La filière de l’aide au développement rassemble plusieurs acteurs mais la réflexion sur l’efficacité de celle-ci a longtemps privilégié le point de vue des bailleurs de fonds : plusieurs modèles et politiques de développement insufflés par les bailleurs de fonds ont ainsi été adoptés par les pays en développement. En effet, dans l’optique de l’aide au développement, ces pays ont été le terrain d’expérimentation de modèles de développement inspirés et financés par les pays développés. Mais, l’émergence ces dernières années, de nouveaux concepts de développement au sein des « acteurs locaux » et bénéficiaires de l’aide, qui concorde à la prise de conscience au niveau international de la nécessité de conserver les ressources naturelles ont modifié le discours des bailleurs de fonds, en matière de politique d’allocation et d’évaluation de l’aide. En effet, des approches dites « localisées » du développement mettant en exergue le rôle prépondérant que les bénéficiaires devraient jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de développement, ont été adoptées par les bailleurs de fond en vue d’un développement durable et plus concret. Au sein de la banque mondiale et aux yeux des économistes universitaires et des praticiens en général, le développement de l’Afrique constitue maintenant un processus de transformation plus radical. Cette nouvelle conception fait de la lutte contre la pauvreté l’objectif prédominant, on considère qu’il est essentiel de donner aux pauvres un pouvoir d’action et la possibilité de prendre part aux décisions qui affectent leur existence.
LES CONDITIONS THEORIQUES DE PERENNITE DES STRUCTURES ASSOCIATIVES PAYSANNES
La mondialisation a engendré une fracture mondiale, entre les « gagnant » et les «perdant » de. En effet, ce processus irréversible profite aux pays développés qui l’ont initié et à beaucoup de pays émergents, capables d’écouler leurs produits sur d’immenses marchés où ils trouvent aussi les capitaux nécessaires à leur développement ; mais isole les pays qui n’ont encore rien à acheter ou à vendre, ceux qui n’arrivent pas à attirer les investisseurs et ceux qui sont victimes de conflits. Ainsi, pour éviter que cette fracture générée par la mondialisation, ne s’aggrave, l’aide au développement devrait consacrer son effort à résoudre les problèmes globaux devant lesquels les mécanismes traditionnels de coopération sont impuissants, afin d’éviter que la mondialisation ne marginalise dans une abjecte pauvreté, ceux qui n’ont pu saisir ses promesses. Jusqu’à présent, l’aide ne semble pas donner de résultats tangibles, elle peut même aller à l’encontre du développement.
EVOLUTION DES THEORIES ET MODELES DE DEVELOPPEMENT
Il est indispensable de faire une analyse des théories et recommandations de politique économique qui ont constitué le corpus fondateur de la théorie du développement, ceci pour plusieurs raisons. D’une part, parce que ces conceptions ont contribué à déterminer les situations actuelles dont les échecs ou succès ne peuvent être appréhendés que sur cette toile de fond. D’autre part, parce que les conceptions émergentes se définissent largement en opposition avec cette tradition fondatrice, on ne pourra donc comprendre la logique actuelle si l’on ignore ce à quoi elle s’oppose.
Les vieilles conceptions du développement : éléments déterminants de la politique d’aide
Le développement assimilé à la seule croissance économique : à chaque époque son credo
Les modèles orthodoxes de croissance
Ce sont des modèles de croissance basés sur les lois du marché et du libéralisme. Pendant plus de vingt ans, les pays industrialisés et leurs banquiers vont transférer des capitaux avec un objectif prioritaire : faire de la croissance et accroître le commerce international. La croissance peut être tirée soit par l’industrialisation, par l’agriculture soit par l’échange et l’ouverture.
Le développement par l’industrialisation
Ce modèle est basé sur la théorie des « étapes de la croissance économique » de Rostow, selon laquelle le développement est une trajectoire linéaire que toute société traditionnelle doit obligatoirement suivre pour aboutir à une société moderne de consommation, en passant par les cinq étapes suivantes : société traditionnelle, industrialisation (conditions préalables au décollage), décollage (phénomène qui apparaît naturellement), maturité (le marché se régule de lui-même) et la société de consommation. Toutefois, « l’industrialisation du Tiers-monde fait problème. Elle est du reste essentiellement à l’état de projet et son développement pose une série de problèmes que beaucoup de pays n’ont pas su résoudre. Ceux des choix sectoriels, du financement et du rôle de l’Etat sont parmi les plus importants » . La théorie économique est largement divisée sur les facteurs qui gouvernent l’industrialisation et donc sur les politiques susceptibles d’en permettre ou d’en hâter la réalisation. Ce modèle a poussé de nombreux pays à se lancer dans divers programmes d’industrialisation sans en avoir les structures matérielles, humaines et technologiques nécessaires, ce qui a fait naître une dépendance croissante vis-à-vis des pays développés, créant des situations d’endettement sans précédent. Par ailleurs, les capitaux empruntés ont été intégralement affectés au secteur secondaire, censé créer une industrie forte et une population urbaine capable d’épargner, au détriment du secteur agricole et des populations rurales.
