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Facteurs d’impact
Différents facteurs contribuent à promouvoir le cancer (Figure 1), la fréquence est liée à certains paramètres comme l’âge, le sexe, la prédisposition génétique, le mode de vie ou l’environnement. Parmi, ces facteurs de risque, l’alcool et le tabac sont responsables respectivement de 8 % et 20 % des cas. De tous les cancers attribuables à la consommation d’alcool, le cancer du sein est le plus fréquent (près de 8000 cas) suivi du cancer colorectal, de la cavité buccale et du pharynx, du foie, de l’œsophage et du larynx. La France se situe au troisième rang de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) en termes de consommation d’alcool pour les plus de 15 ans derrière la Lituanie et la République Tchèque. Le surpoids et l’obésité constituent aussi des facteurs de risque de 12 localisations de cancers qui pourraient être prévenus par une alimentation riche en fibres, en fruits et légumes et pauvre en produits gras et sucrés, sans excès de viande ainsi qu’une pratique régulière d’activités sportives. Certaines études montrent aussi que la pollution ou l’exposition répétées à des agents cancérigènes tels que l’amiante ou les phénols, ou des agressions provoquées par des rayonnements solaires, nucléaires jouent un rôle essentiel dans la promotion des cancers. On estime que 41% des nouveaux cas de cancers pourraient être évités si l’exposition aux facteurs de risques modifiables était optimale. La prévention et l’éducation de la population sont donc cruciales pour infléchir les données actuelles.
Définition du cancer
Le cancer est une maladie qui se caractérise par une prolifération rapide et non régulée de cellules d’un tissu ou d’un organe. Ces cellules forment un amas appelé tumeur. Une tumeur peut se développer localement et rester uniquement dans le tissu où elle est apparue, dans ce cas, elle est dite bénigne, ou alors, les cellules qui la constituent peuvent se multiplier rapidement et migrer par voie lymphatique ou sanguine vers d’autres organes pour former des tumeurs secondaires nommées métastases, il s’agit alors de tumeurs malignes. Ce changement de comportement des cellules est dû à des mutations de l’ADN apparues sous l’action des facteurs d’impact énumérés plus haut.2
Mécanisme de cancérisation3
Le passage d’une cellule normale et différenciée à un amas cellulaire indifférencié et incontrôlé se fait selon trois principales étapes de cancérisation (Figure 2) : l’initiation (phase d’hyperplasie), la promotion (phase de dysplasie) et l’invasion (phase d’angiogenèse).
L’étape d’initiation s’enclenche suite à la mutation d’une cellule saine par rayonnement, facteur chimique ou biologique qui va se transformer en « un mutant ». Cette cellule mutante peut acquérir la capacité d’activer des gènes oncogènes ou à l’inverse, l’inhibition de gènes suppresseurs de tumeurs. Ces cellules modifiées développent une autonomie de croissance, une réplication rapide et illimitée, une insensibilité aux signaux antiprolifératifs, une résistance à l’apoptose. Il en résulte des cellules qui se multiplient indéfiniment et de manière totalement anarchique.
Durant l’étape de promotion, la cellule mutée va se diviser par mitose, les cellules filles possèderont donc la mutation, mais elles vont, elles aussi, en subir, ce qui donnera un ensemble de cellules avec un grand nombre de mutations. Ces cellules échappent à l’immuno-surveillance par des stratégies de camouflage malgré la présence d’antigènes tumoraux à leur surface. De plus de nouveaux vaisseaux sanguins vont alors apparaitre pour amener tous les éléments dont ont besoin ces cellules tumorales pour se développer.
Ces amas de cellules forment donc une tumeur qui peut soit rester localisée et donc avoir un développement lent, ou bien, si ces cellules parviennent à franchir la barrière basale avec l’aide d’enzymes spécifiques, se répandre dans l’organisme grâce au système sanguin ou au système lymphatique et former des tumeurs malignes, c’est l’étape d’invasion.
Le cancer se développe donc à partir de cellules ayant un comportement anormal. Pour essayer de détruire ces cellules, plusieurs voies de thérapie ont été mises en place.
