Le besoin fortement croissant en énergie nécessitait et nécessite toujours un engagement dans le développement de sources d’énergies autres que les énergies fossiles. Ce fut, essentiellement, l’énergie nucléaire dont le rendement des centrales est un peu plus proche de celui des centrales thermiques au charbon et au pétrole. Par-ailleurs, l’histoire de l’énergie nucléaire a été constamment controversée depuis ses premiers débuts dans les années 40, notamment après les accidents de Three Mile Island, en 1979, et de Tchernobyl, en 1986, qui eurent un grand impact sur l’opinion public. De nos jours, ces contestations ont repris de l’ampleur après l’accident de Fukushima au Japon en mars 2011. Face à ce défi de la demande croissante en énergie, aux risques liés à l’exploitation des centrales nucléaires et à la gestion du stockage des déchets de ces centrales, il est nécessaire d’imaginer constamment, des nouvelles perspectives pour l’amélioration à la fois, sécuritaire, économique et énergétique de la production d’énergie par le nucléaire.
La dernière perspective au niveau international a été entreprise dans le cadre de la coopérative dite GIF(International Generation Forum) en 2000. Cette coopérative consiste à mener la recherche et les développements nécessaires pour établir la faisabilité et les capacités de performance des systèmes de prochaine génération de l’énergie nucléaire. L’objectif de cette coopérative est d’amener ces nouveaux systèmes à maturité technique autour de 2030 et à un développement industriel vers 2035-2040. Ces réacteurs de quatrième génération devront répondre aux enjeux d’une production d’énergie durable, dans une vision à long terme, et notamment de minimiser les déchets radioactifs et d’utiliser au mieux les ressources naturelles en combustible, ainsi qu’à des utilisations plus diversifiées que les générations précédentes, notamment la production d’hydrogène et le dessalement de l’eau de mer…
Les principales études dans le cadre du GIF sont donc menées sur la définition de nouveaux concepts de réacteurs qui répondent aux enjeux cités ci-dessus. Elles visent aussi à améliorer les concepts existants qui étaient ou qui sont actuellement en opération (des premiers réacteurs aux réacteurs dis de génération GEN-III et GEN-III+ qui sont actuellement en construction). Le grand handicap de ces réacteurs est que leurs technologies ne permet d’utiliser qu’une faible partie du combustible nucléaire et que le combustible usé contiendra toujours une grande partie qui n’aura subi aucune altération par son passage dans le réacteur. Ce combustible usé mène à la production d’une quantité non négligeable de déchets radioactifs. Comme tous les réacteurs thermiques, les réacteurs de la génération actuelle sont limités aussi par un rendement théorique faible principalement dû à des raisons de sécurité liésau seuil de pression de vapeur à ne pas dépasser. Ceci a pour résultat que la plus grande partie de l’énergie produite par le réacteur n’est pas utilisée et est dissipée sous forme thermique. Parmi les principaux réacteurs de génération GEN-III et GEN III+ on trouve les réacteurs à eau bouillante légère (BWR), les réacteurs à eau pressurisée légère (PWR), et les réacteurs à eau pressurisée lourde (PHWR).
Partant des faiblesses de ces générations, Le GIF a donc fixé quatre critère pour atteindre les objectifs des systèmes nucléaires du futur : l’aptitude à un développement énergétique durable, la compétitivité économique, une sûreté et une fiabilité renforcées, et, enfin, la résistance à la prolifération des matières nucléaires associée à la protection physique des installations [43]. De ces différents critères ressortent principalement six systèmes considérés comme les plus prometteurs et qui sont :
• VHTR (« Very High Temperature Reactor system ») –Réacteur à très haute température, plus de 1 000 °C, refroidi à l’hélium, dédié à la production d’hydrogène ou à la co-génération hydrogène/électricité ;
• GFR (« Gas-Cooled Fast Reactor system ») – Réacteur rapide à caloporteur hélium;
• SFR (« Sodium-Cooled Fast Reactor system ») – Réacteur rapide à caloporteur sodium ;
• SCWR (« Super Critical Water-Cooled Reactor system ») –Réacteur à eau supercritique ;
• LFR (« Lead-cooled Fast Reactor system ») – Réacteur rapide à caloporteur plomb ou alliage Pb-Bi ;
• MSR (« Molten Salt Reactor ») – Réacteur à sels fondus .
