Des expériences tous azimuts aux contours et objectifs variés
La vie culturelle lyonnaise nous l’avons vu s’est internationalisée progressivement, portée par les grands opérateurs culturels. Cependant, ces derniers se caractérisent par leur extrême hétérogénéité, établissant des relations multiformes sur la scène étrangère, motivées par des logiques et ambitions diversifiées. De même, tous les acteurs culturels n’ont pas l’expérience, ni les moyen d’intégrer la scène’ internationale. Il y a ainsi une réelle fragmentation du milieu culturel local en la matière.
Les expériences à l’international peuvent donc prendre des contours très variés : de l’accueil d’artistes étrangers, au rayonnement international de grands événements locaux, de l’exportation d’événements à l’inscription dans des réseaux culturels. Elle peut également prendre place dans le cadre de dispositifs européens, ou bien faire partie d’une coopération décentralisée avec la ville ou la Communauté d’agglomération. Ainsi, événement à véritable succès, le festival des Nuits Sonores, dédié aux musiques électroniques, a réussi brillamment à s’inscrire à l’international et fait désormais figure d’exemple dans ce domaine. A sa tête, Vincent Carry dirige le festival et sa structure de production : Arty Farty. Cette dernière développe « des activités de direction artistique, de management et d’ingénierie culturelle ». Figure de la culture lyonnaise, Vincent Carry, le directeur d’Arty farty, est une personnalité très insérée sur la scène internationale. Il a considérablement œuvré à l’ouverture du festival vers l’ailleurs en souhaitant « inscrire Lyon sur la carte européenne des cultures électroniques et indépendantes » . Outre la renommée du festival, l’association Arty Farty a développé de multiples projets internationaux, allant de l’accueil d’un grand forum international à l’exportation du festival Les Nuits Sonores à l’étranger. De fait, son inscription à l’international a franchi un nouveau cap puisque depuis 2011, le festival est officiellement labellisé et subventionné par l’Union Européenne. De plus, créé en 2013, la nouvelle plateforme European Lab confirme l’ouverture du festival à l’étranger. Cette dernière se présente comme un forum rassemblant 500 personnalités européennes (journalistes, élus, chefs d’entreprises, artistes, acteurs culturels) afin de débattre sur des thématiques variées : les liens entre culture et économie, etc. Selon Vincent Carry, le forum est l’opportunité de débattre de l’avenir de la culture et des politiques culturelles à l’échelon qui est aujourd’hui pertinent : l’Europe. Enfin dernière coopération initiée par Arty Farty est l’exportation du festival au Maroc, créant ainsi un pont artistique entre les deux pays. En 2013, le festival s’est exporté à Tanger. Ce travail a été mené par l’association Arty Farty, connectant les acteurs culturels d’Europe et du Maroc. De même, les deux festivals sont allés plus loin : « Nuits sonores Tanger est le premier événement international sur lequel European Lab s’est exporté, créant ainsi le concept de Lab session, auquel plus d’une vingtaine d’intervenants du Maroc et de France se sont rencontrés » . En retour, l’édition lyonnaise des Nuits Sonores 2013 a accueilli une vingtaine d’artistes marocains. Par ailleurs, la Biennale de la danse est également un autre exemple de coopération bilatérale menée avec une métropole européenne. Suite aux nombreux échanges entre Dominique Hervieu, Directrice artistique de la Biennale de la danse de Lyon et Gigi Cristoforetti, Directeur de Torinodanza qui se rencontraient régulièrement dans les festivals européens, ils ont décidé en 2013 de mener une collaboration ensemble sur leurs festivals respectifs. Ainsi, l’échange artistique entre les deux structures aura pour priorité, en 2014, le développement des publics et la pratique amateur. Le projet le plus ambitieux est la collaboration dans le cadre du Défilé. Ce dernier se compose de 800 participants, dont 400 turinois. Or Turin est une ville partenaire de Lyon, cela s’inscrit donc tout à fait dans la stratégie du territoire. Certaines structures culturelles lyonnaises peuvent s’inscrire également dans des projets européens subventionnés par des programmes de l’Union Européenne. De fait, le Théâtre des Célestins et le Théâtre de Poche ont initié un projet « Territoires en écritures» subventionné par le programme de coopération territoriale INTERREG France-Suisse. Ce dernier contribue au financement de projets transfrontaliers dans de multiples domaines : économie, recherche, formation, aménagement du territoire, services, tourisme et culture. Les deux théâtres « invitent à participer jusqu’en 2015 à différents rendez-vous transfrontaliers mettant à l’honneur ces auteurs français, suisses ou d’ailleurs, leurs œuvres et leur travail sur notre territoire » . Le projet se décline en résidences d’artistes communes, ateliers d’écriture, rencontres et débats, spectacles croisés, etc. Afin de créer une circulation des publics, d’autres temps forts sont organisés, comme des week-ends culturels et touristiques en France et en Suisse, spectacles croisés, colloques).