Le développement par l’agriculture
L’amélioration de la productivité agricole est vue comme pouvant être à la base du décollage économique, du fait de la capacité du secteur agricole à dégager un surplus utile au reste de l’économie. Dans le Tiers-monde, où plus de la moitié de la population vit de l’agriculture, le développement agricole reste une absolue nécessité, tant sur le plan économique que sur le plan social. Pour favoriser ce développement agricole, les économistes comme Lewis ou Higgins recommandent de moderniser l’agriculture car ce sont les modes et les instruments de travail du monde rural qui freinent le développement. Le monde rural doit connaître une transformation radicale, dans laquelle l’Etat jouera un grand rôle en investissant massivement dans le secteur agricole et en apprenant aux paysans de nouvelles techniques de production. Sous l’influence de ces modèles, les pays du tiers monde ne disposant pas des moyens nécessaires à la modernisation de leur agriculture, se sont de nouveau endettés. Or, ces politiques n’ont pas connu beaucoup de succès car les changements dans les moyens de production ont été effectués de manière hâtive, sans aucune concertation avec les premiers concernés (les paysans), détruisant les moyens traditionnels sans que des alternatives ne soient envisagées, laissant le monde rural dans un grand vide technologique.
Le développement par l’échange et l’ouverture
Suite à l’échec de ces modèles économiques fermés agissant principalement sur les marchés et secteurs d’activités internes, on assiste à un renouveau de la théorie Ricardienne des avantages comparatifs avec l’apparition des modèles fondés sur l’ouverture des économies nationales au marché économique international. La spécialisation dans la production de biens pour laquelle ils disposent d’un certain potentiel (division internationale du travail) est ici préconisée pour faire sortir les pays du sous-développement. L’efficacité de ces modèles porte également à discussion : certains économistes se sont consacrés à montrer qu’ils pouvaient aussi avoir des failles et des effets pervers. A ce sujet, les pensées libérales et marxistes sont portées par des préoccupations et des méthodes inconciliables, et aboutissent à des visions opposées sur le rôle du commerce dans le développement. A l’harmonie par les échanges chez les premiers se heurte le pillage par le moyen du commerce chez les derniers. Leurs capacités explicatives ont été, d’ailleurs amoindries par la complexification de l’ordre économique mondial. Des renouvellements originaux seront alors apportés par les théories hétérodoxes.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I LES CONDITIONS THEORIQUES DE PERENNITE DES STRUCTURES ASSOCIATIVES PAYSANNES
CHAPITRE I EVOLUTION DES THEORIES ET MODELES DE DEVELOPPEMENT
Section I Les vieilles conceptions du développement : éléments déterminants de la politique d’aide
1. Le développement assimilé à la seule croissance économique : à chaque époque son credo
2. Distinction entre croissance et développement : intégration des dimensions sociale et culturelle
Section II De nouvelles orientations de politiques de développement : mise en exergue du rôle primordial des communautés bénéficiaires
1. Deux visions qui concordent et qui se rejoignent
2. Vers des interventions à l’échelle locale
CHAPITRE II LES CONDITIONS THEORIQUES D’EFFICACITE DES STRUCTURES MISES EN PLACE
Section I Réalisation de l’action collective en milieu rural : mise en place des structures associatives
1. Structures/organisations rurales et ressources naturelles
2. Conditions théoriques nécessaires à l’émergence de l’action collective : les hypothèses
Section II Qualité de l’action collective : maturité et transformation des structures mises en place
1. Evolution du capital social et réussite des stratégies et mesures mises en place
2. Conditions de maturité et de dynamisme des organisations créées : les défis politiques
PARTIE II ETUDE DE CAS : PERENNITE DES ASSOCIATIONS KOLOHARENA DE LA REGION DE L’ALAOTRA
CHAPITRE I LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA REGION DE L’ALAOTRA
Section I Les caractéristiques de la zone d’étude : une forte potentialité naturelle et de vrais désirs de développement au niveau des acteurs locaux
1. Présentation globale
2. Potentialités et contraintes
3. Les besoins exprimés par les producteurs locaux et leurs organisations
Section II L’appui aux producteurs de la région : situations et perspectives
1. Le dispositif actuel d’appui de l’Etat: une volonté d’obtenir des résultats
2. Les autres fonctions d’appui
3. Le programme LDI/PTE et son dispositif d’appui : incitations à l’action collective
CHAPITRE II L’ARTICULATION DES CONDITIONS THEORIQUES AVEC LES REALITES LOCALES
Section I Diagnostic des associations KOLOHARENA de la région : pertinence des conditions relatives aux « groupements »
1. L’origine de création des groupements : motivations des acteurs
2. Caractéristiques principales de l’action collective : efficacité de la gestion de l’organisation et des activités entreprises
Section II Les chances de pérennisation des « koloharena » : pertinence des conditions relatives aux appuis et assistances externes
1. Perceptions des acteurs locaux des actions entreprises
2. Maturité et dynamisme : besoins en appuis et degré d’autonomisation de chaque niveau de la structure
CONCLUSION
TABLES DES MATIERES
LISTES DES TABLEAUX ET SCHEMAS
ANNEXES