriptions théoriques et choix méthodologiques
I-1 Références conceptuelles dans le champ de l’anthropologie 
I-1-1 De l’anthropologie de l’enfance à l’anthropologie de la pédiatrie
I-1-2 Décrire et caractériser l’offre de soin
I-1-3 Etudier les itinéraires thérapeutiques
I-2 La méthodologie mise en œuvre : restituer le travail anthropologique 
I-2-1 Les conditions d’enquête et son déroulement
I-2-2 Rassemblement, analyse et synthèse des données
I-2-3 Autour d’une trajectoire de maladie : pistes de travail
Chapitre II : Les enfants en milieu haal pulaar, soins quotidiens et maladies
II-1 Les enfants haalpulaaren en famille
II-1-1 Enfants et système de parenté
II-1-2 Âges, catégories de l’enfance et sociabilités infantiles
II-2 Soins quotidiens, précautions, protections
II-2-1 Protéger l’enfant à naître
II-2-2 Soins et protections du nouveau-né
II-2-3 Alimentation du nouveau-né
II-3 Représentations des principales maladies de l’enfance en milieu haal pulaar
II-3-1 Came et tekko : ces maladies qui « prennent » les enfants
II-3-2 Maladies du ventre et de la peau
II-3-3 Addo : maux des poussées dentaires
II-3-4 Sooynabo : une maladie que les docteurs ne savent pas soigner
II-3-5 Fièvres et terminologie multiple du paludisme
II-3-6 Ñaw-ñawto : l’enfant faible et maladif
II-3-7 « Ñaw ɓaleeɓe » : maladies des génies et des sorciers
II-4 Interprétations et nominations de la maladie
II-4-1 Des entités nosologiques aux interprétations en situation
II-4-2 Nominations et récits en partage
II-4-3 Statuts sociaux des locuteurs et poids de la parole
II-4-4 Nominations et recours thérapeutiques
II-4-5 Etre désigné « malade » : conséquences sur le statut des enfants
Chapitre III : Pluralisme thérapeutique des guérisseurs
III-1 Les pratiques des guérisseurs urbains : éléments de description
III-1-1 Islam et pratiques thérapeutiques
III-1-2 Des pratiques thérapeutiques se référant à des « traditions » plurielles
III-2 Statuts des guérisseurs : positionnements thérapeutiques et sociaux
III-2-1 Les guérisseurs et la « revalorisation de la médecine traditionnelle »
III-2-2 Les guérisseurs face à la biomédecine : adaptations et stratégies de légitimation
III-2-3 Traiter les maladies des enfants, une question qui divise les guérisseurs
III-2-4 Implantation spatiale des guérisseurs à Nouakchott
III-3 Perceptions de l’offre de soin des guérisseurs
III-3-1 Terminologie pulaar de l’offre de soin : ɓileejo, cerno et daɓotoodo
III-3-2 Perceptions des guérisseurs en milieu maure
Chapitre IV : Système de santé et espaces thérapeutiques
IV-1 L’offre de soin biomédicale : aspects historiques et actuels développements
IV-1-1 Système de santé à l’époque coloniale
IV-1-2 Evolution du système de santé et situation actuelle
IV-2 Perceptions du système de santé par les Mauritaniens
IV-2-1 Un rapport au système de santé marqué par la méfiance
IV-2-2 Le système de santé comme espace de coûts et de profits
IV-2-3 « C’est la Mauritanie ! » : l’offre publique dépréciée
IV-3 Les « espaces thérapeutiques » : variations socioculturelles et intrafamiliales
IV-3-1 « Familiarité » résidentielle et construction des espaces thérapeutiques
IV-3-2 Des espaces thérapeutiques infantiles
IV-3-3 Différences ethniques dans les espaces thérapeutiques
IV-3-4 Des espaces thérapeutiques différenciés par le genre
IV-3-5 L’influence de l’âge : des générations charnières dans les espaces thérapeutiques
Chapitre V : Entre les murs de la pédiatrie, soins et parcours de soins 
V-1 L’accès aux soins hospitaliers : admissions et qualités des prises en charge 
V-1-1 L’admission à l’hôpital : des moments denses et révélateurs
V-1-2 Des admissions aux prises en charge : éléments problématiques
V-1-3 La qualité des soins : focus sur l’hygiène et la douleur
V-1-4 Informer dans la relation thérapeutique
V-2 Parcours de soins : des parents négociant a l’hôpital
V-2-1 Des trajectoires de maladie diversement négociées
V-2-2 Des parents acteurs des parcours hospitaliers
V-2-3 L’idéal de protection familiale de l’enfant malade
Conclusion : Les configurations d’enfances canevas de l’accessibilité des soins 
Bibliographie

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