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Les complications du traitement chirurgical de l’endométriose digestive
Le traitement chirurgical de l’endométriose digestive peut être responsable de complications post-opératoires précoces comme un abcès profond, un hémopéritoine, une péritonite ou un lâchage de suture anastomotique (Abo et al. 2018). Mais il en est une des plus redoutée : la fistule recto-vaginale. En effet, sa réparation requiert souvent plusieurs interventions chirurgicales complexes et impacte sur la qualité de vie des patientes.
Le taux de fistules recto-vaginales suite à un traitement d’une endométriose digestive est de 2 à 18% en fonction des études (Meuleman et al. 2011, Roman et al. 2017b, Belghiti et al. 2014, Donnez et al. 2017). L’incidence est variable en fonction de la technique d’exérèse du nodule digestif utilisée, avec un risque accru en cas de résection segmentaire colorectale et d’exérèse discoïde (Figure 5). Le shaving rectal est la technique qui expose à un moindre risque de développer une fistule recto-vaginale, ce qui s’explique par l’absence de suture digestive lors de sa réalisation. Par ailleurs, en cas de résection concomitante d’un nodule vaginal avec nécessité d’une ouverture puis suture du vagin, le risque de fistule recto-vaginale est augmenté (Kondo et al. 2011). Lorsque l’atteinte digestive est plurifocale et qu’un deuxième geste digestif doit être pratiqué dans le même temps chirurgical, la présence de deux sutures digestives à proximité rend le risque de fistule plus important (Kondo et al. 2011, Millochau et al. 2018). Enfin, la localisation basse d’une suture rectale est identifiée comme un facteur de risque de fistule recto-vaginale (Fanfani et al. 2010, Roman et al. 2017b).
Le lâchage de suture anastomotique est également une complication potentiellement grave, nécessitant une reprise chirurgicale en urgence. En effet, le lâchage produit un écoulement massif du contenu digestif dans la cavité péritonéale, responsable d’une péritonite fécale. Si la fuite reste minime et localisée, elle peut être responsable d’un abcès pelvien profond, lui-même pouvant ensuite favoriser l’apparition d’une fistule recto-vaginale. Le lâchage complique principalement les résections segmentaires, avec un taux de 0,8% à 3% des femmes prises en charge pour une endométriose digestive par cette technique (Meuleman et al. 2011, Belghiti et al. 2014, Roman et al. 2017a). Plus la lésion à réséquer est bas située, plus le risque de lâchage post-opératoire est élevé (Minelli et al. 2009). Après une résection du bas rectum pour cancer rectal, cette complication a été reportée dans 5 à 20% des cas, avec un risque associé de mortalité post-opératoire de 6 à 22%, une morbidité augmentée, ainsi que la durée d’hospitalisation (Shiomi et al. 2015).
Afin de réduire le risque de fistule recto-vaginale et de lâchage anastomotique ainsi que les complications qui en découlent, les chirurgiens digestifs réalisent parfois une stomie de décharge (Loriau et al. 2018).
Stomies digestives : généralités
Une stomie digestive consiste en l’ouverture chirurgicale de la lumière d’un segment de tube digestif au niveau de l’abdomen, de manière temporaire ou définitive. Le but d’une stomie peut être de drainer en amont d’une anse intestinale en occlusion, de suppléer l’alimentation (gastrostomie par exemple), ou de protéger une anastomose digestive en dérivant transitoirement le flux intestinal, comme c’est le cas dans notre étude.
En chirurgie viscérale, les stomies de protection sont utilisées dans des cas spécifiques qui dépendent de certains facteurs :
-le type d’intervention chirurgicale : localisation basse de l’anastomose digestive, résection complète du mésorectum, pelvis étroit, imperfections de l’anastomose ou si celle-ci est sous tension (Loriau et al. 2018),
-les caractéristiques des patients : mauvais état général, tabagisme, radiothérapie pelvienne ou un traitement par corticoïdes (Güenaga et al. 2007).
La dérivation des selles par une stomie réduit les conséquences d’un lâchage de suture anastomotique en évitant le passage des matières fécales par la zone d’anastomose (Güenaga et al. 2007, Lefebure et al. 2008). Une méta-analyse de 13 études montre qu’une stomie de protection après une résection du bas rectum pour cancer réduit le taux de lâchage de suture anastomotique, ses conséquences et le nombre de reprise chirurgicale pour lâchage (Gu et al. 2015). La réalisation d’une stomie est donc recommandée dans cette situation. Cependant, le rôle de la stomie de protection a été un sujet de controverse pendant plusieurs années. Dans de précédentes publications, les taux de lâchage et de réopération étaient similaires chez les patients ayant une stomie et chez ceux n’en ayant pas (Gastinger et al. 2005). De plus, la création d’une stomie et sa fermeture sont associées à une morbidité non négligeable, mais bien inférieure comparée à une réopération pour lâchage de suture anastomotique en l’absence de stomie (Gu et al. 2015). Une stomie permettrait également de diminuer le taux de fistule recto-vaginale et d’abcès profond après traitement chirurgical d’un cancer rectal (Matthiensen et al. 2007).
Techniques chirurgicales des stomies digestives
La localisation de la stomie, dans le cas idéal, doit être repérée en pré-opératoire par un stomathérapeute en position allongée, assise et debout afin de repérer les plis de la paroi abdominale qui pourraient gêner l’appareillage. Elle doit être placée à distance d’une cicatrice, des reliefs osseux et d’éventuels drainages (Image 2).
La colostomie latérale sur baguette
La voie d’abord peut être iliaque gauche, transverse gauche ou transverse droite. Classiquement, une colostomie iliaque gauche se situe en fosse iliaque gauche sur une ligne joignant l’épine iliaque antéro-supérieure à l’ombilic, à la hauteur du croisement de cette ligne avec le bord latéral du muscle grand droit (Figure 6).
La colostomie latérale est confectionnée sur un segment mobile du côlon c’est-à-dire le côlon sigmoïde et le côlon transverse, à travers les muscles larges de la paroi abdominale antérieure.
La peau du site choisi pour la colostomie est soulevée par une pince Kocher (Image 3). On réalise une incision cutanée circulaire de 2 cm de diamètre au bistouri (Image 4).
Le tissu sous-cutané est disséqué jusqu’à atteindre l’aponévrose antérieure du grand droit. Celle-ci est incisée longitudinalement ou en croix. Les fibres musculaires sont dissociées sans section ou refoulées en dedans, jusqu’à atteindre l’aponévrose postérieure en prenant garde de ne pas blesser le pédicule épigastrique (Image 5). Enfin, le plan postérieur et le péritoine sont incisés permettant l’accès à la cavité péritonéale. L’orifice ainsi créé doit accepter au minimum deux doigts.
En cas de stomie sur le sigmoïde, un décollement colopariétal pour faciliter l’extériorisation peut être nécessaire. En cas de colostomie transverse, le grand épiploon et le ligament gastrocolique sont libérés de leurs attaches coliques en regard de la future colostomie. Le côlon est ascensionné dans l’incision pariétale abdominale à l’aide d’un lacs glissé à travers son méso entre deux arcades vasculaires (Figure 7) ou d’une pince atraumatique (Image 6). Il est ensuite dépouillé de ses franges épiploïques sur 2 à 3 cm de part et d’autre.
Une baguette est glissée dans la boucle colique et sera placée en pré-cutané (Images 7 et 8).
Le côlon ainsi extériorisé est ouvert en fin d’intervention au bistouri à lame. L’ouverture se fait soit par colostomie longitudinale (l’anse afférente étant plus incisée que l’anse efférente dans les proportions deux tiers/un tiers), soit par colostomie transversale au sommet de la boucle (Figures 8). Les bords de la stomie sont ensuite solidarisés à la peau par des points séparés (Image 9).
La stomie sera aussitôt appareillée à l’aide d’une poche transparente, permettant la surveillance locale. La baguette est retirée entre le 7e et le 10e jour post-opératoire lorsque les adhérences sont suffisamment solides pour éviter les rétractions.
Variantes : L’ouverture de la colostomie latérale peut être immédiate ou différée de quelques heures, notamment en cas d’occlusion, pour permettre la formation d’adhérences susceptibles de colmater le trajet transpariétal et d’éviter la contamination de la paroi.
La baguette transmésocolique peut être placée en situation sous-cutanée, c’est-à-dire totalement incluse dans la graisse sous-cutanée. L’avantage de ce système est de permettre un affrontement muco-cutané et de faciliter la mise en place de la poche collectrice. Dix jours plus tard, la baguette est retirée par une courte incision effectuée sous anesthésie locale.
Technique laparoscopique : Le segment de côlon destiné à la colostomie est repéré et mobilisé à l’aide d’une pince non traumatique ou d’un lacs glissé dans une fenêtre transmésocolique. On s’assure qu’il est suffisamment mobilisable pour monter au niveau de la zone choisie pour son extériorisation. La peau, l’aponévrose, les muscles, le péritoine sont ouverts de la même manière que décrit précédemment. La portion de côlon est amenée par la pince ou par le lacs jusqu’à la zone d’ouverture pariétale. Par traction douce, le côlon peut être extériorisé (Figure 9). La baguette est mise en place et le côlon obture totalement l’orifice cutané et le pneumopéritoine peut être rétabli. Une nouvelle inspection de la cavité abdominale est possible permettant de s’assurer qu’il n’existe pas de torsion du côlon ou de traction. Après exsufflation et fermeture des trous de trocarts, le côlon est ouvert comme décrit précédemment.