Les traitements actuels contre le cancer
Il existe actuellement plusieurs méthodes de lutte contre le cancer. Parmi les plus classiques, on note la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie ou l’hormonothérapie. D’autres méthodes ont été investiguées ces dernières années, dont les thérapies ciblées ou l’immunothérapie qui sera plus particulièrement développée dans ce chapitre. Ces différentes méthodes peuvent être utilisées seules ou en combinaison pour un effet synergique. Le choix du/des traitements dépend du type de cancer, mais aussi du patient. Il convient de faire du cas par cas pour mettre en place le protocole le mieux adapté à chaque patient.
La chirurgie
Cette méthode est utilisée de manière curative ou palliative. La méthode curative consiste en une ablation totale de la tumeur, mais aussi de quelques tissus avoisinants et des ganglions lymphatiques. Dans le cas d’une tumeur détectée assez tôt, l’ablation de la tumeur entraine la guérison de l’individu. Elle est principalement utilisée pour les cancers du sein, du côlon et de l’estomac. La seconde méthode, qui consiste à ne retirer la tumeur que partiellement, intervient dans le cas d’une tumeur métastasée ou de localisation difficile. Elle peut aussi être utilisée pour faire des biopsies qui peuvent être utile afin de dresser un portrait génétique de la tumeur (même si celle-ci est rarement homogène et avec un seul type de mutation) et déterminer le traitement adapté.
La chimiothérapie
Elle consiste à administrer des substances bloquant la division et la réplication des cellules infectées. Ces substances peuvent avoir différents modes d’action, on peut ainsi avoir des agents antimétabolites, des agents alkylants, des inhibiteurs de topoisomérases ou de polymérisation de la tubuline. Les cellules ne se renouvelant pas, elles sont alors éliminées par le système immunitaire. Le principal problème de cette méthode est qu’elle n’est pas spécifique, elle touche aussi bien les cellules cancéreuses que les cellules saines même si ces dernières se développent plus lentement. De ce fait, on note nombre d’effets secondaires. De même que la chirurgie, la chimiothérapie peut être curative et entrainer des guérisons (cancer du sang, ou des testicules, …), ou alors palliative pour réduire l’avancée de la tumeur et de ces métastases. Elle sera alors couplée à un autre traitement pour essayer d’obtenir une guérison.
La radiothérapie
Elle consiste à utiliser des rayonnements ionisants de manière la plus localisée possible pour ne « tuer » que les cellules infectées. Il existe plusieurs types de radiothérapie : radiothérapie conformationnelle 3D5, la curiethérapie6 et la radiothérapie vectorisée7. La radiothérapie conformationnelle 3D consiste à appliquer un rayonnement ionisant ou électromagnétique (rayons X, rayons gamma, électron, neutron, ions …) pour irradier la tumeur sans ajout d’agent de synthèse. Elle peut être utilisée dans de nombreux types de cancers, mais cause un grand nombre d’effets secondaires. La curiethérapie utilise des radio-isotopes (192iridium, 137césium) placés à l’intérieur ou à proximité immédiate de la zone à traiter, elle est couramment utilisée comme un traitement efficace pour soigner le cancer du col de l’utérus, de la prostate, du sein ou de la peau. La radiothérapie vectorisée est l’administration d’un radioélément conjugué à un vecteur qui peut être peptidique ou un anticorps, dans le but de rendre le traitement plus spécifique.
L’hormonothérapie
L’hormonothérapie est une méthode utilisable dans seulement certains types de cancer dit hormono-dépendants, c’est-à-dire qu’ils sont stimulés par des hormones naturellement présentes dans le corps, c’est souvent le cas des cancers du sein et de la prostate. On distingue deux types d’hormonothérapie :
– les traitements médicamenteux, qui agissent par voie générale sur toutes les cellules sensibles aux hormones. On parle de traitement systémique. On a par exemple, le Tamoxifène qui est un
modulateur sélectif des récepteurs aux œstrogènes (SERM) qui inhibe la croissance des cellules tumorales par un antagonisme compétitif des œstrogènes pour le cancer du sein.8
– les traitements non médicamenteux, qui consistent à stopper la production d’œstrogènes par les ovaires en les retirant par une intervention chirurgicale (ovariectomie) ou en les irradiant (radiothérapie).
