Les conditions d’un apprentissage coopératif tirant parti de l’hétérogénéité

LES CONDITIONS D’UN APPRENTISSAGE COOPÉRATIF TIRANT PARTI DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ 

RÉDUIRE OU ACCEPTER L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ? 

Lorsqu’il est question de l’hétérogénéité d’une classe, le sujet apparait régulièrement dans les représentations des enseignants et des parents d’élèves comme un problème à résoudre, une situation inconfortable qu’il faudrait éviter (Feyfant, 2016). L’une des variables essentielles à l’hétérogénéité des classes est le principe d’école inclusive. Nous essayerons alors ici d’élucider laquelle, de l’inclusion ou de l’exclusion est la plus favorable aux apprentissages et pourquoi de telles représentations se forment chez les acteurs de l’éducation.

DES ORIGINES DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ AUX CONCEPTS QUI EN DÉCOULENT 

LES ORIGINES DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DU PUBLIC SCOLAIRE
La ségrégation scolaire qui a persisté jusque dans le milieu du XXe siècle et qui découlait de la ségrégation sociale, homogénéisait jusque là le public des écoles de l’époque. La démocratisation de celles-ci, leur massification, suivant le principe d’égalité des chances, a entrainé la problématique d’un public de plus en plus hétérogène. Mais comme l’expose Marcel Crahay (2012), dans un contexte scolaire où l’on appréhende l’enseignement de tous les élèves de la même façon, partant du principe qu’il y en a de bons et de mauvais, alors « en traitant tous les enseignés, aussi inégaux soient-ils en fait, comme égaux en droits et en devoirs, le système scolaire est conduit à donner en fait sa sanction aux inégalités initiales» (Bourdieu, 1966, cité par Crahay, 2012, p. 49). La fin des années 1970 voit l’éducation évoluer, poussée par la critique et aidée par la recherche, étayée par l’Education nouvelle, vers des méthodologies contemporaines et des prescriptions gouvernementales qui veulent, encore aujourd’hui, prendre l’hétérogénéité en compte, toujours selon le principe d’égalité des chances. Dans le référentiel de compétences des professeurs on s’attend donc bien à ce que l’enseignant sache « différencier son enseignement en fonction des besoins et des facultés des élèves » et à ce qu’il connaisse « les éléments de sociologie et de psychologie lui permettant de tenir compte, dans le cadre de son enseignement, de la diversité des élèves et de leurs cultures » (Bulletin officiel n° 1 du 4 janvier 2007, p. II). Mais est-ce que différenciation rime réellement avec égalité des élèves ? Il semble que ce ne soit pas toujours le cas. Une auteure en particulier (Le Prévost, 2010) soulève certains problèmes de sémantique afin de nous mettre en garde contre les interprétations trompeuses des concepts entourant l’hétérogénéité. Elle fait le constat que « l’image et la crédibilité du bon enseignant se trouvent désormais directement reliées à sa capacité à mobiliser et à mettre en œuvre les modèles pédagogiques perçus comme égalitaires, proposant un “ traitement des différences et de l’hétérogénéité ” » (p. 56). Les conceptions complexes des différentes terminologies seraient donc interprétées, parfois inconsciemment par les enseignants, au travers des discours éducatifs et des prescriptions gouvernementales qui suivent l’ambition d’une école de la réussite pour toutes et tous, qu’ils aient fait leurs propres recherches ou non, sous la pression de l’image à adopter du « praticien réflexif ».

