En Afrique, comme partout dans le monde, la terre continue d’avoir une énorme importance dans le monde. Ce dernier a fait l’objet de plusieurs études, de recherches, projets, inventaires, en milieu rurale comme en milieu urbain ces dernières années. Au départ c’était « l’affaire des juristes » à une période donnée. De nos jours il est devenu plus spécialement, le champ d’investigation de multiples spécialistes, d’autres disciplines, souhaitant apporter leur contribution dans la façon dont elle est gérée, du point de vue organisationnel, technique, politique et financier(Threance Koumassou,2010 ) . Avec la décentralisation qui est une politique publique qui a permis de donner des responsabilités aux collectivités territoriales. Donc on parle d’une politique horizontale, dans ce cas l’Etat n’est plus un développeur mais c’est lui qui crée les conditions d’émergence dans ses collectivités locales, de responsabiliser les acteurs à la base. Cette évolution de l’organisation administrative territoriale s’accompagne d’un transfert de domaines de compétences dont la gestion foncière. Mais dans les années 80-90 la décentralisation s’impose comme une nouvelle exigence institutionnelle de plusieurs pays africains. Les collectivités territoriales sont des structures administratives qui se doivent de prendre en charge l’intérêt de la population d’un territoire précis. La politique foncière du Sénégal date depuis très longtemps comme le témoigne Jacques Faye (2008) : « depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, la politique foncière et la politique de décentralisation sont étroitement liées ».
Les pays de l’Afrique de l’ouest ont généralement créé deux ou trois niveaux de collectivités territoriales à savoir la région, la commune, et la communauté rurale (Eric Idelman) . Le transfert du domaine foncier de l’Etat aux collectivités territoriales pose la délicate question de la constitution officielle du foncier des collectivités territoriales. Même s’il existe des contre-exemples, les cadres juridiques des Etats d’Afrique de l’ouest prévoient à la fois le transfert de domaines et le transfert de compétences en matière de gestion des domaines fonciers mais ces transferts ne revêtent pas un caractère obligatoire systématique. C’est ainsi que chaque transfert de domaine doit se négocier au cas par cas, en passant par des procédures d’enregistrement des terres (comme l’immatriculation qui se matérialise par un titre foncier) qui sont généralement longues, coûteuses et qui ne correspondent pas du tout aux logiques foncières rurales .Tout cela rend très difficilement applicable le transfert de domaine foncier de l’Etat aux collectivités locales rurale. Les gouvernements semblent peu motiver à effectuer ces transferts .Les marabouts exercent une grande influence sur le gestion des terres et les autorités locales semblent être des marionnettes et pourtant c’est eux qui ont le droit d’affecter et de désaffecter les terres. Le foncier fait parti des neufs domaines transférés aux collectivités territoriales. Mais les autorités foncières à la base se heurtent à la persistance des coutumes et les chefs religieux. A signaler que les ruraux sont peurs de rompre avec leurs vieilles habitudes et aux changements .Les sociétés traditionnelles sont souvent taxées d’immobilisme économique. En témoigne cette réflexion d’un économiste contemporain : « la société traditionnelle est ainsi nommée par ce qu’elle prend comme référence le passé. Aujourd’hui et demain doivent le plus possible ressembler à hier ».Qualifiées par ailleurs de sociétés de subsistance, elles sont censées ne pas vouloir dégager de surplus .Et c’est pour cette raison, dit-on, qu’elles refusent l’innovation .Certes, il est vrai que les agriculteurs se méfient des actes inédits c’est-à dire qu’ils ne veulent pas se débarrasser de leurs vieilles habitudes.
PROBLEMATIQUE
Contexte et Justification
Partout dans le monde et notamment en Afrique de l’ouest, le foncier occupe une place primordiale pour le développement économique et social (Eric Idelman, 2011). Le foncier peut constituer également une source de conflit entre les populations d’une même communauté et aussi entre des pays limitrophes. La gestion foncière constitue l’un des parents pauvres de la décentralisation au Sénégal. Elle est souvent à la base de litiges sévères entre les collectivités locales ayant en charge l’administration des terres, dans le cadre des compétences transférées, et les personnes morales ou physiques, si ces dernières n’en font pas tout simplement leurs propriétés. Pour cause, les élus locaux font très souvent la confusion entre le domaine public et le domaine national. C’est dire qu’il n’est donné aucun pouvoir à un élu local de vendre des terres. « Le maire comme le président du conseil rural n’ont ni le pouvoir ni les missions de vendre des terres. Leur pouvoir est le pouvoir du conseil consistant à délibérer pour affecter et désaffecter des terres à des demandeurs pour exploitation de cellesci, selon des formes et des règles très bien connues », les missions de vendre des terres. Leur pouvoir est le pouvoir du conseil consistant à délibérer pour affecter et désaffecter des terres à des demandeurs pour exploitation de celles-ci, selon des formes et des règles très bien connues » .
