LA PART DE RESPONSABILITE DES POPULATIONS
La responsabilité des populations est entière très souvent, elles constituent même à l’origine des litiges. Cette responsabilité civile se situe dans la plupart du temps par le reflexe mal intentionné de certains escrocs qui morcèlent et vendent des terrains dont ils ne sont pas propriétaires. Elle se manifeste également au comportement incompris de certains habitants qui délibérément occupent un terrain d’autrui et refusent de le libérer en cas de besoin par l’ayant droit. Etant donné que notre zone d’étude est composée en majorité par les lébu certaines de leurs pratiques coutumières ne cessent également de renforcer les nombreux cas de litige. En effet, nonobstant la loi sur le domaine national qui supprime les droits coutumiers sur les terres, ces pratiques persistent toujours. Certains propriétaires continuent de gérer leurs terres faisant fi des lois en vigueur ; en procédant à des ventes illégales des terres du domaine national sous le prétexte que ces terrains appartiennent à leurs ancêtres.
LA RESPONSABILITE DE LA COMMUNE DE RUFISQUE
Cette responsabilité de la commune de Rufisque est également entière car très souvent c’est elle qui crée la situation des conflits fonciers. Ceci s’avère d’autant plus vrai que lors de la distribution des parcelles du lotissement de Rufisque 2, une même parcelle pouvait faire l’objet d’une double attribution. Ces cas sont fréquents et très souvent on assiste même à des scènes de violence entre propriétaires d’une même parcelle entrainant ainsi une intervention policière. C’est dire donc que la commune est pleinement impliquée dans les litiges fonciers. Certains maires avec une mauvaise interprétation des textes se croient dans la possibilité de vendre des terrains, alors il est mentionné noir sur blanc qu’ils ne sont pas habilité à vendre des terrains. Ces genres de situation arrivent très souvent jusqu’à conduire certains maires à avoir des démêlés avec la justice.
LE TRANSFERT DE COMPETENCES EN MATIERE DOMANIALE D’URBANISME ET D’HABITAT
Le processus de centralisation du pouvoir a commencé à l’époque coloniale. Au lendemain des indépendances, les contraintes inhérentes à la création des Etats modernes ont conduit les nouveaux gouvernements à créer des institutions centrales, à privilégier l’Etat par rapport aux collectivités locales. A l’époque, la vision dominante du phénomène politique était conditionnée par l’idée selon laquelle le cadre incontournable à l’intérieur duquel un pays civilisé se doit d’être organisé est l’Etat Nation. L’impératif, disait-on alors est d’éviter la parcellisation du pouvoir, de construire la Nation et sortir du sous développement. Au fil du temps, les processus de développement et de construction nationale ont abouti à des résultants décevants comme en atteste l’échec des sociétés nationales à l’époque comme la SODAGRI et la SAED. On a alors commencé à parler de décentralisation. Dans le cas du Sénégal, la politique de décentralisation a été initiée par la création de la commune de Saint-Louis en 1872 suivie celle de Rufisque en 1880 et celle de Dakar en 1887. C’est en 1996, que cette politique de décentralisation a atteint une phase importante avec l’érection des régions en collectivités décentralisées et le transfert de plusieurs compétences à l’ensemble des dites structures. Ainsi, l’Etat soucieux du développement endogène de ces communautés de base, s’est réorienté vers une nouvelle démarche à travers d’une cogestion de certains de ses pouvoirs. Cela, dans la perspective d’une meilleure prise en compte des problèmes des populations locales. C’est ce qui devait de se traduire par la dévolution de certaines compétences aux élus locaux. Compte tenu de l’objectif du mémoire, il est important de s’appesantir sur les compétences transférées en matière domaniale, d’urbanisme et d’habitat.
Les Domaines : L’article 17 de la loi 96–07 stipule que « dans le respect des principes et dispositions de la loi sur le domaine national et du code du domaine de l’Etat, les compétences transférées aux régions, communes et communautés rurales en matière domaniale concernent la gestion et l’utilisation du domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national ».
