Les composites à matrice céramique : cadre et applications

Les composites à matrice céramique

De manière générale, un matériau composite est la combinaison d’au moins deux matériaux distincts. Cette association a pour vocation d’améliorer les propriétés comportementales du matériau final par rapport à chaque élément constitutif pris séparément. Les composites à matrices céramiques représentent une gamme de matériaux thermostructuraux à haute valeur ajoutée pour des applications principalement aéronautiques et spatiales. Les CMCs se présentent sous la forme d’un arrangement hétérogène 2D ou 3D de fibres longues de carbone ou de céramique formant l’architecture du matériau (renfort), et dont la cohésion est maintenue par une matrice céramique. A l’interface fibre – matrice, une couche continue d’un matériau à structure souvent lamellaire appelée interphase est déposée in-situ pour moduler la cohésion fibre / matrice et les propriétés du matériau [R. Naslain, 1979], [R. Naslain et al., 2003], [R. Naslain, 2005].

Dans le cadre d’applications aéronautiques à moyennes et à hautes températures (600°C – 1400°C) dans des conditions sévères d’environnements (oxydation, corrosion), les CMCs à renfort fibreux de carbone ou de carbure de silicium présentant une matrice à base de carbure de silicium se sont révélés les plus prometteurs et les mieux adaptés d’un point de vue propriétés, compatibilité et industrialisation [A. Mühlratzer, 1999], [M.H. Van de Voorde et al., 1996], [R. Naslain et al., 2003], [R. Naslain et al., 2005]. En effet, ces matériaux allient des propriétés thermomécaniques intéressantes à une faible densité, une bonne réfractarité et une excellente résistance à l’oxydation [R. Naslain et al., 2003], [H. Mei et al., 2006]. Ces matériaux sont appelés à être utilisés pour la conception de diverses pièces pour navettes spatiales ou pour moteurs aéronautiques (militaires et civils) [R. Naslain, 1979], [F. Lamouroux et al., 1993], [J.C. Cavalier et al., 1989], [R. Naslain et al., 2003], [R. Naslain et al., 2005], [F. Christin, 2001], [F. Christin, 2005]. Dans ce dernier cas, l’objectif tend vers une céramisation des moteurs avec, à terme, le remplacement des superalliages, à base de nickel ou de cobalt, beaucoup plus lourd (densité de 8 – 8,5) et présentant une température de fusion autour de 1300°C [J.P. Baïlon et al., 2000]. Ces matériaux nécessitent par ailleurs la mise au point de système de refroidissement pour leur utilisation dans les parties les plus chaudes des moteurs [R. Naslain et al., 2003], [R. Naslain et al., 2005]. A titre d’exemple, actuellement, dans un turboréacteur, la température des gaz de combustion se situe à 1000°C – 1100°C faute de matériaux plus adéquats, ce qui limite le rendement des moteurs [J.P. Baïlon et al, 2000]. L’utilisation de CMCs (matrice base SiC) plus réfractaires et plus légers permettraient une augmentation de la température maximale dans le turboréacteur, améliorant ainsi le rendement du moteur et diminuant, par conséquent, les émissions polluantes.

Dans le cadre aéronautique, les applications actuelles, en partie chaude ou froide des moteurs, restent presque exclusivement militaires (ex : volets froids pour le turboréacteur M88-2 du rafale). En effet, le coût des pièces reste encore élevé et la durée de vie de ces matériaux doit être améliorée pour des applications civiles.

Dans le cadre spatial, les CMCs présentant une matrice à base de SiC ont déjà été validés comme des candidats très prometteurs pour les structures chaudes d’engins spatiaux , avec la réalisation de prototypes s’inscrivant dans le cadre du projet européen de navette spatiale Hermès développée il y a quelques années [F. Christin, 2001], [F. Christin, 2005], [R. Naslain et al., 2003].

Des céramiques monolithiques avancées aux composites thermostructuraux à matrice céramique

Les céramiques techniques combinent des propriétés de faible densité, résistance à haute température et stabilité environnementale (inertie chimique dans de nombreux milieux). Elles possèdent en général une dureté et une rigidité importante ainsi qu’une température de fusion élevée. Elles conservent des propriétés mécaniques acceptables jusqu’à des températures considérables (de l’ordre de 1400°C à 1500 °C pour certains carbures) [J.P. Baïlon et al., 2000]. Enfin, elles sont généralement caractérisées par une conductibilité thermique faible (bonne isolation thermique). Des céramiques à base de SiC, par exemple, présentent également une résistance à l’oxydation remarquable [B. Schneider, 1995]. Cependant, ces céramiques monolithiques sont intrinsèquement fragiles et peu fiables. Elles sont caractérisées par une faible tolérance aux dommages et une faible ténacité KIC (entre 2 et 5 MPa.m-1/2) pouvant conduire à des ruptures catastrophiques lors de leur utilisation comme composants structuraux [M. Dupeux, 2004], [M.H. Van de Voorde et al., 1996], [J.P. Baïlon et al., 2000], [R. Naslain et al., 2003]. En effet, les céramiques sont des matériaux développant des liaisons principalement à caractère covalent ou ionique (oxydes). Elles ne présentent pas ou peu de système de glissement et aucune déformation plastique à température modérée. De plus, ces composés présentent des défauts de surface et de fabrication (impuretés, hétérogénéité) qui représentent des lieux de concentration de contraintes fragilisant encore le matériau et impliquant une grande dispersion des propriétés telles que la résistance à rupture [S. Bertrand, 1998], [J.P. Baïlon et al., 2000], [R. Labbens, 1980].

