Les communautés fauniques en forêt boréale exploitée
Importance et définitions
Plusieurs travaux traitent des pnnClpaux facteurs pouvant compromettre la biodiversité en milieu naturel, tant faunique que végétale (Noss 1983; Saunders et al. 1991; Groombridge 1992; Franklin 1993; Forman 1995; Haila 1999; Eam et al. 2000; Veech et al. 2002). Parmi eux, de nombreuses études statuent que la perte et la fragmentation des habitats forestiers naturels constituent les deux principaux facteurs entraînant des diminutions d’abondance des populations de même que l’extinction d’espèces (Andrén 1994; Robinson et al. 1995; Fahrig 2002, 2003; Haila 1999; Debinski & HoIt 2000; Tschamtke et al. 2002). La dualité entre la perte et la fragmentation d’habitat comme moteurs de perte de biodiversité ou de fluctuation d’abondance des populations fauniques mérite une attention particulière (Redpath 1995; Rodewald & Yahner 2001 ; Fahrig 1997, 2002). En effet, les impacts respectifs de la perte et de la fragmentation des habitats ont longtemps été confondus (Fahrig 1997, 2003; Bunnell 1999; Haila 1999), ces deux concepts étant parfois considérés comme similaires dans certaines études (e.g. Cavitt & Martin 2002; George & Brand 2002; Hames et al. 2002) puisqu’ils surviennent habituellement de manière concomitante en milieu naturel. Malgré l’apparente confusion pouvant régner autour des concepts de perte et de fragmentation d’habitat (Haila 2002), la transition de la théorie à la pratique doit reposer sur des définitions claires.
Ainsi, la perte d’habitat peut se définir comme étant la perte de représentation de l’habitat original d’un paysage (Haila 1999; Schmiegelow & Mèinkkèinen 2002), tandis que la fragmentation représente la discontinuité pouvant survenir suite à une perte d’habitat, se traduisant en une augmentation de l’isolement des fragments et de la proportion de bordures (et d’effet de bordure) (Fahrig 1997, 2003; Franklin et al. 2002). L’intervention anthropique à l’échelle du paysage peut induire des changements majeurs dans la structure et la dynamique des populations et des communautés animales, plus particulièrement lorsque la perte d’habitat et la fragmentation du couvert forestier sont observées (Saunders et al. 1991; Fahrig 2002; Lindenmayer et al. 2002). En forêt boréale, ces deux processus sont des conséquences directes de la progression de l’exploitation forestière (Lindenmayer et al. 2002; Schmiegelow & Mèinkkèinen 2002). Lorsque l’étendue des forêts naturelles nord-américaines (Burton et al. 2003) est mise en parallèle avec le rythme où évolue actuellement la foresterie commerciale, il appert que la cohabitation de l’exploitation des ressources et de la conservation d’écosystèmes naturels fonctionnels constitue un enjeu critique.
Application à l’exploitation forestière La foresterie commerciale conduit toujours à une perte de superficie et souvent à la fragmentation de 1′ habitat forestier mature (Andrén 1994; Haila 1999; Fahrig 1997). Relativement au maintien de la biodiversité, il semble que la perte d’habitat représente une menace beaucoup plus importante à la richesse spécifique boréale que la fragmentation au sens strict du terme, malgré que peu d’études aient isolé les effets des deux concepts de manière adéquate (e.g. Fahrig 1997, 2002; Villard et al. 1999; Betts et al. 2006). Toutefois, bien que la perte d’habitat soit actuellement reconnue comme le principal facteur de fluctuation de population ou de perte de diversité faunique à l’échelle du paysage (Fahrig 2003; Schrniegelow & Münkkünen 2002; Wiegand et al. 2005; Betts et al. 2006), il apparaît important de tenter de quantifier l’impact respectif de ces deux processus à l’intérieur même des habitats résiduels afin d’en limiter les impacts (Haila 1999).