Le domaine privé de l’Etat : L’Etat peut céder des biens faisant partie de son domaine privé aux collectivités locales ou passer des conventions avec celles-ci à cet effet.
La cession : qui consiste d’un transfert de la pleine propriété du bien de l’Etat à une collectivité locale. C’est ainsi que tous les biens meubles ou immeubles nécessaires à l’exécution des missions d’une collectivité locale peuvent être cédés de même que les biens destinés à abriter des agences décentralisées ou des équipements collectifs.
L’affectation : l’Etat peut affecter le droit d’usage de certains de ses immeubles et meubles à une collectivité locale. L’affectation est la mise à disposition gratuitement d’une collectivité locale des immeubles nécessaires au fonctionnement de ses services.
Le domaine public : Pour ce qui concerne le transfert de compétence du domaine public maritime et du domaine public fluvial, l’Etat a transféré des compétences de gestion à la région pour les projets ou opérations initiés par les personnes morales ou privées autre que l’Etat. L’autorisation d’occuper le domaine public maritime ou fluvial est accordée par délibération du conseil régional après avis de la collectivité locale où se situe le projet. A la lumière de ce qui précède, il ne s’agit aucunement de transfert de compétence pleine et entière. La loi ne prévoit qu’une cession de droit consacré aux collectivités locales. L’Etat a joué en matière domaniale la carte de la prudence tout en n’ayant un droit de regard sur le foncier. C’est ce qui explique d’une part l’imprégnation de ces services déconcentrés (cadastre, domaine, urbanisme) qui ont la charge de réguler et de faire respecter les normes qui régissent le foncier. Ceci s’inscrit également dans le dessein d’éviter le bradage des terres qui constituent un patrimoine national.
Le domaine national : En matière de domaine national, il n’y a pas de grand changement. Les terres qui se trouvent dans le domaine national et particulièrement dans les zones urbaines peuvent être immatriculées au nom de l’Etat et affectées aux communes en tant de besoin pour servir d’assiettes à des projets d’équipements collectifs. Et les terrains immatriculés au nom de l’Etat servant d’assiettes foncières à des lotissements restent toujours propriétés de l’Etat, même si la commission d’attribution est présidée par le maire. L’Etat sénégalais dans la gestion des domaines a mis en avant la prudence afin de surpasser les nombreuses dérives notées dans le passé à savoir une gestion arbitraire et délibérée des terres de la part des élus locaux. Cette gestion patrimoniale et très souvent clientéliste dont elles faisaient l’objet à inciter l’Etat à mettre en place des dispositifs réglementaires dans le foncier. Car, il est évident que bon nombre d’élus qui, par méconnaissance des règles et des mécanismes d’urbanisation entreprennent des réalisations de lotissements non approuvés rendant à cet effet spéculatif le marché foncier et par la même occasion contribuent à favoriser la création des habitats spontanés. De plus, les communes n’ont pas de compétence en matière des dépendances du domaine national même en zones urbaines. Les terrains à vocation de terrains à bâtir sont immatriculés au nom de l’Etat qui les gère seul ou en cogestion avec la commune intéressée.
L’urbanisme et l’habitat : Les compétences transférées aux collectivités locales en matière domaniale sont harmonieusement complétées par celles qu’elles exercent, désormais dans le secteur de l’urbanisme et de l’habitat.
Ainsi, elles reçoivent dans ce domaine les compétences ci- après :
L’élaboration des plans directeurs d’urbanisme (PDU), des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), des plans d’urbanisme de détail des zones d’aménagement concerté (ZAC), de rénovation urbaine et de remembrement ;
Les lotissements, leur extension ou restructuration, la délivrance de permis de construire, d’accords préalables, de certificats d’urbanisme et de permis de démolir ;
La délivrance de permis de clôturer, de permis de coupe et d’abatage d’autres ;
L’autorisation d’installation et de travaux divers.
