Les communications aéronautiques

les communications aéronautiques

Les travaux menés lors de ma thèse de doctorat et présentés dans ce mémoire ont eu pour objectif la conception d’un réseau ad hoc aéronautique. Ce type de réseau peut constituer une solution alternative ou complémentaire aux moyens de communication solbord existants ou prévus à brève échéance. Nous allons dans un premier temps présenter le contexte du domaine afin en particulier de poser les objectifs du système projeté. L’exposé du plan du mémoire fournit ensuite la démarche suivie pour la conception du système.

Les origines 

Depuis le premier vol des frères Wright en 1903, la question des communications entre le pilote et le sol s’est toujours posée. Elles sont indispensables pour améliorer la sûreté et l’efficacité des vols. Dans un premier temps, le personnel au sol utilisait des gestes ou des signaux visuels. Les pilotes inclinaient par exemple les ailes de l’avion pour signaler à la tour de contrôle qu’ils allaient atterrir à leur prochain passage. En 1917, AT&T  a inventé le premier émetteur-récepteur radio pour avion. La première communication radio entre un avion et le sol a ainsi eu lieu en juin 1917. Mais c’est seulement au début des années 1930 qu’il est devenu techniquement et commercialement possible d’installer une radio à bord des avions. La société ARINC  (Aeronautical Radio INCorporated) a d’ailleurs été fondée en 1929. Dans les années 1940, la radio est devenue disponible sur la plupart des avions, permettant les communications vocales. Cependant, il s’agissait souvent de systèmes propriétaires en bande HF, de qualité et de fiabilité médiocres.

Les limites de capacité des communications vocales 

Après la seconde guerre mondiale, l’aéronautique a connu une évolution majeure avec le transport de passagers. Les premières compagnies aériennes ont fait leur apparition. Il est alors devenu nécessaire d’avoir une approche plus structurée des communications aéronautiques. L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI)  a été créée en 1947 dans le but d’élaborer des normes pour standardiser le transport aéronautique international. C’est aussi en 1947, lors de la conférence mondiale des radiocommunications, organisée par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT)  , que la bande VHF de 118 à 132 MHz est allouée aux services aéronautiques mobiles. Cette bande était alors divisée en 70 canaux de 200 kHz.

En 1958, la compagnie PanAm met en service le Boeing 707. C’est le début du transport aérien commercial de masse. Dès lors, le trafic aérien n’a cessé d’augmenter et les 70 canaux ont rapidement été saturés. L’amélioration de la précision de la fréquence des porteuses a ensuite permis de réduire l’espacement entre les canaux. On est ainsi passé de 200 kHz à 100 kHz en 1958, puis à 50 kHz en 1964 et à 25 kHz depuis 1972. Parallèlement à cela, la bande allouée aux communications aéronautiques par l’UIT a augmentée. En 1959, elle a été étendue jusqu’à 136 MHz, puis jusqu’à 137 MHz en 1979. De plus, une sectorisation de l’espace aérien a été mise en place pour permettre une réutilisation des fréquences. En 1994, il a été décidé de réduire encore l’espacement des canaux de 25 kHz à 8,33 kHz. Cette séparation a été appliquée en Europe au dessus du niveau de vol FL 245  à partir d’octobre 1999, puis au dessus du niveau de vol FL 195 à partir de mars 2007. Le tableau 1 montre l’évolution du nombre de canaux VHF de 1947 à nos jours. Aujourd’hui, les fréquences de radiocommunication sont très convoitées. Il est donc difficile d’étendre la bande aéronautique VHF. De plus, la séparation des canaux de 8,33 kHz correspond à l’espacement minimal qui permet de transmettre de la voix avec une qualité suffisante, avec la modulation actuelle DSB-AM (Double Side Band – Amplitude Modulation). Il est donc aujourd’hui très difficile d’augmenter la capacité des systèmes de communications vocales.

L’augmentation du trafic aérien 

Le transport aérien est aujourd’hui le moyen de transport qui se développe le plus rapidement. La figure 1, extraite de [Eurocontrol 2011], illustre la prévision d’augmentation du trafic aérien en Europe d’ici 2017 par Eurocontrol  . On peut y voir des prévisions de croissance annuelle de plus de 7% d’ici à 2017 dans certaines parties de l’Europe. La congestion des systèmes de communications vocales va donc s’accroître dans les prochaines années.

Vers les communications de données numériques : le datalink 

Dès 1978, les compagnies aériennes ont pris conscience du potentiel et de l’intérêt des communications basées sur les liaisons de données sol bord en introduisant l’ACARS : Aircraft Communications Addressing and Reporting System. Ce système, appelé aussi Plain Old ACARS (POA) ou VDL 0, utilise les canaux VHF de 25 kHz réservés aux communications vocales. Il offre un débit de 2,4 kbps et a pour but d’échanger des messages entre l’avion et la compagnie aérienne. Le mot ”ACARS” désigne aussi le format de ces messages. La première application a été appelée ”OOOI” pour ”Out, Off, On, In”. Elle a pour but de mieux estimer le temps de travail des pilotes, et donc leur rémunération. Elle permet d’envoyer à la compagnie l’heure exacte à laquelle l’avion quitte la porte (Out), décolle (Off), atterrit (On) puis revient à la porte (In). L’ACARS est ainsi rapidement devenu le standard de facto pour ce type de communication.

Le comité FANS et le concept CNS/ATM 

En 1983, l’OACI a mis en place un comité pour travailler sur les futurs systèmes de navigation aérienne : le comité FANS (Future Air Navigation System). Il était chargé d’étudier, d’identifier et de développer de nouveaux concepts opérationnels et de nouvelles technologies dans le domaine des communications, de la navigation et de la surveillance aérienne, pour faire face à l’évolution du transport aérien mondial. Un résultat majeur du travail du comité FANS a été l’introduction du concept CNS/ATM (Communication, Navigation, Surveillance / Air traffic Management), qui a été approuvé lors de la dixième conférence de la navigation aérienne en 1991. Il a pour but d’améliorer la capacité et l’efficacité du transport aérien, tout en garantissant la meilleure sûreté possible. Il est présenté dans le Doc 9750 de l’OACI [OACI 2002a]. Au niveau des communications, le changement majeur proposé par le comité FANS concerne la manière même dont les pilotes et les contrôleurs vont communiquer entre eux. Le moyen de communication primaire devrait ainsi passer progressivement des communications vocales aux communications de données numériques à l’horizon 2020. Les communications vocales en VHF et HF, ou plus récemment par satellite, resteront disponibles mais seront réservées aux situations d’urgence. Dans un premier temps, les communications numériques entre le pilote et le contrôleur, par exemple via l’application CPDLC (Controller Pilot Data Link Communications), seront utilisées en espace océanique ou polaire, mais elles devraient remplacer à terme les communications vocales en bande VHF dans les zones continentales denses. Ce mode de communication innovant dans le domaine aéronautique basé sur l’échange de données numériques est souvent appelé datalink. Il doit permettre d’automatiser autant que possible les tâches de communication, et donc de faciliter et fiabiliser les échanges entre l’avion et le sol, permettant ainsi d’améliorer l’efficacité, la capacité et la sûreté du transport aérien.

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Table des matières

Introduction
Contexte : les communications aéronautiques
Les origines
Les limites de capacité des communications vocales
L’augmentation du trafic aérien
Vers les communications de données numériques : le datalink
Le comité FANS et le concept CNS/ATM
Du réseau ACARS au réseau ATN
L’émergence de nouveaux services pour le contrôle aérien
L’émergence de nouveaux services pour les passagers
Le besoin de nouveaux moyens de communications sol-bord
Contributions et organisation du mémoire
1 Les communications numériques sol-bord : le datalink
Introduction
1.1 Les différents types de communications
1.1.1 ATSC (Air Traffic Services Communication)
1.1.2 AOC (Aeronautical Operational Control)
1.1.3 AAC (Aeronautical Administrative Communication)
1.1.4 APC (Aeronautical Passenger Communication)
1.2 Les moyens de communication de données existants pour le contrôle aérien
1.2.1 Performances requises
1.2.2 Solutions par satellite
1.2.2.1 Inmarsat
1.2.2.2 Iridium
1.2.3 Solutions par liaison directe avec le sol
1.2.3.1 POA : Plain Old ACARS
1.2.3.2 VDL Mode 1
1.2.3.3 VDL Mode 2
1.2.3.4 VDL Mode 3
1.2.3.5 VDL Mode 4
1.2.3.6 HFDL
1.3 Les moyens de communication de données existants pour les passagers
1.3.1 Performances requises
1.3.2 Solutions par satellite
1.3.2.1 Connexion-by-Boeing
1.3.2.2 Inmarsat
Le service Swift 64
Le service SwiftBroadband
1.3.2.3 ARINC – Onboard Internet
1.3.2.4 Panasonic Avionics Corporation – eXConnect
1.3.2.5 OnAir
1.3.2.6 Row44
1.3.2.7 AeroMobile
1.3.3 Solutions par liaison directe avec le sol
1.3.3.1 Aircell
1.3.3.2 Wi-Sky
1.4 Limites des solutions existantes
1.4.1 Solutions par satellites
1.4.1.1 Capacité
1.4.1.2 Couverture
1.4.1.3 Coût
1.4.2 Solutions par liaison directe avec le sol
1.4.2.1 Capacité
1.4.2.2 Couverture
1.4.2.3 Coût
1.5 Les futurs moyens de communications
1.5.1 L’évolution des systèmes existants
1.5.1.1 Inmarsat
1.5.1.2 Iridium next
1.5.2 L’infrastructure de communication du projet SESAR
1.5.2.1 AeroMACS
1.5.2.2 Satellite IRIS
1.5.2.3 L-DACS
1.6 Les réseaux ad hoc aéronautiques
1.6.1 Présentation générale des réseaux ad hoc mobiles
1.6.1.1 Définition
1.6.1.2 Caractéristiques
Communications multi-sauts
Topologie dynamique
Bande passante limitée
Consommation d’énergie
1.6.1.3 Architecture
La couche physique
La couche liaison
Le routage dans les MANET
Routage proactif
Routage réactif
Routage hybride
Routage géographique
Routage hiérarchique
La couche transport
UDP (User Datagram Protocol)
TCP (Transmission Control Protocol)
Les performances de TCP dans les réseaux ad hoc
1.6.2 Présentation générale des réseaux ad hoc aéronautiques
1.6.3 Problématiques spécifiques des réseaux ad hoc aéronautiques
1.6.4 Quelques projets de recherche
1.6.4.1 Le projet ATENAA
1.6.4.2 Le projet NewSky
1.6.5 Solutions proposées pour les couches physique et liaison
1.6.5.1 Liaison idéale
1.6.5.2 Antennes directionnelles, liaisons optiques et TDMA
1.6.5.3 S-TDMA
1.6.5.4 IEEE 802.11
1.6.6 Protocoles de routage
1.6.7 Etude de faisabilité
Résumé du chapitre
2 Étude de faisabilité
Introduction
2.1 Présentation des données de trafic
2.1.1 Zone continentale
2.1.1.1 Format des données
2.1.1.2 Traitement des données
2.1.2 Zone océanique
2.1.2.1 Les NAT (North Atlantic Tracks)
2.1.2.2 Les données DDR (Demand Data Repository)
2.2 Logiciel de simulation AeRAN
2.3 Etude de faisabilité en zone continentale
2.3.1 Evolution du nombre d’avions en vol
2.3.2 Visualisation des trajectoires
2.3.3 Influence du nombre et de la position des stations au sol
2.3.4 Influence de la portée des connexions
2.3.5 Etude de la durée de connexion des avions
2.3.6 Etude d’un vol Toulouse – Paris
2.4 Etude de faisabilité en zone océanique
2.4.1 Evolution du nombre d’avions en vol
2.4.2 Influence du nombre et de la position des stations au sol
2.4.3 Influence de la portée des avions
2.4.4 Etude de la durée de connexion des avions
2.4.5 Etude d’un vol Paris – New-York
Résumé du chapitre
3 Architecture proposée
Introduction
3.1 Cahier des charges
3.2 Topologie
3.3 Liaisons entre avions
3.3.1 Technologies existantes
3.3.1.1 Wi-Fi
3.3.1.2 Wi-MAX
3.3.1.3 UMTS
3.3.1.4 Conclusion
3.3.2 Choix de la méthode d’accès
3.3.3 Choix et gestion des codes d’étalement
3.3.4 Etablissement des connexions
3.3.5 Interférences d’accès multiples
3.3.6 Estimation des interférences
3.3.7 Bilan de liaison
3.3.8 Choix du modèle de propagation
3.3.9 Estimation de la portée maximale des connexions
3.3.10 Gestion des files d’attente
3.4 Routage
3.4.1 Algorithme de type ”plus court chemin”
3.4.1.1 Principe général
3.4.1.2 Implémentation et paramètres
3.4.1.3 Stabilité des connexions
3.4.2 Algorithme hiérarchique
3.4.2.1 Principe général
3.4.2.2 Implémentation et paramètres
Formation des clusters et élection des cluster-heads
Communications intra-cluster et inter-clusters
3.5 Modèle de simulation OPNET
3.6 Méthodologie
Résumé du chapitre
4 Dimensionnement du système en zone continentale
Introduction
4.1 Choix des métriques
4.1.1 Débits
4.1.2 Délais
4.1.3 Pertes
4.2 Méthodologie
4.2.1 Influence du contrôle de puissance
4.2.2 Influence de la taille des paquets
4.2.3 Influence de la portée maximale des connexions
4.2.4 Influence de la capacité des connexions
4.2.5 Influence de l’algorithme de routage
4.2.6 Définition d’un scénario de référence
4.3 Evaluation des performances avec du trafic UDP
4.3.1 Performances observées pour le scénario de référence sans interférence
4.3.1.1 Résultats de simulation
4.3.1.2 Analyse des résultats
4.3.2 Performances observées pour le scénario de référence
4.3.2.1 Résultats de simulation
4.3.2.2 Analyse des résultats
4.3.3 Influence du contrôle de puissance
4.3.3.1 Résultats de simulation
4.3.3.2 Analyse des résultats
4.3.4 Influence de la taille des paquets
4.3.4.1 Résultats de simulation
4.3.4.2 Analyse des résultats
Conclusion

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