Pour déterminer si un cancer est hormono-dépendant ou non il faut effectuer un examen anatomopathologique réalisé sur un fragment de la tumeur prélevé par biopsie.
Les thérapies ciblées
Les thérapies ciblées ont pour objectif de bloquer la croissance ou la propagation de la tumeur, en interférant avec des anomalies moléculaires ou avec des mécanismes qui sont à l’origine du développement ou de la dissémination des cellules cancéreuses. Certaines thérapies ciblées sont capables de s’attaquer précisément à ces perturbations. Leur action consiste à bloquer la transmission de certaines informations au sein des cellules qui les conduisent à se diviser et à proliférer de façon anarchique. Elles peuvent agir à différents niveaux de la cellule :
– sur les facteurs de croissance (qui sont des messagers déclenchant la transmission d’information au sein de la cellule),
– sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l’information à l’intérieur de la cellule)
– sur des éléments à l’intérieur des cellules.
Les thérapies ciblées peuvent aussi empêcher la tumeur de fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins. En effet, lorsqu’une tumeur atteint une certaine taille, le réseau sanguin déjà existant n’est plus suffisant pour l’alimenter en nutriment et en oxygène. La tumeur va alors mettre en place de nouveaux vaisseaux sanguins qui diffèrent des vaisseaux normaux, pour s’assurer une bonne irrigation et permettre sa survie et sa croissance. Il s’agit de la néo-angiogénèse. Ces nouveaux vaisseaux peuvent également servir de porte d’entrée à la diffusion de métastases vers d’autres organes. Des thérapies ciblées, appelées antiangiogéniques, ont donc été développées pour empêcher la tumeur de former de nouveaux vaisseaux sanguins et ainsi limiter son développement.9
L’immunothérapie
L’immunothérapie vise à détruire les cellules cancéreuses par l’action du système immunitaire (SI) du patient. Ce sont deux chercheurs, Tasuku Honjo10 et James P. Allison11, récipiendaires du prix Nobel de Médecine 2018, qui ont commencé dès le milieu des années 1990, à mettre en évidence la possibilité d’utiliser le SI pour détruire les tumeurs. Vingt ans plus tard, l’immunothérapie est en passe de révolutionner la prise en charge de certains cancers, jusqu’alors incurables. Chercheurs et médecins explorent les nombreuses pistes possibles pour faire en sorte que le SI s’attaque de façon efficace aux cellules cancéreuses.
Le lieu de prolifération des cellules immunitaires, mais aussi de leur spécification est le système lymphatique.12 Il est constitué de vaisseaux lymphatiques, de ganglions (aussi appelés nœuds lymphatiques) que l’on trouve dans presque toutes les parties du corps (dont les coudes, l’aine, le cou et les aisselles) et d’organes qui sont reliés à toutes les parties du corps porteuses de lymphe. Cette lymphe est un liquide transparent contenant des lymphocytes et autres organites appartenant au SI. Les nœuds lymphatiques débarrassent la lymphe des microorganismes et autres débris avant qu’elle atteigne le sang, tandis que la rate épure le sang et détruit les érythrocytes inefficaces, déformés ou trop vieux. Les ganglions lymphatiques agissent comme des filtres pour la lymphe et les lymphocytes : ils écartent les bactéries, les virus et d’autres corps étrangers.
Le système immunitaire et ses acteurs
Le SI est constitué de cellules spécialisées présentes dans le sang, les ganglions lymphatiques, la rate et certains tissus. Il a deux rôles majeurs, discriminer le soi du non-soi et détruire ce non-soi. L’immunité est assurée par les cellules hématopoïétiques (aussi appelées cellules souches) et par des facteurs solubles tels que les cytokines. Les cellules souches sont à l’origine de la plupart des cellules impliquées dans la réponse immunitaire. Parmi les principaux effecteurs du SI, on compte les leucocytes ou globules blancs (Figure 3), et parmi eux les lymphocytes (d’environ 7 à 8 m de longueur). Ils représentent 20 à 30 % du taux des globules blancs dans une formule sanguine. Ils aident à apporter une réponse spécifique quand l’organisme a été envahi par des microorganismes et aident également le corps à lutter contre les tumeurs. Une fois libérés de la moelle rouge, les lymphocytes sont presque tous identiques, ils vont acquérir leur spécialisation (lymphocytes B ou T) au cours de la maturation qui déterminera leur rôle dans la défense immunitaire12.