Dans la suite de ce document, nous allons principalement nous intéresser aux Réacteurs à Caloporteur Gaz (RCG) et en particulier aux réacteurs à très hautes températures (VHTR). Notons que deux des types des réacteurs candidats au choix de la quatrième génération font partie de la famille des RCG ; soient : les réacteurs à très haute températures (VHTR) et les réacteurs rapides à caloporteur hélium (GFR). Alors que le GFR est un concept nouveau, le VHTR existe déjà dans une version IIIéme génération, nommée HTR : réacteur à haute température. Deux prototypes de cette filière fonctionnent de nos jours au Japon (HTTR) et en Chine (HTR-10). La conception et la maintenance d’un cœur de réacteur nucléaire passe par des calculs de dimensionnement et d’optimisation de son fonctionnement, en particulier, des calculs thermiques qui visent à optimiser le comportement thermique des compacts combustibles. Faire ces calculs en prenant en compte les variations « microscopiques » de la structure du cœur qui a une composition très hétérogène (un cœur de VHTR de diamètre 3m contient par exemple 10000 canaux de gaz caloporteur de diamètre 1,5cm et environ 20000 canaux de compacts combustibles de diamètre 1,2cm), s’avère très couteux en terme de temps CPU et de mémoire. En général, on préfère utiliser des modèles moyens macroscopique au lieu des modèles microscopiques pour effectuer ces calculs. Il sera donc question, dans ce document, d’homogénéiser des modèles de transferts thermiques ayant lieu dans le cœur des VHTR. Pour cela, nous allons d’abord commencer par définir cette famille de réacteurs et mettre en place toute la modélisation correspondante : géométrique et thermique. Le but final est d’homogénéiser les problèmes mathématiques issus de cette modélisation.
Description des VHTR
En général, l’histoire de la famille des réacteurs à caloporteur gaz (RCG) a commencé aux Etats-Unis dans les laboratoires « Brookhaven National Laboratory » et « Oak Ridge National Laboratory » où on utilisait l’air comme fluide caloporteur dans les réacteurs expérimentaux modérés au graphite. Dès 1945, Farrington Daniels a proposé un prototype de réacteur à haute température refroidi à l’hélium, et modéré par du BeO ou du graphite. Ce prototype n’a pas été retenu car il exigeait trop de développements et une grande difficulté de prévention des fuites de l’hélium dans les réservoirs à grande pression. Face à cette non-maturité technique des réacteurs à gaz, en plus de la priorité accordée aux réacteurs de grande puissance refroidis par eau pour les sous-marins, les acteurs du marché du nucléaire ont convergé vers le développement de réacteurs à eau pressurisée (REP). Malgré cela, les RCG ont connu une renaissance dans le milieu des années 50 où plusieurs projets ont vu le jour parmi lesquels la célèbre filière UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz) en France et Magnox et AGR au Royaume-Uni. Ces réacteurs refroidis au gaz et modérés au graphite utilisaient le CO2 sous pression comme liquide de refroidissement et des pastilles d’UO2 dans une gaine métallique (ou de l’uranium métallique) comme élément combustible. Lors du développement de cette filière il y avait très peu d’usines d’enrichissement d’uranium, particulièrement en France qui ne disposait pas d’eau lourde pour investir dans les REP. Des pays comme la France avaient donc toutes les raisons pour investir dans cette technologie de réacteurs qui permet l’utilisation de l’uranium dans l’état naturel (sans enrichissement) grâce au taux faible d’absorption des neutrons par le graphite. L’utilisation du CO2 comme caloporteur était aussi rassurante car le CO2 possède de bonnes caractéristiques de transfert thermique et de bonnes propriétés neutroniques tout en étant chimiquement compatible avec l’utilisation du graphite comme modérateur et avec les matériaux de gainage et le combustible. De plus, ce gaz était disponible, peu coûteux et bien connu dans le monde industriel. De plus, et d’un point de vue sécuritaire, l’accident grave de référence de ce type de réacteurs est le dégonflage du caisson par un puits de chargement du combustible ou par suite d’une rupture d’une canalisation de gaz. Dans ce cas, un dispositif de refroidissement de secours permet de conserver l’intégrité des barrières en cas de perte totale des moyens de refroidissement normaux. Les seuls incidents notables à signaler sur cette filière (Saint Laurent 1 et Saint Laurent 2) n’ont eu que des conséquences très faibles pour le personnel d’exploitation et négligeables pour l’environnement. Ils sont classés au niveau 4 sur l’échelle INES pour le classement des incidents et accidents nucléaires [39]. Le principal problème de la filière est la corrosion des pièces de structure par radiolyse du CO2. Il a fallu abaisser quelque peu la puissance des réacteurs MAGNOX et UNGG pour minimiser cet effet. Ce qui limitait la température de sortie du gaz à 400 °C. Parmi les autres points faibles de ces anciennes filières graphite-gaz, on trouve aussi l’usure par frottement, le bruit et les vibrations.
