Le Sรฉnรฉgal est un pays de plus en plus urbanisรฉ. Le taux dโurbanisation sโรฉtablit ร 46% dโaprรจs le dernier recensement gรฉnรฉral de la population et de lโhabitat (R G P H 3, 2002). Par ailleurs, le nombre des villes augmente de toutes les rรฉgions faisant apparaรฎtre une armature urbaine trรจs serrรฉe.
Dans la rรฉgion de Dakar, la structure urbaine se caractรฉrise par le phรฉnomรจne de la macrocรฉphalie de lโagglomรฉration. Cette rรฉgion concentre ร elle seule plus de 50% de la population urbaine. Face ร cette donne, elle se trouve confronter ร un manque dโespace considรฉrable liรฉ dโune part ร sa position gรฉographique et dโautre part ร sa position privilรฉgiรฉe de ville primatiale du Sรฉnรฉgal.
Cette urbanisation galopante entraine par ailleurs un dรฉsรฉquilibre รฉconomique et dรฉmographique plus manifeste entre la rรฉgion de Dakar, longtemps privilรฉgiรฉe par les investissements publics et privรฉs, et le reste du pays plutรดt nรฉgligรฉ. Cependant, son taux dโurbanisation se situe actuellement ร 97,2%. Cela, est dรป ร son importance de lโensemble de lโarmature urbaine des villes du Sรฉnรฉgal. Elle constitue la ville mรฉtropole, capitale administrative, รฉconomique et politique, ce qui de facto pose de rรฉelles difficultรฉs de trouver un logement.
Ainsi, cette carence en espace dans la ville de Dakar pour accueillir les รฉtablissements humains a occasionnรฉ une extension du bรขti vers sa pรฉriphรฉrie notamment Rufisque. Etant plus proche de la capitale, la ville de Rufisque subit de plus en plus les effets de la diffusion urbaine. Cette zone est, aujourdโhui, le thรฉรขtre dโune concurrence pour lโoccupation du sol. La pression dรฉmographique et lโaccroissement de la demande en terre sont les causes de lโรฉvolution des structures fonciรจres. Le foncier รฉtant donc au cลur de ces opรฉrations, sa forte convoitise ne peut quโengendrer des litiges fonciers du point de vue des pratiques indรฉcentes de la part des acteurs qui sโy exercent. Ces litiges trรจs frรฉquents dans la ville de Rufisque, nโรฉpargne guรจre la Commune dโArrondissement de Rufisque Ouest. Cette partie Ouest trรจs prisรฉe par les populations fait face ร un foisonnement de litiges fonciers. Cet รฉtat de fait nous a incitรฉs ร prendre ce thรจme de rรฉflexion pour cerner les vรฉritables enjeux dont le foncier ร Rufisque est lโobjet.
PROBLEMATIQUE
CONTEXTE ET JUSTIFICATION
La question fonciรจre est au cลur des recherches engagรฉes au cours des derniรจres annรฉes en Afrique de lโOuest. Le cas du Sรฉnรฉgal est reprรฉsentatif des enjeux sociopolitiques qui interfรจrent avec les dimensions รฉconomique et environnementale. Le terme foncier dรฉsigne lโensemble des droits dโaccรจs, dโexploitation et de gestion sโexerรงant sur les terres et les ressources naturelles.
Lโampleur est parfois la violence des conflits fonciers qui dรฉnote toute la difficultรฉ de cerner les diffรฉrents enjeux fonciers. En gรฉnรฉral, le systรจme foncier apparaรฎt caractรฉrisรฉ par la prรฉdominance des formes traditionnelles รฉvoluant dans un contexte dโintroduction progressive des systรจmes modernes. Ainsi, lโรฉvolution du rรฉgime foncier en Afrique et au Sรฉnรฉgal en particulier a connu trois grandes phases. La premiรจre correspond ร la pรฉriode prรฉcoloniale et est marquรฉe par une empriseย . En effet, ce systรจme se caractรฉrisait par une superposition de droits et lโabsence de propriรฉtรฉ fonciรจre individuelle. Dans ce systรจme, la terre faisait lโobjet de propriรฉtรฉ commune que nul ne pouvait sโapproprier. Il privilรฉgiait le groupe sur lโindividu et รฉtait basรฉ sur les liens de parentรฉ. Ce qui fait dire ร le Roy : ยซ dans la conception endogรจne et traditionnelle, lโaffectation de lโespace visait principalement ร assurer la reproduction du groupe dans ses dimensions matรฉrielle, sociale et idรฉologiqueย ยป.
