Les classes mixtes et leur dynamique

Les classes mixtes et leur dynamique

Chaque jour en Suisse, près d’un million d’enfants se rend à l’école obligatoire. Parmi eux nous retrouvons une grande diversité culturelle, sociale ou encore religieuse. Bien conscientes que ces variables doivent être prises en considération, les Hautes Ecoles Pédagogiques (HEP) dispensent à leurs étudiant-e-s des cours sur le sujet. Parmi ce petit million d’enfants de tout âge et de toute provenance, deux grandes catégories « naturelles » se distinguent ; les garçons et les filles. Le sexe, au-delà de tous les autres éléments, est la première caractéristique qui est assignée à tout individu. Tout comme serait aujourd’hui perçu comme ridicule le fait de séparer les élèves d’après leur pays d’origine, il paraît tout à fait logique de placer les élèves féminines et masculins au sein des mêmes classes. De ce fait, on peut se demander si les enseignant-e-s se retrouvent confronté-e-s à des élèves, dans le sens épicène du terme ; finalement peu importe si ce sont des filles ou des garçons ou au contraire, s’il est nécessaire de prendre cette variable en compte puisque comme le dit Collet (2016, p.33), « l’école n’est pas coupée du monde. Quand les élèves entrent en classe, ils ne laissent pas leurs stéréotypes accrochés au porte-manteau ».

La religion, la manière de se nourrir, les idéologies politiques, l’écologie… nous avons toutes et tous notre avis et nos stéréotypes sur ces questions. Il en va de même pour les comportements typiquement masculins et féminins: tout le monde a à l’esprit une foule de stéréotypes concernant hommes et femmes. Les écoliers et écolières, si jeunes soient ils/elles, ne sont pas différent-e-s des autres. Avec leurs yeux d’enfants ils captent et interprètent une foule de signaux qui conditionnent leurs comportements et les emportent avec eux/elles lorsqu’ils/elles vont jouer sur la cour, marchent dans les couloirs et se rendent en classe. Confrontés au quotidien à de nombreux élèves, les enseignant-e-s, eux/elles aussi, ont en tête une foule d’images influençant leur vision du monde sur les nombreux aspects cités plus haut mais également sur les comportements plus ou moins attendus de la part des garçons et des filles à l’école. Quel impact ces idées et stéréotypes de la part des acteurs et actrices de l’école ont-ils au quotidien sur les comportements ? Comment sont perçu-e-s les garçons et les filles à l’école ? Estce que l’un des deux sexes excelle davantage dans certaines disciplines ? Les professeur-e-s ont-ils/elles un rôle à jouer ? Cet échantillon non-exhaustif de questions découle de la mixité scolaire. Cette recherche va tenter de nous offrir quelques pistes de réflexion à ce propos.

Des notions à définir

Sexe et genre

Les termes de « sexe » et de « genre » étant parfois utilisés de diverses manières et interprétés différemment selon les auteurs, il convient de définir clairement ce à quoi l’on fait référence en utilisant l’une ou l’autre de ces terminologies. En effet, la désignation « sexe » telle qu’elle st utilisée dans le présent travail reprend celle de Nicholson (1994, cité par Parini, 2006, p.23). Dans cette acception, le sexe définit « un élément biologique fixe sur lequel sont jetés des éléments culturels et sociaux marqués par des relations de pouvoir ». Comprenons que ce terme renvoie au sexe de l’enfant tel qu’il est assigné à sa naissance (ou avant), la plupart du temps sur la base de l’apparence de ses organes génitaux. Précisons toutefois que 4% de la population naît avec des particularités qui peuvent créer un débat en ce qui concerne l’assignation sexuelle (Dietschi, 2015). A l’opposé, lorsque nous parlons du genre, nous faisons référence à un système normé hiérarchisant de sexe qui se fonde sur des différences sociales et psychologiques entre filles et garçons (Parini, 2006). En résumé, le genre englobe tous les éléments culturels, sociaux, relationnels ou autres venant se greffer sur les assignations de sexe faites à la naissance et il les hiérarchise.

Mixité et égalité

Depuis les années septante, l’égalité entre les sexes est un sujet préoccupant pour les autorités. Le Centre Suisse de coordination pour la Recherche en Education (CSRE), par l’entremise de Grossenbacher (2006), a ainsi publié une brochure s’intitulant « Vers l’égalité des sexes à l’école. Que font les cantons pour instaurer l’égalité entre hommes et femmes dans le système éducatif ? ». Dans cette dernière, nous pouvons lire que dans notre pays, selon une base légale, l’égalité entre les sexes doit être respectée dans l’éducation (p.14).