De nombreux exemples d’acteurs culturels lyonnais inscrits sur la scène internationale pourraient être ainsi développés, démontrant l’insertion, à des degrés variables, des opérateurs sur la scène européenne et internationale. Comme le souligne Christine Tollet « Les choses se créent par les hommes, les associations qui partent beaucoup développent des liens ». Ainsi les acteurs culturels jouent un rôle premier dans le développement de l’internationalisation d’une métropole. Les acteurs établissent de manière indépendante des relations internationales et ce, depuis longtemps, sans définir nécessairement une stratégie à l’international ou des objectifs et contours précis, comme c’est le cas aux Subsistances. Face à la pluralité des expériences, il s’agit alors de réfléchir à la mise en cohérence et la généralisation des expériences. Comment appuyer ces initiatives et les encourager à poursuivre ce processus d’ouverture?
L’exemple des Subsistances : une structure aux multiples coopérations
L’étude des Subsistances, laboratoire international de création artistique, permet d’observer une structure culturelle particulièrement insérée sur la scène étrangère. Lieu de résidence tourné vers la création internationale, elle a réussi à établir un formidable maillage de structures et coopérations à l’échelle locale, nationale et internationale.
Un lieu dédié à la création contemporaine et à la performance internationale
Créé en 2000 sur le modèle des friches culturelles, comme celle de la Friche Belle de Mai à Marseille, les Subsistances sont devenus au fil du temps un lieu de création institutionnalisé, tout en maintenant une programmation audacieuse et pointue. Consacré au spectacle vivant (danse, théâtre, cirque), Les Subsistances sont un lieu de travail, de création, d’expérimentation et de dialogue avec le public. Après plusieurs successions de directions, Cathy Bouvard et Guy Walter, l’une des personnalités lyonnaises les plus médiatiques, dirigent depuis 2003 le lieu. La fonction première du lieu est d’offrir aux artistes des espaces de travail, un hébergement, et un suivi administratif, technique, financier et intellectuel. « Les mots d’ordre des Subs la discussion avec les artistes, I’ accompagnement, le choix d’être ensemble. Pas de diffusion, ou très peu, de spectacles prêts à I’emploi, mais des coproductions assorties de résidences de recherche plus ou moins longues » . Des longues périodes d’expérimentation sont accordées aux artistes et un réel suivi de la carrière des compagnies est mené par la direction. Ainsi, seul un tiers des équipes artistiques accueillies chaque année sont de nouvelles compagnies, les autres y ont déjà travaillé sous une forme ou une autre. «Les Subsistances soutiennent tous les projets de la compagnie depuis son origine.
C’est précieux d’avoir de tels partenaires sur une longue durée dans notre parcours artistique. C’est aussi un lieu qui tient compte du temps de création et qui met à disposition des artistes des moyens pour la création. C’est rare autant en France qu’à l’étranger» comme le soutient Adrien Mondot, artiste numérique. Par ailleurs, les Subsistances proposent des projets artistiques singuliers en soutenant des formes hybrides, émergentes, multidisciplinaires et innovantes. Trop peu nombreux sont les lieux comme les Subsistances qui produisent ces formes artistiques, associant théâtre, nouvelles technologie, cirque à égalité financière avec les autres formes. De fait Le Monde souligne « A Lyon, le festival des Subsistances fait la part belle aux « nouvelles formes » et aux mélanges des genres » . Des temps forts singuliers ponctuent la saison comme le Festival Mode d’emploi, Aire de jeu, Week_End Ça Va ?. Enfin, outre ses fonctions de centre de production, les Subsistances ont développé une ouverture au public, en associant le public à chaque étape de création : répétitions publiques, débats, projets participatifs, festivals, ateliers de pratique artistique. De plus, la politique tarifaire très basse, avec un tarif unique de 8€pour tous les publics, permet d’accueillir, dans une moindre mesure, un public large et diversifié, dont notamment les jeunes. Selon une étude publique de 2001, le public âgé de moins de 40 ans représente plus de 60% des spectateurs.