Cependant, il nous paraissait important de passer en revue la tenure fonciรจre dans le systรจme traditionnel et partant de cette observation de voir รฉvidemment la transformation quโelle a dรป subir sous la domination coloniale. En effet, la deuxiรจme phase du rรฉgime foncier sรฉnรฉgalais est liรฉe ร la pรฉriode coloniale dans laquelle le colonisateur franรงais soucieux dโavoir la maรฎtrise de la terre, institua une rรฉglementation de celle-ci. Cโest dans ce cadre que la premiรจre loi dโensemble pour lโAOF, qui faisait de lโimmatriculation le prรฉalable nรฉcessaire ร toute opรฉration de concession ou dโaliรฉnation des terres a รฉtรฉ mise en ลuvre le 24 Juillet 1906 . Ainsi donc, la grande idรฉe franรงaise รฉtait de gรฉnรฉraliser auprรจs des autochtones lโadoption de la propriรฉtรฉ privรฉe, les techniques dโimmatriculation des terres, seules propres ร assurer un droit de propriรฉtรฉ individuel intangible furent prรฉcocement introduites. Faidherbe fut lโinitiateur au Sรฉnรฉgal dรฉs 1865, en stipulant que seuls les titres rรฉguliers de concessions seraient ainsi reconnus. De ce fait, les modalitรฉs de lโimmatriculation furent promulguรฉes pour le Sรฉnรฉgal notamment par le dรฉcret du 20 Juillet 1900 qui introduit la technique de lโimmatriculation de biens fonciers. Cโest dire, que le colonisateur voulait simplement introduire dans le territoire sรฉnรฉgalais les valeurs et les institutions juridiques europรฉennes, occasionnant ainsi le dรฉveloppement de lโindividualisme et lโaffaiblissement des liens de famille, et de solidaritรฉ dans la vie quotidienne du groupe.
Se faisant, il nous parait important de mettre en exergue que les fondements de lโexpansion coloniale europรฉenne sont avant tout dโordre รฉconomique. Pour promouvoir le dรฉveloppement รฉconomique, la production des matiรจres premiรจres, lโEtat franรงais doit avoir la maรฎtrise des terres, principal moyen de production. De ce fait, lโinstitution dโune rรฉglementation adรฉquate a รฉtรฉ la prรฉoccupation constante du lรฉgislateur colonial comme en atteste la promulgation en novembre 1830 du code civil franรงais au Sรฉnรฉgal. Cette loi devint ainsi applicable ร chaque fois quโun franรงais ou assimilรฉ รฉtait en cause et risquait de sโopposer ร un autochtone. Durant toute la pรฉriode coloniale, lโEtat franรงais eut donc la possibilitรฉ de donner de concessions ร qui il le souhaitait sans tenir compte les droits dโusage locaux. Force est de souligner que les rรฉgimes fondรฉs sur les valeurs et les institutions juridiques europรฉennes รฉtaient en parfaite contradiction avec les conceptions africaines traditionnelles. Une grande partie de la population ne les connaissaient pas, et ceux qui le connaissaient les refusaient.
La troisiรจme phase de lโรฉvolution fonciรจre a coรฏncidรฉ avec les indรฉpendances. LโEtat sรฉnรฉgalais, au lendemain de son accession ร la souverainetรฉ internationale, a constatรฉ que la presque totalitรฉ des terres รฉtait sous le rรฉgime colonial et coutumier. En effet, cette situation dโune part remettait en cause les programmes de dรฉveloppement รฉconomique et social du pays et dโautre part nโรฉtait pas propice ร des interventions et des innovations. Ainsi, lโobjet de la loi nยฐ 64 โ 46 du 17 juin 1964 selon les termes du Prรฉsident Lรฉopold Sรฉdar Senghor รฉtait de : ยซ revenir du droit romain au droit nรฉgro-africain ; de la conception bourgeoise de la propriรฉtรฉ fonciรจre ร celle socialiste de lโAfrique noire traditionnelle, et cela, afin de combattre une mentalitรฉ de propriรฉtรฉ qui sโest dรฉveloppรฉe ยป. Cette loi votรฉe sous son magistรจre devait permettre lโuniformisation des rรฉgimes fonciers prรฉexistants. Elle organise ร la fois le rรฉgime foncier et le rรฉgime domanial de certaines portions du territoire et substitue au rรฉgime foncier coutumier un rรฉgime fondรฉ sur lโoccupation effective et fixe en mรชme temps les rรจgles dโorganisation et de gestion ร caractรจre domaniale. ยซ La loi sur le domaine national de 1964 est le texte de rรฉforme fonciรจre encore applicable le plus ancien dโAfrique francophone ยป.