On peut classer les lymphocytes de différentes façons, c’est le système CD (Cluster ou Classe de Différentiations) : CD4, CD8, etc. On peut aussi les différencier selon leur mode de maturation, selon qu’ils sont de type B (burso-dépendants, en fait isolés à l’origine dans les bourses de Fabricius chez les oiseaux d’où le B pour Bird) ou de type T (thymo-dépendants), (Figure 4).
Les lymphocytes
B ont pour rôle la fabrication d’anticorps. Le principe est le suivant : les lymphocytes B ont à leur surface des immunoglobulines, sortes de protéines qui sont spécifiques des antigènes que les lymphocytes ont pu rencontrer. Dès que les lymphocytes rencontrent à nouveau cet antigène, ils vont immédiatement fabriquer des anticorps qui vont neutraliser les antigènes dont ils sont spécifiques.
Les lymphocytes T effectuent leur maturation dans le thymus, une glande développée chez
l’enfant, située à la base du cou. Plus de 80% des lymphocytes présents dans l’organisme sont des lymphocytes T. Suite à une sélection en fonction de leur capacité à reconnaître et à se lier aux protéines du CMH, les lymphocytes seront ainsi sélectionnés pour assurer l’immunotolérance. Au cours de ces processus, seul 2% des lymphocytes T survivent et deviennent immunocompétents, les autres sont détruits par apoptose. De cette population de lymphocytes vont naître deux sous-populations, les lymphocytes CD4 et CD8.
Lymphocytes CD4 :
Les lymphocytes CD4 (ou T4 ou encore lymphocytes auxiliaires ou helper) sont des lymphocytes non cytotoxiques vis-à-vis des cellules cancéreuses qui s’activent et se multiplient après présentation d’antigène par les cellules dendritiques. Ils ont pour tâche de fabriquer des protéines appelées cytokines, telles que les interleukine-2 qui vont en stimuler d’autres. Une population particulière de CD4 est appelée régulatrice (Treg13 ou suppresseur), elle est indispensable pour prévenir l’excès de fonction des lymphocytes T. Les Tregs ont pour rôle principal de réprimer l’activité des lymphocytes T, soit auto-immune, soit en fin de réaction immunitaire. Il en existe de deux types, les Tregs « naturels » (CD4, CD25 et high) qui agissent surtout par contact cellulaire et les Tregs (R1, H3…) « inductibles » par différentes stimulations antigéniques qui agissent surtout par la production de cytokines antiinflammatoire (TGF , IL10…).
Lymphocytes CD8 :
Il existe de même deux types de lymphocytes CD8 : les lymphocytes K (Killer) qui produisent une substance chimique appelée « lymphokine » qui est essentielle à la destruction des corps étrangers par les cellules B et les lymphocytes NK (Natural Killer) qui sont capables de provoquer la lyse de la membrane plasmique. Ils détruisent indifféremment par cytotoxicité les cellules infectées et tumorales avant que le système de défense adaptatif entre en action, en détectant l’absence de récepteurs du « soi » (molécules du Complexe Majeur d’Histocompatibilité). Le terme cellules tueuses « naturelles » indique la non-spécificité de leur action destructrice. Les cellules NK ne sont pas phagocytaires. Leur façon de tuer consiste à attaquer la membrane de la cellule cible et à libérer plusieurs substances cytolytiques, dont la perforine (entraine un trou dans la membrane plasmique) et les granzymes (entrent dans les cibles, où l’enzyme va dégrader les protéines, et induire la mise en apoptose de la cible). Les cellules NK sécrètent également des substances chimiques puissantes qui accentuent la réaction inflammatoire. Une fois leur rôle rempli, certains Lymphocytes CD8 vont mourir par apoptose alors que d’autres vont devenir des cellules mémoires qui ont une durée de vie extrêmement longue (quelques dizaines d’années) permettant ainsi une réponse rapide la fois suivante12.
