Les composés phénoliques
Les composés phénoliques sont des composés nombreux et très importants chez les végétaux alors qu’ ils sont peu communs chez les bactéries, les champignons et les algues. Plus de 8 000 molécules appartenant à la classe des composés phénoliques ont été identifiées à ce jour et celles-ci ont des structures énormément diversifiées qui sont souvent uniques à chaque espèce [29, 34]. Au départ, le terme « phénolique » était utilisé pour définir tous les composés naturels cycliques où sont rattaché un ou plusieurs substituants hydroxyles (OH) et qui peuvent posséder également d’ autres groupements fonctionnels. Cependant, cette défmition n’ était pas satisfaisante puisqu’ elle incluait plusieurs molécules qui appartiennent également à une autre classe de composés. Par exemple le gossypol ou l ‘hormone oestrone appartiennent principalement à la classe des terpénoïdes mais leur structure répond aussi à la définition des composés phénoliques.
Ainsi, pour être plus · spécifique, Quideau et al. ont déterminé que les composés phénoliques sont l’ensemble des molécules provenant des voies de biosynthèse des shikamates/phénylpropanoïdes ou acétate/malonate [39] . Ces composés sont divisés en plusieurs sous-groupes en fonction de leur structure de base (voir tableau 1.3). Par exemple, les C6 sont des phénols simples ou des benzoquinones, les C6-Cl sont des acides phénoliques, les C6-Cl-C6 sont des flavonoïdes, les (C6-Cl-C6)n sont des tannins condensés, etc. [29, 40]. Parmi ces sous-groupes, ce sont les tannins condensés (ou proanthocyanidines) qui sont les plus abondants chez les arbres alors que ceux-ci sont généralement absents chez les herbacées.
D’abord, les polymères à base de phénols, tels que les lignines, les subérines ou les tannins condensés, ont principalement un rôle à jouer dans la stabilité et la robustesse de la plante pour la protéger contre les facteurs environnementaux pouvant lui causer des dommages (sécheresse, froid, etc.) [29, 41]. De plus, la plante est capable de synthétiser une multitude de phénols différents en réponse à des stress biotiques et abiotiques qui peuvent être causés par le climat, les pathogènes et autres prédateurs, la non-disponibilité des ressources, etc. Puisque ces facteurs ont généralement pour effet d’augmenter la production de radicaux libres et autres dérivés réactifs de l’oxygène (ROS), la synthèse de composés phénoliques permet de protéger les cellules de la plante contre ces agents nocifs car ceux-ci sont capables de les réduire facilement grâce à leur groupement OH [29, 42].
Ce mécanisme d’action rend les composés phénoliques particulièrement intéressants dans la recherche d’agents antioxydants pour les marchés pharmaceutiques, alimentaires, nutraceutiques ou encore cosméceutiques. Les anthocyanidines sont de bons exemples de flavonoïdes déjà bien connus et recherchés pour leur activité antioxydante.
Outre leur propriété antioxydante, les composés phénoliques ont également d’autres applications pharmacologiques. En effet, ceux-ci agissent comme agents protecteurs en tant que toxines naturelles contre les animaux et autres organismes envahisseurs tel que les herbivores, les nématodes, les insectes, les champignons et les bactéries. Certains gènes associés à la synthèse de ces molécules sont constitutifs, ce qui permet à ces métabolites d’agir comme barrière chimique contre les ennemis dans l’ensemble des cellules de la plante. D’autres sont plutôt exprimés au site de l’ attaque suite à une réponse hypersensible et finalement certains peuvent également être induits en réponse à la production de phytohormones associées à des mécanismes de défense, soit les salicylates et les jasmonates. Puisqu’ ils sont exprimés à distance par rapport au site primaire de l’infection, les composés phénoliques synthétisés devront être transportés dans la plante pour pouvoir ensuite protéger cette dernière contre la propagation de l’ infection et les futures attaques [44-46]. De bons exemples de composés phénoliques ayant ces fonctions sont l’arbutine et le resveratrol.
Les terpénoïdes
Les terpénoïdes (ou isoprénoïdes) représentent le groupe de MS qui possède le plus de composés, soit plus de 40 000 identifiés à ce jour. Dans les plantes, l’ensemble de ces molécules sont de longues chaînes de carbone formées à partir de la fusion d’unités C5, des isopentenyl diphosphate aussi nommés isopentenyl pyrophosphate (IPP). Les IPP peuvent être synthétisés par deux voies métaboliques: la voie du mévalonate (voie MY A) et la voie du méthylérythritol phosphate appelée voie MEP. Les terpénoïdes sont subdivisés en plusieurs sous-classes qui renseignent sur le nombre d’ unités C5 qui composent la structure (voir table 1.3). Par exemple, les structures formées de deux unités CS sont des monoterpènes, celles de trois unités sont des sesquiterpènes et ainsi de suite.