La gestion traditionnelle des terres
Les références les plus anciennes concernent le droit coutumier font état d’un régime foncier dominé par l’appropriation collective de la terre. En milieu urbain lébou, la terre était un bien familial. Elle était gérée par le doyen de la ligné qui organisait l’exploitation, compte tenu des besoins de la famille en produit vivrier. Avec l’islamisation, il va passer de père en fils, sans toute fois modifier le caractère familial du patrimoine foncier. C’est ainsi les sérères et les wolofs, il existait le lamanat. C’est le lamane qui gérait le bien foncier de la communauté. La propriété était donc sous la responsabilité d’un chef de terre, détenteur ou héritier d’un droit de feu. Ce titre est transmis de génération en génération par droit d’aînesse. Le chef de terre pouvait concéder une partie de son domaine à d’autres résidents (nouveaux migrants par exemple) à travers le droit de hache. La gestion traditionnelle du foncier véhiculait cependant de fortes discriminations entre les divers acteurs liés par le foncier.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude et sans prétendre avoir fait une étude exhaustive de la problématique des litiges fonciers, nous pouvons retenir qu’au niveau de la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest, les litiges fonciers y sont fréquents et très épars dans les différents quartiers. L’étude a pu déceler une multiforme de cas de conflits fonciers liés sans aucun doute à l’importante accélération du processus d’urbanisation que connaît la ville de Rufisque ces dernières années. Ce processus d’urbanisation, a entrainé à cet effet une recomposition très cruciale de l’espace urbain dans la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest. Cette zone qui, il y a quelques années se caractérisait par d’importantes réserves foncières est aujourd’hui en grande partie habitée où en phase d’être réalisée par des promoteurs privés. Par ailleurs, le contexte actuel de la région de Dakar marqué par le phénomène des inondations vient renchérir le problème en logement. Et sans comptabiliser le nombre important de migrants venus de l’intérieur du pays. Ces facteurs que l’étude a pu décelée, conjugués par la pratique des acteurs ont fait, de la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest, une zone de prédilection marquée par une forte empreinte des litiges fonciers. Cette donne conduit directement à penser à la multiplicité des rôles joués par les acteurs. Et ceci rend inextricable le jeu foncier car, chacun de ces acteurs que se soit l’Etat, la collectivité locale, les particuliers, les populations sont tous animés par des intérêts divergents. Cependant, la municipalité de la ville de Rufisque, soucieuse de la proportion grandissante des litiges fonciers sur son ressort communal, a pris les devants en établissant des stratégies et des méthodes pour parer aux nombreux cas de litiges. Se faisant, pour qu’on puisse aboutir à ces résultats, notre étude a nécessité le recours à la documentation pour avoir un aperçu global de la question foncière. Elle a nécessité également une méthodologie, c’est pour cette raison que nous avons établi un échantillonnage de 1/10 proportionnellement au nombre d’habitants par quartier. Les différents outils utilisés dans le cadre de cette étude ont permis d’atteindre les objectifs et de confirmer les hypothèses de départ. La première hypothèse que nous avions posé a été confirmée car, la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest à une population qui tourne autour de 50.000 habitants. Cette forte pression démographique s’est répercutée fortement sur l’occupation de l’espace dans la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest, et en même temps elle est devenue la principale cause au delà de la spéculation foncière, de la pénurie en espace dans notre zone d’étude. Dans notre deuxième hypothèse, après diagnostic de la question, nous nous sommes rendu compte même si, des efforts consistants ont été faits par l’Etat en permettant surtout aux communes d’avoir un pouvoir de gestion dans son domaine. Par contre la situation se présente autrement pour les communes d’arrondissement. Celles-ci du point de vue de leur pouvoir que leur a conféré la loi qui est par ailleurs limitatif, elles sont incompétentes dans la gestion foncière. Ce constat nous a permis de dire que l’impact de la décentralisation sur le foncier est plutôt mitigé. Enfin la dernière hypothèse qui consistait à voir l’implication des acteurs dans les litiges fonciers a été confirmée à travers les enquêtes de terrain et les guides d’entretien. Les acteurs étant de deux catégories : acteurs institutionnels (Etat, collectivités locales) et acteurs non institutionnels (populations, particuliers etc.). Ces acteurs qui, de par leurs pratiques et la perception qu’ils en ont du foncier, rendent problématique la gestion foncière dans la CA de Rufisque Ouest. Ce qui, une fois de plus ne fait qu’alimenter davantage les litiges fonciers. En définitive, voici passé brièvement en revue les principaux points qui caractérisent le foncier dans la CA de Rufisque Ouest. Cette étude loin d’être exhaustive, mérite d’être approfondie dans un avenir proche. Cependant, très conscient des insuffisances et des limites de ce thème de réflexion, qui est en quelque sorte une modeste contribution à la question sempiternelle des litiges fonciers, nous pensons à plus d’un titre qu’il doit être amendé pour qu’il soit un document scientifique digne de ce nom.