Afin d’y parvenir, le CSRE propose dans son rapport divers aspects liés au plan d’étude, présente des guides annexés à ce dernier, recommande des publications de sensibilisation, promeut du matériel didactique équivalent ainsi que le langage épicène, propose des cours de perfectionnement pour les enseignant-e-s ou encore recommande l’esprit d’ouverture dans la préparation au choix professionnel (Grossenbacher, 2006). Nous remarquons que de nombreux éléments sont proposés pour atteindre l’égalité entre les sexes à l’école.

Dans les écoles helvétiques, l’égalité passe aujourd’hui pour une évidence et il en va de même en France (Duru-Bellat, 1995). Selon Mosconi et Arnot, citées par Duru-Bellat (1995), il semblait évident que les filles seraient gagnantes en bénéficiant des mêmes structures que les garçons mais aussi qu’en cohabitant dans les mêmes classes, filles et garçons se « coéduqueraient entre eux ». Duru-Bellat et Marin (2009) notent que la décision a été prise comme si le simple fait d’introduire des classes mixtes garantissait l’égalité alors que la question des influences de la mixité sur le résultat des écoliers et écolières mais également sur leur comportement et celui des enseignant-e-s peut se poser.

Socialisation sexuée

Développement de l’identité sexuée

Passant, dès l’âge de cinq ans, passablement de leur temps à l’école, il semble évident qu’une partie de l’identité sexuée des garçons et des filles se construit dans le cadre scolaire. Néanmoins, lorsqu’ils entrent à l’école, les enfants sont déjà largement socialisé e-s selon leur sexe. Ce dernier constitue dès la naissance (voire avant) la première catégorisation sociale à laquelle seront rattachés une multitude de comportements sexués et stéréotypés. Une foule de caractéristiques attendues sera transmise à l’enfant d’après  sexe et ceci en dehors de toute volonté éducative (Zaidman, 1996). Dès leur naissance, les enfants subissent une multitude de pressions afin de correspondre aux rôles attribués par leur sexe (Babillot, 1998).

Filles et garçons sont dotés d’habitus, ces derniers étant définis par Bourdieu comme « les structures mentales à travers lesquelles les agents appréhendent le monde social » (1987, cité par Zaidman, 1996, p.13). Au travers de ces habitus, l’individu adoptera un comportement ainsi qu’une façon de dire et de voir les choses en fonction de son sexe (Zaidman, 1996). Lorsqu’il arrivera en milieu scolaire, l’enfant aura déjà acquis certains paramètres sociaux liés à son sexe puisque : la socialisation primaire est la première socialisation que l’individu subit dans son enfance, et grâce à laquelle il devient un membre de la société. La socialisation secondaire consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans les nouveaux secteurs du monde objectif de sa société (…). Dans la mesure où elle présuppose toujours un processus antérieur de socialisation primaire, la socialisation secondaire doit traiter avec un « moi » déjà formé et avec un monde déjà intériorisé » (Zaidman, 1996, p.15-16, citant Berger et Luckman). Les enfants découvrent donc le milieu scolaire alors que leur socialisation primaire a largement été entamée. Toutefois, ils/elles n’ont pas encore tout à fait construit leur « moi ». De ce fait, l’école primaire demeure un lieu qui participe à la socialisation primaire. Néanmoins, pour Duru-Bellat et Marin (2009), les enfants ont conscience du genre auquel ils appartiennent et en adoptent les stéréotypes dès l’âge de trois ans. L’environnement est donc catégorisé en fonction de leur genre à partir de ce moment-là. Avant cet âge, l’identité sexuée et les comportements fluctuent (Duru-Bellet et Marin, 2009). Pourtant, « les enfants manifestent spontanément des préférences pour les jouets et les activités stéréotypées liés à leur sexe dès l’âge de douze mois » (Eisenberg et al., 1984 ; O’Brien et Histon, 1985, cités par Goguikian Ratcliff, 2002, p.39). Baerlocher (2006) s’est d’ailleurs penchée plus en détail sur cette tendance et montre l’influence des jouets dans la transmission des rôles stéréotypiques de genre.