L’énorme variabilité entre les structures des terpénoïdes amène ceux-ci à avoir des fonctions et des applications très variées. Bien que les terpénoïdes soient considérés comme étant des MS, des études sur ces molécules ont révélé que certaines d’entre elles ont un rôle àjouer dans la croissance, le développement et la reproduction des plantes. Par définition, certains terpénoïdes feraient également partie des MP, comme c’est le cas par exemple des pigments photo synthétiques, tels que les caroténoïdes et les chlorophylles, des composés nécessaires à la survie de la plante [33, 49]. D’autres terpénoïdes ont également un rôle à jouer dans la défense de la plante contre les pathogènes et les prédateurs. L’un des mécanismes d’action connus chez les terpénoïdes est leur insertion et leur déplacement à l’ intérieur de la memhrane grâce à leur longue chaîne de carbone lipophile. De cette manière, ils sont capables de causer des fuites d’ions pouvant provoquer la mort cellulaire [43 , 47] . Les terpènes à courte chaîne et à plus faible poids moléculaire sont volatils ce qui leur permet d’avoir un effet à distance. En effet, ces molécules ont pour rôle d’attirer les ennemis des herbivores, soit un autre mécanisme de défense indirect de la plante [48, 50]. Certains terpénoïdes ont aussi d’ autres applications pharmaceutiques comme c’ est le cas pour le camphre, un anti-inflammatoire, et l’artémisine un anti-paludique [33, 43, 51]. Certaines de ces molécules, comme le taxol©, ont même un rôle à jouer dans le traitement et la prévention du cancer [33, 43, 52]. Les terpénoïdes volatils sont aussi des fragrances et des saveurs ce qui les rend pertinents comme additifs dans différents produits tels que la nourriture, les savons, le tabac, les parfums, etc. Finalement, ils ont des propriétés intéressantes dans l’ industrie chimique où on peut les utiliser comme adhésifs, émulsifiants, etc. [33, 43 , 48].
Les composés azotés (alcaloïdes)
La classe des composés azotés comprend une multitude de molécules mais celles-ci sont en grande majorité des alcaloïdes. En effet, il y a un si grand nombre d’ alcaloïdes identifiés actuellement que certains ouvrages les considèrent comme l’une des classes principales au même titre que les composés phénoliques et les terpénoïdes [23, 34]. Ainsi, les travaux présentés vont se concentrer sur ce groupe de molécules uniquement. Par définition, les alcaloïdes sont des molécules formées d’un hétérocycle qui comprend au moins un atome d’ azote. Aussi, un alcaloïde peut être une molécule formée d’un hétérocycle mais dont l’atome d’ azote n’est pas partie intégrante de ce dernier mais est plutôt sur une ramification adjacente. Dans ce cas, ces alcaloïdes sont appelés des « pseudoalcaloïdes » ou « proto alcaloïdes ». Les alcaloïdes sont des dérivés d’ A. A. tels que l’ornithine, l’ arginine, la lysine, la phénylalanine, la tyrosine et le tryptophane [43, 53].
Ces métabolites sont bien connus d’abord puisqu’ il en existe plus de 12 000 différents mais également parce qu’ ils ont initialement occupé une place importante dans la médecine traditionnelle et sont encore aujourd’hui très étudiés pour leurs propriétés pharmacologiques.
Les alcaloïdes sont produits par différents organismes incluant les bactéries, les champignons, les animaux mais surtout par les plantes. Pour les végétaux, les alcaloïdes agissent comme des toxines pour se défendre contre les prédateurs (ex.: herbivores) et les microbes (bactéries et champignons) [23, 43]. Les cibles moléculaires de ces composés sont généralement des neurorécepteurs. Ils interfèrent ainsi dans la signalisation neuronale [43, 54]. Certains alcaloïdes sont aussi des agents mutagènes qui peuvent effectuer une intercalation ou une alkylation dans l’ADN. Plusieurs d’entre eux sont capables d’interférer avec l’ADN, les télomères, les télomérases, les topoisomérases, le cytosquelette ou la biosynthèse des protéines qui induisent l’apoptose [55-57].
Finalement, une certaine partie des alcaloïdes lipophiles sont les substrats des transporteurs ABC (ATP binding cassette transporters), des protéines souvent surexprimées dans les cellules cancéreuses, les parasites et les microbes [58, 59]. Pour ces raisons, plusieurs alcaloïdes sont déjà reconnus pour être de bons agents thérapeutiques. Par exemple, la camptothécine possède des propriétés anticancéreuses, la berberine possède une activité antimicrobienne alors que les ~-carbolines sont de bons agents antiparasitaires [43, 53, 60, 61].
Les composés glycosylés
Il n’est pas rare de retrouver dans les plantes un bon nombre de MS reliés chacun à un ou plusieurs sucres de manière covalente. En effet, il existe plusieurs processus de conjugaison des MS chez les végétaux. Le plus répandu est la glycosylation qui est l’ajout d’un sucre sur un substrat, comme un MS ou une protéine, par une glycosyltransférase.
Ce sucre peut être transféré sur un groupement hydroxyle, sulfhydryle, amme ou carboxyle de l’ accepteur [62]. Ces conjugaisons ont pour effet de changer les propriétés chimiques de base du substrat afin de lui fournir une nouvelle bioactivité, une nouvelle mobilité subcellulaire, une meilleure stabilité, ainsi qu’une modification de sa compartimentation. Ces modifications ont un rôle indirect dans les mécanismes de défense et de réponse à un stress [62-64]. Les mécanismes de glycosylation sont très diversifiés et plusieurs glycoformes d’un même substrat peuvent coexister. Par exemple, le flavonol quercétineexiste sous environ 300 formes différentes de glycoside.
Le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides)
Généralités
Les peupliers sont des feuillus très abondants au Canada et plus particulièrement dans les forêts boréales. Parmi les 13 espèces de peuplier identifiées sur le territoire, le PFT est la plus répandue en Amérique du Nord. Au Canada, cet arbre s’étend de la NouvelleÉcosse et le Labrador jusqu’en Colombie Britannique et il est également présent au Yukon (voir Figure 1.5) [2, 66]. C’ est un arbre qui a la capacité de croître rapidement puisqu’ il s’adapte facilement aux différents climats de l’Amérique du Nord et aussi aux différents types de sols. Le PFT mesure en moyenne entre 16 et 25 mètres et peut atteindre jusqu’à 35 mètres. Ces caractéristiques lui confèrent un intérêt important dans l’industrie du bois depuis les dernières années, en particulier au Québec où il occupe le premier rang parmi les feuillus les plus commercialisés [2, 66] . Aussi, grâce à sa régénération rapide, le PFT joue un rôle important dans la reboisement du territoire après les perturbations des écosystèmes, où il contribue en tant que source de nourriture et en tant qu’ habitat pour différentes espèces animales. En effet, cet arbre a pour rôle de réduire le vent qui représente un stress thermique pouvant affecter les animaux. Son système racinaire peu profond et très étendu lui permet d’être utile dans les bandes riveraines afin de rendre les berges immobiles, diminuer l’érosion et conserver la quantité d’eau stable [66, 67].
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Table des matières
REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES ACRONyMES
LISTE DES SYMBOLES
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1 L’industrie forestière québécoise
1.1.1 Contexte actuel
1.1 .2 Le bioraffinage
1.2 Les métabolites spécialisés d’origine végétale
1.2.1 Généralités
1.2.2 Les composés phénoliques
1.2.3 Les terpénoïdes
1.2.4 Les composés azotés (alcaloïdes)
1.2.5 Les composés glycosylés
1.3 Le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides)
1.3 .1 Généralités
1.3.2 Le PFT dans l’ industrie forestière québécoise
1.3 .3 La composition chimique et les activités biologiques du PFT
1.4 Les antimicrobiens naturels
1.4.1 1.4.1 Définitions et généralités
1.4.2 Problématiques actuelles liées aux antimicrobiens
1.4.3 Les mécanismes d’ action des antimicrobiens
1.5 Objectifs de recherche et hypothèses
CHAPITRE II
CRIBLAGE PHYTOCIDMIQUE DES EXTRAITS DE PEUPLIER FAUXTREMBLE (POPULUS TREMULOIDES) PAR UPLC-QTOF -MS ET ÉVALUATION DE LEUR ACTIVITÉ ANTIMICROBIENNE
2.1 Contribution des auteurs
2.2 Résumé de l’article
2.3 Article scientifique
Abstract
Introduction
Experimental
Plant material
Microbial strains
Determination of barks composition and extractives yield per fraction Slze
Extractives yield according to molecules polarity
Thin layer chromatography method (TLC)
Antimicrobial activity test by broth microdilution method
UPLC-QTOF-MS method
Statistical analysis
Results
Determination of barks composition and extractives yield per fraction Slze
Extractives yield according to molecules polarity
Thin Layer Chromatography (TLC) results
Antimicrobial results
UPLC-QTOF-MS characterization results Discussion
Composition and extraction yield evaluation
Antimicrobial activity
Chemical characterization
Conclusion
Acknowledgments
References
Figures legends
Tables
Supplementary data
CHAPITRE III
DISCUSSION
3.1 Retour sur la problématique et les résultats
3.2 Limites et perspectives
3.3 Conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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