L’iléostomie latérale
La localisation de l’iléostomie est généralement dans le quadrant inférieur droit de l’abdomen. La stomie est classiquement transrectale (au travers du muscle grand droit) près de son bord externe.
L’incision cutanée, sous-cutanée, aponévrotique et péritonéale suit les mêmes principes que pour la colostomie.
L’anse est choisie la plus distale possible, mais il faut également que ce soit la plus mobile afin qu’elle monte sans tension jusqu’à la peau. L’anse doit se situer à un minimum de 10 cm de la valvule iléo-caecale. Une fenêtre est réalisée dans le mésentère de l’anse juste sous la paroi iléale permettant le passage d’un lacs siliconé. La traction de ce lacs à travers l’orifice pariétal permet l’extériorisation de l’anse iléale. Une baguette remplace ensuite le lacs. La baguette utilisée peut reposer dans l’espace sous-cutané à la face profonde du derme ou sur la peau. Il est recommandé de repérer le jambage efférent afin d’ouvrir et d’éverser correctement le jambage productif. L’anse iléale est ouverte de manière transversale sur les deux tiers de la circonférence. Elle est ensuite ourlée à la peau par des points séparés. Afin de protéger la peau au maximum, il a été recommandé de ne pas suturer la bouche iléale au même niveau que la peau, mais de faire en sorte de l’éverser afin que la bouche iléale soit surélevée. L’iléostomie peut également être ouverte longitudinalement sur 1,5 cm. L’avantage de l’ouverture longitudinale est de mieux répartir la tension sur le mur iléal postérieur restant qui repose sur la baguette. En effet, en cas d’iléostomie latérale tendue sur sa baguette (paroi abdominale épaisse, mésentère rétracté) le mur postérieur iléal, assez court dans les ouvertures transversales, peut se déchirer et entraîner la rétraction de l’iléostomie.
Par laparoscopie : A l’aide d’une pince atraumatique, on repère l’anse la plus distale possible qui monte sans tension à la paroi abdominale antérieure. On introduit un lacs dans une ouverture du mésentère réalisée au ras de l’iléon. Le pneumopéritoine est évacué. L’incision cutanée est réalisée comme habituellement. On introduit une pince de Kelly qui saisit le lacs. L’anse iléale est extériorisée sous contrôle laparoscopique. On contrôle sa bonne position, en particulier l’absence de torsion. Une autre possibilité est de saisir l’anse dans une pince cœlioscopique et de retirer la pince par son orifice de trocart, amenant ainsi l’anse iléale au niveau de ce trou de trocart qui sera agrandi pour réaliser l’orifice de stomie. La mise en place de la baguette se fait selon les modalités déjà décrites. L’anse est ouverte et ourlée comme précédemment décrit.
L’évacuation par une iléostomie est presque continue, avec un débit important de 1,5 à 2 litres par jour les premiers jours, puis de 0,8 à 1,5 litres par jour après quelques semaines. Les selles sont liquides et riches en enzymes et sels biliaires, responsables d’irritations cutanées fréquentes.
L’iléo-colostomie en canon de fusil
En cas de résection colique droite, la stomie en canon de fusil consiste à extérioriser les deux segments intestinaux (iléal et colique) par le même orifice, permettant un seul appareillage.
La constitution de l’orifice pariétal respecte les règles précédemment décrites et son diamètre est adapté à la largeur des segments digestifs. Pour éviter la contamination du site opératoire, il est préférable que les deux moignons à extérioriser soient fermés par agrafage. Les deux jambages sont ainsi tractés au travers de l’orifice musculo-aponévrotique à l’aide de pinces atraumatiques. La paroi de l’anse iléale est éversée et la paroi de l’anse colique est ourlée, toutes deux suturées à la peau (Image 10). L’anse afférente doit surtout être placée au-dessous de l’anse efférente afin de limiter le passage de liquide digestif dans celle-ci. Les deux jambages sont ensuite solidarisés sur leur hémi-circonférence par des points séparés ou par un surjet de fil lentement résorbable : on réalise ainsi le plan postérieur d’une anastomose iléo-colique.
