Les complications embryonnaires, fœtales et néonatales

Le métabolisme du glucose pendant la grossesse

Les besoins énergétiques du fœtus sont en majorité assurés par le glucose et les acides aminés dont le passage transplacentaire se fait par diffusion, mais le principal substrat énergétique du foetus est le glucose et son apport doit être continu afin d’assurer son bon développement. Ceci est possible grâce à l’action de plusieurs hormones (oestradiol, progestérone, hormone lactogène, cortisol, leptine, prolactine), sur la modification du métabolisme glucosé tout au long de la grossesse [6], [7]. Au cours du 1er trimestre, l’hyperoestrogénie et l’hyperprogesteronémie entraînent une hyperplasie des cellules β de Langerhans et donc, un hyperinsulinisme avec exagération des phases d’anabolisme au moment où les besoins embryonnaires sont encore faibles. L’hormone lactogène placentaire secrété par le placenta à partir de la 17-20ème SA au moment où les besoins foetaux sont de plus en plus importants. Cette hormone induit une insulino-résistance maternelle, les apports en glucose sont alors dirigés vers le foetus et la mère utilise les graisses stockées au cours du 1èr trimestre. Cette insulino-résistance est normalement compensée par une augmentation adaptée de la sécrétion pancréatique de l’insuline. La conjugaison de ces deux phénomènes, l’insulinorésistance et l’hyperinsulinisme compensatoire, aboutit à maintenir la tolérance au glucose dans les limites de la normale, bien que légèrement moins bonne que chez la femme non enceinte, tout en garantissant au foetus des substrats énergétiques suffisants [8].

Epidémiologie: La prévalence de la grossesse diabétique est très diversement appréciée dans la littérature, elle varie de 0,1% à 2% selon les auteurs [19], [20], [21]. Son incidence est augmentée dans certains groupes ethniques essentiellement asiatiques, sa fréquence est estimée entre 1 et 2% des grossesses dans la population caucasienne et 0,4% au Royaume Uni [22]. Dans la littérature le diabète pré gestationnel est retrouvé chez 0,1 à 0,2% des femmes enceintes et ne représente que 10% des grossesses diabétiques, Il s’agit dans 75% des cas de diabète type 1[23]. Nous avons recruté dans notre étude 18394 femmes enceintes (CHU Mohammed VI Marrakech) entre Juin 2011 et décembre 2012, dont 0,45% étaient diabétiques, la fréquence du diabète pré-gestationnel dans notre série est de 0,3%, mais on note la prédominance du diabète type 2 (60%) par rapport au diabète type 1 (34,28%), contrairement à ce qui était décrit dans la littérature. La prévalence du diabète gestationnel et celle du diabète de type 2 sont étroitement liées entre elles. Il existe une grande fluctuation de prévalence dans le monde, allant de 1 à 14% selon les études.

Ces fluctuations sont surtout expliquées par la diversité des stratégies et des méthodes de dépistage utilisées [22]. En effet, la prévalence du DG varie de 2 à 7% en France et de 1,6% à 7,3% aux USA. En Australie, Yue et al. observent une prévalence de 7% à partir d’une base de données hospitalières, mais des différences importantes selon l’ethnie: 3% en cas d’origine caucasienne, 7% en cas d’origine arabe, 10% en cas d’origine viétnamienne, 15% en cas d’origine chinoise et 17% en cas d’origine indienne. En Suisse, la fréquence du diabète gestationnel est de 10,2%. Elle est de 1,2% en Suède et 2% au Danemark [19], [24]. Dans notre étude, la prévalence du diabète gestationnel est de 0,15%. Ce chiffre est inférieur aux données de la littérature, mais il ne reflète pas réellement la prévalence du diabète gestationnel, du fait que la majorité des femmes enceintes dans notre étude ne sont pas suivies en consultation prénatale, et que le dépistage du diabète gestationnel est rarement prescrit par les médecins généralistes qui sont la première destination des femmes enceintes. (Tableau XIV)

Le médecin traitant (diabétologue ou obstétricien) doit informer la patiente des problèmes liés à la survenue d’une grossesse en cas de mauvais contrôle glycémique et des moyens qui permettent le déroulement satisfaisant de celle-ci [24]. Il est habituel de conseiller une période d’optimisation de trois mois avant « d’autoriser » la grossesse si les objectifs glycémiques sont atteints. Cependant ces derniers doivent être précisés à la patiente et se rapprocher autant que possible des valeurs normales de la glycémie au cours de la grossesse [42], [43]. Lahlou H [28] et Vidal-trécan T et ses collégues [44] ont trouvé une moyenne de GAJ de 1,93 et 0,93 g/L respectivement. Dans notre série la moyenne de la GAJ réalisée avant la grossesse était de 1,65 g/L. (Tableau XX) L’hémoglobine glyquée (HbA1c), est l’outil majeur d’évaluation de l’équilibre glycémique. C’est une hémoglobine A qui a fixé du glucose selon le processus normal, continu et irréversible de la glycosylation, son dosage est fiable. Il renseigne sur l’évolution de la glycémie du sujet au cours des trois derniers mois (contrairement à la glycémie capillaire par exemple qui indique la glycémie à un instant t). Sa valeur normale est inférieure à 6% pour une personne non diabétique [45].

Par ailleurs le niveau d’HbA1c le plus bas possible est souhaitable en sachant qu’il n’est pas possible d’obtenir une HbA1c normale chez toutes les femmes et qu’une attitude trop rigide peut conduire au découragement et à une grossesse commencée dans de mauvaises conditions [46], [47]. Floriot M et al [48] a mené une étude monocentrique rétrospective incluant de façon consécutive 77 femmes enceintes et diabétiques, floriot a trouvé que la moyenne de l’HbA1c chez sa population d’étude est de 7,08%, ce pourcentage est proche de celui obtenu par Liorca V et ses collégues [49] chez qui la valeur moyenne de l’HbA1c est de 7,7%. L’étude prospective faite par Chermat R [50] en Algérie a montré que la moyenne de l’HbA1c est de 8,38%. La valeur moyenne de l’HbA1c chez notre population d’étude est de 7,20% ce qui concorde avec les valeurs obtenues par Floriot M et al et Liorca V et al [48], [49]. (Tableau XXI) Dans notre étude, le taux des femmes diabètiques ayant un statut glycémique équilibré avant la grossesse était de 31%, contrairement à l’étude faite par Lahlou H [28] chez qui le taux du diabète équilibré ne constitue que 12,9%. (Tableau XXII)

Facteurs de risque: Il existe une grande variabilité dans la définition des facteurs de risque de DG dépendant de la volonté d’effectuer un dépistage large ou ciblé [19]. Ils permettent de différencier un risque fort, moyen et faible [37]. Les facteurs habituellement retenus sont l’âge supérieur à 30 ans (25 ans pour certains) [22], le surpoids et l’obésité avec un indice de masse corporelle (IMC) avant la grossesse supérieur à 25 Kg/m2[62], l’origine ethnique hispanique, africaine ou asiatique, les antécédents familiaux de diabète, les antécédents personnels de DG, de mort foetale ou périnatale ou avortements, de malformations congénitales, de macrosomie ou de prééclampsie. Lors d’une grossesse antérieure, on note également parmi les facteurs de risque les plus constamment évoqués l’apparition d’une prééclampsie, d’hydramnios ou de glycosurie, ainsi qu’une prise de poids excessive durant la grossesse en cours, ce dernier facteur est actuellement remis en question par le CNGOF [63]. Le syndrome des ovaires polykystiques par le biais de l’insulino-résistance, constituerait un facteur de risque souvent méconnu. D’autres facteurs ont été plus rarement cités, notamment la multiparité supérieure ou égale à 3 et le bas niveau socio-économique [28], mais lors de son dernier rapport, le CNGOF a conclu que ces caractéristiques ne semblent pas être des facteurs de risque indépendants de DG [63].

L’étude faite par Lahlou H [28] a rapporté que l’âge chez 70,5% des femmes était supérieur à 30ans, 81,8 % avaient un IMC≥25 Kg/m2, 47,5% des femmes avaient un antécédent de diabète familial, 3,7% présentaient un diabète dans leurs grossesses antérieures, et un pourcentage de 33,3% des femmes ayant un antecedent de fausses couches et de macrosomie et 24,1% avaient un antécédent de MFIU. L’étude menée par Traore A et al [32] réalisée à Bamako et qui a exploité 100 femmes enceintes et diabétiques, a objectivé chez 41,4% un antécédent de fausses couches, 32,8% des femmes ont présenté un antécédent de MFIU et un antécédent de macrosomie était présent chez 25,7%. Mimouni S [64] a fait une étude rétrospective qui a montré chez la population exploitée, une moyenne d’âge de 34,5 ans, dont 76,6% était supérieur à 30ans, 52,8% des femmes avaient un IMC≥25 Kg/m2, l’antécédent familial de diabète était present chez 58%, 30% des femmes avaient un antécédent de fausses couches, un antécédent de MFIU était objective chez 17% et les grossesses antérieures de 32,7% des femmes étaient compliquées de macrosomie.

Dans notre série 26% des femmes ayant un DG présentaient des facteurs de risque, on a rapporté que l’âge chez 73,33% des femmes était supérieur à 30ans, 46,66% avaient un IMC≥25 Kg/m2, 66,66% des femmes avaient un antécédent de diabète familial, 13,33% des femmes avaient un antécédent de diabète gestationnel et un pourcentage de 46,66% des femmes qui avaient une notion de macrosomie, de MFIU et de fausses couches dans leurs grossesses antérieures, nos résultats concordent avec les résultats de la majorité des séries. (Tableau XXIX) En revanche, il parait que l’âge inférieur à 25 ans avec un poids normal avant la grossesse (IMC < 25 kg/m2), l’appartenance à une ethnie de type caucasien, l’absence de trouble antérieur de l’homéostasie du glucose et d’antécédents obstétricaux, ainsi que l’absence de diabète dans la famille, représentent des facteurs plutôt protecteurs. Cependant, un nombre considérable des femmes avec un diabète gestationnel confirmé ne présentent pas de facteurs de risque. Ce qui interpelle et démontre à l’évidence que les facteurs de risque ne sont pas tous connus à l’heure actuelle [19].

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Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. La population d’étude
1. Les critères d’inclusion
2. les critères d’exclusion
II. La fiche d’exploitation
III. L’objectif de l’étude
IV. Les difficultés de l’étude
RESULTATS
I. Les données épidémiologiques
1. La fréquence
2. Les caractéristiques des patientes
II. Diabète préalable à la grossesse
1. La consultation préconceptionnelle
2. Les caractéristiques du DPG
III. Diabète gestationnel
1. Les facteurs de risque
2. Les modalités du dépistage
3. Les méthodes du diagnostic
IV. Le déroulement de la grossesse
1. Surveillance et prise en charge diabétologique
2. Suivi et surveillance obstétricale
V. L’accouchement
1. Le terme de l’accouchement
2. L’évolution du travail
3. Les modalités de l’accouchement
VI. Le nouveau né
1. Le sexe
2. Le poids de naissance
3. L’état des nouveaux nés vivants à la naissance (score d’Apgar)
VII. La morbidité materno-foetale
1. Les complications maternelles
2. Les complications embryonnaires, foetales et néonatales
VIII. Les suites de couches
1. les complications du post-partum
2. L’allaitement
3. La contraception
4. le dépistage post-natale du diabète
DISCUSSION
I. Rappels
1. Définition
2. Classification
3. Physiopathologie
4. Présentation clinique
II. Epidémiologie
III. Caractéristiques des patientes
1. L’âge maternel
2. Parité
3. Contraception
4. Surpoids et obésité maternels
IV. Diabète prégestationnel
1. Programmation de la grossesse
2. Prise en charge préconceptionnelle
3. Caractérisitiques du DPG
4. Evaluation du risque médical de la grossesse
V. Diabète gestationnel
1. Facteurs de risque
2. Modalités du dépistage
3. Critères diagnostiques
VI. Surveillance et prise en charge diabétologue
1. Le traitement antidiabétique
2.L’équilibre glycémique pendant la grossesse
VII. Surveillance obstétricale
1. Suivi obstétrical
2. Surveillance obstétricale pendant la grossesse
3. Corticothérapie
4. La surveillance obstétricale pendant le travail
VIII. Accouchement
1. Terme de l’accouchement
2. Voie d’accouchement
3. Equilibre glycémique pendant l’accouchement
4. Analgésie et anesthésie du travail et de l’accouchement
5. Morbidité à l’accouchement
IX. Les complications materno-foatales
1. Morbidité maternelle
2. Complications embryonnaires, foetales et néonatales
3. Complications à long terme
X. LE POST-PARTUM
1. Suivi et dépistage
2. Allaitement
3. Contraception
XI. Synthèse du dépistage et diagnostic du diabète gestationnel
CONCLUSION
ANNEXE
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE

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