Le passé de la filière des RCG a un bilan plutôt positif avec une production électrique nette de l’ordre de 500 MWe et sans accident important. Malgré ce bilan, cette filière a été largement détrôné par les réacteurs à eau principalement pour des raisons économiques et pour les raisons citées ci-dessus. Pourtant, grâce à une série d’avancées technologiques importantes dans le domaine des matériaux et du combustible, les réacteurs à gaz reprennent une place importante dans la course vers le choix des réacteurs de 4ème génération, spécialement les VHTR et les GFR. Les principales avancés qui donnent à ces systèmes des qualités nouvelles et un attrait considérable se résument dans les quatre composantes d’un cœur de réacteur nucléaire et sont donc [25] :
Le combustible
Le combustible d’une centrale nucléaire contient des atomes fissiles dont on va extraire de l’énergie par fission. Les principaux atomes fissiles sont l’uranium 233, l’uranium 235, le plutonium 239 et le plutonium 241. Seul l’uranium 235 se trouve à l’état naturel. C’est donc le plus souvent lui qui est utilisé comme combustible dans les centrales nucléaires.
L’innovation au niveau du combustible des réacteurs RCG (de type HTR, VHTR) repose sur le concept des particules de combustible avec revêtement de type Triso ou Biso. L’idée est de piéger les produits de fission dans une couche interne au revêtement. Ces particules sont composées d’un petit noyau sphérique de diamètre compris entre 200 et 800µm qui contient des matières fertiles (Th232 ou U238) ou des matières fissiles (U233, U235 ou Pu239). Il est principalement composé d’oxydes d’actinides AnO2 cristallisant. Le noyau des particules Triso est revêtu de trois couches destinées à éviter le relâchement des produits de fission (Le noyau des particules Biso est revêtu de deux couches seulement). Il s’agit d’une couche de carbure de silicium dense comprise entre deux couches de carbone pyrolytique denses pour les particules fissiles (Triso), ou d’une seule couche de carbone pyrolytique dense pour les particules fertiles (Biso). L’épaisseur de chacune des différentes couches est de l’ordre de 40µm. Les particules sont finalement enrobées dans du carbone pour constituer l’élément combustible final sous forme cylindrique (compact) ou sphérique (boulets).
Les particules enrobées sont l’élément fondamental de sûreté des VHTR, ils agissent comme la première barrière de rétention des produits de fission. En outre, Les résultats des expériences d’irradiation du combustible à particules réalisées dans les réacteurs Siloé, Osiris, Pégase et Rapsodie en France, Dragon en Grande-Bretagne, AVR en Allemagne et Fort-SaintVrain aux USA ont confirmé une bonne résistance des micro-particules à une irradiation très élevée (75%) et des températures comprises entre 1000 °C et 1400 °C. Aussi, très peu de fissurations des couches de revêtement ont été observés durant ces expériences.