Les complications suite à la création d’une stomie
La réalisation d’une stomie expose à de nombreuses complications qui peuvent atteindre un taux de 20 à 70% (Londono-Schimmer et al. 1994, Bouillot 2006).
Complications précoces
Nécrose
Une ischémie digestive concernant la zone stomiale peut aboutir à une nécrose de la stomie. Elle peut être liée à une dévascularisation de l’anse par dissection trop importante, ou à une ischémie due à une traction excessive du méso (Figure 10), à une strangulation au niveau de l’orifice pariétal trop étroit (Figure 11) ou à une torsion du méso. Son incidence est de 1 à 22% (Arumugam et al. 2003, Duchesne et al. 2002). Cette complication ischémique est favorisée par un terrain athéromateux et par l’obésité.
En cas d’ischémie distale minime, elle peut disparaître spontanément et une surveillance simple peut suffire. Cependant, si l’ischémie est due à une striction de l’orifice pariétal, celui-ci doit être élargi chirurgicalement. S’il s’agit d’une torsion du méso ou d’une dévascularisation excessive de l’anse digestive, une reprise chirurgicale par laparotomie est nécessaire pour résection de la zone ischémique et création d’une stomie sur une nouvelle anse bien vascularisée.
Rétraction
La rétraction stomiale se manifeste par un enfouissement de la stomie vers la cavité péritonéale (Image 11). Son incidence est de 2 à 22% (Arumugan et al. 2003, Duchesne et al. 2002). Elle est favorisée par un méso court ou rétracté, l’obésité (paroi épaisse), un iléus post-opératoire (distension abdominale) ou un abcès de paroi. La traction sur l’anse digestive peut provoquer un lâchage des points de fixation cutanée. En cas de stomie latérale, cette rétraction peut aller jusqu’à sectionner l’anse sur la baguette.
Le traitement consiste en une surveillance si la rétraction est modérée. Une fois la cicatrisation colo-pariétale acquise, la stomie rétractée peut alors être source de gêne à l’appareillage. En revanche, si la rétraction est importante, elle nécessite une reprise chirurgicale du fait du risque de contamination septique pariétale voire intra-péritonéale. La reprise par cœlioscopie ou laparotomie consistera à réaliser une nouvelle extériorisation digestive sans traction, pouvant parfois nécessiter de modifier le siège pariétal ou de terminaliser la stomie.
Eviscération stomiale
Une éviscération stomiale survient lorsque l’orifice musculo-aponévrotique est trop large. Les anses peuvent être extériorisées (Figure 12) ou couvertes par la paroi, se manifestant alors par un tableau de syndrome occlusif.
Une reprise chirurgicale en urgence est nécessaire pour réintégrer les anses grêles et resserrer l’orifice pariétal.
Occlusion
Une occlusion digestive survient dans 0,5 à 7% des cas (Thibaudeau et al. 2013). Différents mécanismes peuvent être en cause :
– par éviscération stomiale à travers l’orifice pariétal trop large,
– par incarcération d’une anse grêle dans la brèche colo-pariétale (Figure 13),
– par torsion de l’anse extériorisée,
– ou par obstacle au niveau de la traversée pariétale : orifice trop étroit, trajet du côlon en chicane.
Hématome et hémorragie
Un hématome ou une hémorragie peuvent se former dans 2% des cas (Abrams et al. 1979) suite à une blessure au niveau d’un vaisseau du méso (en particulier au niveau du mur postérieur d’une colostomie latérale) ou d’un vaisseau épigastrique au niveau de la traversée pariétale. D’autre part, une plaie muqueuse, une blessure d’un vaisseau sur la tranche intestinale de section ou les points de fixation à la paroi peuvent être responsables d’un saignement actif.
Une reprise chirurgicale pour drainage de l’hématome et réalisation de l’hémostase est le plus souvent nécessaire.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
1. L’endométriose
2. L’endométriose digestive
3. Classification AFSr
4. Traitement de l’endométriose digestive
5. Les complications du traitement chirurgical de l’endométriose digestive
6. Stomies digestives : généralités
7. Techniques chirurgicales des stomies digestives
8. Les complications suite à la création d’une stomie
9. Techniques chirurgicales de la fermeture de stomie
10. Les complications suite au rétablissement de continuité
11. Classification des complications selon Clavien-Dindo
12. Les stomies dans l’endométriose digestive
13. Problématique des stomies dans l’endométriose
II. MATERIELS ET METHODES
III. RESULTATS
1. Description de la population
2. Résultats des complications liées à la stomie
3. Analyse des facteurs de risque de complication
4. Résultats des fistules recto-vaginales
5. Sténose de l’anastomose digestive
IV. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGAPHIE
RESUME
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