Filles et garçons en classe 

Bien que les enfants entrent à l’école primaire avec une socialisation liée au sexe importante (Zaidman, 1996), Duru-Bellat et Marin (2009) n’hésitent pas à engager la responsabilité de l’école puisque pour elles, cette dernière demeure le lieu privilégié de la sociabilité juvénile et de l’élaboration de l’identité de genre. La mixité dans les classes devrait permettre de construire, au moins dans le cadre scolaire, une égalité entre les sexes en cassant la catégorisation binaire masculin / féminin ou du moins en donnant aux élèves la possibilité de discuter les stéréotypes de genre ainsi que « l’obligation » de s’y conformer, ce qu’elle ne semble pas faire (Duru-Bellat et Marin, 2009).

Les attentes sexuées des enseignant-e-s face à leurs élèves : un effet Pygmalion ?

Les enfants sont dès leur naissance, par le biais de différents facteurs transmis consciemment ou non par l’entourage et la société, « victimes » de la catégorisation sexuée. Les enseignante-s, ayant grandi dans les mêmes conditions, étant parfois parents, n’échappent pas à la vague de comportements sexués attendus et transmis aux filles et aux garçons et les mécanismes sociaux du genre tels qu’ils existent dans la société se retrouvent à l’école (Mosconi, 2009). De ce fait, on peut se demander dans quelle mesure ces stéréotypes sont intégrés par les professionnel-le-s de l’enseignement et à quelle fréquence, consciemment ou non, ils influencent leurs attentes vis-à-vis du comportement et des résultats de leurs élèves.

D’après les propos d’un enseignant cités par Mosconi stipulant qu’il « ne sait pas si on arrivera à sortir de ce schéma de la fille réservée qui doit se taire ou simplement être attentive et du garçon exubérant qui est très dynamique et qui finalement ne fait rien », il semble difficile d’échapper aux stéréotypes liés au sexe des élèves. Les enseignant-e-s y sont sensibles, consciemment ou non puisqu’ « on a été élevés dans cette conception, donc on s’y complait, par la force des choses on entre dans ce stéréotype » (1992, p.74).

Le comportement des enseignant-e-s

Ci-dessus, nous avons constaté que les élèves arrivent à l’école avec une foule d’habitudes intégrées depuis leur plus jeune âge. L’école et plus particulièrement les professeur-e-s contribuent à leur modification ou à leur renforcement (Zaidman, 1996). Le rôle que jouent ces dernier-ère-s est donc important dans la transmission et la consolidation de comportements stéréotypés de la part des élèves. Mosconi (2009,p.1) a d’ailleurs démontré dans ses recherches qu’au travers pléthore de processus récurrents, tant les élèves eux/elles-mêmes que les enseignant-e-s « contribuent à faire vivre aux filles et aux garçons des expériences différentes aboutissant à des positions inégales des filles et des garçons, l’école laissant agir en son sein les mécanismes sociaux de genre usuels de la société ».

Evidemment, les attitudes professorales contribuant à ces différences demeurent bien souvent inconscientes. Ainsi, sans exprimer ou adopter clairement des comportements discriminants, ils/elles manifestent par le biais d’une foule d’indices tels que des regards, des sourires, des mots blessants ou flatteurs voire encore des oublis de prénoms, toute une série de sentiments sur les différences entre les sexes (Fize, 2003). Ces divergences liées au sexe sont visibles très tôt dans la vie de l’enfant puisqu’elles sont déjà observables dans les institutions préscolaires. Dafflon Novelle (2006) a constaté que les enseignantes de ces dernières étaient davantage disposées à réprouver fortement les comportements des garçons et d’y réagir d’une manière plus marquée qu’à ceux des filles. Par ailleurs, les filles reçoivent plus d’attention lorsqu’elles sont à proximité des adultes, proximité dont les garçons n’ont pas besoin pour bénéficier de considération. Les enfants masculins reçoivent plus d’instructions en réponse à leurs sollicitations et sont, de ce fait, directement encouragés à s’impliquer de manière plus soutenue dans les activités proposées. De plus, ils reçoivent davantage d’attention que leurs camarades féminines lorsque leur comportement est approprié aux enseignements donnés.

