Les années quatre vingt marquent un tournant dans la conduite des politiques publiques de santé. Pour les centres hospitaliers, l’équilibre financier devient le maître mot, et avec lui, une nouvelle discipline voit le jour : « l’économie de santé ». Les hôpitaux sont considérés comme des entreprises qui maximisent leur profit. En tant qu’entreprise, son comportement peut d’abord être étudié sur la base de considération d’ordre technique. En effet, la fonction de production, sous une forme mathématique, les informations technologiques concernant l’entreprise. Elle exprime la relation existant entre les quantités de facteurs de cette entreprise et la quantité des produits qu’elle fabrique. Quant à la demande de soins, les consommateurs disposent d’un budget, connaissent le prix, ils sont capables de choisir les quantités qui maximisent leur satisfaction, les consommateurs sont rationnels.
Pourtant, dans le domaine de la santé, les patients ignorent l’état précis dans lequel ils se trouvent ; on suppose que les individus se trouvent en situation de dépendance par rapport aux personnels de santé, en fonction de degré d’information qu’ils peuvent obtenir. Les individus sont donc rationnels mais doivent rationnels à des degrés divers. En ce qui concerne cette rationalité limitée, parler de marché en matière de santé ne peut s’appuyer sur le concept de marché pur Walrasien qui n’existe pas. La notion de marché qui semble être pertinente en matière de santé est celle de « marché institué », reposant sur des évolutions historiques et sociales et prenant des configurations diverses selon les arrangements institutionnels. La réhabilitation du rôle du patient par la théorie comme par la politique économique construit une forme de marché de la santé particulière et sectorielle. Dans cette construction, l’Etat doit être pensé en complémentarité au marché et non en opposition.
Madagascar, un pays doté d’une population dont la majorité se trouve en dessous du seuil de la pauvreté, des infrastructures et personnels de santé assez réduits, un niveau d’éducation assez bas et surtout une espérance de vie assez médiocre. Ainsi, selon l’Enquête Périodique auprès des Ménages, Madagascar dispose actuellement de 1.05 personnel de santé pour 1000 habitants. Le budget affecté à la santé constituait 10.4% des dépenses de l’Etat en 2001. 23% de la population (2004) en recherche de soins ont un problème financier. Face à cette situation, le pays a opté pour la politique de développement à la base ou développement local, à travers la mise en place des centres hospitaliers de référence des régions (CHRR). L’objectif étant d’assurer le développement économique et social de son ressort territorial, de coordonner et d’intégrer les actions de développement initiées à la base Cette recherche a un double objectif. Le premier consiste à présenter aux lecteurs les nouveaux concepts liés à la santé et répond à la question : « quels sont les fondements de la nouvelle approche en économie de santé ? ». Le second présentera et analysera le système de santé malgache, plus particulièrement l’hôpital, en répondant à la question : « quels sont les mécanismes de fonctionnement du système de santé malgache et plus particulièrement l’hôpital ».
ECONOMIE DE LA SANTE : ASPECTS THEORIQUES
CONSIDERATIONS THEORIQUES SUR LES SOINS DE SANTE
Les concepts de base
On va aborder successivement : la définition de la santé, les soins de la santé, les concepts de l’offre et demande de santé, la fonction de production et la fonction de demande de soins de santé et les outputs de la fonction de production de soins de santé.
La santé
L’Organisation Mondiale de la Santé, dans sa Constitution, en 1946, donne comme définition de la santé « un état de complet bien être physique, mental et social, et non seulement l’absence de maladie et d’infirmité ». Elle donne un cadre transculturel et anhistorique de la santé publique. Dès lors, de nombreux travaux rendent compte de l’évolution de l’état de santé de la population mondiale ou de certaines populations nationales à l’aide d’indicateurs « standards » qui annihilent souvent des inégalités qui peuvent être très importantes : inégalités sociales, régionales et inégalités de genre. D’un point de vue méthodologique, les indicateurs classiques permettent de mesurer certaines inégalités en matière de santé, il suffit par exemple de les collecter par sexe. Ces mesures ne sont pas toujours disponibles et la santé des femmes n’a souvent été approchée qu’en fonction de leur rôle procréateur. Dans son analyse, GOLDRBERD (1979) ressort un classement de définition de la santé selon les auteurs :
– La vision perpétuelle : cette vision définie la santé comme étant une perception du bien-être ;
– La vision fonctionnelle : cette vision définie la santé comme étant la capacité de bien fonctionner ou l’état de capacité optimale d’un individu en regard de l’accomplissement efficace des rôles et des tâches pour lesquelles il a été socialisé ;
– La vision adaptative : pour celle-ci, la santé est à prendre comme l’ajustement réussi et permanent d’un organisme à son environnement. La maladie ne correspondait alors qu’à un défaut d’ajustement.
Soins de santé
En nous référant une fois de plus sur la considération de la santé par l’OMS comme étant la conjoncture d’un état de bien-être physique, mental et social ; rappelons par ailleurs que pour l’économiste la notion du bien-être renvoie au concept la fonction d’utilité. L’analyse économique conduit donc à considérer que l’état de santé d’un individu est l’un des argumentaires de sa fonction d’utilité. Scrutant les définitions (de la santé) données en haut, il a été souligné que cet état de santé dépendait des attributs individuels et caractéristiques environnementales dans lesquelles l’homme évolue. Il découle de ce fait que cet état de santé est aléatoire, et ces attributs et caractéristiques peuvent donner lieu à l’apparition des maladies. Ainsi, pour rétablir leur état de santé, les individus vont recourir au système de soins de santé.