Le modérateur : Un ralentisseur de neutrons
Le modérateur est un ralentisseur de neutrons. Ces neutrons, du fait de leur grande énergie, se déplacent à grande vitesse (20 000 km/s). Ce sont des neutrons rapides. Le rôle du modérateur est donc de ralentir les neutrons qui sont souvent trop énergétiques pour provoquer efficacement une nouvelle fission. En effet, lorsque les neutrons ont une trop grande vitesse, ils passent trop vite à proximité des atomes d’uranium et les réactions de fission sont difficiles à obtenir. Pour que les réactions de fission se produisent plus facilement, et en plus grand nombre, il faut donc ralentir considérablement les neutrons, d’une vitesse de 20 000 km/s jusqu’à une vitesse de l’ordre de 2 km/s. Ces derniers sont alors appelés neutrons lents ou neutrons « thermiques ». Cette définition n’est pas valable pour les réacteurs à neutrons rapides (RNR), où justement, on utilise des neutrons rapides au lieu des neutrons thermiques. Le cœur d’un RNR n’est donc pas modéré.
Le freinage des neutrons s’effectue lorsqu’ils traversent une matière composée d’atomes dont les noyaux ne les absorbent pas. En effet, comme des boules se déplaçant sur une table de billard où se trouvent d’autres boules, les neutrons perdent de la vitesse en rebondissant sur les noyaux. Ce ralentissement se produit rapidement lorsque les obstacles sont des noyaux légers, de masse voisine de celle des neutrons, tels que ceux d’hydrogène. C’est la matière constituée par ces atomes qui est appelée le modérateur. Pour un bon fonctionnement du réacteur, combustible et modérateur doivent être alternés : combustible, modérateur, combustible, modérateur…
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Table des matières
Introduction
1 Les cœurs des réacteurs à très haute température (VHTR)
1.1 Introduction
1.2 Description des VHTR
1.3 la géométrie d’un cœur de VHTR
1.4 La thermique d’un cœur de VHTR
1.5 Autour de ces modèles
2 Présentation de la méthode d’homogénéisation
2.1 Introduction
2.2 Pré-requis mathématiques
2.3 Développement asymptotique
2.4 Convergence à deux échelles
3 Modélisation
3.1 Position du modèle général en 3D
3.1.1 Géométrie et notations
3.1.2 Equations du modèle
3.1.3 Propriétés de l’opérateur de rayonnement
3.1.4 Difficultés relatives à ce modèle
3.2 Position d’un modèle simplifié en 2D
3.2.1 Géométrie et notations
3.2.2 Equations du modèle
3.3 La thèse de K. El Ganaoui
3.3.1 Le modèle
3.3.2 Résultats par développement asymptotique
3.3.3 Résultats de convergence
4 Homogénéisation du modèle 3D de diffusion, convection et rayonnement
4.1 Introduction
4.2 Homogénéisation par développement asymptotique
4.3 Convergence
4.3.1 Estimations a priori
4.3.2 Convergence à deux échelles
4.3.3 Convergence forte
4.4 Résultats analytiques dans le cas non-linéaire
4.5 Résultats numériques
4.5.1 Changement de variables pour la simulation numérique
4.5.2 Algorithme et données numériques
4.5.3 Résultats numériques
5 Correcteur d’ordre 2 dans l’homogénéisation du modèle 2D simplifié
5.1 Introduction
5.2 Homogénéisation
5.2.1 Homogénéisation par développement asymptotique
5.2.2 Convergence
5.2.3 Résultats dans le cas non-linéaire
5.3 Résultats numériques
5.3.1 Changement de variables pour la simulation numérique
5.3.2 Algorithme et données numériques
5.3.3 Résultats numériques
5.3.4 Calcul d’erreurs
6 Etude dans un régime non-stationnaire
6.1 Introduction
6.2 Homogénéisation
6.2.1 Résultats d’homogénéisation par développement asymptotique
6.2.2 Convergence
6.2.3 Résultats dans le cas non-linéaire
6.3 Résultats numériques
6.3.1 Algorithme et données numériques
6.3.2 Résultats numériques
Conclusions
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