Les complexes biologiques non-covalents
Les interactions non-covalentes impliquรฉes dans la stabilisation de complexes biologiques
Les interactions non-covalentes ont un rรดle fondamental dans lโagencement structural des complexes biologiques. Bien que ces interactions impliquent en solution des รฉnergies bien plus faibles (inferieur ร 100 kJ/mol) que les liaisons covalentes (de 200 ร 800 kJ/mol)1 , elles sont a lโorigine de la formation rรฉversible de structures secondaires, tertiaires2 (i.e., interactions intramolรฉculaires rรฉgissant la conformation tridimensionnelle de chacun des partenaires) et quaternaires3 (i.e., interactions intermolรฉculaires rรฉgissant lโappariement de partenaires) de tous complexes biologiques, modulant ainsi leurs activitรฉs et leurs localisations au sein de lโorganisme, donc leurs fonctions biologiques. Dโailleurs, lโรฉtude des interactions non covalentes a conduit ร une meilleure comprรฉhension de diffรฉrents systรจmes biologiques et de leurs rรฉactivitรฉs respectives. Parmi les systรจmes les plus รฉtudiรฉs figurent : (i) les complexes engageant deux partenaires biologiques ; ADN/ADN (duplex4 , triplex5 et quadruplex6 ), ADN/protรฉines7 , ou ARN(transfert ou messager)/protรฉines, et protรฉines/protรฉines8 impliquรฉes, par exemple, dans les diffรฉrentes รฉtapes de la rรฉplication de lโADN et de la rรฉgulation de lโexpression des gรจnes, (ii) les complexes biologiques engageant (en plus) un partenaire inorganique; ADN/mรฉtal9 ou protรฉine/mรฉtal10, et (iii) les complexes biologiques engageant un partenaire organique (synthรฉtique, artificiel ou naturel) ; ADN/mรฉdicament11 ou protรฉine/mรฉdicament, et ADN/toxine ou protรฉine/toxine impliquรฉs dans les diffรฉrentes รฉtapes de rรฉgรฉnรฉration et de dรฉgradation de lโorganisme.
Les interactions รฉlectrostatiques
Les interactions รฉlectrostatiques engagent deux partenaires i.e., atomes ou fonctions chimiques, chargรฉs ou partiellement chargรฉs respectivement appelรฉs ion et dipรดles12. Ces interactions regroupent (i) les forces coulombiennes de type ion-ion, ion-dipรดle ou iondipรดle induit, (ii) les forces de van der Waals qui sont majoritairement de type dipรดledipรดle, et (iii) les interactions de type ฯ staking (cas particulier de dipรดle-dipรดle discutรฉ sรฉparรฉment).
Les liaisons hydrogรจnes
Les liaisons hydrogรจnes sont fondamentales au champ de la biologie structurale14 (e.g. appariement Watson-Crick des nuclรฉobases dans les duplex dโADN, stabilisation de conformation protรฉique quaternaire, โฆ). A mi-chemin entre les forces coulombiennes et les forces de van der Waals, elles engagent aussi deux partenaires, lโun donneur et lโautre accepteur, qui peuvent-รชtre dipรดle-dipรดle, ion-dipรดle ou ion-ion. Le donneur est toujours une fonction acide i.e., un hรฉtรฉroatome รฉlectronรฉgatif (e.g. azote, oxygรจne, soufre) porteur dโun proton (e.g. acides carboxyliques, alcools, amines, amides, thiols). Lโaccepteur est quant ร lui toujours un atome fortement รฉlectronรฉgatif (e.g. azote, oxygรจne, soufre, halogรจnes) porteur de doublets libres. Ces interactions sont directionnelles i.e., alignement des trois atomes engagรฉs dans la liaison non-covalente (Figure 1-2). Elles sont dรฉpendantes des propriรฉtรฉs intrinsรจques des atomes impliquรฉs dans le systรจme non-covalent mais aussi des conditions extรฉrieures ร ce systรจme comme la nature du solvant, son pH ou la tempรฉrature du milieu. Ainsi, ร tempรฉrature ambiante, ces liaisons plus faibles que des liaisons covalentes peuvent รชtre modifiรฉes (rupture et formation de nouvelles interactions) permettant aux systรจmes biologiques non-covalents dโรชtre en constante รฉvolution .
Les interactions ฯ
Les interactions ฯ sont des interactions non-covalentes engageant un systรจme dรฉlocalisรฉ dโรฉlectrons ฯ conjuguรฉs (linรฉaire ou aromatique)18. Les systรจmes ฯ, possรฉdant alternativement des sites riches et pauvres en รฉlectrons, peuvent interagir avec (i) un cation mรฉtallique ou un mรฉtal de degrรฉ dโoxydation 0 (respectivement appelรฉ interaction ฯ-cation et ฯ-mรฉtal), (ii) un anion (interaction ฯ-anion), (iii) une molรฉcule polaire (interaction ฯ-dipรดle) ou, (iv) un autre systรจme ฯ (interaction ฯ-ฯ).ย Ces derniรจres i.e., les interactions ฯ-ฯ, ont des รฉnergies proches de celles des liaisons hydrogรจnes. Elles contribuent aussi ร la stabilisation des systรจmes biologiques non-covalents et de leurs conformations tridimensionnelles (e.g. appariement Watson-Crick entre nuclรฉobases au sein des duplex dโADN, certains sites actifs enzymatiques, โฆ) par lโempilement des plusieurs motifs aromatiques ; cโest le ฯ stacking. Cependant, la stabilitรฉ de telles interactions reste dรฉpendante du nombre et de lโorientation des motifs aromatiques donc de la conformation globale de la protรฉine.
Lโeffet hydrophobe
Lโeffet hydrophobe est rรฉgi par lโattraction de groupements apolaires qui prรฉfรจrent sโassocier entre eux plutรดt quโavec des rรฉgions hydrophiles (i.e., composรฉes de groupements polaires). Dans les milieux biologiques, aqueux par nature, lโaction concertรฉe des interactions, et notamment celles issues de lโeffet hydrophobe, conditionne la conformation globale de la biomolรฉcule. En effet, les rรฉsidus hydrophobes sont souvent tournรฉs vers lโintรฉrieur des protรฉines en milieu aqueux, tandis que les rรฉsidus hydrophiles sont aussi bien orientรฉs vers lโintรฉrieur que vers lโextรฉrieur. La possibilitรฉ de former de telles interactions dรฉpend de la position (structure primaire) et de lโorientation (structures secondaire et tertiaire) des acides aminรฉs les uns par rapport aux autres, elles-mรชmes guidรฉes par des interactions covalentes ou non. Lโeffet hydrophobe รฉtant fortement impliquรฉ dans la conformation globale des protรฉines, de nombreux efforts ont รฉtรฉ rรฉalisรฉs ย pour dรฉvelopper des รฉchelles dโhydrophobie afin de prรฉdire la probabilitรฉ de retrouver un acide aminรฉ plutรดt quโun autre ร lโintรฉrieur ou ร la surface dโune protรฉine considรฉrรฉe. Notons que lโintensitรฉ de ces interactions est fonction des surfaces hydrophobes en contact et se mesure en kilojoules par angstrรถm au carrรฉ (kJ.A-2) .
Les complexes non-covalents biologiques
Structure des protรฉines et des peptides en solution
Les protรฉines sont des รฉlรฉments essentiels de la vie de la cellule. Elles peuvent jouer un rรดle : (i) catalytique, e.g. lโamylase salivaire est une enzyme qui catalyse la dรฉgradation des amidons, (ii) de transport, e.g. lโhรฉmoglobine transporte lโoxygรจne dans le sang, (iii) de rรฉgulation mรฉtabolique, e.g. lโinsuline participe ร la rรฉgulation du taux de glucose sanguin et, (iv) de protection de lโorganisme, e.g. les anticorps reconnaissent sรฉlectivement et inactives spรฉcifiquement des bactรฉries, des toxines ou certains virus. En somme, l’immense majoritรฉ des fonctions cellulaires est assurรฉe par des protรฉines dont la structure complexe influe sur leurs actions .
Les acides aminรฉsย
Les protรฉines (comme les peptides) sont des macromolรฉcules biologiques constituรฉes dโun enchainement dโacides aminรฉs (ou rรฉsidus) unis par des fonctions amides (appelรฉes liaisons peptidiques)21. Un acide aminรฉ est une espรจce organique composรฉ dโun carbone tรฉtravalent central (appelรฉ carbone ฮฑ) porteur dโune fonction acide carboxylique, dโune fonction amine (dโoรน acide aminรฉ), dโun atome dโhydrogรจne et dโun groupement variable (appelรฉ chaine latรฉrale, R). Parmi les 20 diffรฉrents acides aminรฉs existant chez lโHomme (Tableau 1-1), tous les carbones ฮฑ (hormis la glycine pour laquelle le groupement variable est un atome dโhydrogรจne) sont asymรฉtriques et sont gรฉnรฉralement de configuration stรฉrรฉochimique L (formes D rares dans la nature). En milieu physiologique i.e., en solution aqueuse tamponnรฉe, les acides aminรฉs sont formellement chargรฉs (exceptรฉ au point isoรฉlectrique (pI) ; valeur de pH oรน le systรจme est porteur de charges locales mais reste formellement neutre), voire mรชme zwitterioniques i.e., porteur simultanรฉment de charge(s) locale(s) positive(s) et nรฉgative(s) (notamment au point isoรฉlectrique, par dรฉfinition).
En effet, รฉtant simultanรฉment porteur dโune fonction acide (-CO2H), dโune fonction basique (-NH3) et dโune fonction variable sur la chaine latรฉrale (acide, basique, aromatique ou hydrophobe), la forme zwitterionique existe frรฉquemment dans les conditions physiologiques mais dรฉpend de la tempรฉrature et du pH du milieu.
La liaison peptidique
Les fonctions acides carboxyliques et amines portรฉes par les acides aminรฉs permettent la formation de liaisons peptidiques par synthรจse dโune fonction amide (condensation/dรฉshydratation) ร partir de deux acides aminรฉs distincts. Les fonctions amines et acides carboxyliques libres situรฉes aux extrรฉmitรฉs du squelette peptidique nouvellement formรฉes sont respectivement appelรฉes les groupes N-terminaux et Cterminaux (Figure 1-4). Lorsque la longueur de la chaine est infรฉrieure ร 50 acides aminรฉs, on parle de peptides. Entre 50 et 100 acides aminรฉs, on parle de peptides, de polypeptides ou de petites protรฉines. Enfin, lorsque la longueur de la chaine est supรฉrieure ร 100 acides aminรฉs, on parle de protรฉines 22. De part la prรฉsence de formes mรฉsomรจres, les liaisons peptidiques sont supposรฉes planes et la rotation de la liaison Camide-Namide est fortement dรฉfavorisรฉe. De plus, lโencombrement stรฉrique gรฉnรฉrรฉ par les chaines latรฉrales (au niveau de la liaison peptidique) discrimine la configuration Z de la liaison peptidique au profit de la configuration E. Les autres liaisons i.e., Cฮฑ,(i)-Camide et Namide-Cฮฑ,(i+1), restant en libre rotation, permettent aux protรฉines dโadopter de nombreuses conformations (ou structures tridimensionnelles).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : Les complexes biologiques non-covalents
I. Les interactions non-covalentes impliquรฉes dans la stabilisation de complexes biologiques
I. 1. Les interactions รฉlectrostatiques
I. 1. a. Les forces coulombiennes
I. 1. b. Les liaisons hydrogรจnes
I. 1. c. Les forces de van der Waals
I. 2. Les interactions ฯ
I. 3. Lโeffet hydrophobe
II. Les complexes non-covalents biologiques