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Table des matières
Introduction générale
I/ Problématique
1 Contexte et justification
2 Objectifs
3 Hypothèses
4 Analyse conceptuelle
II/ Méthodologie
1 Recherche documentaire
2 La revue documentaire
3 Enquêtes de terrain
4 Enquêtes quantitatives
5 Guides d’entretien
6 Traitement de données
7 Les difficultés rencontrées
PREMIERE PARTIE : LA COMMUNE D’ARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST : évolution et extension du bâti
Introduction partielle
Chapitre I : Présentation de la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest
1-1 La situation géographique
1-2 Les données historiques
1-3 La situation démographique
Chapitre II : L’occupation spatiale de la commune
2-1 L’occupation de l’espace avant la période coloniale
2-2 L’occupation de l’espace pendant la période coloniale
2-3 L’occupation de l’espace après les indépendances
2-4 L’occupation actuelle de l’espace
Chapitre III : L’extension de l’habitat sous la pression démographique
3-1 Les quartiers traditionnels
3-2 Les quartiers intermédiaires
3-3 L’émergence des nouveaux quartiers
3-4 L’action des promoteurs dans la réalisation des cités
3-4-1 La cité Socabeg
3-4-2 La cité Serigne Mansour
Conclusion partielle
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE DES LITIGES FONCIERS DANS LA COMMUNE D’ARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST
Introduction partielle
Chapitre I : Les enjeux fonciers
1-1 L’enjeu social
1-2 L’enjeu économique
1-3 La pénurie de l’espace
1-4 Les besoins en espace
1-5 La spéculation foncière
Chapitre II : L’accès à la terre pour les bas revenus
2-1 Historique des politiques de l’habitat au Sénégal
2-2 La demande des terrains
2-3 Le blocage des dossiers
2-4 Les lenteurs administratives
2- 5 La satisfaction des demandes
Chapitre III:Les litiges fonciers dans la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest
3-1 Analyse de la nature et du caractère des propriétaires de maison
3-2 Typologie des litiges
3-3 La part de responsabilité des populations
3-4 La responsabilité de la commune de Rufisque
3-5 La responsabilité de l’Etat comme acteur principal
Conclusion partielle
TROISIEME PARTIE : GOUVERNANCE LOCALE ET GESTION FONCIERE
Introduction partielle
Chapitre I : La décentralisation
1-1 Le transfert de compétences en matière domaniale d’urbanisme et d’habitat
1-2 La gestion des terres par les élus locaux
1-3 Le jeu des acteurs dans la gestion foncière
1-4 L’impact de la décentralisation dans le contrôle du foncier par les élus locaux
Chapitre II : Les stratégies et les méthodes mises en place par la commune pour la résolution des litiges fonciers
2-1 La gestion traditionnelle des terres
2-2 Les politiques foncières existantes et cadre réglementaire
2-3 Analyse des conflits de compétences entre la ville de Rufisque et la commune d’arrondissement de Rufisque Ouest
2-4 Les différentes mesures mises en œuvre par la commune de Rufisque pour régler les litiges fonciers
Conclusion partielle
Conclusion générale
Bibliographie
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