Les concepts de l’offre et de la demande des soins de santé
Ces concepts annonceront les caractéristiques revêtues par l’offre et par la demande de soins de santé.
Offre des soins de santé
Il existe plusieurs caractéristiques revêtues par l’offre de service de santé, on peut retenir :
– Les soins de santé constituent le bien offert à la fois par des producteurs individuels ou par des entreprises multi produits. Au sein de ces dernières, on trouve des prestations réalisées par plusieurs catégories (médecin, infirmier) ;
– Les soins de santé peuvent être réalisés grâce à une technologie traditionnelle ou technologie moderne ;
– L’offre de santé, une certaine complémentarité : dans plusieurs milieux, on observe la dépendance entre plusieurs prestataires ;
– Cette offre présente des externalités positives, il en est de même pour la demande de soins de santé ;
– La structure de l’offre est fortement influencée par l’importance géographique du milieu ; compte tenu de la nature du bien ou service et surtout de la transférabilité limitée des consommateurs en urgence ;
– Dans la plupart des pays en développement, l’offre de santé est rationnée. En effet, les soins de santé ont été pendant longtemps distribués presque gratuitement étant donné les externalités positives qui en découlent. Cependant, toutes les études montrent que cette gratuité revient à un rationnement indirect à cause du temps qu’on doit mettre pour être en contact avec les praticiens et la mauvaise qualité d’accueil dans les hôpitaux publics.
Demande des soins de santé
La demande est le désir d’un individu ou d’un groupe de population par rapport à une amélioration de la santé ou à l’utilisation d’un service. La demande peut être exprimée ou non. La demande de soins de santé augmente avec l’âge. Les femmes expriment généralement une plus grande demande (de soins) de santé que les hommes. La demande est limitée par la perception et, de ce fait, concerne principalement les soins curatifs et plus rarement les mesures préventives. Une personne ne fait appel à un service que si elle en ressent le besoin. En santé publique, les demandes soulèvent une série de difficultés. La première déjà évoquée est la faible demande pour des besoins préventifs. La deuxième est la forme subjective ou individuelle de la demande : cette dernière est alors perçue, à tort ou à raison, comme trop peu fréquente pour exiger une réponse collective de santé publique. Un troisième écueil est celui des limites de la perception individuelle : un groupe de travailleurs peut s’affoler sans raison pour une fumée foncée malodorante et s’accommoder fort bien de substances nocives incolores et inodores.
Les économistes définissent la demande comme la quantité d’un bien que les agents économiques désirent acquérir au prix du marché. Un modèle économique simple de la santé découle de l’application directe de la théorie néo-classique à la formalisation des consommations de soin. Mais son caractère a ouvert la voie à d’autres conceptualisations des choix individuels en matière de santé. GROSSMAN (2005) a ainsi fondé toute une génération de modèle expliquant en quoi les demandes de soins et les choix d’investissement dans la santé des décisions du capital humain. Si nous nous référons à la théorie économique « standard » pour schématiser le rôle de choix de santé dans l’économie, nous sommes conduits à privilégier la demande des particuliers et plus précisément à en étudier les éléments dont l’allocation est réalisée sur le marché. Deux catégories de modèles ont été proposées par les théories économiques. Les plus simples sont directement inspirées da la théorie néo classique et portant des demandes des biens et services à caractère médical. A un niveau de complexité plus important tout un courant de recherche s’est développé sous l’impulsion des théoriciens du capital humain pour prendre en compte les multiples interactions économiques qui contribuent à déterminer l’état de santé des individus.
La fonction de production et la fonction de demande de soins de santé
La fonction de production de soins de santé
Dans le cadre économique standardisé, la fonction de production permet d’intégrer la demande des soins, dans la mesure où les soins de santé constituent un bien marchand, et entrent explicitement dans le contrainte budgétaire. Dans la recherche de maximiser son utilité, l’individu est conduit à déterminer simultanément la quantité des soins qu’il doit consommer et l’état de santé qu’il doit atteindre. Selon COUFFENHAL (2000), la demande de PHELPS est pertinente à ce sujet, en considérant une fonction d’utilisation individuelle , où X est un panier des biens de consommation et H l’état de santé. Il vient que avec; H0 l’état de santé initial et la variable aléatoire représentant l’apparition d’une maladie.
Selon ce modèle, la dégradation de l’état de santé due aux maladies peut être compensée par la consommation des soins médicaux qu’on peut qualifier d’un « bien de réparation h». La fonction de production g possède les mêmes caractéristiques d’une fonction de la production classique. Pour ce faire l’individu rationnel cherche à maximiser son utilité : I représentant la contrainte budgétaire. Incluant le prix unitaire des soins médicaux pH et celui du bien de consommation. La présence dans ce modèle des variables prix relatifs, du revenu et du niveau du dommage, conduit à la détermination d’une fonction de demande.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : ECONOMIE DE LA SANTE : ASPECTS THEORIQUES
CHAPITRE 1. CONSIDERATIONS THEORIQUES SUR LES SOINS DE SANTE
CHAPITRE 2. PRIVATISATION DES HOPITAUX DANS LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT
PARTIE II : LA REALITE MALGACHE EN MATIERE DE SANTE
CHAPITRE 3. LE SYSTEME DE SANTE MALGACHE
CHAPITRE 4. LES HOPITAUX DANS LE SYSTEME DE SANTE
CONCLUSION GENERALE