II. 1. Structure des protรฉines et des peptides en solution
II. 1. a. Les acides aminรฉs
II. 1. b. La liaison peptidique
II. 1. c. Conformations des protรฉines
II. 1. d. Stabilitรฉ des protรฉines
II. 2. Structure des brins dโADN en solution
II. 2. a. Nuclรฉotides, nuclรฉosides et bases nuclรฉiques
II. 2. b. La liaison phospho-diester
II. 2. c. Conformations des brins dโADN
II. 2. d. Stabilitรฉ des brins dโADN
II. 3. Les complexes non-covalents ADN-protรฉine en solution
II. 3. a. Etude molรฉculaire des interactions ADN/protรฉines
II. 3. b. Exemples de structures de complexes ADN/protรฉines
CHAPITRE 2 : La dรฉtection par spectromรฉtrie de masse des complexes non-covalents ADN/protรฉine
I. La dรฉsorption/ionisation sous vide des complexes biologiques non-covalents
II. La dรฉsorption/ionisation ร pression atmosphรฉrique par รฉlectro-nรฉbulisation
II. 1. Production des ions en phase gazeuse
II. 1. a. Formation des gouttelettes multichargรฉes
II. 1. b. Evaporations et fissions successives des gouttelettes
II. 1. c. Modรจles de production des agrรฉgats chargรฉs
II. 2. Dรฉsolvatation des agrรฉgats chargรฉs en phase gazeuse
II. 2. a. Consรฉquences de la dรฉsolvatation en phase gazeuse sur le choix des grandeurs thermodynamiques utilisรฉes
II. 2. b. Exemples dโรฉchelles de basicitรฉ et dโaciditรฉ en phase gazeuse
II. 2. c. Cas de la n-iรจme (dรฉ)protonation dโune molรฉcule dรฉjร chargรฉe
II. 3. Application aux complexes biologiques non-covalents
III. Exemples dโรฉtudes MS de complexes ADN/protรฉine
III. 1. Exemples dโรฉtudes par MALDI-MS
III. 2. Exemples dโรฉtudes par ESI-MS
CHAPITRE 3 : Influence des agents de ยซ superchargement ยป lors des processus de dรฉsolvatation des agrรฉgats chargรฉs
I. Les valeurs descriptives de lโintensitรฉ des signaux et des รฉtats de charge
I. 1. Les variations dโintensitรฉ du signal
I. 1. a. Valeurs descriptives de lโintensitรฉ du signal
I. 1. b. Introduction de la SER1%
I. 2. Les variations dโรฉtats de charge
I. 2. a. Valeurs descriptives de lโรฉtat de charge
I. 2. b. Introduction de la CEC1%
II. Influence du mNBA sur les processus de dรฉsorption/ionisation par ESI(+)
II. 1. Variations observรฉes pour les peptides
II. 2. Variations observรฉes pour les complexes non-covalents
II. 2. a. Influence de la prรฉsence de lโoligonuclรฉotide sur lโaction de mNBA
II. 2. b. Influence de la prรฉsence de mNBA sur les voies de fragmentation
III. Influence du mNBA sur les processus de dรฉsorption/ionisation par ESI(-)
III. 1. Variations observรฉes pour les oligonuclรฉotides
III. 2. Variations observรฉes pour les complexes non-covalents
III. 2. a. Influence de la prรฉsence du peptide sur lโaction de mNBA
III. 2. b. Influence de la prรฉsence de mNBA sur les voies de fragmentation
IV. Modรจle proposรฉ pour la dรฉsolvatation des agrรฉgats chargรฉs
IV. 1. Dรฉpendance du modรจle vis-ร -vis de la polaritรฉ
IV. 2. Modรจle de dรฉsolvatation existant pour les protรฉines protonรฉes
IV. 3. Modรจle de dรฉsolvatation proposรฉ pour les oligonuclรฉotides dรฉprotonรฉs
IV. 3. a. Cas des plus longs brins dโADN (12-mer)
IV. 3. b. Cas des brins dโADN plus courts (6-mer)
IV. 4. Cas particuliers des complexes non-covalents ADN/peptide
V. Conclusion
CONCLUSION GENERALE
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