Un maillage local et international : L’inscription réussie des Subsistances dans un jeu de réseau
Le succès des Subsistances à la fois sur la scène locale, nationale et internationale s’explique par le formidable maillage du lieu sur le territoire. Or l’ouverture à l’international « implique de tisser des réseaux avec des structures qui peuvent être nationales, internationales, c’est aussi développer une notoriété pour la structure qui signifie une certaine qualité artistique » . Bien inséré au niveau local, les Subsistances ont acquis au fil du temps une visibilité au niveau national, voire international constituant un significatif réseau de partenaires. Ce maillage à différentes échelles est une des clés de réussites de l’ouverture à l’international. Ainsi même au niveau local, l’objet de la coopération concentre une forte dimension internationale.
Ainsi, l’association s’inscrit dans un jeu de réseaux sur le territoire dialoguant régulièrement avec les compagnies et structures locales. Le lieu offre aux compagnies émergentes et/ou locales les espaces de travail et les chambres à la résidence, mais aussi un accompagnement technique, voire un financement de l’événement à hauteur de 5 000 €, ou encore l’organisation de la billetterie et de l’accueil du public. Ainsi sur l’année 2013, 22 compagnies régionales ont été soutenues par une résidence, un prêt de salle et, pour certaines d’entre elles, un apport financier et un soutien technique Par ailleurs, la structure multiplie les collaborations avec d’autres institutions locales. On peut notamment citer le Théâtre des Célestins pour l’organisation du festival Sens Interdits, la Villa Gillet pour le festival Mode d’Emploi et les Assises Internationales du Roman, ou encore le Théâtre de La Croix-Rousse. Chaque année, les Subsistances collaborent régulièrement avec la Maison de la Danse (Printemps de la création, etc.), le CCN Rillieux qui sont régulièrement accueillis sur le site.
Le lieu entretien également un partenariat étroit avec l’ENSBA et le CNSMD qui présentent dans les salles de spectacle des performances publiques des étudiants, tout au long de l’année.
Cependant il est intéressant de noter que parmi les partenariats menés avec les structures de Rhône-Alpes, nombre d’entre eux concernent des projets internationaux. On peut tout d’abord s’intéresser aux relations étroites entretenues entre la Villa Gillet et les Subsistances. Ces dernières, conduites par le même directeur, co-organisent plusieurs manifestations internationales parmi lesquels les Assises Internationales du Roman (AIR) ou encore le festival Mode d’Emploi. Programmé par la Villa Gillet, les Subsistances mettent à la disposition pour cet événement des espaces, des chambres, leur équipement technique disponible, ainsi que leur force de travail pour l’organisation de l’accueil du public. Par ailleurs, le partenariat récent entre la compagnie de danse Loge 22 et les Subsistances démontrent également la coopération locale sur des manifestations « internationales ». Depuis 2011, le lieu de résidence a accueilli le festival « Spider », projet subventionné par l’UE rassemblant danseurs, chorégraphes, musiciens, plasticiens et auteurs de quatre pays européens différents (France, Slovénie, Hongrie, Belgique). Pendant trois jours, des performances d’artistes étrangers ont été montrées aux Subsistances, initiant une première collaboration entre les deux associations. Jessica Bell, administratrice de Loge 22, raconte la genèse de cette coopération: « La 1er année avait déjà lieu aux Subsistances. C’était la 1ere fois qu’on collaborait avec eux. Vu notre projet d’investir un lieu, avec une libre gestion de l’espace, les subsistances correspondait à ce dont on avait besoin : soutenir un projet risqué, une compagnie émergente… ».