Dans ce contexte, l’addition d’un renfort fibreux dans une matrice céramique va permettre d’améliorer considérablement la faible ténacité de la matrice tout en conservant la rigidité intrinsèquement élevée du matériau. La résistance aux chocs thermiques devrait être également augmentée [J.P. Baïlon et al., 2000], [M.H. Van de Voorde et al., 1996]. L’utilisation de renforts tissés à fibres longues par rapport à l’insertion de fibres courtes dans la matrice apporte une amélioration plus significative des propriétés du matériau.

Plus précisément, l’amélioration considérable de la tolérance aux dommages et de la ténacité du matériau composite à fibres longues par rapport à la céramique monolithique constitue une conséquence du renfort associé à la présence d’une interphase entre fibres (F) et matrice (M) de manière à moduler et optimiser la liaison F/M [J.P. Baïlon et al., 2000],. [R. Naslain et al., 2003], [R. Naslain, 2005]. En effet, les CMCs (dont ceux à matrice à base de SiC) sont des composites dits inverses. La déformation à rupture de la matrice est inférieure à celle des fibres contrairement au cas des composites à matrice polymère (CMO) ou métallique (CMM) [R. Naslain, 2001]. Afin de développer un caractère non fragile, il est nécessaire de pouvoir contrôler la liaison F/M en la rendant suffisamment faible [J. Aveston et al., 1971]. Sous contrainte mécanique, la matrice subit une multifissuration. La présence de l’interphase entre fibre et matrice va permettre la déviation de ces fissures aux interfaces F/M, évitant ainsi toute rupture catastrophique du matériau (matrice et fibres à caractère fragile). A terme, la charge est exclusivement supportée par les fibres avant rupture de ces dernières [R. Naslain, 2001], [J. Lamon, 2005].

L’amélioration de la ténacité du composite prend donc forme avec l’ajout de mécanismes dissipatifs d’énergie autres que les mécanismes intrinsèques de rupture de la matrice. Ce phénomène de microendommagements diffus dans tout le composite permet d’aboutir au comportement non fragile et élastique endommageable développé par les CMCs (à matrice à base de SiC) [R. Naslain, 2001], [J. Lamon, 2005], [J.P. Baïlon et al., 2000].

Paradoxalement, bien que ce phénomène d’endommagement soit à l’origine du comportement non fragile de ces matériaux, les fissures multiples représentent en contrepartie des chemins d’accès privilégiés pour la diffusion de l’oxygène dans le composite jusque vers les interphases et les fibres sensibles à l’oxydation [R. Naslain, 2004].

Constituants d’un composite à matrice céramique

Les composites à matrice céramique sont des matériaux hétérogènes et anisotropes se présentant comme l’association de plusieurs constituants non miscibles :
● le renfort fibreux,
● la matrice céramique monophasée ou multiphasée,
● l’interphase.

L’architecture fibreuse

Dans les matériaux composites à hautes performances, le renfort fibreux doit assurer la rigidité et la résistance à rupture du matériau ainsi que supporter l’essentiel de l’effort mécanique [R. Naslain, 1979], [M. Dupeux, 2004], [D. Gay, 1997]. Les matériaux constituant le renfort doivent remplir certaines conditions telles que :

● posséder une rigidité et une résistance à la rupture aussi élevées que possible,
● démontrer une excellente tenue à la fatigue,
● être léger et stable thermiquement / chimiquement à moyenne ou haute température sous des conditions plus ou moins sévères d’environnement (oxydation, corrosion, …),
● présenter des facilités de mise en forme et des prix attractifs.

Les matériaux de prédilection dans ce domaine correspondent à des solides covalents ou ionocovalents constitués d’atomes à faible numéro atomique, tels que le carbone, le carbure de silicium, l’alumine, la mullite, la zircone … [R. Naslain, 1979], [R. Naslain, 2005].

Ce renfort doit être également compatible avec la matrice du composite sur plusieurs aspects :
● l’adhérence interfaciale renfort – matrice qui doit être suffisante et stable dans le temps,
● les propriétés mécaniques et thermiques.

A titre d’exemple, fibre et matrice doivent présenter des coefficients de dilation thermique voisins de manière à limiter au maximum les contraintes résiduelles d’origine thermique engendrées lors du refroidissement après élaboration du CMC. De telles contraintes peuvent conduire à une multifissuration matricielle parasite qui peut affecter le début d’endommagement du matériau et qui constituera un chemin d’accès préférentiel pour les espèces oxydantes [S. Bertrand, 1998], [F. Lamouroux et al., 1995], [J.L. Bobet, 1993], [Y. Ding et al., 2005], [M.K. Brun et al., 1988], [U.V. Desmukh et al., 1988].

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Table des matières

Introduction Générale
1. Synthèse bibliographique et mise en place du sujet
1.1 Les composites à matrice céramique : cadre et applications
1.2 Des céramiques monolithiques avancées aux composites thermostructuraux à matrice céramique
1.3 Constituants d’un composite à matrice céramique
1.3.1 L’architecture fibreuse
1.3.2 La matrice céramique
1.3.3 Le rôle de l’interphase
1.4 Les voies d’élaboration des composites à matrice céramique
1.4.1 Voie gazeuse
1.4.2 Voie liquide
1.4.3 Voie céramique
1.4.4 Mise en place d’un nouveau procédé d’élaboration
1.4.4.1 Imprégnation d’une structure fibreuse par électrophorèse (EPI) à partir de suspensions de poudres céramiques nanométriques
1.4.4.2 Densification du composite préimprégné par RMI ou frittage flash (SPS)
1.5 Renforts fibreux utilisés
1.6 Définition de la matrice à élaborer
1.6.1 Choix des constituants de base de la matrice
1.6.2 Intérêts des systèmes Si-B-C-Ti et Si-B-C-N
1.6.2.1 Description des systèmes Si-B-C-Ti et Si-B-C-N
1.6.2.2 La phase déviatrice de fissure Ti3SiC2
1.6.3 Apport de la nanostructure
1.7 Conclusion
2. Elaboration de composites à matrice céramique par la voie Imprégnation Par Electrophorèse / Frittage Flash ou Imprégnation Par Electrophorèse / Infiltration Réactive par un Métal à partir de suspensions à base de poudres de SiC
2.1 Contexte
2.2 Mise en suspensions des poudres céramiques nanométriques
2.2.1 Choix des systèmes solvant – dispersant
2.2.2 Etude de stabilité des suspensions de SiC
2.2.3 Comparaison des données expérimentales à la théorie DLVO
2.2.4 Mélanges SiC-B4C et SiC-BN
2.3 Imprégnation par électrophorèse
2.3.1 Influence de la concentration en poudres céramiques sur l’imprégnation
2.3.2 Modèle qualitatif mettant en évidence les phénomènes physicochimiques conduisant aux observations expérimentales
2.3.3 Influence de la texture de la préforme sur l’imprégnation
2.3.4 Imprégnation par des mélanges de SiC-B4C et SiC-BN
2.3.5 Influence d’une consolidation par CVI de la préforme avant EPI
2.4 Densification du matériau par électrophorèse après imprégnation
2.4.1 Frittage Flash (Spark Plasma Sintering, SPS) : systèmes SiC-B4C et SiC-BN
2.4.2 Reactive Melt Infiltration (RMI) : système SiC-B4C
2.4.2.1 RMI avec Ti(l) et alliages de titane
2.4.2.2 Apport de RMI successives Ti(l) puis Si(l) dans la conception de la matrice
2.5 Caractérisations mécaniques des matériaux élaborés
2.5.1 Composites élaborés par le procédé EPI / SPS
2.5.1.1 Dureté, tolérance aux dommages et résistance à la propagation de fissures des matrices frittées par SPS
2.5.1.2 Flexion 3 points sur Cf /SiC-B4C et Cf / SiC-BN
2.5.2 Composites élaborés par le procédé EPI / RMI
2.5.2.1 Flexion 3 points sur composite après RMI Ti(l) puis RMI Si(l)
2.5.2.2 Traction sur composite après RMI Ti(l) puis RMI Si(l)
2.6 Conclusion
3. Elaboration de composites à matrice céramique par la voie Imprégnation Par Electrophorèse / Infiltration Réactive par un Métal à partir de suspensions à base de poudres de TiC
3.1 Contexte
3.2 Mise en suspensions des poudres céramiques nanométriques
3.2.1 Choix du système solvant – dispersant
3.2.2 Traitements acides des poudres
3.2.3 Etude de la stabilité des suspensions de TiC
3.2.4 Comparaison des données expérimentales à la théorie DLVO
3.3 Imprégnation par électrophorèse
3.3.1 Imprégnation des suspensions de TiC et des mélanges TiC- B4C
3.3.2 Influence d’une consolidation par CVI de la préforme avant EPI
3.4 Densification du matériau par RMI
3.4.1 Etude de la matrice Ti3SiC2 / SiC
3.4.1.1 Validation de la réaction : 3 TiC + 2 Si ® Ti3SiC2 + SiC
3.4.1.2 Dureté, tolérance aux dommages et résistance à la propagation de fissure des matrices réalisées
3.4.2 Densification des composites imprégnés par électrophorèse
3.4.2.1 RMI de Si(l)
3.4.2.2 Apport de RMI successives avec Si(l) puis Ti(l) dans la conception de la matrice
3.5 Problèmes rencontrés et comparaison avec le système à base de SiC
3.6 Conclusion
Conclusion Générale

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