Les composés du molybdate
Le molybdène se rencontre, à l’état naturel, principalement dans la molybdénite (MoS2) et dans la wulfénite (PbMoO4) [29]. Il peut être aussi retrouvé dans la nature, dans les minéraux tels que les molybdates de Baryum (BaMoO4), de calcium (CaMoO4) et de sodium (Na2MoO4) [27]. Le molybdène peut former des composés dans lesquels on le trouve à cinq états d’oxydation différents : 2+ ; 3+ ; 4+ ; 5+ et 6+. Cependant, les seuls qui aient de l’importance en ce moment sont ceux où le métal est à son état d’oxydation supérieur [31]. Ces composés occupent une très bonne place en chimie inorganique, dans le domaine industriel et en biochimie [32-36]. Au laboratoire (LACHIMIA), plusieurs composés de ce type ont fait l’objet d’étude [37-43].
Synthèse
Les composés du molybdate sont synthétisés à partir d’une réaction de neutralisation de l’acide molybdique H2MoO4. Nous avons procédé à la neutralisation de l’acide en faisant appel à des bases telles: Me4NOH, Cy2NH, 2CH5N3.CO2 et Pr4NOH. Ces réactions nous permettent de disposer d’un certain nombre de sels contenant les ions molybdate MoO4 2- ou hydrogénomolybdate HMO4- . De tels sels ont fait montre d’une très grande réactivité avec des halogénures métalliques mais aussi et surtout avec les composés organoétains. Ce processus réactionnel nous a permis, aussi bien pour les organoétains que pour les halogénures, de synthétiser trois types de complexes molybdato : des complexes d’addition, des complexes de substitution et des complexes de substitution – addition.
Caractéristiques et toxicité
Les composés du molybdate sont des composés inorganiques contenant l’anion MoO4 2- , l’acide monosubstitué HMoO4- ou des polyoxoanions contenant l’atome molybdène lié à des atomes d’oxygène. Certains d’entre eux tels que le molybdate de sodium dihydraté présentent une toxicité à une certaine teneur dans l’organisme humain ou animal [44]. La toxicité chronique du molybdate chez l’homme et l’animal, peut se résumer comme suit :
➤ Chez l’animal :
L’inhalation de molybdate peut causer une pneumoconiose avec pneumonie interstitielle, une fibrose pulmonaire, une déformation osseuse, un retard de croissance, une protéinurie, une anémie, une diarrhée, des troubles hépatiques fonctionnels, une décoloration des poils et une alopécie [45-50].
➤ Chez l’homme :
Trois cas de pneumoconiose sont étudiés chez des ouvriers exposés au molybdate métal et au trioxyde : syndrome restrictif et opacités linéaires à la radiographie pulmonaire dans une fabrique de pigments, crise de goutte. L’exposition aux poussières de molybdate élève la concentration sérique de céruléoplasmine [51-55].
Applications
Les oxoanions et polyoxoanions du molybdène ont fait l’objet de nombreuses et intéressantes applications dans beaucoup de domaines [56-58]. Des composés molybdato sont utilisés dans le traitement industriel de l’eau comme inhibiteur anodique inoxydable de corrosion et dans l’industrie agricole, comme fertilisant des sols déficients [56-58]. Plusieurs applications aux minéraux, sont aujourd’hui notées dans l’industrie, l’agriculture et la médecine [59]. Au début du XIXe siècle déjà, les travaux de Berzelius avaient révélé l’existence de l’ion dodécamolybdophosphate [PMo12O40]3- [60]. Ce polyoxoanion a fait l’objet de bien d’applications prestigieuses en chimie analytique [60]. Ces polyoxoanions sont d’un grand intérêt, de par leur solubilité indépendante de la nature polaire ou non des solvants. Ils sont également résistants à la chaleur et sont capables de transférer des électrons et des protons. Ces caractéristiques leur confèrent une grande utilité en médecine, en chimie catalytique et dans l’étude des matériaux [61-77].
OUTILS DE CARACTERISATION
Pour caractériser les composés synthétisés, nous avons utilisé les méthodes spectroscopiques. Elles permettent d’étudier les différentes interactions des ondes électromagnétiques (lumière) avec la matière. Pour élucider certaines structures moléculaires, les scientifiques utilisent souvent les spectroscopies IR et Raman dans l’identification de spectres ainsi que des analyses qualitatives, quantitatives et dans le processus de contrôle [78]. Dans ce travail, nous avons fait recours aux spectroscopies infrarouge, Raman, Mössbauer et à la cristallographie pour caractériser les composés synthétisés.
Spectroscopie infrarouge
La spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier est basée sur l’absorption d’un rayonnement infrarouge par le matériau analysé. Elle permet, via la détection des vibrations caractéristiques des liaisons chimiques, d’effectuer l’identification des groupes fonctionnels présents dans le matériau et donc d’avoir la détermination de sa structure.
Historique
Le rayonnement infrarouge est intuitivement perceptible par la simple exposition de la peau à la chaleur émise par une source chaude dans le noir, mais il ne fut prouvé qu’en 1800 par William Herschel [79], un astronome anglais d’origine allemande, au moyen d’une expérience simple : Herschel a eu l’idée de placer un thermomètre à mesure dans le spectre obtenu par un prisme de verre afin de mesurer la chaleur propre à chaque couleur. Le thermomètre indique que la chaleur reçue est la plus forte du coté rouge du spectre, y compris au-delà de la zone de lumière visible, là où il n’y avait plus de lumière. C’était la première expérience montrant que la chaleur pouvait se transmettre indépendamment d’une lumière visible (ce phénomène était parfois appelé à l’époque la chaleur obscure). Il a dans le même temps montré qu’un prisme pouvait dévier un rayon calorique .