Partager les expériences et mutualiser les savoirs à l’international, un enjeu au sein d’un secteur culturel fragmenté
« Non l’internationalisation est bien une conquête. Une conquête entreprise par divers acteurs urbains parfois isolés parfois regroupés, parfois qui collaborent parfois concurrents. » . Il s’agit ici d’analyser les acteurs qui font de l’internationalisation une réalité. Désormais la ville, en tant qu’acteur collective doit mobiliser ses ressources, se façonner une identité et une histoire et fédérer les acteurs du territoire, élus, entreprises, associations et citoyens. Lyon a dû se forger une image à l’intérieur pour mieux se positionner à l’extérieur. Cependant un enjeu demeure : comment regrouper les acteurs autour d’une stratégie d’internationalisation, commune et partagée par tous ?
Les pouvoirs politiques locaux jouent aujourd’hui un rôle majeur dans la concurrence des villes, plaçant l’internationalisation comme un enjeu local prioritaire. La ville et la Communauté urbaine de Lyon, défendent une stratégie axée sur l’inscription dans des réseaux et au sein de programmes européens. Le développement économique apparaît comme la priorité des gouvernements locaux, tout en affichant le rôle essentiel de la culture dans le processus d’internationalisation. Dans cette optique, la ville soutient globalement les initiatives des acteurs culturels. Cependant, les inégalités entre ces derniers persistent, rendant complexe le développement d’expériences sur la scène étrangère. Il s’agit donc d’étudier la propre stratégie mise en place par les collectivités territoriales et la manière dont les acteurs culturels y sont intégrés et se l’approprient. (Chapitre I).
Si les expériences étrangères sont de plus en plus encouragées, le secteur culturel lyonnais a investi de manière extrêmement variable cette dimension. De fait, les opérateurs culturels perçoivent la scène européenne et internationale comme une nébuleuse complexe, requérant des compétences et ressources importantes. Il semble que le milieu culturel pourrait bénéficier des expériences réalisées par certains acteurs, de partager sur les savoirs et réseaux pour permettre à un plus grand nombre de s’y inscrire. Comment les acteurs culturels peuvent coopérer et mettre en cohérence ces expériences ? Quels efforts de dialogue et de mutualisation sont mis en place? (Chapitre II).
Les collectivités territoriales, un rôle de soutien et de structuration du secteur culturel
Les élus urbains jouent un rôle premier dans la définition « d’une stratégie active pour le développement économique et l’internationalisation de l’agglomération ».
Au sein de ce dernier, et sous l’égide du Grand Lyon (GL), la gouvernance économique métropolitaine est une priorité de l’action publique locale. Cependant, la culture joue souvent un rôle de soutien aux relations internationales du territoire. Dans cette optique, les collectivités territoriales apportent un soutien financier et logistique, essentiel au secteur. De même, elles peuvent faciliter la structuration et la multiplication des expériences à l’international, sans toutefois définir une stratégie culturelle métropolitaine à l’international.
Le développement économique et culturel au cœur de la stratégie politique
L’accélération de la compétitivité des territoires entraine une évolution de la gouvernance urbaine et la transformation des agendas politiques locaux. Selon Renaud Payre, « L’internationalisation de Lyon est avant tout mise en oeuvre par les acteurs politiques et économique » et porté par de grandes personnalités. La visibilité dans les réseaux internationaux, le développement économique et la promotion des événements culturels sont considérés comme un élément central des nouvelles politiques locales. Si historiquement la ville de Lyon a joué un rôle fondateur dans le processus d’internationalisation, il faut souligner la montée en puissance du GL dans ce mouvement.
La métropole en tant qu’acteur
À partir des années 1990, la thématique du rayonnement international devient une thématique très prisée par la municipalité, au point même de devenir un enjeu débattu aux élections. Dès le mandat de Michel Noir à la municipalité en 1989, les maires qui se succèdent soulignent leur engagement actif en faveur du développement international, principalement centré sur l’économie. « Les programmes politiques généraux de Michel Noir, Raymond Barre et Gérard Collomb pour la communauté urbaine de Lyon révèlent alors à la fois une continuité importante, un développement conséquent ainsi qu’une imbrication de plus en plus forte des thématiques de la « gouvernance », de la « métropolisation » et du « développement économique » et, ce, malgré les changements de parti puis de bord politique que leurs élections successives impliquent. ». En 1989, Michel Noir (RPR) est le premier maire de Lyon a axé sa campagne de candidat à la mairie sur l’internationalisation de Lyon.