Les régimes fonciers traditionnels n’ont jamais été statiques. Avant la colonisation, ils subissaient des adaptations dues aux évolutions du peuplement, aux évolutions des systèmes politiques (conquêtes, changements politiques internes), aux évolutions techniques et religieuses .La mise en valeur agricole du Sénégal et des autres colonies françaises d’Afrique de l’Ouest à la fin de l’abolition de la traite des esclaves a amené les autorités coloniales à vouloir implanter leur propre système foncier marqué par la propriété privée de la terre. Le Sénégal situé en zone sahélienne n’a jamais été une colonie de peuplement et l’empreinte foncière du système colonial s’est en grande partie limitée aux centres urbains .Les populations rurales, malgré les tentatives du pouvoir colonial, ont préservé jalousement leurs régimes traditionnels. Ceux-ci se caractérisent par l’absence d’une appropriation privée et individuelle de la terre et des ressources naturelles. Ces ressources appartiennent aux génies qui en permettent l’usage aux populations. Ces biens collectifs, lignagers le plus souvent, ne peuvent donc faire l’objet d’échange et tout membre de la collectivité y a accès suivant son statut social et familial. Sur la même surface, se superposent des droits d’usage qui peuvent paraître complexes pour l’observateur extérieur. La gestion des terres familiales est toujours du ressort des aînés. Sauf dans les sociétés matrilinéaires pratiquant des cultures irriguées, les femmes ont rarement un accès direct au foncier. Par contre, elles jouent un rôle important dans l’exploitation des ressources naturelles : cueillette et coupe du bois pour la cuisine. Il ne faut cependant pas oublier que dans les sociétés qui ont développé un système politique « féodal », le pouvoir central s’immisçait dans la gestion du foncier pour octroyer des droits (de feu ou de sabot) ou pour percevoir des taxes sur les productions. Dans les sociétés lignagères, les premiers occupants pouvaient aussi exercer un contrôle sur les droits d’accès au foncier des nouveaux arrivés. Entre pasteurs exerçant une faible emprise sur le foncier et cultivateurs, les conflits n’étaient pas rares obligeant souvent les premiers à se déplacer. Les enjeux fonciers et les conflits sur les terres et les ressources naturelles n’ont pas débuté avec la colonisation, ni avec les indépendances.
REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE
Il faut dire que la question foncière depuis la période précoloniale à nos jours continue de susciter beaucoup de débats. A noter qu’il ya une abondante littérature, car beaucoup de disciplines se sont intéressées pour apporter leur touche dans la gestion du foncier. A signaler que très peu d’ouvrages parlent de la question foncière dans la région de Diourbel. Bien que le foncier étant une préoccupation de tous, il n’existe pas à notre connaissance d’études portant sur le foncier dans notre zone d’investigation qui est la commune de Patar. Par contre les ouvrages cités ci dessous apportent des idées claires sur les questions soulevées par notre sujet de recherche.
B.CROUSSE et al, (1986) ont abouti à la conclusion que lorsque la terre change d’usage ou de destination ,le droit d’usage ,dans le système collectif ne peut et ne doit en aucune façon se confondre avec le droit privé, c’est le cas par exemple, du passage de l’etat de terre agricole à l’état de terre urbain devant être bâti.L’appropriation à l’origine ,ne se conçoit pas sans mise en valeur c’est- à- dire sans que les deux conditions suivantes soient remplies :vivre sur la terre et vivre de la terre occupée. Les terres cultivées et les terres de parcours de chasse étaient donc considérées comme occupées par une collectivité et donc appropriées par elle. La terre comme une valeur à conserver à tout prix sans penser à la céder par esprit de lucre .Chacun est très attaché à sa terre, chacun s’y accroché même s’il n’en a qu’un droit d’usage. Notons que si la permanence ,la stabilité, la durée de la mise en valeur d’un domaine de culture fixent les limites de celle-ci ,elles ne sont que les attributs de l’exerce du droit d’usage dans le contexte d’une activité rurale c’est-à dire de l’occupation quotidienneté universelle de tous les membres de la communauté.Elles ne peuvent en aucun cas être citées comme du droit de propriété du sol si celui-ci change d’usage notamment passant de l’état de terre de culture à l’état de terrain urbain à bâtir .