LE CONCEPT D’HÉTÉROGÉNÉITÉ, UN PIÈGE SÉMANTIQUE 

Le concept d’hétérogénéité est en lui-même très flou. Cela nous amène à nous demander, quand il sert à qualifier les apprenants, en rapport à quelles normes sont-ils différents ? Les postulats de Burns sont parfois cités en tant que référence pour caractériser l’hétérogénéité des élèves : « il n’y pas deux apprenants qui progressent à la même vitesse ; qui soient prêts à apprendre en même temps ; qui utilisent les mêmes techniques d’étude ; qui résolvent les problèmes exactement de la même manière ; qui possèdent le même répertoire de comportements ; qui possèdent le même profil d’intérêts ; qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts » (Burns, 1971, cité par, Feyfant, 2016, p. 5). Mais Le Prévost relève que c’est le plus souvent pour faire référence aux écarts de niveaux scolaires, ou aux différents systèmes éducatifs que les enseignants utilisent le terme «hétérogénéité», mais pas seulement (Le Prévost, 2010, p. 57). Nous noterons aussi que dans cette multitude de critères qu’englobe l’hétérogénéité, aucune classification n’est faite suivant l’importance ou le type de ces derniers. En poussant encore plus loin, nous pouvons relever que « la question de l’origine des différences perceptibles entre élèves est souvent évacuée comme “ important peu”» (Zakhartchouk, 2001, cité par Le Prévost, 2010, p. 58). Le Prévost fait tout de même la distinction entre les pédagogies différenciées qui agissent dans une perspective de « traitement de l’hétérogénéité » et les postures sociocognitives qui analysent plus en profondeur la formation des inégalités d’acquisitions cognitives et culturelles, bien que celles-ci ne prendraient tout de même que rarement ou sommairement la dimension genrée en compte (Le Prévost, 2010, p. 59).

Ce grand flou est d’autant plus inquiétant que l’amalgame est souvent fait entre «inégalité » et « différence ». Un glissement sémantique semble s’effectuer régulièrement entre ces deux termes. Jean-Michel Zakhartchouk (2001) explique qu’« il ne faut pas assimiler abusivement “différence” à “inégalité” ». L’inégalité serait « une hiérarchie de compétences ou de capacités » alors que « ce qui émerge, avec notamment les recherches de la “psychologie différentielle”, c’est l’idée que ces différences-là ont une égale dignité et qu’elles peuvent être une richesse dans un groupe. Qu’il ne convient pas de les hiérarchiser mais de les prendre en compte pour que les élèves apprennent » (Zakhartchouk , 2001, cité par Le Prévost, 2010, p. 61). Si une inégalité, parce qu’elle n’a pas été analysée en profondeur, vient à être interprétée comme une différence par un enseignant, alors celle-ci est traitée comme normale, naturelle et des inégalités graves pourraient être validées et crédibilisées par l’enseignant qui suivrait le principe du respect de la différence.

INCLURE OU EXCLURE, QUELLES CONSÉQUENCES ? 

RÉTICENCES ET FAUSSES IDÉES 

Afin de répondre à une hétérogénéité marquée, souvent jugée au niveau des «aptitudes/inaptitudes » d’élèves au sein d’un système scolaire, celui-ci peut avoir recours à la différenciation structurale, qui est encore utilisée couramment, comme pour les élèves « en très grande difficulté » des SEGPA au collège. Ces élèves sont donc essentiellement exclus des classes ordinaires. Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger (2009) expliquent cette pratique en s’appuyant sur les différentes recherches de Avramidis, Bayliss et Burden (2000); Kaufmann (1993); Scruggs et Mastropieri (1996); Peltier (1997); ils en retirent qu’il existe un a priori fortement ancré chez les parents d’élèves et les enseignants, selon lesquels la scolarisation en inclusion des élèves présentant des difficultés particulières d’apprentissage et/ou de comportement influerait négativement sur les apprentissages des autres élèves, et ne répondrait pas efficacement aux besoins de ces premiers. Du côté des enseignants pourtant, les recherches sur l’inclusion identifient tout de même une majorité qui serait en faveur de l’inclusion, bien qu’un tiers de ceux-ci seulement se sentirait dans la capacité de prendre en charge un tel élève dans leur classe (Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger, 2009, p. 12). Le Prévost (2010) nous éclaire également sur ce point en s’aidant de recherches faites par DuruBellat (2003) : « une organisation hétérogène des classes reste, tant aux yeux des enseignant(e)s qu’à ceux des acteurs et actrices du système scolaire en général, essentiellement assimilée à un projet égalitaire, alors que la répartition par niveaux sera défendue au nom de l’efficacité » (Le Prévost, 2010, p. 58).

Ces idées reçues sur l’inclusion ont bien été déconstruites par la recherche à maintes reprises et sont très bien reflétées dans la réflexion de Crahay et Wanlin s: « Oakes (1985) et Rosenbaum (1980b) ont montré combien la constitution de classes de niveaux pouvait avoir des effets préjudiciables sur le plan socioaffectif – et ceci pour les élèves placés dans la classe des faibles, en particulier. Par ailleurs, ils confirment que les enseignants affectés dans les classes des faibles ont généralement tendance à adopter une attitude fataliste » (Crahay et Wanlin, 2012, p. 320). De l’étude extensive de Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger nous retenons que le fait que des élèves présentant des difficultés soient scolarisés en inclusion n’impute pas sur les apprentissages de leurs pairs. De plus, que ce soit en classe ordinaire avec ou sans inclusion, le temps d’apprentissage reste le même. Du côté des élèves sans difficultés particulières, la tolérance et l’acceptation des différences sont plus largement développées, ainsi que l’estime de soi, de par des interactions sociales plus riches. Quant aux élèves présentant des difficultés, rien n’a pu prouver quelque effet négatif que ce soit sur leurs apprentissages. Au contraire, entouré d’apprenants motivés et visant des études plus longues, ces élèves progresseraient mieux. Nous noterons également que la mise en place de cursus particuliers est faite au risque de la marginalisation sociale ou professionnelle de ces derniers. En effet, une partie relativement faible de ces élèves aura l’opportunité d’être réorientée en classe ordinaire. D’autant qu’une partie de ce public est constituée d’élèves migrants et de migrants nouveaux arrivants qui essayent justement de s’intégrer socialement dans leur pays d’accueil (Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger, 2009).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : LES CONDITIONS D’UN APPRENTISSAGE COOPÉRATIF TIRANT PARTI DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ
1) RÉDUIRE OU ACCEPTER L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ?
1.1) DES ORIGINES DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ AUX CONCEPTS QUI EN DÉCOULENT
1.1.1) LES ORIGINES DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DU PUBLIC SCOLAIRE
1.1.2) LE CONCEPT D’HÉTÉROGÉNÉITÉ, UN PIÈGE SÉMANTIQUE
1.2) INCLURE OU EXCLURE, QUELLES CONSÉQUENCES ?
1.2.1) RÉTICENCES ET FAUSSES IDÉES
1.2.2) L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL, BARRIÈRE A L’INCLUSION
2) L’APPRENTISSAGE COOPÉRATIF, UNE RÉPONSE HOLISTIQUE À L’HÉTÉROGÉNÉITÉ EN CLASSE DE LANGUE
2.1) L’APPRENTISSAGE COOPÉRATIF, ENSEMBLE VERS L’ATTEINTE DES OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
2.1.1) L’ANL, UNE PISTE DANS L’ACQUISITION LANGAGIÈRE COOPÉRATIVE
2.1.2) LE CONFLIT SOCIO-COGNITIF, MOTEUR DE PROGRESSION ET DE RÉFLEXIVITÉ
2.2) DE NOMBREUSES VARIABLES INFLUENTES, PAS DE RECETTES
2.2.1) RÉGULATIONS ÉPISTÉMIQUES OU RELATIONNELLES
2.2.2) LA PRISE EN COMPTE DE L’AFFECTIVITÉ DES ÉLÈVES POUR LA RÉGULATION DU CONTEXTE SOCIO-RELATIONNEL
CHAPITRE 2 : LES ENSEIGNANTS, UNE VARIABLE PRIMORDIALE
1) MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
1.1) HYPOTHÈSES
1.2) MÉTHODE DE RECUEIL DE DONNÉES
1.3) MÉTHODE D’ANALYSE DES DONNÉES
2) PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET ANALYSE
2.1) LA PERCEPTION DE L’ÉLÈVE PAR L’ENSEIGNANT, OU L’ÉLÈVE, ANTAGONISTE DE SON APPRENTISSAGE
2.2) UNE DÉFINITION LIMITÉE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES CLASSES
2.3) UN POIDS, UNE MESURE, L’INDIVIDUALISATION DIDACTIQUE
3) INTERPRÉTATION ET DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAHIE

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