Cette dernière sera fondée sur une politique de grands équipements tels que la rénovation de la Cité Internationale ainsi que sur une réforme accentuant la coopération entre les différentes institutions locales. Arrivé à la municipalité en 1995, Raymond Barre (UDF) reprend cette même thématique en axant sa politique sur les délocalisations d’institutions publiques et privées et sur le « développement économique » comme priorité de la Communauté Urbaine. Cependant c’est l’arrivée de Gérard Collomb (PS) à la mairie qui finalise la stratégie d’internationalisation de la ville. Il construit sa politique sur l’aménagement de grands équipements au sein du territoire en accompagnant, par exemple, le projet de confluent entre le Rhône et de la Saône. De plus, il est le premier maire qui place la rhétorique de la gouvernance économique au cœur de son plan de mandat, tout en accélérant ces efforts pour faire du Grand Lyon « une communauté de pensée » . De plus, selon Renaud Payre « La valeur ajoutée de Gérard Collomb est effectivement qu’il se déplace plus à l’étranger que ses prédécesseurs. Il joue plus un rôle de VRP. Et même si elle ne se réalise jamais, l’idée de Lyon Dubaï City [la reconstitution de quartiers de Lyon dans les Émirats, N.D.L.R.], est très révélatrice de cette volonté d’internationalisation ».
Le soutien inégal des acteurs politiques aux structures œuvrant à l’international
Les collectivités territoriales, désireuses d’accroitre le rayonnement international, ont été soucieuses de soutenir les initiatives du tissu culturel local. On peut ainsi observer les relations étroites tissées entre les acteurs associatifs et les pouvoirs politiques locaux, expliquant en partie la conjoncture favorable au rayonnement culturel de la métropole.
Cependant, l’observation de l’aide apporté par la municipalité témoigne de la faible intégration du tissu culturel à la stratégie de la ville, et de l’inégal soutien du secteur, valorisant trop souvent les grandes manifestations et institutions locales.
Une complicité entre la ville et les acteurs associatifs innovants
A travers sa politique de subventionnement, les élus soutiennent directement le dynamisme du tissu culturel à l’international. « Le plus souvent ce sont les professionnels qui sollicitent un soutien financier à la diffusion de leur travail à l’étranger ou à l’ouverture à des créateurs étrangers de manifestations culturelles qu’ils organisent. Ceci confère une orientation internationale à la politique de subventionnement de la collectivité territoriale» . L’appui apporté aux acteurs se traduit donc tout d’abord dans ses lignes budgétaires, puisque rappelons-le 20% du budget municipal est consacré à la culture.
Certaines institutions, liées par une convention d‘objectifs avec la DAC de la ville de Lyon, ont inscrit dans leur mandat le rayonnement international comme c’est le cas des Subsistances. Autre outil essentiel de la politique de soutien des relations culturelles internationales est la convention signée avec l’Institut Français, organe du ministère des affaires étrangères en charge du rayonnement international. Depuis 1998, la municipalité a choisi de s’engager dans un partenariat avec l’Institut Français (IF), rejoint par la suite par le Grand Lyon. Mécanisme de soutien à la mobilité, l’objectif de cette convention est de favoriser le soutien et le développement des activités et échanges des acteurs culturels sur la scène européenne et internationale. Les collectivités et l’IF financent, à part égale, des projets d’échanges développés par les compagnies, artistes et plus rarement des institutions comme l’Orchestre national de Lyon. Par ailleurs, parmi les collectivités françaises, la ville dispose de la plus grande enveloppe s’élevant à hauteur de 250 000 euros. Les pouvoirs politiques locaux jouent ainsi un rôle structurant au sein du secteur culturel apportant une aide financière et logistique à leurs initiatives. « Il y a des confirmés qui viennent nous voir avec des projets précis et d’autres acteurs qui viennent car ils ont envie de se lancer à l’international. » . De plus, la Direction des Affaires Culturelles (DAC) peut être force de proposition et de conseils auprès du tissu local et propose des échanges, qui concernent majoritairement leurs destinations stratégiques.
Cependant, au sein du tissu culturel lyonnais, certains opérateurs culturels et les pouvoirs politiques locaux sont devenus aujourd’hui de véritables partenaires à l’instar du Grand Lyon et de l’association Arty Farty. Vincent Carry témoigne : « Le Grand Lyon, notamment via Lyon ou via la D.R.I., est partenaire d’un certain nombre d’actions qu’on mène et parfois force de proposition aussi. C’est-à-dire on tient compte, on a un dialogue avec la D.R.I. qui est un dialogue presque constant depuis presque sept ans où, en fait, on regarde comment Nuits Sonores et Arty farty peuvent être des acteurs du développement territorial de Lyon ».
Il faut ainsi souligner la véritable complicité entre plusieurs personnalités culturelles et politiques, s’accordant sur une stratégie commune pour le rayonnement de la ville comme le précise Vincent Carry : « En effet le maire de Lyon et l’adjoint à la culture sont présents et participent aux débats. Le simple fait qu’ils nous invitent à conduire ces débats à l’intérieur même de l’Hôtel de Ville signifie, sans doute pas une adhésion à tout ce que l’on raconte, mais au moins une adhésion au fait que l’on en débatte et c’est déjà intéressant » . Preuve en est avec la participation de Vincent Carry à la présentation de la candidature de Lyon au titre de Capitale européenne de la culture 2014 ou encore le soutien apporté à celle de Gérard Collomb aux municipales la même année. De même, le maire invite régulièrement les participants de l’association à participer aux délégations du GL comme le précise Juliette Cantau : « Mais l’associatif, une illustration, c’est les « Nuits Sonores ». Il y en a d’autres qui viennent, mais effectivement, très souvent, ils sont venus avec nous. Je crois qu’ils sont allés au Japon, Turin, il est fort possible qu’ils seront invités à Turin parce qu’effectivement, il y a une scène électro à Turin qui est importante, qu’il y a des échanges et que naturellement ça intéresse Turin. Lorsque les élus turinois ont rencontré la délégation lyonnaise à laquelle ne participaient pas les représentants de « Nuits Sonores », ils ont exposé leur volonté de créer un focus culturel sur Lyon à Turin en mettant en avant l’innovation et la culture électronique. » .L’association Arty Farty en souhaitant « inscrire Lyon sur la carte européenne des cultures électroniques et indépendantes » participe donc pleinement à la stratégie de promotion de la métropole lyonnaise. La municipalité entretient ainsi un dialogue privilégié avec l’association Arty Farty, faisant de cette dernière un acteur particulièrement intégré à leur stratégie. Des projets leur sont souvent proposés : « L’adjoint au maire de Turin a dit au Grand Lyon, on va faire des focus culturels sur les villes à partir de 2013 et on aimerait commencer avec Lyon pour des raisons assez logiques parce qu’on construit un TGV. Et donc, les deux villes vont se rapprocher, etc… Donc, là, par exemple, le Grand Lyon nous appelle et nous dit : voilà, il va peut-être y avoir un focus culturel sur Lyon à Turin, ils ont plutôt envie d’orienter ça innovation, culture électronique, numérique, etc…, est ce que ça vous intéresse ? Nous, on dit : oui, ça nous intéresse. Donc, là il est question qu’une délégation turinoise vienne à Lyon voir ce qu’on fait. Peut-être qu’on partira sur un projet. » . Citons également l’exemple de la Biennale de la danse qui, en tissant des liens étroits avec la ville de Turin pour le Défilé 2014, a conforté les relations entre les deux villes, déjà partenaires. L’échange mené par la Biennale de la Danse s’insère ainsi complètement dans la stratégie et le plan marketing de Lyon : « La manifestation s’inscrit profondément dans le plan marketing de la ville. Tout comme la Biennale de la Danse d’ailleurs, un des plus grands évènements célébrant cet art en France, et fonctionnant en véritable binôme avec celle d’art contemporain » . Des liens étroits se sont noués entre plusieurs opérateurs culturels et le maire qui partagent une vision commune sur le projet global du territoire, ses valeurs, et sur l’imbrication du monde politique et culturel. Cependant, l’ensemble du tissu culturel ne participe pas au même degré à la stratégie de la métropole lyonnaise.
Des acteurs politiques et culturels divisés : des intérêts divergents, un soutien inégal
Le processus d’internationalisation du champ culturel lyonnais pose toutefois la question de son équilibre et d’une concurrence entre les différents opérateurs. L’analyse du cas lyonnais permet d’observer un certain degré de concurrence entre eux, des positions contrastées vis à vis de l’expérience à l’international, ainsi qu’une valorisation inégale au sein de la politique internationale de la ville. Les diverses expériences menées par le tissu culturel lyonnais ne fédèrent pas le même soutien de la part de la municipalité démontrant les expériences polycentriques et parfois concurrentes. De fait, le soutien apporté aux acteurs culturels révèle une certaine fragmentation du tissu culturel. Peut-on en conclure une certaine différenciation entre institution et compagnie ? Entre les institutions et les manifestations événementielles?
Ainsi, divers articles et témoignages de la scène culturelle lyonnaise démontrent de fortes disparités entre les acteurs. Certains dénoncent le poids substantiel des grandes institutions, quant à d’autre, celles des événements médiatisés. « Les partenaires culturels traditionnels des métropoles perdent peu à peu de leur poids dans les coopérations bilatérales au profit de plus jeunes structures vues comme plus innovantes et créatives. » . De fait, à Lyon, les grands événements bénéficient aujourd’hui d’une valorisation exceptionnelle, au détriment de certaines institutions « traditionnelles ». Prenons l’exemple de l’Opéra National de Lyon, partenaire culturel traditionnel de la ville, qui s’est effacé progressivement au sein de la stratégie politique pour des événements plus innovants et attractifs auprès des autres pays.
D’autres dénoncent le poids prépondérant des grandes institutions lyonnaises comme le souligne Vincent Carry : « Lyon est un moindre mal, car il y a eu un certain nombre d’évolutions et de prises de risques. Malgré tout à Lyon comme ailleurs, une immense majorité des moyens budgétaires sont fichés vers les grandes institutions culturelles. Le poids de l’art lyrique ou de l’opéra dans le financement de la culture pèse extraordinairement lourd en proportion de son impact social réel » . On peut conclure alors à une certaine concurrence au sein du tissu local. Par ailleurs, à ce constat, s’ajoute les choix budgétaires réalisés qui accentuent la fragmentation et la concurrence parmi les opérateurs culturels. En effet, selon Joëlle Moliéra, une différence s’opère entre, d’une part, les institutions, ambassadeurs du rayonnement de la métropole qui sont des institutions « coquille vide » (c’est à dire sans une troupe artistique attachée à la structure) et de l’autre, le tissu associatif (compagnies et artistes) qui tournent régulièrement en France et à l’étranger. Ces derniers bénéficient aujourd’hui de la plupart des financements de l’Institut Français. Raphaelle Fillon le souligne : « On n’a pas de financement spécifique, on en a eu certaines années sur la ligne qui a l’époque s’appelait l’AFAA maintenant c’est l’Institut français. On a eu des aides pour la venue ou l’envoi d’artistes étrangers mais cela fait quelques années que la ville préfère donner ces aides directement aux compagnies. ».
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 . Le dynamisme du tissu culturel dans le processus d’internationalisation du territoire lyonnais
I. Lyon l’internationale, l’ambition d’une ville
A. L’internationalisation et la métropolisation du territoire lyonnais, deux processus qui s’entrecroisent
B. Les relations culturelles internationales au service du rayonnement du territoire lyonnais
II. Des acteurs culturels présents sur la scène européenne et internationale
A. La culture, un secteur intrinsèquement ouvert vers l’ailleurs ?
B. L’exemple des Subsistances : une structure aux multiples coopérations
Chapitre 2 : Partager les expériences et mutualiser les savoirs à l’international, un enjeu au sein d’un secteur culturel fragmenté
I. Les collectivités territoriales, un rôle de soutien et de structuration du secteur culturel
A. Le développement économique et culturel au cœur de la stratégie politique
B. Le soutien inégal des acteurs politiques aux structures œuvrant à l’international
II. Partager expériences, réseaux et compétences pour améliorer la cohérence des relations culturelles internationales lyonnaises ?
A. Allier coopération locale et internationale : un enjeu à relever
B. Comment mettre en cohérence la diversité des expériences ?
CONCLUSION
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