Les cytokines
Les cytokines sont des petites protéines (glycoprotéines) solubles impliquées dans la communication intra-cellulaire. Elles sont sécrétées par des effecteurs du système immunitaire ou par d’autres cellules ou tissus, agissant à distance. Parmi les cytokines, on peut citer les interférons et les interleukines14.
Les interférons chez la plupart des vertébrés, sont produits en réponse à la présence d’une double hélice d’ARN étranger dans l’organisme. Ils ont pour rôle de défendre l’organisme des agents pathogènes tels que les virus, bactéries, parasites ou cellules tumorales. Par activation des lymphocytes NK et des macrophages, ils interfèrent avec la réplication virale dans les cellules de l’hôte (d’où leur nom), renforçant ainsi la réponse immunitaire.
Les interleukines sont ainsi nommées car les premières observations semblaient montrer qu’elles étaient exprimées par les globules blancs (leucocytes) en guise de moyen de communication (inter-leucocytes). Il existe aujourd’hui une trentaine d’interleukines, portant chacune un numéro qui lui est propre. On peut citer l’interleukine 1 (IL1) sécrétée par les macrophages pour stimuler la prolifération puis la différenciation des lymphocytes CD4 spécifiques à un antigène présent sur les membranes des macrophages et ayant préalablement été phagocytés par ces derniers. On peut aussi donner comme exemple, l’interleukine 2 (IL2) sécrétée par les lymphocytes T, résultant de la différenciation des CD4, donnant « l’autorisation » aux autres lymphocytes ayant reconnu le même antigène que lui de se diviser et de proliférer.
Les injections d’interféron et d’interleukines
Comme nous l’avons vu précédemment il existe une classe de molécules capables d’orienter la réaction immunitaire de manière positive ou négative, ce sont les cytokines. Une méthode de lutte va consister à injecter directement au patient des interférons16 (INF-α et/ou INF-γ) pour activer les lymphocytes T et NK, et les cellules dendritiques (étapes 2 et 3). Ces injections sont notamment utilisées dans certains cas de leucémies. Un autre type de cytokines : les interleukines (IL-2 et/ou IL-12) sont actuellement utilisées dans certains traitements de cancer du rein métastatique. Néanmoins, le principal problème avec ces techniques est qu’elles ne sont pas spécifiques et peuvent entrainer l’apparition d’effets secondaires qui peuvent déclencher des complications auto-immunes et donc aggraver le cas du patient.
Les Vaccins
Puisque les cellules cancéreuses portent des antigènes qui permettent de les distinguer des cellules normales, on peut imaginer plusieurs façons de s’en servir. La première stratégie vise à la mise au point d’un vaccin. Pour le moment, on n’en dispose pas, du fait des multiples formes de cancer rendant impossible l’identification d’une cible commune contre laquelle diriger un éventuel vaccin. En revanche, on sait que certains cancers ont des causes infectieuses. Par exemple, les virus de l’hépatite B et C sont retrouvés dans le cancer du foie. De même, les infections au papillomavirus sont directement impliquées dans le cancer du col de l’utérus. Une seule voie s’offre alors : vacciner préventivement contre les virus associés au cancer.
D’autres vaccins, thérapeutiques ceux-là, sont utilisés chez des patients présentant la maladie (étape 2), ils ont pour but de stimuler les défenses immunitaires (activation des lymphocytes, production d’anticorps …). L’activation du SI nécessite d’une part que l’intrus soit identifié et, d’autre part, qu’il le considère comme une menace. Cet apprentissage repose sur l’identification des antigènes tumoraux qui vont servir à diriger le système immunitaire vers les cellules tumorales. La présentation de cet antigène au système immunitaire peut passer par plusieurs types d’injection:
– Injection d’une copie synthétique de l’antigène tumoral, couplée à une molécule, dite adjuvant, capable de stimuler la réponse immunitaire.
– Injection des cellules dendritiques surchargées en antigène tumoral, pour stimuler les lymphocytes T.
– Injection de virus modifiés pour produire des antigènes tumoraux en grande quantité.