L’étude de la perte et de la fragmentation d’habitat oblige la prise en compte de nombreux facteurs tels que la taille et le nombre des fragments, la connectivité, les échelles spatiales et la composition de l’habitat résiduel et de la matrice (Andrén 1994; Haila 1999, 2002; Hagan & Meehan 2002; Schrniegelow & Münkkünen 2002). Par exemple, plusieurs espèces sont affectées par la proportion et la taille des habitats résiduels résultant d’un prélèvement forestier et sont alors considérées sensibles à la superficie (‘area-sensitive species’) (Villard 1998; Drolet et al. 1999; Imbeau & Desrochers 2002).
Au-delà de la quantité de forêt laissée sur pied, de nombreuses autres contraintes influencent la composition en espèces des communautés fauniques à l’échelle du paysage, telles que l’habitat [structure et composition des structure forestières résiduelles (ci-après SFR)] (Ecke et al. 2001), l’hétérogénéité naturelle, le dynamisme et la résilience de l’écosystème forestier (Haila 1999), les échelles spatiales (Haila 2002), la connectivité (Andrén 1996) ainsi que les effets de bordures (Schrniegelow et al. 1997; Niemi et al. 1998; Harris & Reed 2002). D’ailleurs, plusieurs systèmes de classification des espèces réfèrent à leur statut en rapport avec l’utilisation qu’elles font des bordures forestières, des aires ouvertes et de la forêt d’intérieur (e.g. Freemark & Collins 1992). Ces notions, qui sont relatives à la perte et à la fragmentation de l ‘habitat forestier mature, peuvent alors se confondre avec le stade de succession forestière préférentiel d’une espèce (Drapeau et al. 2000; Imbeau et al. 2003).
Il est donc important de bien différencier les impacts respectifs de la perte et de la fragmentation de l’habitat de l’influence de la structure et de la composition du peuplement forestier. Concilier l’exploitation et la conservation constitue un des fondements de la gestion intégrée des ressources afin de préserver la biodiversité (Boulinier et al. 2001). Ainsi, la structure du paysage est souvent reconnue comme un des plus importants prédicteurs de la distribution des espèces, particulièrement chez les oiseaux (Villard et al. 1999; Boulinier et al. 2001). En raison de l’importance de préserver l’intégrité écologique des écosystèmes, l’évaluation de l’impact de différents patrons de perturbation sur la diversité génétique, spécifique et écosystémique de même que sur le niveau des populations et l’utilisation de l’habitat, dans le temps et dans l’espace, s’avère une piste de recherche prioritaire (Franklin 1993; Fahrig & Merriam 1994).
LE CONTEXTE FORESTIER CANADIEN ET QUÉBÉCOIS
Conjointement à sa richesse faunique et floristique, la forêt boréale canadienne constitue un vaste réservoir de matière ligneuse. Ainsi, l’exploitation forestière représente un moteur économique très important et ce, partout au Canada (CCFM 2002). À titre d’ exemple, l’exploitation forestière générait au Québec, en 1999 seulement, des emplois directs et indirects pour environ 20 % de la population active (Bouthillier & Guertin 1997), soit près de 110000 emplois, en plus d’engendrer 30 milliards de dollars d’activité économique dont 11,5 milliards en exportation (SCF 2000). Entre 1995 et 1999, 156,1 millions de mètres cubes (Mm3 ) de bois ont été récoltés en forêt publique, dont 133,8 Mm3 en essences résineuses seulement (MRN 2002a).
Pour certaines régions comme le Saguenay – Lac-Saint-Jean, 100 % de la possibilité forestière résineuse a été récoltée durant cette période, soit 37,6 Mm3 (MRN 2002b). Parallèlement à l’augmentation notable des taux de prélèvements ligneux observés en forêt boréale depuis la fin des années ‘ 80, la conscientisation du grand public, l’expansion des notions de conservation de la biodiversité et les pressions politiques mondiales ont enclenché des révisions majeures des régimes d’exploitation forestière en Amérique du Nord et en Scandinavie (Burton et al. 2003). Au Québec, cette remise en question du régime forestier a été stimulée par le film L’Erreur boréale produit par l’Office Nationale du Film sous la gouverne de Richard Desjardins et Robert Monderie.
Depuis lors, cette prise de conscience a été renforcée par les conclusions de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique au Québec (Coulombe et al. 2004), les nouveaux calculs du forestier en chef (i .e. M. Pierre Levac) de même que par le constat de la Commission mondiale sur les forêts et le développement durable. En effet, cette dernière Commission a fait ressortir que le ralentissement du déclin et la préservation des forêts passait en grande partie par le Canada, qui possède encore de 20 à 25 % de ses forêts originelles (Burton et al. 2003). Parallèlement, l’industrie forestière et la société canadienne font face au défi de développer de nouvelles approches forestières flexibles afin d’aménager la forêt de manière biologiquement et économiquement durable, tout en considérant l’ensemble des utilisateurs de la forêt. Le défi semble donc de maintenir l’intégrité, la fonctionnalité et la diversité des écosystèmes forestiers sous un régime d’exploitation soutenue.
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Table des matières
AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
RÉSUMÉ
CHAPITRE 1 INTR ODUCTION GÉNÉRALE
Perte et fragm enta ti on de l ‘habitat foresti er mature
Applicati on à l’ expl oitation foresti ère
Le contexte foresti er canadi en et québécoi s
Les communautés fauniques en forêt boréale exploitée
Utili sation des parterres de coupe
Insta uration des structures forestières résiduelles
De nouvelles approches de dispersion
Comment planifier la récolte des SFR ?
Bases de réfl ex ion de la présente thèse
Obj ectifs et hypothèses
Espèces à l ‘étude
C HAPITRE II MÉTHODOLOGIE PRÉCONISÉE POUR L ‘ÉTUDE D ES RELATIONS FA UNE HABI TAT EN MILIEU SPATIALEMENT STRUCTURÉ
Résun1é
Di spositif expérimental
A ire d ‘étude
T raitements à l’ étude
P lan d ‘échantillonnage, variabilité et contra intes logistiques
L ‘ autocorrélation spatiale et l’étude des relations faune-habitat
Défin itions, exemples et importance du concept d’ autocorrélation spatiale
Description, modélisation et contrôle de l’autocorrélation spatiale
Coordonnées Principales de Matrices de Voisinage (CPMVs)
Sélection des Modèles d ‘Utilisation d ‘ Habitat (MUHs)
Objectifs de l’ approche et inférence scientifique
Régress ion multiple, parcimonie et ‘ modèle minimum adéquat’
Sélection ‘bayesienne ‘
Sélection ‘ fréquentiste ‘
Avantages et inconvénients des deux types d ‘approches
Synthèse
Application de la sélection pas à pas aux MUHs des chapitres III et IV
Partition de la variance
Objectifs et concepts sous-jacents
Principe d ‘ utili sation
Justification d’ utiliser le R/ et signification des variances négatives
Influence du nombre de variables sur la part de variation expliquée
Conclusions
Remerciements
Références
CHAPITRE III EFFECTS OF RESIDUAL STAND STRUCTURE AND LANDSCAPE CONFIGURATION
ON HABITAT USE BY BIRDS AND SMALL MAMMALS IN MANAGED BOREAL
FOREST
Abstract
Résun1é
Introduction
Materials and Methods
Study area
Experimental design
Estimation of species relative abundances
Characterization of stand structure
Landscape characteristics
Data analyses ……
Results
Species relative abundances vs. logging treatments
Habitat use models
Partitioning of the explained variance
Forest bird community maximum abundances, species richness and evenness
Discussion
Relative abundances vs. logging treatments
Habitat use models (HUMs) and variance partitioning
LiJnits and scope
Conclusion
Acknowledgments
Literature cited
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