Pour atteindre ces objectifs, lโEtat a jugรฉ nรฉcessaire de procรฉder ร une simplification du rรฉgime juridique des terres qui รฉtait alors trop compliquรฉ du fait de la coexistence dโune lรฉgislation coloniale et des droits coutumiers. Dรฉs lors, lโunification des rรฉgimes fonciers devint un impรฉratif. Comme le note Mโbaye Diao : ยซ lโanachronisme du rรฉgime foncier coutumier par rapport aux exigences actuelles du dรฉveloppement, est le mobil principal รฉvoquรฉ par les responsables du pays pour procรฉder en 1964 ร la rรฉforme fonciรจre ยป.
PRESENTATION DE LA COMMUNE DโARRONDISSEMENT DE RUFISQUE-OUESTย
La SITUATION GEOGRAPHIQUE
La commune dโArrondissement de Rufisque Ouest se situe dans le dรฉpartement de Rufisque, sa position gรฉographique est ร 14ยฐ 73 Nord degrรฉ de la latitude et 17ยฐ 30 Est degrรฉ de longitude. Elle est ร 24 km de Dakar la Capitale du Sรฉnรฉgal. Elle est limitรฉe ร lโEst par les quartiers de Keury Souf, au Nord par les quartiers de Guendel, de Ndar Gounaw et de Sante Yalla, ร lโOuest par le dรฉpartement de Pikine et plus prรฉcisรฉment par la commune dโArrondissement de Mbao, et au Sud par lโocรฉan Atlantique. (cf. carte nยฐ 1 : Localisation de la CA de Rufisque Ouest).
Elle couvre une superficie de 2,5 kmยฒ et ร une population de plus de 50.000 habitants, et se compose de (21) quartiers. Il faut noter lโapparition de nouveaux quartiers qui ne se figurent pas dans la fiche รฉtablie par lโANSD (Agence Nationale de la statistique et de la dรฉmographie) qui fait รฉtat de vingt et un quartiers, alors que la situation sur le terrain se prรฉsente autrement. Cependant, le nom et la dรฉlimitation du pรฉrimรจtre de la commune dโArrondissement de Rufisque Ouest sont fixรฉs comme suit :
Commune dโArrondissement de Rufisque Ouest dรฉlimitation :
Nord : limite Sud de la communautรฉ rurale de Sangalkam, telle quโelle apparaรฎt dans la carte de la localisation de Rufisque Ouest, suivant une ligne partant du centre รฉmetteur sis sur la route des Niayes vers Bambilor et ร 100 m de la nouvelle autoroute ร pรฉage.
Au Sud : le Littoral de lโocรฉan Atlantique, de la limite du dรฉpartement de Pikine au quartier Diokoul y compris.
A lโEst : Du phare de Diokoul en logeant le canal jusquโร son intersection, avec la route nationale. De la route nationale jusquโร son intersection, avec la route menant aux HLM et en suivant cette route qui se termine par un sentier allant vers le quartier Fass.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LA COMMUNE DโARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST : EVOLUTION ET EXTENSION DU BATI
INTRODUCTION PARTIELLE
CHAPITRE I : PRESENTATION DE LA COMMUNE DโARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST
CHAPITRE II : LโOCCUPATION SPATIALE DE LA COMMUNE
CHAPITRE III : LโEXTENSION DE LโHABITAT SOUS LA PRESSION DEMOGRAPHIQUE
CONCLUSION PARTIELLE
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE DES LITIGES FONCIERS DANS LA COMMUNE DโARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST
INTRODUCTION PARTIELLE
CHAPITRE I : LES ENJEUX FONCIERS
CHAPITRE II : LโACCES A LA TERRE POUR LES BAS REVENUS
CHAPITRE III : LES LITIGES FONCIERS DANS LA COMMUNE DโARRONDISSEMENT DE RUFISQUE OUEST
CONCLUSION PARTIELLE
TROISIEME PARTIE : GOUVERNANCE LOCALE ET GESTION FONCIERE
INTRODUCTION PARTIELLE
CHAPITRE I : LA DECENTRALISATION
CHAPITRE II : LES STRATEGIES ET LES METHODES MISES EN PLACE PAR LA COMMUNE POUR LA RESOLUTION DES LITIGES FONCIERS
CONCLUSION PARTIELLE
CONCLUSION GENERALE