De telles approches ont déjà fait leurs preuves. Sipuleucel-T a été le premier vaccin à obtenir une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis et en Europe (respectivement, 2010 et 2013) pour traiter certains cancers métastatiques de la prostate hormono-résistants.17 D’une façon générale, l’inconvénient des vaccins est qu’ils ont une perte d’efficacité au cours du temps, une fois l’injection passée l’activité immunitaire ne fait que décroitre, ce n’est donc pas un traitement curatif. De plus ils ne sont utilisables que si les cellules cancéreuses sont suffisamment différenciées des cellules saines.
Une seconde technique qui relève de la thérapie génique, va s’adresser à des patients chez qui le cancer a déjà été diagnostiqué. Elle va consister à injecter des cellules, c’est la « thérapie par cellules CAR-T18 » (étape 6). Des lymphocytes T, d’un patient sont prélevés, cultivés in vitro, puis modifiés génétiquement de manière à leur faire exprimer un récepteur artificiel (le « Chimeric Antigen Receptor »), une espèce de super radar qui reconnaît spécifiquement l’antigène tumoral à neutraliser. Après un délai de plusieurs semaines, ces lymphocytes T sont réinjectés au patient, prêts à tuer les cellules tumorales. Ce traitement a montré des résultats très impressionnants dans le traitement de la leucémie aigüe lymphoblastique (LAL), mais n’a pas démontré son efficacité dans le cas de tumeurs solides.
Les « check points » immunitaires et anticorps thérapeutiques
La découverte des premiers antigènes antitumoraux a ouvert la voie à une approche bien mieux ciblée. Les cellules tumorales expriment en effet à leur surface, des antigènes qui ne sont pas retrouvés dans les cellules normales. En plongeant au cœur même des rouages du SI, des chercheurs ont découvert qu’à côté des molécules qui actionnent les lymphocytes T, d’autres molécules, au contraire, les entravent ou les éteignent. Ces molécules constituent des freins moléculaires, ils sont assurés par des points de contrôle immunologiques appelés « checkpoints »19. Ces checkpoints empêchent les lymphocytes T de passer à l’attaque contre les cellules tumorales. James Allison et Tasuku Honjo ont identifié deux points de contrôle : PD-1 (étape 7) et CTLA4 (étape 4). Ils ont alors eu l’idée de neutraliser ces freins pour libérer les défenses antitumorales. (En langage imagé, on pourrait dire « qu’appuyer plus fort sur l’accélérateur – soit stimuler la réponse immunitaire au cancer – ne sert à rien si on ne lâche pas le frein à main). Les deux chercheurs parviennent à élaborer des traitements dits « inhibiteurs de checkpoints », des anticorps capables de bloquer l’action des protéines PD-120 et CTLA-421. En 2011, un premier médicament anti-CTLA-4, appelé ipilimumab, est approuvé aux Etats-Unis et en Europe. Puis, en 2014, plusieurs anticorps anti-PD-1 et anti-PD-L1 (une protéine présente sur les cellules tumorales qui se lie au récepteur PD-1) sont commercialisés. Plus faciles à administrer, injectés par intra-veineuse toutes les deux à quatre semaines, ces traitements ont moins d’effets indésirables dans la plupart des cas. Des effets spectaculaires ont pu être observés, notamment chez des patients atteints de mélanome métastatiques, pour lesquels le pronostic était sombre. Avec les anti-PD-1 et PD-L1, chez 30% de ceux traités en première ligne, le mélanome n’évoluera plus jusqu’à cinq ans après le début du traitement. C’est cette découverte qui a fait l’objet du prix Nobel de médecine 2018. En France, un premier traitement, le Keytruda (pembrolizumab, 5200 euros l’injection) sera désormais remboursé par la sécurité sociale. Au-delà de PD-1 et CTLA-4, il y aurait en réalité environ une cinquantaine de checkpoints freinant la réaction immunitaire en cas de cancer. Plus la collection de freins est complète et combinée, mieux le cancer se développe. A l’avenir, pour avoir une action la plus efficace possible, l’idée est de cibler plusieurs points de contrôle en même temps, à l’instar d’un antibiotique à large spectre.
Les inhibiteurs de VEGF (étape 5)
Le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire22 est une protéine dont le rôle est de déclencher la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogénèse) nécessaire pour accompagner la croissance des tissus et le développement des organes du corps humain. Il intervient dans la croissance des tumeurs pour satisfaire leur besoin en oxygène et en nutriments. L’inhibition du VEGF permet d’arrêter la croissance tumorale (voir plus haut paragraphe 5.5 sur les thérapies ciblées).
