Ces dernières décennies, la population mondiale n‟a cessé d‟augmenter, entraînant un accroissement constant des besoins énergétiques. Les problèmes écologiques provoqués par l‟utilisation d‟énergies fossiles ont rendu incontournable le développement de sources d‟énergie peu polluantes. Les énergies renouvelables satisfont aux critères de respect de l‟environnement, mais leur coût et leur faible puissance ne permettent pas de les envisager pour une production massive d‟énergie à moyen terme. Ces problèmes alliés au vieillissement du parc actuel des réacteurs nucléaires ont conduit le CEA à consacrer une part importante de son effort de recherche et de développement aux systèmes dits de quatrième génération. Ces systèmes ont pour but de répondre aux enjeux d‟une production d‟énergie durable, dans une vision à long terme, et notamment de minimiser les déchets radioactifs et d‟utiliser au mieux les ressources naturelles en combustible, ainsi que de répondre à de nouveaux besoins en énergie : production d‟électricité, d‟hydrogène pour les transports mais aussi à des besoins en eau potable par dessalement de l‟eau de mer…. Parmi les réacteurs étudiés par le CEA, on trouve les réacteurs à neutrons rapides et caloporteur gaz (RNR-G). L‟utilisation d‟un caloporteur sous forme gazeuse autorise le fonctionnement du réacteur à haute température et permet d‟améliorer son rendement.
Les matériaux de gainage entrant dans la constitution de l‟élément combustible doivent être capables de supporter des températures avoisinant 1000°C en fonctionnement nominal et susceptibles d‟atteindre 1600°C (voire 2000°C) en transitoires accidentels, tout en permettant de garantir conjointement, en toutes circonstances et tout au long de la durée de vie, le confinement de la matière fissile et des produits de fission ainsi que la tenue mécanique du combustible. La gaine devra également assurer un transfert de chaleur optimal entre le combustible et le caloporteur ; une conductivité thermique effective supérieure à 10 W.m-1K-1 en fonctionnement est visée. L‟ensemble de ces propriétés devront être maintenues sous flux neutroniques rapides intenses. Ces critères très restrictifs ont mené à envisager dans un premier temps pour le matériau de gainage des céramiques réfractaires. Cependant, le caractère fragile des céramiques monolithiques rend délicat leur utilisation comme matériau de gainage. En revanche, les matériaux composites à matrice céramique (CMC), qui présentent une tolérance aux sollicitations (capacité de déformation non nulle) semblent a priori de bons candidats pour répondre à ce cahier des charges.
Les CMC comme matériaux de gainage du combustible dans les réacteurs du futur
Le contexte
Les réacteurs du futur
Depuis plus de vingt ans, la politique énergétique française est marquée par la prépondérance du secteur nucléaire qui représente aujourd‟hui 80 % de la production totale d‟électricité en France. De nombreuses considérations stratégiques laissent à penser qu‟il faudra poursuivre dans la voie du nucléaire lorsque les Réacteurs à Eau sous Pression (REP), actuellement en service, arriveront en fin de vie. Parmi ces considérations figurent (i) la pauvreté de la France en ressources énergétiques fossiles, (ii) le souci de garantir l‟approvisionnement énergétique à long terme du pays dans les meilleures conditions économiques et (iii) les avantages du nucléaire vis-à-vis d‟importantes préoccupations en matière d‟environnement (effet de serre). Cependant, ceci passe par l‟assurance d‟une sûreté de plus en plus accrue des réacteurs.
La filière de réacteurs nucléaires choisie en France pour produire de l‟électricité est celle des REP avec actuellement 58 réacteurs électronucléaires en fonctionnement dans l‟hexagone. Leur puissance électrique unitaire nette est de 900 MWe ou de 1300 MWe selon les tranches. Chaque année, 1300 tonnes de combustible sont consommées dans ces réacteurs. Fin 2000, la Direction de l’Energie Nucléaire du CEA décidait de consacrer une part importante de son effort de recherche et de développement aux systèmes dits de quatrième génération . Ces systèmes ont pour but de répondre aux enjeux d‟une production d‟énergie durable, dans une vision à long terme, et notamment de minimiser les déchets radioactifs et d‟utiliser au mieux les ressources naturelles en combustible, ainsi que de répondre à de nouveaux besoins en énergie (production d‟électricité et d‟hydrogène pour les transports), mais aussi à des besoins en eau potable par dessalement de l‟eau de mer.
Parmi les réacteurs étudiés par le CEA, on trouve les réacteurs à neutrons rapides et caloporteur Gaz (RNR-G). Les deux principales caractéristiques du RNR-G sont les suivantes.
➤ Une haute température de fonctionnement : le gaz du caloporteur circulera à une température variant de 480°C en l‟entrée à 850°C en sortie du réacteur [Abram et coll., 2008]. La température du combustible sera de l‟ordre de 800°C à 1000°C en conditions nominales et pourra atteindre 1600°C, voire 2000°C en conditions accidentelles. Ceci implique l‟utilisation de matériaux d‟enrobage de la phase fissile à haut point de fusion.
➤ Un spectre de neutrons rapides (E > 0,1 MeV) et 75 dpa-SiC .
La haute température de fonctionnement permettra d‟augmenter le rendement énergétique. Le gaz caloporteur sortant à 850°C pourra entraîner directement une turbine à gaz permettant d‟obtenir un rendement global de conversion supérieur à celui obtenu dans un REP vapeur (45% contre 35% actuellement). De plus, le gaz est compatible avec un spectre de neutrons rapides contrairement à l‟eau utilisée comme modérateur dans les REP (l‟eau ralentit les neutrons). Un spectre de neutrons rapides permettra une meilleure gestion des ressources naturelles, la minimisation de la production de déchets et une résistance à la prolifération des armes nucléaires. Les neutrons rapides permettent en effet d‟une part d‟utiliser un combustible composé d‟un mélange d‟uranium naturel (uranium 238 majoritaire) au lieu de l‟uranium 235, de plutonium 239 (environ 15 à 20 %) et d‟actinides mineurs (environ 1 %). Le neutron rapide induit d‟autre part deux réactions qui pourraient permettre un recyclage intégral du combustible pour brûler tout l‟uranium (au lieu de 1 % seulement actuellement dans les REP) et les actinides. Lors de la première réaction induite, il est capturé par un noyau d‟uranium 238, élément fertile qui se transforme alors en plutonium 239 . Lors de la seconde réaction, le plutonium fissionne et fournit de l‟énergie.
La faisabilité du RNR-G repose essentiellement sur la levée de quelques verrous technologiques :
● Le cycle du combustible. Ces procédés doivent permettre le recyclage au moins de l‟uranium et du plutonium co-générés pour éviter la prolifération, voire un recyclage intégral de tous les actinides (cycle fermé représenté sur la Figure I- 3). Avec un tel recyclage, seuls les produits de fission sortiront de la boucle pour former des déchets ultimes. Tous les autres éléments seront récupérables et retransformés en combustible puis réintroduits dans le réacteur.
● Le développement de matériaux : (i) matériaux de structure pour le cœur du réacteur, (ii) matériaux de gainage et (iii) combustible. Ces matériaux doivent être résistants à la fois à haute température et aux dommages par les neutrons rapides et posséder une conductivité thermique élevée en fonctionnement.
Les éléments combustibles pour les RNR-G
L‟élément combustible est composé de la phase fissile enrobée d‟un matériau de gainage. Cet élément combustible doit répondre à plusieurs exigences :
● La production d‟énergie par fission sous flux neutronique rapide implique une forte densité d‟atomes fissiles et l‟utilisation de matériaux transparents aux neutrons
● La transmission de la puissance thermique produite au caloporteur gaz nécessite l‟utilisation de matériaux de conductivité thermique élevée et de haute température de fusion
● Les produits de fission doivent être confinés pour assurer la propreté du caloporteur gaz et présenter une résistance suffisante aux très hautes températures.
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Table des matières
Introduction Générale
Partie A : Etat de l’art
Chapitre I: Les CMC comme matériaux de gainage du combustible dans les réacteurs du futur
I-1 LE CONTEXTE
I-1.1 Les réacteurs du futur
I-1.2 Les éléments combustibles pour les RNR-G
I-2 QU’EST CE QU’UN CMC ?
I-2.1 Renfort fibreux
I-2.2 Matrice
I-2.3 Interphase
I-3 QUEL CMC POUR LES RNR-G ?
