Depuis le début de la crise sanitaire qui frappe de plein fouet toutes les sphères de la vie courante, notamment le milieu de l’éducation, nous pouvons remarquer des différences de comportements communicationnels entre les individus. Effectivement, le confinement conduisant à la fermeture des écoles, collèges et lycées le 16 mars 2020 a été le terrain d’interactions à distance ou différées entre élèves enseignants à travers des vidéo-conférences ou des capsules vidéos. De surcroît, bien que les élèves aient retrouvé les salles de classes depuis le 11 mai 2020 pour les plus jeunes, les interactions entre les élèves et les enseignants ont dû être modifiées pour correspondre au cadre imposé par les contraintes sanitaires. La communication entre élèves et professeurs a ainsi été largement impactée par les restrictions, imposant aux individus le port du masque et rendant impossibles les contacts physiques. Ceci rendant, par conséquent, difficile la communication verbale des professeurs à travers le masque et non verbale par l’interdiction du guidage tactile en EPS de l’enseignant sur l’élève.
Le site réalisé par Roche et Gal-Petitfaux sur la supervision et le guidage des élèves, publié par l’UV2S souligne “l’importance du langage corporel pour guider les élèves dans l’action”. En effet, il existe de multiples types de communication non-verbale ( démonstrations, attitudes, signaux sonores etc.. ). A travers ces modalités de communication, le corps va intervenir comme outil clef dans la façon d’enseigner, d’autant plus en EPS puisque l’on parle de mise en scène du corps du professeur (Burel & Andrieu 2014). Pour étayer notre propos, nous pouvons prendre l’exemple du sourire. Le sourire d’un enseignant peut rassurer, engager, ou non un élève dans la pratique physique et sportive d’où la complexité de communication induite par le contexte actuel. Cela traduit une “mise en scène corporelle de l’enseignant où ses communications gestuelles, comme posturales, sont au service de l’efficacité de son enseignement” (Boizumault & Cogérino, 2010, 2015 ; Brun-Bezombes & Gal Petitfaux, 2006). Les comportements communicationnels non verbaux peuvent par exemple permettre d’intervenir à distance ou d’attirer l’attention de quelques élèves sans déranger les autres selon Trottier (2012). Par conséquent, les comportements communicationnels variables de l’enseignant(e) d’EPS jouent un rôle important pour aider les élèves à apprendre. En effet, Gal Petitfaux renseigne que “l’enseignant transmet la majorité de ses feedbacks (de 70% à 95%) par le canal verbal (Carlier, Renard & Swalus, 1991 ; Cloes & al., 1988)”.
Au sein de l’écosystème “classe” considéré comme un “lieu d’interaction entre enseignant et élèves, où l’ensemble des règles et des artefacts symboliques utilisés font l’objet d’échange et transactions (souvent linguistique) au cours desquels les acteurs co-construisent le sens des situations vécues” (Bertone, Méard, Euzet, Durand, Gal-Petitfaux, 2002) ont donc lieu des transactions. Ces transactions, “définies par l’ensemble des interactions et des négociations qui ont lieu en classe entre un enseignant et ses élèves”(Bertone, Méard, Euzet, Durand, Gal-Petitfaux, 2002), dépendent d’actions physiques et d’actes de langage (selon la distinction de Austin (1962) ). Les actions physiques correspondent à la gestuelle non verbale de l’enseignant, à sa mise en scène corporelle dans l’espace classe tandis que les actes de langages renvoient aux “productions langagières situées qui sont les unités minimales de base de la communication linguistique” selon Searle en 1972 cité par Bertone et al. (2002). Ces actes de langages se catégorisent selon Austin (1962) en actes d’énonciations (ou de locution), en actes intentionnels (ou d’illocution) et en actes dirigés vers autrui (ou de perlocution). Ce sont ces procédés que nous tenterons d’analyser afin de mettre en parallèle les réactions des élèves face à ces actes de langages et ces gestuelles corporelles variables. Afin de rendre compte de la réaction des élèves face aux comportements communicationnels de l’enseignant nous nous sommes inscrites dans le courant de l’approche située initiée par Theureau (2004) à travers l’approche du cours d’action et poursuivi par Saury et al. (2013) dans “Actions, significations et apprentissages en EPS”. Ainsi nous avons pu accéder à l’expérience vécue par les élèves dans une situation donnée et surtout en réaction aux actions physiques et langagières de l’enseignant. Cet accès au monde propre de l’élève s’est fait par le biais d’un “observatoire” de l’activité et de l’expérience des élèves sur le terrain (Theureau, 2006). Cet observatoire est un questionnement visant à faire décrire l’action en cours du point de vue de l’élève afin d’aider l’élève à se « remettre en situation» et à raconter, mimer, commenter, ce qu’il vient de vivre.
Communication non verbale au service du verbal
Les comportements communicationnels ont été étudiés par de nombreux auteurs et vont nous permettre d’illustrer nos propos et notre analyse. Boizumault et Cogérino (2012) mettent en lumière que ces communications non-verbales viennent étayer positivement la communication verbale si cette dernière est appropriée ou à l’inverse venir la décrédibiliser si elle est inappropriée. En effet, cette communication non verbale représente un élément central de la compréhension de l’élève. Merhabian (1981), montre d’ailleurs que cette compréhension du message passé par l’enseignant passe à 55% par le non verbal (contre 7% pour les mots et 38% via l’intonation de la voix).
Communication non verbale au service de l’engagement ou non des élèves
Les comportements communicationnels non verbaux des enseignants sont variables, ils dépendent de leur vécu personnel ou professionnel. Ils peuvent favoriser l’engagement ou a contrario entraîner le désengagement des élèves au vu de leurs aspirations, leurs personnalités… Comme dit plus haut, si ces comportements non verbaux sont adaptés, alors ils augmentent la motivation des élèves et leur apprentissage (Cristophel 1990). A travers, les différents outils permettant de lire les actes locutoires et corporels de l’enseignant, nous avons interrogé ce lien et nous avons analysé quelles communications permettent un engagement positif et lesquelles entraînent un engagement négatif de la part des élèves. La classification faite par Barrière-Boizumault et Cogérino en 2012, permet d’analyser finement la communication non verbale propre aux enseignements scolaires. Pourront être observés : des gestes quasi-linguistiques, symboliques ou emblèmes, des co-verbaux et des gestes synchronisateurs. Cette étude de la CNV est d’autant plus intéressante en EPS que l’enseignant met à voir son corps plus que dans les autres disciplines. De plus, il agit dans un vaste espace intérieur et parfois extérieur, qui nécessite de recourir plus au non-verbal plutôt qu’au verbal qui implique de pousser la voix et créer une pollution sonore.
Communication tactile et faciale
L’article de Boizumault et Cogérino (2013) révèle que la communication tactile permet une “compréhension plus rapide et plus efficace du message” ( p. 8 ). Néanmoins, le toucher représente un sujet difficile à aborder pour les enseignants d’EPS. Les enseignants disent ne pas l’utiliser alors qu’à l’issue des entretiens les auteures ont pu mettre en avant qu’il y avait ce fort décalage entre ce qu’ils pensaient mettre en place et la réalité du terrain. L’analyse extérieure de cette CNV est donc intéressante. De plus, des éléments faciaux (Genevois, 1992) comme le sourire ou le regard sont des sources de motivation et d’engagement chez les élèves. Cet engagement peut être variable selon le type d’élève. Un élève A peut être motivé par le sourire de l’enseignant(e) d’EPS alors qu’un élève B peut ressentir de la pitié et être vexé. “Ces expressions faciales sont utilisées au gré des situations mais celles positives permettent de créer un climat de classe propice au travail. Cependant, certains disent ne jamais sourire ou très rarement (Gilles) car cette action ne vient pas naturellement.” (Boizumault & Cogérino, 2013) .
Néanmoins, les contraintes imposées par le contexte actuel (Covid 19) rendent difficile la communication faciale.
Communication non-verbale : un gain de temps !
Cette communication gestuelle permet un gain de temps surtout dans la gestion de la classe. C’est pour cela que beaucoup d’enseignants mettent en place des routines non verbales (Florence, Brunelle & Carlier, 1998). Elle peut être déclinée en trois fonctions (Boizumault & Cogérino, 2010). La première étant la fonction technique où le CNV sert de régulation avec pour but de modifier et optimiser les conduites motrices. Deuxièmement, la fonction relationnelle qui engage le professeur “par son attitude, dans une relation individualisée avec l’élève”. Pour terminer, la fonction « instrumentale » permet d’”accompagner le déplacement de l’élève vers le lieu indiqué” ou bien encore “canaliser physiquement un élève afin d’éviter tout débordement” ( Boizumault & Cogérino, 2015).
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Table des matières
Introduction
1. Revue de littérature
2. Cadre théorique
3. Méthode de recherche
4. Résultats
5. Discussion
Conclusion
Nuance
Bibliographie
Annexes