Principe
Dans les molécules, les liaisons vibrent à une fréquence bien déterminée qui dépend non seulement des atomes mais aussi de l’environnement de la liaison [80]. Pour une fréquence donnée, ces liaisons rentrent en résonance (l’énergie apportée est alors consommée) : les molécules absorbent et la transmission diminue. Si on représente sur un graphe l’évolution de la transmission en fonction de la fréquence, on observe des variations. Lorsque la longueur d’onde (l’énergie) apportée par le faisceau lumineux est voisine de l’énergie de vibration de la molécule, cette dernière va absorber le rayonnement et on enregistrera une diminution de l’intensité réfléchie ou transmise. L’analyse s’effectue à l’aide d’un spectromètre à transformée de Fourier qui envoie sur l’échantillon un rayonnement infrarouge et mesure les longueurs d’onde auxquelles le matériau absorbe et les intensités de l’absorption. Toutes les vibrations ne donnent pas lieu à une absorption, cela va dépendre aussi de la géométrie de la molécule et en particulier de sa symétrie. Pour une géométrie donnée, on peut déterminer les modes de vibration actifs en infrarouge grâce à la théorie des groupes. La position de ces bandes d’absorption va dépendre en particulier de la différence d’électronégativité des atomes et de leur masse. Par conséquent, à un matériau de composition chimique et de structure donnée va correspondre un ensemble de bandes d’absorption caractéristiques permettant de l’identifier.
Application aux oxoanions
Quand l’anion XO4 nest libre, alors il est de symétrie Td et possède ainsi 4 vibrations fondamentales qui sont : ν1, ν2, ν3, ν4 dont deux de valence (ν1, ν3) et deux de déformation (ν2, ν4), on a Ґvib = 2F2+A+ E pour l’ion libre. Les vibrations ν3 et ν4 d’espèces F2 sont actives en IR et Raman. Lorsque l’oxoanion est coordiné il peut conserver sa symétrie Td ou subir un abaissement de symétrie : on peut obtenir C3v, C2v, Cs ou C1.
➤ Symétrie Td
Si dans une coordination, l’anion est tétra-unidentate ou bichélatant, les oxygènes étant identiquement perturbés, on a une symétrie Td : ν3 et ν4 apparaissent sous forme d’une seule bande et ν1 est absente. L’absence de ν1 est une condition suffisante pour conclure à la présence d’un oxoanion de symétrie Td. Quand il y a un effet de cristal, ν1 peut apparaître sous forme de trace.
➤ C3v
Si les 3 atomes d’oxygène sont équivalents dans un état de coordination c’est-à-dire lorsque l’oxoanion est monodentate, tri-unidentate ou tétra-unidentate avec un oxygène différent des autres, on a une symétrie C3v ; les vibrations d’espèces F s’éclatent en E et A1 toutes deux actives en IR ; ν1devient active en IR. Ainsi ν3 et ν4 apparait chacune sous forme de bandes ν1 et ν2 sous d’une seule bande.
➤ C2v
C’est le cas quand l’oxoanion est bi-unidentate, tétra-unidentate ou monochélatant avec les oxygènes perturbés deux de la même façon : les vibrations d’espèces T2 éclatent en (3) composantes A1, B1 et B2 toutes actives en IR, ν2 éclate en A1 et A2 mais seule A1 est active en IR, ν1 est aussi en IR. ν3 et ν4 apparaissent sous forme de trois bandes en IR, ν1 et ν2 sous forme d’une seule bande.
➤ Cs ou C1
Dans ce cas l’oxoanion a, soit deux atomes d’oxygène perturbés de la même façon (Cs) soit les 4 atomes d’oxygène sont perturbés différemment (C1). Comme dans le cas de la symétrie C2v, ν3 et ν4 apparaissent sous forme de trois bandes, ν2 apparaît dans le Cs ou C1 sous forme de deux bandes. La présence de deux bandes dues à ν2 permet de différencier un oxoanion de symétrie C2v d’un oxoanion de symétrie Cs ou C1.Il n’est pas possible, par spectroscopie IR de différencier un oxoanion de symétrie Cs d’un oxoanion de symétrie C1.
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Table des matières
INTRODUCTION
A) CADRE THEORIQUE
I) Les composés du molybdate
I-1) Synthèse
I-2) Caractéristiques
I-3) Applications
II) Outils de caractérisation
II-1) Spectroscopie infrarouge
II-2) Spectroscopie Raman
II-3) Spectroscopie Mössbauer
II-4) Cristallographie (DRX)
B) CADRE EXPERIMENTAL
I) Instrumentation
II) Synthèse des sels
III) Synthèse des complexes
III-1) Les complexes d’halogénures métalliques
III-2) Les complexes organométalliques
III-2-1) Les complexe organomercurique
III-2-2) Les complexes organoantimoines
III-2-3) Les complexes organostanniques
C) EXPLOITATION DES RESULTATS:
CARACTERISATION DES COMPOSES OBTENUS
I) Caractérisation des sels
II) Caractérisation des complexes
II-1) Complexes d’halogénures métalliques
II-1-1) Complexes d’addition
II-1-2) Complexes de substitution
II-1-3) Complexes de substitution-addition
II-2) Complexes organométalliques
II-2-1) Complexe organomercurique
II-2-2) Complexes organoantinoines
II-2-3) Complexes organostanniques
II-2-3-1) Complexes d’addition
II-2-3-2) Complexes de substitution
II-2-3-3) Complexes de substitution-addition
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE