LES CHAUVES-SOURIS MALGACHES
Il existe 44 espèces de chauves-souris à Madagascar (Goodman 2011 ; Goodman et al. 2011). Madagascar possède moins d’espèces de chauves-souris que les autres îles tropicales de taille sensiblement similaires (Bornéo à 92 espèces) mais son niveau d’endémisme (72%) est plus élevé, à un niveau inconnu sur les autres îles tropicales du monde. D’autres espèces de chauvessouris restent certainement à découvrir.
La diversité spécifique de l’Est de l’île est moins importante que celle trouvée à l’Ouest (Goodman 2011). A l’Ouest, les sites incluant des roches sédimentaires érodées par l’eau, particulièrement calcaires ou gréseuses, présentent de nombreuses crevasses et des grottes, qui offrent des gîtes diurnes pour beaucoup d’espèces de chauves-souris (Goodman et al. 2005). Les grandes étendues rocheuses sont communes dans les parties sèches de l’Ouest mais rares à l’Est de Madagascar.
A l’exception de trois espèces frugivores, les chauves-souris de Madagascar se nourrissent d’invertébrés, principalement d’une grande variété d’insectes nocturnes. Les chauves-souris insectivores malgaches sont réparties en sept familles : Hipposideridae avec quatre espèces ; Emballonuridae avec quatre espèces ; Nycteridae avec une espèce ; Myzopodidae, une famille endémique de l’île, avec deux espèces ; Molossidae avec huit espèces ; Vespertilionidae avec 11 espèces et Miniopteridae avec 11 espèces (Goodman 2011 ; Goodman et al. 2011). Les trois espèces frugivores, Pteropus rufus, Eidolon dupreanum et Rousettus madagascariensis, font partie de la famille des Pteropodidae. Les chauves-souris malgaches sont de taille variable. L’espèce la plus petite est Emballonura tiavato (Emballonuridae) avec ses 3,3 g et la plus grande est Pteropus rufus dont le poids peut atteindre 750 g.
Quelques chauves-souris insectivores s’abritent à la fois dans les habitats naturels (grottes/anfractuosités : Mormopterus, trous d’arbre : Mops, en dessous des branches d’arbre : Hipposideros) et les constructions humaines (Mops, Mormopterus, Chaerephon). Cependant il y a celles qui n’utilisent qu’une seule forme d’abris. C’est par exemple le cas de Myzopoda aurita qui s’accroche à l’aide de ses disques adhésifs sur l’intérieur de feuilles enroulées de Ravenala madagascariensis (Strelitziaceae). Les trois chauves-souris frugivores utilisent des gîtes éloignés des perturbations humaines. P. rufus s’accroche sur les branches d’arbre ensoleillées. E. dupreanum s’abrite dans des zones ombragées comme les anfractuosités des rochers ou sous les feuilles denses des palmiers. R. madagascariensis vit dans les grottes obscures et souvent humides. L’utilisation de gîtes obscurs par R. madagascariensis est liée à sa capacité d’écholocation que ne possèdent pas les deux autres espèces. Pour la plupart des Pteropodidae frugivores, l’olfaction et la vue jouent un rôle significatif dans la recherche de nourriture (Acharya et al. 1998 ; Luft et al. 2003) mais elles utilisent aussi la vision pour l’orientation et possèdent dans l’œil une membrane appelée tapetum lucidum qui augmente la sensibilité dans un environnement à faible luminosité (Ollivier et al. 2004).
ORIGINE ET DISPERSION DES CHAUVES-SOURIS FRUGIVORES MALGACHES ET AFRICAINES
Il semblerait que l’arrivée des chauves-souris frugivores d’Afrique ait été un processus complexe impliquant au moins trois événements indépendants de colonisation. Un des événements a probablement eu lieu au miocène par l’intermédiaire des corridors de forêts humides tropicales qui avaient relié l’Afrique et l’Asie. Les Pteropodidae sont probablement d’origine du Sud-est d’Asie-Mélanésie et au moins trois événements de colonisation de l’Afrique par cette famille auraient eu lieu (Juste et al. 1999). L’un est associé à l’arrivée d’Eidolon, un autre à l’apparition de Rousettus africain et le dernier à la branche endémique africaine incluant Stenonycteris (Giannini & Simmons 2003).
L’arrivée de Rousettus sur le continent d’Afrique aurait été un peu plus tardif possiblement par un déplacement progressif vers l’est en partant de l’Asie. Ces événements sont associés aux échanges faunistiques incluant les chiroptères à travers les corridors couverts de forêts au cours de la séparation de l’Afrique et de l’Asie il y a 19 millions d’années (Thomas 1983 ; Cox & Moore 1993). La surélévation des montagnes en Turquie et au Moyen-Orient, ainsi que l’aridité accrue de ces zones et l’ouverture de la mer rouge, ont mené à l’isolement des forêts de l’Afrique et de celle de l’indo-Australie avec leurs faunes associées. Cependant, Kirsch et al. (1995) ont constaté un nouvel événement de colonisation plus récente de Rousettus en Afrique. Le genre Rousettus inclut les espèces africaines, indiennes, et Australo-asiatique (Juste et al. 1999). La diversité élevée de ce genre couplée à la découverte récente des fossiles de chauvessouris frugivores dans des sédiments (Ducrocq et al. 1993) appuient l’hypothèse d’une origine Australo-asiatique de la famille.
Les grands renards volants, Pteropus, n’ont pas été trouvés en terre africaine continentale mais sont présents et représentés par quelques espèces endémiques (Giannini & Simmons 2003) des îles de l’ouest de l’océan Indien (exemple, P. aldabrensis à Aldabra ; P. rufus à Madagascar et P. seychellensis aux Seychelles et Comores). La colonisation par Pteropus des Îles de l’ouest de l’océan Indien est probablement le résultat lui aussi de trois événements de colonisation : le premier vers l’extrême ouest de leur répartition géographique (Îles de Comores et de Pemba) ; le deuxième vers l’Île de Rodrigues ; et le dernier vers les Îles restantes notamment Maurice, La Réunion, Madagascar, les Seychelles et Maldives. Les deux derniers événements se seraient produits récemment et rapidement (O’Brien et al. 2009).
L’origine de Pteropodidae est supposée remonter vers la moitié ou la fin de l’Oligocène (23,9 million d’année), période de laquelle, l’ancêtre commun le plus récent des chauves-souris frugivores est connu (Kirsch et al. 1995 ; Hollar & Springer 1997 ; Colgan & da Costa 2002). Il existe neuf espèces de Rousettus dans l’ancien monde, qui se trouvent en Afrique, Madagascar, au Moyen Orient, la région Indo-malaysie et le Pacifique est (Giannini & Simmons 2003). Ces espèces sont : R. aegyptiacus E. Geoffroy, 1810 ; R. amplexicaudatus E. Geoffroy, 1810 ; R. bidens Jentink, 1879 ; R. celebensis K. Andersen, 1907 ; R. lanosus Thomas, 1906; R. leschenaultii Desmarest, 1820 ; R. madagascariensis G. Grandidier, 1928; R. obliviosus Kock, 1978 et R. spinalatus Bergmans & Hill, 1980. Ce genre ainsi que Stenonycteris utilisent l’écholocation pour s’orienter (Giannini & Simmons 2003), une écholocation basée sur des ultrasons produits par le claquement de la langue (Mohres & Kulzer 1956 ; Roberts 1975). L’écholocation laryngale a probablement évolué dans une période située il y a 65 millions d’années. D’après les études phylogénétiques moléculaires, l’écholocation aurait évolué quatre fois chez les chauves souris actuelles (Teeling 2009). Le genre Rousettus utilise la forme la plus évoluée d’écholocation (le claquement de la langue) qui ne peut pas être considérée comme un aspect transitoire de l’écholocation laryngale vers sa disparition car les claquements vraisemblablement ont secondairement évolué chez Rousettus et n’expriment pas un aspect ancestral (Jones & Teeling 2006). Les membres du genre Rousettus émettent sur une large bande de fréquence (12 70 kHz ; Jones & Teeling 2006). Le claquement est reproduit en paire (un claquement par lèvre) en élevant la langue du fond de la bouche. La cochlée chez les Pteropodidae peut être considérée comme une relique de l’utilisation de l’écholocation (Springer et al. 2001).
PRESENTATION DE Rousettus madagascariensis G. Grandidier, 1928
Rousettus madagascariensis, connue sous le nom de Roussette de Madagascar (en français), Madagascar Rousette (en anglais), nanavirovana ou matavikely ou andrehy (en malgache, dialecte de l’Est), ou bemainty (en malgache, dialecte du Nord-ouest de Madagascar) est la plus petite des chauves-souris frugivores de Madagascar. La longueur moyenne de son corps est de 124 mm, l’avant-bras est d’environ 80 mm et elle pèse entre 55 et 80 g (MacKinnon et al. 2003). Le pelage de la tête et du cou est plus court et plus fin que celui de Pteropus rufus et d’Eidolon dupreanum. Elle est de couleur brune fauve, les oreilles sont proportionnellement petites et le patagium est entièrement sombre et elle ne semble pas avoir de vision en couleur (Müller et al. 2007). Elle est endémique de Madagascar et des îles voisines de Nosy Be, Nosy Komba et Sainte-Marie. L’espèce est rencontrée dans plusieurs parties de Madagascar à des altitudes allant du niveau de la mer jusqu’à 1000 m, mais elle est absente de l’extrême Sud ouest et des zones montagneuses du centre de Madagascar .
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Table des matières
CHAPITRE I : INTRODUCTION GENERALE
1.1 LES CHAUVES-SOURIS MALGACHES
1.2. ORIGINE ET DISPERSION DES CHAUVES-SOURIS FRUGIVORES MALGACHES ET AFRICAINES
1.3. PRESENTATION DE Rousettus madagascariensis G. Grandidier, 1928
1.4. CONNAISSANCES ACTUELLES SUR L’HABITAT ET L’ÉCOLOGIE DE Rousettus madagascariensis
1.5. ENJEUX DE CONSERVATION DES CHAUVES-SOURIS A MADAGASCAR
1.6. OBJECTIFS DE L’ETUDE
1.7. REFERENCES
CHAPITRE II : FEEDING ECOLOGY, HABITAT USE AND REPRODUCTION OF Rousettus madagascariensis G. GRANDIDIER, 1928 (CHIROPTERA : PTEROPODIDAE) IN EASTERN MADAGASCAR
2.1. ABSTRACT
2.2. INTRODUCTION
2.3. MATERIALS AND METHODS
2.3.1. Study site
2.3.2. Mist netting
2.3.3. Diet : faecal collection
2.3.4. Diet : fruit transects
2.3.5. Diet : germination trials
2.3.6. Habitat use : radio tracking and mapping movements
2.3.7. Breeding biology
2.4. RESULTS
2.4.1. Diet : species consumed, fruit availability and seed germination
2.4.2. Habitat use
2.4.3. Breeding biology
2.5. DISCUSSION
2.5.1. Diet and feeding
2.5.2. Seed dispersal and germination
2.5.3. Habitat use and movement
2.5.4. Breeding biology
2.6. ACKNOWLEDGEMENTS
2.7. REFERENCES
CHAPITRE III : Rousettus madagascariensis (CHIROPTERA : PTEROPODIDAE) G. GRANDIDIER, 1928 PREFERS COMMERCIALLY UNIMPORTANT FRUITS
3.1. ABSTRACT
3.2. INTRODUCTION
3.3. METHODS
3.3.1. Study site, bat capture and marking techniques
3.3.2. Fruit species used during the flight cage experiment
3.3.3. Flight cage experimental protocol
3.3.4. Analysis of Fruit
3.3.5. Statistical analysis
3.4. RESULTS
3.4.1. Feeding observations and behaviours
3.4.2. The response variables affecting the feeding preference among the bats
3.4.3. Fruit characteristics and bat preference
3.5. DISCUSSION
3.5.1. Feeding preference
3.5.2. Conservation management of bats
3.6. ACKNOWLEDGEMENTS
3.7. LITERATURE CITED
CHAPITRE IV : ALIMENTATION ET DISPERSION DE GRAINES CHEZ Rousettus madagascariensis G. GRANDIDIER, 1928, DANS LE NORD-OUEST DE MADAGASCAR
4.1. RESUME
4.2. INTRODUCTION
4.3. MATERIELS ET METHODES
4.3.1. Site d’étude
4.3.2. Les espèces de fruits utilisés
4.3.3. Catégorisation des fruits et mesure du taux de sucre de la pulpe
4.3.4. Expérience dans la volière
4.3.5. Observation de la consommation de fruits par Rousettus madagascariensis dans la nature
4.3.6. Observation des fruits récoltés sous les arbres
4.3.7. Tests statistiques
4.4. RESULTATS
4.4.1. Résultat des mesures et analyses faites sur les fruits
4.4.2. Comportement alimentaire
4.4.3. Comparaison en fonction de l’âge et du sexe des individus
4.4.4. Aspect quantitatif et qualitatif de l’alimentation des individus laissés dans la volière durant la nuit (expérience 2)
4.4.5. Observation des comportements dans la nature et des fruits entamés sur les pieds de Ziziphus jujuba
4.5. DISCUSSION
4.5.1. Préférence alimentaire entre Ziziphus jujuba et Ficus sakalavarum
4.5.2. Influence de stade de murissement des fruits sur l’alimentation de Rousettus madagascariensis
4.5.3. Dissémination des graines chez Ficus sakalavarum
4. 6. CONCLUSION
4. 7. REMERCIEMENTS
4.7. REFERENCES
CHAPITRE V : CONCLUSION GENERALE