ERIC IDELMAN(2011) soutient que depuis la colonisation, la gestion foncière rurale sur l’Afrique de l’ouest s’est caractérisée par sa dualité. Il ya d’un côte la gestion reposantsur les chefs « traditionnels », la plus ancienne et jusqu’à présent la plus légitime ; elle constitue la principale référence des ruraux ; et, de l’autre coté, la gestion foncière de l’Etat, qui n’a pas pu, dans les faits, imposés ses normes sur les vastes espaces ruraux .S’accordant mal avec les logiques traditionnelles, elle est encore perçue comme étrangère, donc illégitime pour la majorité des ruraux. A l’inverse, les droits traditionnels de gestion appliqués à la terre et aux ressources naturelles n’ont pas ou très peu de connaissance juridique. L’existence d’un système de normes étatiques qui cherche à imposer crée des incertitudes sur les droits, fragilisant ainsi les systèmes paysans de contrôle du foncier et des ressources naturelles. La décentration rurale, généralement développée depuis les années 1990, fait apparaitre une troisième forme de gestion : celle exercée par les élus locaux. Comment, dans ce contexte, pose la question de la délimitation des collectivités territoriales ? Est-elle immédiatement indispensable et doit-elle être physiquement matérialisée ? Dans le processus de construction de territoires fonctionnels, quel peut être le rôle des instances villageoises ?
Par ailleurs, il est important d’avoir à l’esprit que, du point de vue villageois, accorder des prérogatives importantes aux collectivités territoriales de base en matière de gestion foncière correspond davantage à une centralisation du lieu décision qu’à une décentralisation. Cette littérature dans sa richesse rassemble des éléments contribuant à la résolution de notre problème d’étude mais ces derniers restent encore parcellaires et peu localisés .Cependant dans la perspective de cette étude, il parait indispensable d’étudier les concepts clés du problème.
FAYE JACQUES, (2008) explique que la décentralisation date d’avant l’indépendance du Sénégal puisque dès le 19e siècle, il existait quatre communes de plein exercice : Saint-Louis, Gorée, Rufisque, Dakar. Cette expérience de gestion locale explique sans doute que, dès l’indépendance, le Sénégal se soit lancé dans une politique de décentralisation de plus en plus poussée. La décentralisation doit relever deux défis qui sont liés : l’adhésion de la population et la capacité des collectivités locales à satisfaire les demandes des populations. Le code de 1996 a transféré aux collectivités locales neuf domaines de compétences la gestion foncière et les ressources naturelles, l’urbanisme et l’habitat font partie des domaines de compétences transférés aux collectivités locales la législation foncière et les codes concernant les ressources naturelles s’appuient sur communes et surtout les collectivités rurales. Le fonctionnement efficace, équitable et durable des collectivités locales est donc indispensable à une bonne gestion des terres et des ressources naturelles. La législation foncière actuelle est incapable d’assurer la transition en cours. Les pratiques foncières des uns et des autres créent une situation d’insécurité foncière défavorable à tout projet de modernisation de l’agriculture et gestion durable des ressources naturelles. L’Etat comme on l’a vu tente, avec les lois de la décentralisation de 1996, de s’y adapter en favorisant l’accès des terres aux investisseurs privés.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE LA COMMUNAITE RURALE DE PATAR
CHAPITRE I LES ASPECTS PHYSIQUES
CHAPITRE II : LE CADRE HUMAIN
CHAPITRE III : CARACTERISTIQUES DES SECTEURS D’ACTIVITE SOCIO-ECONOMIQUE
DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION DE LA GESTION DU FONCIER AU SENEGAL
CHAPITRE I : LA GESTION TRADITIONNELLE DU FONCIER
CHAPITRE II LA GESTION MODERNE DU FONCIER
TROISIEME PARTIE : CAUSES ET GESTION DES CONFLITS INTERNES
CHAPITRE 1 LES CAUSES ET GESTION DES CONFLITS INTERNES
CHAPITRE II : CAUSES ET GESTION DES CONFLITS EXTERNES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES