Les compétences spécifiques de la formation en soins infirmiers au collégial 

Compétence infirmière

   L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (l’OIIQ) précise que la compétence professionnelle «fait référence aux connaissances, aux habiletés, aux attitudes et au jugement nécessaires pour exercer sa profession, ainsi qu’à la capacité de les appliquer dans une situation clinique donnée.» (OIIQ, 2001, p. 7). Ce positionnement soutient deux axes importants : d’une part, les connaissances; d’autre part, les champs d’exercice de la pratique. Le succès de la réforme repose donc sur une intégration harmonieuse et équilibrée de ces éléments. Dans le but de guider le corps professoral ainsi que les étudiants en SOll1S infirmiers, l’OIIQ (2009; 2001) a présenté la mosaïque des compétences cliniques de l’infirmière, soit le référentiel des compétences nécessaires pour l’exercice de la profession au Québec. Cette mosaïque comprend trois composantes. La première est la composante fonctionnelle qui inclut les savoirs pertinents à l’exercice de la profession. La deuxième est la composante professionnelle qui regroupe les fonctions d’évaluation, d’intervention et de continuité des soins. La troisième est la composante contextuelle qui fait référence à toutes les situations cliniques susceptibles d’ être vécues par la nouvelle infirmière.

Un programme par compétences/profession infirmière

   Le programme en soins infirmiers de niveau collégial a été conçu suivant le cadre d’ élaboration des programmes d’études techniques (MELS, 2007; 2004) quiexige, entre autres, la participation des partenaires des milieux cliniques et de l’enseignement. Dans le but de pallier les difficultés de transfert, notamment en ce qui a trait aux professionnels de la santé et particulièrement en soins infirmiers, le MELS a révisé et élaboré le programme par compétences. Selon Tardif (1999), cechangement se veut une réponse aux critiques des experts de l’éducation et des employeurs concernant le transfert des connaissances par les étudiants. Le programme de formation spécifique en soms infirmiers se décline en compétences. Il est conçu selon une approche qui intègre les besoins de formation, la situation de travail et les buts généraux de la formation technique (MELS, 2007; 2004). Ainsi conçu, ce programme propose des activités d’apprentissage favorisant le transfert des compétences et la résolution de problèmes chez les étudiants (PoirierProulx, 1999). Les défis auxquels les infirmières doivent faire face quotidiennement obligent les enseignants à développer des outils avec lesquels l’étudiant développera ses habiletés d’ analyse et de résolution de problèmes (Mallik, 1998). Ce programme tient compte des changements importants dans le réseau de la santé. Il a ajouté de nouvelles compétences à acquérir lors des stages et certains éléments théoriques concernant l’approche interdisciplinaire. Il est également encadré par l’ article 36 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers, L.R.Q., c. 1-8. Cette loi stipule qu’en matière de santé « l’exercice infirmier consiste à évaluer l’ état de santé d’une personne, à détenniner et à assurer la réalisation du plan de SOlOS et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir la santé, de la rétablir et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs. ».

La contribution des milieux institutionnels et cliniques

   Les recherches effectuées n’ont pas permIS de retracer d’études observationnelles qui fassent état du taux de transfert précis en soins infirmiers. Lors des stages en milieu clinique, les différentes· situations rencontrées confrontent l’ étudiant à la réalité professioill1elle. Or, ce nouveau contexte d’ apprentissage lui d’entrevoir toute l’ampleur du rôle qu’il aura à jouer dans sa profession future. La formation préalable prend alors tout son sens et devient un support indispensable à une éventuelle intervention professionnelle. Les stages en soms infilmiers visent l’application des connaissances, des habiletés et des attitudes apprises en classe pour ainsi apprivoiser le milieu réel de la santé à titre de futur professionnel. Le stage en milieu clinique permet à l’étudiant de développer sa capacité à supporter l’ambiguïté inhérente aux situations cliniques complexes et d’ exercer son jugement clinique en vue de consolider son sens des responsabilités et son imputabilité professionnelle. Et pourtant, malgré un bagage de connaissances acquIses en classe, en laboratoire et lors de stages précédents, l’étudiant parvient difficilement à bien les mobiliser pour agir adéquatement et en temps opportun. Selon Tardif (1999), les commentaires des employeurs du réseau de la santé confilment les limites observées par les enseignants en ce qui a trait au transfert des connaissances et des compétences effectuées par les étudiants. Selon Taylor (2003), ce problème de compétences lacunaires est présent depuis quelques décennies. Pour Lauder et coll. (1999), le problème vise tout autant celui des enseignants et des étudiants que celui des gestionnaires des milieux cliniques qui ont la responsabilité des futures infirmières. Ces auteurs font également ressortir que des facteurs contextuels peuvent faciliter le transfert en milieu clinique ou y faire obstacle. C’est notamment le cas des pratiques différentes que l’on peut observer d’un centre hospitalier à l’autre ou d’un secteur clinique à l’autre. De même, les situations cliniques rencontrées pouvant être différentes, elles peuvent nécessiter des procédés de soins différents. En effet, les ressources matérielles peuvent être différentes et ainsi inhiber le transfert. Le même raisonnement peut aussi s’appliquer à l’aménagement des lieux de travail. Des éléments tels que l’ambiance de travail et la pression sur l’unité de travail peuvent être défavorables à l’apprentissage ; les ressources pédagogiques et matérielles peuvent également être inadéquates ainsi que le manque de disponibilité des superviseurs et/ou leur préparation déficiente. Bien que tous ces facteurs négatifs soient connus des auteurs, l’état actuel de la recherche ne permet pas de déterminer dans quel contexte un transfert pourrait être possible ou envisageable. Des données empiriques supplémentaires sont nécessaires. Par ailleurs, le concept de transfert est porteur de deux sens. Le transfert correspond-t-il seulement au déplacement d’une compétence d’un contexte vers un autre? Ou bien, en fonction d’une nouvelle situation, s’agit-il d’une reconfiguration de la première habileté en une habileté transformée? Il faut comprendre de ces deux sens possibles qu’un transfert ne conduit pas seulement au simple déplacement d’une habileté, car selon Le Boterf (2007), le professionnel compétent a besoin d’ analyser la situation dans son ensemble et de prendre un moment de réflexivité pour entrevoir le transfert possible. Ces questions seront abordées dans le cadre théorique.

Le rôle de la pensée réflexive

   Pour réguler ses apprentissages, l’ étudiant doit être capable de réflexivité. Il s’ agit d’ un problème concret chez les étudiants, car ils sont trop concentrés dans l’ intervention et dans l’exécution plutôt que dans l’analyse de la situation et dans le choix de l’intervention appropriée. Selon Le Boterf (2010, p. 124), «la réflexivité consiste pour un sujet à prendre du recul par rapport à nos pratiques professionnelles, de façon à expliciter la façon dont il s’ y est pris pour modéliser et pour faire évoluer ses schèmes opératoires de façon à pouvoir les transférer ou les transposer dans de nouvelles situations. ». La réflexivité est souvent considérée comme une forme de métacognition. Pour sa part, Noël (1997) relie le concept de métacognition à un processus mental. Pour cette auteure, l’étudiant doit être capable de s’ autoévaluer pour arriver à construire de nouveaux comportements. De la sorte, l’autoévaluation est alors associée à la pensée réflexive. Il convient de rappeler que le toumant réflexif a pris son essor en Amérique du Nord aux alentours des années 1980. Selon Boutin, (200 1, p. 111), « le concept même d’ analyse réflexive est plutôt fluide, polysémique, voire même difficile à cemer. ».Comme le rapporte Tardif (2006), certains auteurs suggèrent que le transfert soit associé à cette capacité réflexive.Pour Vienneau (2005, p. 13), « l’ apprentissage est un processus cumulatif, toute nouvelle connaissance venant enrichir la structure cognitive de l’ apprenant. C’est aussi un processus de nature culturelle et multidimensionnelle dans lequel toutes les dimensions de la personne sont engagées en vue de l’ acquisition de connaissances, d’habiletés, d’ attitudes et de valeurs. ». Selon Gagné (1985), pour que l’expérience soit source d’apprentissage, il doit y avoir une continuité et une interaction entre l’expérience interne et l’ environnement externe. L’apprentissage est ici considéré par l’apprenant comme étant la construction du savoir dans ses activités de traitement de l’information. L’apprentissage est alors conçu comme un processus actif et constructif dans lequel l’apprenant traite l’information nouvelle à l’aide de son répertoire cognitif. L’apprenant crée un lien entre l’information et les connaissances acquises. Il mobilise les stratégies nécessaires à la planification de l’exécution d’une tâche déterminée pour ensuite intervenir et évaluer ladite tâche.

L’apprentissage par problèmes (APP)

  Avec l’ arrivée des programmes par compétences, les établissements d’ enseignement ont dû revoir leurs approches pédagogiques. Tel que mentionné auparavant, les changements majeurs dans la pratique infinnière amènent à revoir la formation afin de répondre aux besoins de la clientèle nécessitant des soins. Devant ces changements majeurs, un renouvellement des pratiques pédagogiques s’impose en vue de développer chez l’ individu son habileté à résoudre des problèmes, à porter unjugement et à prendre des décisions. Certains auteurs font valoir la nécessité de stimuler la résolution de problèmes (Cossette, Mc Clish et Ostiguy, 2004) et de créer des environnements technologiques (Wholley et Jarvis, 2007) qui reproduisent les conditions de compagnonnage en milieu contrôlé et ce, de manière à développer les compétences cliniques et réflexives (Taylor, 2003). Dans le but de favoriser le transfert des connaissances théoriques vers la pratique, le Département des soins infirmiers du CVM en collaboration avec les disciplines contributives a profité de l’arrivée du programme par compétences pourimplanter son curriculum en APP. Le moment et les conditions sont favorables à un changement de cette envergure. Selon les différents écrits, l’ APP est source de motivation, développe l’autonomie et l’ apprentissage, favorise l’intégration et le transfert des connaissances, développe les habiletés relationnelles et de coopération et habilite l’étudiant à la résolution de problèmes (Des Marchais et coll., 1996; PoirierProulx, 1999). Selon Cossette et coll. (2004, p. 8) (tiré de Baker, 2000; Barrows et Tamblyn, 1980), « les activités de résolution de problèmes sur lesquelles repose la méthode contribuent à former des praticiens réfléchis qui développent leur pensée critique et leur raisonnement clinique. ». Sur le plan méthodologique, les études classiques sur le transfert utilisent généralement des protocoles expérimentaux. Ces protocoles mettent en évidence l’avantage différentiel du groupe qui opère le transfert et celui du groupe contrôle. Il est de mise de recueillir des mesures quantifiables de la performance et de l’apprentissage des tâches. Une analyse des tâches bien effectuée devrait permettre d’avoir un estimé assez juste du taux de transfert attendu. Pour être efficaces, de telles études nécessitent de bonnes mesures de contrôle. Généralement, elles se déroulent dans des laboratoires dotés d’une instrumentation permettant de noter précisément chacune des actions des apprenants. Afin de contrôler les différences individuelles entre les sujets, de tels protocoles nécessitent la présence de plusieurs sujets dans chacun des groupes et une répartition aléatoire des sujets dans les groupes. Les protocoles expérimentaux s’appliquent difficilement au milieu clinique. D’ autres études utilisent des protocoles corrélationnels. Ainsi, différentes études établissent un lien entre l’accès à une formation et les comportements effectivement observés en milieu de travail (Alliger et Janak, 1989; Kontoghiorghes, 2004; Subedi, 2006).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1: LA PROBLÉMATIQUE
1.1 Compétence infirmière
1.2 Un programme par compétences/profession infirmière 
1.3 Les compétences spécifiques de la formation en soins infirmiers au collégial 
1.4 La problématique du transfert en milieu clinique
1.5 La contribution des milieux institutionnels et cliniques 
1.6 Le rôle de la pensée réflexive
1.7 L’apprentissage par problèmes (APP) 
CHAPITRE II: LE CADRE CONCEPTUEL
2.1 Concept de compétence 
2.2 Transfert des compétences 
2.3. Stratégie d’ enseignement 
2.4 L’apprentissage par problèmes (APP) 
2.5 Un modèle intégrateur
2.6 Les objectifs de cette recherche
CHAPITRE III: LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Partenariat
3.2 Implication des acteurs intéressés
3.3 Profil de l’échantillonnage 
3.4 Approche utilisée pour l’expérimentation
3.5 Instruments de mesure 
3.6 Stage
3.7 Méthodes d’ analyse des données 
CHAPITRE IV : LES RÉSULTATS ET LEUR TRAITEMENT
4.1 Distribution des états 
4.2 Composantes de la compétence 
CHAPITRE V : INTERPRÉTATION DES DONNÉES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICE A DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
APPENDICE B-l FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR L’HÔPITAL NOTRE-DAME
APPENDICE B-2 FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR LE CHUL
APPENDICE C JOURNAL RÉFLEXIF

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