L’égalité des chances dans les écoles helvétiques

En prenant en compte les diverses considérations évoquées plus haut, se pose indéniablement la question de l’égalité des chances. Dans l’école mixte d’aujourd’hui, filles et garçons sontils/elles réellement sur un pied d’égalité ? Ont-ils/elles, les mêmes chances de réussite scolaire et également les mêmes perspectives professionnelles ? Un autre rapport du CSRE, rédigé par Coradi Vellacott et Wolter (2005) traite cette question. Précisons que selon la Conférence suisse des Directeurs cantonaux de l’Instruction Publique (CDIP), « Le CSRE documente toutes les activités de recherche sur l’éducation en Suisse, fournit des informations à ce sujet et sert de point de contact international. Il est placé sous la responsabilité commune de la Confédération et de la CDIP2 ». Comprenons donc bien que le CSRE n’exprime pas obligatoirement le point de vue de la CDIP. Toutefois, cet organe semble constituer une référence importante pour saisir les aspects liés à l’égalité dans les écoles helvétiques.

Une méthodologie en trois temps

Afin de répondre à mes interrogations sur les interactions entre élèves et enseignant-e-s, j’ai imaginé une méthodologie découpée en trois parties bien distinctes : un premier entretien avec les enseignant-e-s volontaires, une analyse de deux leçons en classe (français et mathématiques) et pour terminer une discussion autour des observations menées et filmées durant leurs leçons. Trois enseignants et trois enseignantes ont participé à ma recherche. Les classes observées sont de 5 e Harmos, les élèves sont donc âgé-e-s d’environ neuf ans. Il est important de préciser qu’il a été difficile de trouver des enseignant-e-s répondant par la positive à ma demande, le fait d’être filmé-e constituant un réel frein. De ce fait, il est probable que les chiffres obtenus lors de mes observations soient en-dessous de la réalité puisque les enseignant-e-s observé-e-s étaient volontaires et qu’ils avaient connaissance, dans les grandes lignes, du thème de mon travail. Ils/elles auront donc probablement cherché « à faire tout juste ». Par souci d’anonymat, des noms fictifs ont été attribués aux volontaires.

Conclusion

La mixité fait aujourd’hui partie intégrante de l’école publique. Ainsi filles, garçons, enseignants des deux sexes se côtoient au quotidien dans les classes. Ces interactions apprennent aux élèves à vivre ensemble, tel que cela sera le cas dans leur vie future au travers de leur profession ou des diverses activités qu’ils/elles exerceront une fois adultes. Si l’objectif de la présente étude n’était en aucun cas de remettre la mixité en question, ce qui serait un retour en arrière, nous constatons tout de même que la dynamique qui règne au sein des classes entraîne avec elle son lot d’interrogations.

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Table des matières

1. Introduction
2. Cadre théorique 
2.1. Des notions à définir
2.1.1. Sexe et genre
2.1.2. Mixité et égalité
2.2. Socialisation sexuée
2.2.1. Développement de l’identité sexuée
2.2.2. Filles et garçons en classe
2.2.3. Les attentes sexuées des enseignant-e-s face à leurs élèves : un effet
Pygmalion ?
2.2.4. Le comportement des enseignant-e-s
2.2.5. L’égalité des chances dans les écoles helvétiques
3. Problématique 
4. Je tenterai donc de répondre aux questions suivantes
5. Méthodologie 
5.1. Une méthodologie en trois temps
5.1.1. Entretien initial
5.1.2. Observations en classe
5.1.3. Présentation des résultats aux enseignant-e-s et discussion
5.1.4. Les élèves et leurs enseignant-e-s
5.1.5. Problèmes rencontrés
6. Les entretiens initiaux 
6.1. Les classes mixtes et leur dynamique
6.2. L’impact de la proportion filles / garçons dans une classe
6.3. Les comportements masculins et féminins en classe
6.4. Les clichés liés au sexe
6.5. Les résultats et leur évolution chez les filles et les garçons
6.6. Les différences de comportement des enseignant-e-s vis-à-vis des élèves
6.7. Prise en compte de la mixité dans les choix pédagogiques
7. Les observations – présentation et discussion
7.1. Sollicitations directes
7.2. Interventions spontanées
7.3. Rappel à l’ordre
7.4. Interventions spontanées et rappels à l’ordre
7.5. Appel par le prénom
8. Retour sur les résultats avec les enseignant-e-s 
8.1. Rappels à l’ordre et besoins différenciés
8.2. Bavardages et rappels à l’ordre.
8.3. La responsabilité des enseignant-e-s engagée ?
8.4. La socialisation en ligne de mire
8.5. Une école égalitaire ?
8.6. Une problématique trop peu traitée dans la formation des enseignant-e-s ?
9. Conclusion

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