I-3.1 Choix de la matrice
I-3.2 Choix du renfort fibreux
I-3.3 Choix des fibres
I-3.4 Choix de l’interphase
I-3.5 Procédés d’élaboration
I-3.6 Conclusion
I-4 CONDUCTIVITE THERMIQUE EN REACTEUR
I-4.1 Propriétés thermiques du SiC monolithique sous irradiation
I-4.2 Propriétés thermiques des SiCf/SiC
I-5 CONCLUSION
Chapitre II: Vers de nouveaux CMC
II-1 CONDUCTIVITE THERMIQUE DU CARBURE DE TITANE
II-1.1 Généralités
II-1.2 Conductivité thermique du carbure de titane
II-1.3 Conclusion
II-2 DEMARCHE
II-2.1 Les techniques de caractérisation thermique des couches irradiées
II-2.2 Choix des matériaux de l’étude
Partie B : Préalable expérimental
Chapitre III: Elaboration et caractérisation d’échantillons massifs par Spark Plasma Sintering
III-1 ELABORATION PAR SPS DE MATERIAUX TIC ET TIC-SIC
III-1.1 Généralités sur le Spark Plasma Sintering
III-1.2 Etude bibliographique
III-1.3 Paramètres expérimentaux
III-1.4 Caractérisations générales
III-1.5 Sélection de la température de frittage
III-1.6 Optimisations du procédé
III-1.7 Bilan
III-2 CARACTERISATION THERMIQUE DES ECHANTILLONS
III-2.1 Mesure de la diffusivité thermique
III-2.2 Résultats et discussion
III-2.3 Bilan
III-3 CONCLUSION
Chapitre IV: Application de la radiométrie IR photothermique pour l’étude de matériaux irradiés avec des ions
IV-1 SIMULATION DES NEUTRONS PAR DES IONS LOURDS
IV-1.1 Interaction ions-matière
IV-1.2 Créations de défauts
IV-1.3 Conclusion
IV-2 ENDOMMAGEMENT DES MATERIAUX DE L’ETUDE
IV-2.1 Les ions Kr de 74 MeV
IV-2.2 Les ions Au de 4 MeV
IV-2.3 Conclusion
IV-3 UTILISATION DE LA RADIOMETRIE IR POUR LA CARACTERISATION THERMIQUE DES MATERIAUX IRRADIES
IV-3.1 Principe de la radiométrie IR
IV-3.2 Paramètres importants
IV-3.3 Modélisation des échantillons irradiés
IV-4 CONCLUSION
Partie C : Potentialité du TiC comme matrice des CMC : Résultats et discussions
Chapitre V: Etude de la conductivité thermique du SiC du TiC et des mélanges TiC-SiC irradiés aux ions lourds
V-1 IRRADIATION AUX IONS KR DE 74 MEV : EFFET DE LA FLUENCE
V-1.1 Critères de choix de la fluence
V-1.2 Caractérisations préliminaires
V-1.3 Choix des conditions d’irradiation
V-2 ETUDE DE LA MICROSTRUCTURE DU SIC, DU TIC ET DES MELANGES TIC-SIC IRRADIES A TEMPERATURE AMBIANTE
V-2.1 Caractérisation post irradiation du SiC
V-2.2 Caractérisation post irradiation du TiC
V-2.3 Caractérisation post irradiation des mélanges TiC-SiC
V-2.4 Conclusion
V-3 MESURE DE LA CONDUCTIVITE THERMIQUE EN TEMPERATURE DES MATERIAUX IRRADIES A TEMPERATURE AMBIANTE
V-3.1 Modélisation des matériaux irradiés pour la mesure de la conductivité thermique
V-3.2 Evolution de la conductivité thermique en température du TiC du SiC et des mélanges TiC-SiC irradiés
V-3.3 Conclusion
V-4 IRRADIATIONS EN TEMPERATURE
V-4.1 Carbure de silicium
V-4.2 Carbure de Titane
V-4.3 Comparaison TiC-SiC
V-4.4 Bilan
V-5 CONCLUSION
Chapitre VI: Application à la réalisation de Composites à Matrice Céramique
VI-1 DEMARCHE EXPERIMENTALE
VI-1.1 Problématique
VI-1.2 Matériaux modèles
VI-1.3 Caractérisation thermique des microcomposites
VI-1.4 Conclusion
VI-2 ELABORATION DES MICROCOMPOSITES
VI-2.1 CVI et P-CVI
VI-2.2 Recherche des conditions d’élaboration du TiC par P-CVI
VI-2.3 Elaboration de microcomposites SiCf/TiC par P-CVI
VI-3 CARACTERISATION DES MICROCOMPOSITES SICF/TIC
VI-3.1 Caractérisation mécanique des microcomposites SiCf/TiC
VI-3.2 Caractérisation thermique des microcomposites SiCf/TiC
Conclusion générale