Les inhibiteurs d’IDO (étape 7)
L’IDO ou indoleamine-2,3-dioxygénase est une enzyme à hème intracellulaire surexprimée dans les cancers (poumon, prostate, pancréas …). Elle est induite par l’expression de cytokines telles que les INF-γ, mais aussi par les cellules dendritiques et les cellules cancéreuses23. L’IDO est l’enzyme qui catalyse la première étape, qui est aussi l’étape limitante, de la voie de catabolisme du tryptophane (Trp) en Kynurénine ; il est à noter que 95 % du tryptophane est métabolisé en Kynurénine (Figure 10). Il existe deux sortes d’IDO24, IDO1 et IDO2 qui catalysent la même réaction biochimique, mais avec des vitesses différentes. IDO2 est exprimée seulement dans le foie et le rein, beaucoup plus faiblement que IDO1 (en comparaison, seulement 3 à 5 % de son activité). Il existe aussi, une autre enzyme capable de cataboliser le tryptophane mais présentant une distribution différente de celle de l’IDO, c’est la tryptophan-2,3-dioxygénase (TDO). Cette dernière est aussi présente chez les bactéries. TDO est transcrite uniquement dans le foie, son expression au niveau des protéines n’est pas établie, et sa fonction majeure est de contrôler la concentration en Trp dans le sang. IDO2 ARN messager est exprimée à de faibles niveaux dans le placenta et le foie (l’expression des protéines n’est pas connue), tandis qu’IDO1 montre une forte expression des protéines dans les organes périphériques de la lymphe (ganglions lymphatiques, rate et amygdales).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I Mise au point bibliographique
A. Le Cancer
1. Aspect sociétal
2. Facteurs d’impact
3. Définition du cancer
4. Mécanisme de cancérisation
5. Les traitement actuels contre le cancer
5.1 Chirurgie
5.2 Chimiothérapie
5.3 Radiothérapie
5.4 Hormonothérapie
5.5 Thérapies ciblées
5.6 Immunothérapie
5.6.1 Système immunitaire et ses acteurs
5.6.1.a Les lymphocytes B
5.6.1.b Les lymphocytes T
5.6.1.c Les cytokines
5.6.1.d Les macrophages
5.6.1.e Les cellules dendritiques
5.6.1.f Les anticorps
5.6.2 L’immunité antitumorale
5.6.3 Les traitements immunothérapeutiques
5.6.3.a Les injections d’interféron et d’interleukines
5.6.3.b Les Vaccins
5.6.3.c Les check point immunitaires et anticorps thérapeutiques
5.6.3.d Les inhibiteurs de VEGF
5.6.3.e Les inhibiteurs d’IDO
B. Les produits naturels marins
1. La mer une source d’inspiration
2. Les pyrroloquinolines
Chapitre II Etude de la synthèse totale de la Wakayine
A. Rappels bibliographiques
B. Synthèse totale de la Wakayine
1. Première stratégie
2. Deuxième stratégie
3. Troisième stratégie
Chapitre III Analyse structurale et docking d’IDO1
A. L’indoleamine-2,3-dioxygénase (IDO1)
1.Caractéristique
2. Mécanisme enzymatique
3.Mécanisme d’inhibition
B. Étude structurale de l’IDO1
1. Collection de structures et architecture d’IDO1
C. Analyse structurale
1.Principes
2. Préparation et alignement des structures
3. Regroupement des structures
4. Élément de comparaison des structures
5. Regroupement des structures enzymatiques
6. Classification des structures
7. Choix des structures de référence
8) Choix de la structure utilisée pour l’arrimage moléculaire
D. Docking
1. Le processus d’arrimage
2. Protocoles d’arrimage utilisés
E. Choix des Produits
Chapitre IV Synthèse d’analogues de la wakayine
1. Première série
2. Deuxième série
3. Troisième série
4. Quatrième série
Chapitre V Evaluation Biologique
1. Tests d’activité
2. Interprétation des résultats
3. Etudes de docking
Conclusion
Partie expérimentale
Bibliographie
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