Le champ multiplicatif
D’après Vergnaud (1991), dès la maternelle, il s’avère important de conduire les élèves à développer des compétences pour résoudre des problèmes multiplicatifs. Pour ce faire, l’enseignant doit prendre en compte certains points. En effet, celui-ci doit être attentif à la fois à la compréhension de l’énoncé, à la diversité des formes de présentation (variété de l’habillage) et à la progressivité concernant l’élaboration des procédures plus efficaces. En classe de maternelle, l’enseignant doit prendre soin de proposer des situations concrètes et variées qui mettent en jeu différentes structures de problèmes de multiplication et de division : problèmes de multiplication relevant de l’addition itérée ou du produit de mesures et problèmes de division de type quotition ou partition. La division peut alors prendre deux sens : celui de partage et celui de groupement.
Concernant les problèmes de partage : la quantité d’éléments est partagée en un nombre de groupes égaux connu. C’est une situation où on est amené à rechercher la valeur d’une part. On parle alors de division partition. Par exemple, 20 lapins se trouvent dans 4 cages différentes. Combien y a-t-il de lapins par cages ?
Identifier et choisir des variables didactiques
D’après Brousseau (1982), pour aborder une situation d’apprentissage en maternelle, il est important de savoir qu’il est possible de moduler certains paramètres de la situation, dans le but de complexifier ou non le problème proposé et ainsi de mettre en place une pédagogie différenciée. Il ajoute que « Ce seront des variables didactiques dans la mesure où en agissant sur elles, on pourra provoquer des adaptations et des régulations des apprentissages ».
Ainsi, la modification d’une valeur de la variable permet de modifier les stratégies de résolution de la situation d’apprentissage et donc les apprentissages réalisables. La taille des nombres, la relation entre les nombres, la présentation de l’énoncé, le matériel… sont des variables que l’enseignant doit faire évoluer pour favoriser chez les élèves la construction progressive des compétences mise en jeu dans la résolution de problèmes. Par exemple, si l’enseignant augmente la taille des nombres d’une situation de référence quelconque, celui -ci va jouer sur les valeurs de la variable et donc va obliger l’élève à dépasser ses procédures initiales. Le caractère didactique s’explique par le fait que de tels changements de stratégies peuvent entrainer la mise en place de nouvelles connaissances mathématiques.
Comment les élèves apprennent-ils ?
Comment les élèves construisent leur savoir scolaire et quel est le rôle de l’adulte pour faire progresser l’enfant ? Pour répondre, nous avons étudié les apports respectifs de Vygotski et de Piaget pour l’apprentissage scolaire. La théorie développementale de Piaget a connu son succès des thèses constructivistes en éducation entre 1960 et 1980. Cependant, dans les années 1980, celle-ci perd de son influence et est remplacé par la théorie de Vygotski.
Celle-ci s’appuie sur la notion de zone proximale de développement. Celle-ci renvoie au potentiel d’apprentissage d’un enfant en collaboration avec un adulte plus expérimenté et non à ce que l’enfant est capable de réaliser tout seul. La zone proximale de développement (ZPD) est une zone se situant entre la zone d’autonomie (où l’élève peut exécuter la tâche demandée sans aide) et la zone de rupture (zone où, même avec de l’aide, l’élève arrivera difficilement ou n’arrivera pas à accomplir le travail demandé). La ZPD se définit comme la zone où l’élève, à l’aide de ressources, est capable d’exécuter une tâche. Cette tache, qui s’inscrit dans la ZPD, permet à l’élève en apprentissage de se mobiliser, car il se sent capable de la réaliser.
Afin de permettre aux élèves de se situer dans cette ZPD, l’enseignant doit différencier ses méthodes d’enseignement afin d’éviter que ses élèves ne se retrouvent soit en zone de rupture (où le défi étant trop compliqué, l’élève perd sa motivation), soit en zone d’autonomie (où la tâche trop facile ne permet pas un engagement de l’élève et donc pas d’apprentissage).
L’enseignant doit donc proposer à ses élèves des situations d’apprentissage diversifiées qui visent la zone proximale de développement. Cela permettra aux élèves de continuer à progresser et donc à acquérir de nouvelles compétences tout en mettant à profit ce qu’ils auront déjà appris, le soutien de l’enseignant et les interactions avec leurs camarades.
Programmes
Les nouveaux programmes de maternelle de 2015 replacent le jeu au cœur des apprentissages et font apparaître le terme de manipulation. En effet qu’ils soient libres ou dirigés lors d’un atelier avec l’enseignant, les jeux y sont présentés comme des modalités d’apprentissage importantes puisqu’un paragraphe entier leur est consacré. Ainsi « le jeu favorise la richesse des expériences vécues par les enfants dans l’ensemble des classes de l’école maternelle et alimente tous les domaines d’apprentissages ». « [Il] revêt diverses formes : jeux symboliques, jeux d’exploration, jeux de construction et de manipulation, jeux collectifs et jeux de société, jeux fabriqués et inventés, etc. » (BO du 26 mars 2015)
Les jeux sont souvent utilisés dans l’enseignement des mathématiques, notamment pour favoriser l’intérêt et la motivation des élèves. Mais de quel usage du jeu peut-on parler ? En effet, ceux-ci sont très variés et recouvrent des pratiques qu’il paraît difficile de circonscrire précisément. Le jeu concerné est un jeu organisé dans le cadre d’un atelier dirigé par l’enseignant visant des compétences de numération et dénombrement et ciblant des objectifs spécifiques du champ additif et multiplicatif. (Barrier, Desombre, Delattre, 2015)
L’intérêt de son utilisation du point de vue didactique est d’associer la rigueur et la contrainte des règles avec l’aspect ludique.
Problématique
Les élèves de maternelle doivent donc acquérir successivement trois compétences nécessaires à toute activité de numération : énumérer, compter et dénombrer. L’apprentissage de ces compétences se fait par étapes comme nous l’avons vu plus haut et mobilise le geste moteur, notamment du doigt qui pointe chaque objet d’une collection. Or, en fonction de la collection et de son organisation spatiale, l’élève a parfois besoin de déplacer les objets afin de les dénombrer sans erreur. En effet, il existe diverses procédures de dénombrement et les élèves ont besoin de les tester afin de déterminer la plus efficace pour eux. Ces tests sont rendus possibles par la manipulation et celle-ci est souvent abordée en classe sous forme de jeu.
Ainsi, nous pouvons nous demander dans quelle mesure la manipulation par le jeu permet aux élèves une acquisition des compétences en numération (énumérer, compter, dénombrer).
Nous supposons que la manipulation par le jeu facilite la compréhension des étapes amenant à l’énumération, au comptage et au dénombrement, par les élèves de maternelle. Nous verrons par la suite si cette hypothèse de travail s’avère valide ou non.
Méthodologie
Contexte de l’étude
Notre étude a été réalisée dans une classe de petite section d’école maternelle, classée REP (Réseau d’Education Prioritaire). Tous les élèves de la classe ont participé à l’étude, soit vingt-quatre élèves (douze filles et douze garçons) de 3 et 4 ans. L’école accueillant une grande proportion de familles parlant une autre langue (le turc), sept élèves sont bilingues et huit élèves ont des difficultés à parler et comprendre le français, dont trois en très grandes difficultés de compréhension du français.
Concernant les compétences en numération, leur niveau d’acquisition varie fortement en fonction des élèves. En effet, avant le début de la séquence, sept élèves savaient déjà dénombrer jusqu’à quatre objets, dix élèves dénombraient moins de quatre objets, cinq élèves savaient compter jusqu’à trois mais pas dénombrer et enfin, deux élèves en étaient encore seulement à énumérer.
Le problème de départ est de savoir dans quelle mesure la manipulation par le jeu permet aux élèves une acquisition des compétences en numération suivantes : énumérer, compter et dénombrer. Voici donc une séquence fondée sur un jeu mathématique, permettant de travailler le dénombrement à partir de trois objets.
Analyse a priori
Le jeu support de la séquence s’intitule : les gâteaux d’anniversaire. Dans ce jeu, chaque élève dispose de trois gâteaux en pâte à modeler. Chacun à leur tour, les élèves doivent lancer un dé indiquant le nombre de bougies à prendre dans la pioche. Dans un premier temps, le but du jeu est de placer trois bougies sur chaque gâteau. Puis le nombre de bougies évoluera plus ou moins en fonction du niveau des élèves. Pour une question de coût, les élèves ne manipulent pas de vraies bougies, mais des pailles en plastique sans accordéon, coupées en deux, comme le montre la figure 2.
La mise en route dure 1 minute. L’enseignante a lu au préalable l’histoire des trois petits cochons aux élèves et les marionnettes des cochons sont en libre accès dans la classe. Elle dispose ensuite trois gâteaux en pâte à modeler au centre de la table et dit : « C’est l’anniversaire des trois petits cochons. Voici leurs gâteaux. » Lors de cette étape, plusieurs difficultés sont attendues. En effet, les élèves peuvent vouloir jouer avec les gâteaux en pâte à modeler. Dans ce cas, il faut prévoir un temps de manipulation libre de la pâte à modeler et la possibilité de demander aux élèves de faire les gâteaux eux-mêmes.
La phase de découverte dure ensuite 3 minutes. L’enseignante montre aux élèves des pailles en plastique coupées en deux : « Voici des bougies d’anniversaire. Les petits cochons ont 3 ans. Aidez-les à mettre les bougies sur leurs gâteaux. » L’enseignante distribue un petit tas de bougies à chaque élève. Les élèves placent librement les bougies sur les gâteaux, puis ils vérifient qu’il y a bien trois bougies par gâteau, en les dénombrant. Les difficultés qui peuvent être rencontrées lors de cette étape sont les suivantes : comme avec la pâte à modeler, les élèves peuvent vouloir jouer avec les pailles. Il faudra donc leur laisser un temps de manipulation libre des pailles. Si les élèves ne comprennent pas que les pailles représentent les bougies, l’enseignante doit expliquer qu’elle n’avait pas de vraies bougies, alors elle a découpé des pailles et il faut imaginer que ce sont des bougies, pour le jeu.
Par ailleurs, des remédiations sont prévues : si les élèves se trompent en comptant, l’enseignante peut leur demander de toucher les bougies une par une, en disant le nombre au moment où ils touchent la bougie. Si cela ne suffit pas ou si les élèves se trompent dans la comptine numérique, l’enseignante leur demande de montrer trois doigts, puis de toucher chaque bougie avec un des doigts levés. Il s’agit là d’un travail de correspondance terme à terme.
La recherche dure environ 5 minutes. L’enseignante retire les bougies des gâteaux et introduit le dé (constellations jusqu’à trois). Elle demande aux élèves à quels nombres correspondent les trois constellations. La réponse attendue est à la fois le mot-nombre et le même nombre de doigts levés. Cela permet aux élèves qui ne maîtrisent pas le français de montrer qu’ils ont compris de quel nombre il s’agit, en montrant la bonne configuration de doigts. Par ailleurs, cela permet de repérer les élèves qui savent compter (ils montrent le bon nombre de doigts) et ceux qui savent dénombrer (ils donnent en plus le dernier mot-nombre pour répondre à la question). Puis l’enseignante explique : « Ce dé indique combien vous pouvez prendre de bougies. » Ensuite, elle donne la consigne : « Chacun à votre tour, vous allez lancer le dé et mettre les bougies sur les gâteaux. Quand il y aura trois bougies sur chaque gâteau, le jeu sera terminé et les petits cochons viendront souffler leurs bougies. » Elle commence, pour montrer l’exemple. Puis les élèves jouent, sous son contrôle. Si le tirage fournit plus de bougies que nécessaire, par exemple lorsqu’il ne reste plus qu’un gâteau à garnir, que celui-ci comporte déjà une bougie et que le résultat du dé est trois, l’élève passe son tour. Cette phase de recherche peut confronter les élèves à certaines difficultés. En effet, si l’élève veut mettre toutes les bougies qu’il a piochées sur le gâteau, même si cela dépasse trois bougies par gâteau, l’enseignante peut le laisser faire puis lui demander de compter les bougies sur le gâteau qui en contient trop. Elle rappelle alors que le petit cochon a 3 ans, donc il faut trois bougies, pas une de plus, pas une de moins et demande à l’élève et aux autres ce qu’il faut faire, la réponse attendue étant d’enlever une ou des bougies pour revenir à trois. Si cette étape est trop compliquée, que l’élève ne comprend toujours pas, l’enseignante peut faire trois emplacements par gâteau, comme le montre la figure 3, ce qui empêchera l’élève de dépasser le nombre de bougies attendu sur chaque gâteau.
Enfin, les remédiations prévues sont les suivantes : si les élèves ne reconnaissent pas les constellations, l’enseignante leur demande de compter les points du dé, ou de faire correspondre chaque point à un doigt, pour obtenir la configuration de doigts. En effet, il semble que pour certains élèves, il est plus facile de reconnaître la configuration de doigts, qu’ils ont mémorisée, plutôt que de compter sans se tromper une collection de points. Ensuite, si les élèves n’arrivent pas à compter les points de la constellation du dé, l’enseignante prévoit un dé plus gros, présenté sur la figure 3, permettant aux élèves de poser les bougies directement sur les points de la constellation.
L’institutionnalisation est la suivante et dure 2 minutes. Lorsqu’un gâteau est garni de trois bougies, l’enseignante arrête momentanément le jeu pour demander aux élèves de compter les bougies sur ce gâteau : « Combien y a-t-il de bougies sur le gâteau ? Le petit cochon a 3 ans. Est-ce qu’il y a assez de bougies ou doit-on en rajouter ? » La réponse est qu’il y a assez de bougies. Le gâteau est alors mis de côté et le jeu continue pour garnir les autres gâteaux. Si les élèves se trompent dans la comptine numérique, l’enseignante peut leur demander de faire correspondre chaque bougie à un doigt, pour obtenir la configuration de doigts. Pour les élèves qui ne font pas le lien entre l’âge du cochon et le nombre de bougies et qui maintiennent qu’il faut encore mettre des bougies, alors qu’il y en a déjà trois par exemple, l’enseignante leur demande de montrer trois doigts, puis de toucher chaque bougie avec un des doigts levés.
La mise en route dure 1 minute. L’enseignante place à nouveau trois gâteaux en pâte à modeler au centre de la table et demande : « Qu’avons-nous fait la dernière fois avec ces gâteaux ? » Les élèves rappellent le travail fait en séance 1. S’ils ne s’en souviennent pas, l’enseignante les guide en rappelant que c’était l’anniversaire des trois petits cochons et en leur demandant quel âge ils avaient.
La phase de recherche, de 2 minutes, varie selon les groupes. L’enseignante distribue trois gâteaux par élèves pour les groupes B et C, un gâteau par élève pour le groupe A. Cette différenciation permet aux élèves du groupe A, qui ont des difficultés à dénombrer jusqu’à trois, de se focaliser sur le nombre de bougies et d’éviter une surcharge cognitive due au nombre de gâteaux. Puis l’enseignante place la réserve de bougies, présentée sur la figure 2, au centre de la table et donne la consigne. Pour les groupes A et B : « Les petits cochons ont 3 ans. Il faut mettre trois bougies sur chaque gâteau. » Pour le groupe C, il faut mettre quatre bougies par gâteau. En effet, les élèves du groupe C savent déjà tous dénombrer jusqu’à trois objets. Les élèves se servent librement dans la réserve de bougies et garnissent leurs gâteaux.
Pendant l’institutionnalisation, d’environ 3 minutes, l’enseignante pose la question suivante : « Montrez-moi trois (ou quatre) doigts. Avez-vous bien mis trois (ou quatre) bougies sur chacun de vos gâteaux ? » Les élèves montrent la configuration de doigts correspondante puis comptent chacun à leur tour les bougies sur leurs gâteaux et corrigent en cas de besoin. Les bougies sont ensuite remises dans la réserve.
Lors de la phase d’entraînement, de 10 minutes, l’enseignante présente le dé, qui cette fois contient, en plus des constellations, des configurations de doigts. Les valeurs du dé vont de un à trois pour les groupes A et B, jusqu’à quatre pour le groupe C. La consigne est la suivante : « Chacun à votre tour, vous allez lancer le dé et piocher autant de bougies que le dé l’indique. Puis vous mettrez les bougies sur vos gâteaux. Pour gagner, il faut avoir mis trois (ou quatre) bougies sur chaque gâteau. » Les élèves jouent sous le contrôle de l’enseignante. Si le tirage fournit plus de bougies que nécessaire, l’élève remet les bougies dans la réserve et passe son tour.
Enfin, l’évaluation dure 4 minutes et est incluse dans le temps d’entraînement. En effet, à chaque tour de table, l’enseignante arrête momentanément le jeu et demande à quelques élèves : « Dis moi combien tu as de bougies sur ce gâteau (l’enseignante désigne l’un des gâteaux de l’élève). Montre-moi avec les doigts. Combien dois-tu rajouter de bougies pour gagner ? » Avec cette dernière question, nous passons à un problème du champ additif : la transformation quantifiée d’une mesure initiale en une mesure finale. Par la suite, cette question pourra être épargnée au groupe A s’il éprouve trop de difficultés à y répondre. Le groupe C peut répondre à une question supplémentaire : « Dis moi combien tu as de bougies en tout ? » Quand un élève a garni ses trois gâteaux, les marionnettes des petits cochons viennent souffler leurs bougies. Les autres élèves continuent le jeu jusqu’à ce que tous les gâteaux soient garnis.
Résultats
Voici maintenant, présentés dans le tableau 2, les résultats des élèves obtenus par l’évaluation sur fiche et la remédiation par manipulation. Pour les élèves qui se sont trompés sur leur fiche et se sont corrigés avec l’aide de l’enseignante, comme par exemple sur l’annexe 2 b), la collection corrigée n’est pas comptée comme correcte. En effet, l’étayage réalisé par l’enseignante était trop important. Par ailleurs, les élèves n’ont à chaque fois que deux collections à réaliser. Les élèves qui ont par exemple à réaliser des collections de quatre et cinq objets ne sont donc pas comptés dans la colonne « 3 objets » du tableau 2. Il faut donc préciser pour la lecture de ce tableau que vingt et un élèves ont dû réaliser une collection de trois objets, vingt élèves ont eu à réaliser une collection de quatre objets et seulement trois élèves une collection de cinq objets.
Le tableau 2 montre que certains élèves ont échoué à l’exercice, même lors de la remédiation.
Pour ces élèves, une deuxième remédiation également par manipulation a été proposée, en revoyant les objectifs à la baisse. Par exemple, un élève qui a échoué avec des collections de trois et quatre objets se voit proposer un second exercice de remédiation avec des collections de deux et trois objets à réaliser. Cette deuxième remédiation a été nécessaire pour cinq élèves, dont quatre avec des collections à réaliser de deux et trois objets au lieu de trois et quatre et le cinquième avec des collections de trois et quatre objets au lieu de quatre et cinq. Un élève a refait une remédiation avec des collections de deux et trois objets.
Enfin, le tableau 3 permet de montrer l’évolution des acquisitions des élèves en matière de dénombrement. Pour ce tableau, on admet qu’un élève sait réaliser une collection de cardinal donné lorsqu’il y parvient du premier coup. Les données de la première ligne ont été recueillies lors d’un test réalisé juste avant la séquence, de manière individuelle, sous forme de jeu du marchand pendant l’accueil. Par ailleurs, notons que les élèves comptés dans la troisième colonne sont aussi compris dans la deuxième et ceux de la deuxième sont compris dans la première colonne du tableau.
Discussion
Dans cette partie, nous allons analyser les résultats pour tenter de comprendre la cause des écarts qui ont eu lieu entre l’analyse a priori et ce qu’il s’est réellement passé en classe.
Au cours de la séquence les élèves ont, comme prévu, utiliser différentes procédures afin de déterminer la quantité d’objets d’une collection et réaliser une collection de cardinal donné. Parmi ces procédures, nous avons retrouvé l’aperception globale, le comptage en utilisant le doigt pour pointer les objets, le dénombrement. Par ailleurs, un certain nombre d’étayages prévus ont bien été mis en place et ont fonctionné. Intéressons-nous maintenant à ce qui a différé du déroulement prévu initialement.
Quelques étayages ont été modifiés pour les adapter au mieux à la situation. C’est le cas par exemple du dénombrement des bougies présentes sur un gâteau, en les retirant une à une en même temps que le comptage. En effet, c’est cet étayage qui permettait le mieux de résoudre la principale difficulté des élèves : distinguer la collection d’objets déjà comptés de la collection d’objets restants. Un autre étayage a, celui-ci, été reconduit pour chaque séance, pour les groupes A et B. Il s’agit des emplacements des bougies tracés au préalable sur les gâteaux, entraînant l’abandon de la règle consistant à passer son tour si l’on piochait trop de bougies par rapport à ce que pouvaient contenir les gâteaux. Ce choix a permis aux élèves de ne plus se soucier des bougies excédentaires et de se concentrer sur la réalisation de la collection de bougies piochées. Enfin, lors de la séance 5, il m’a semblé finalement plus logique de montrer d’abord aux élèves comment retenir un nombre sur ses doigts et d’utiliser les étiquettes seulement ensuite. En effet, pour les élèves, l’usage des doigts est plus intuitif que celui d’écrits sur papier. Les élèves du groupe C réussissaient d’ailleurs mieux l’exercice en retenant le nombre de bougies à aller chercher sur leurs doigts plutôt qu’avec un chiffre sur une étiquette. Cela s’explique par le fait que les chiffres écrits ont pour l’instant peu de sens pour les élèves, puisqu’ils ne les connaissent pas encore par cœur. De plus, l’utilisation des chiffres écrits nécessitent une capacité d’abstraction importante, contrairement aux constellations et configurations de doigts, puisque ces dernières ne sont en fait rien de plus que des collections témoins, ce qui n’est pas le cas du chiffre écrit.
Penchons-nous à présent sur les procédures des élèves. Une procédure est apparue lors du dénombrement des bougies sur un gâteau, qui n’était pas prévue. En effet, un élève inclinait les bougies au fur et à mesure qu’il les comptait, pour mieux concevoir la collection de bougies déjà choisies de la collection de bougies restantes. Cette procédure était donc correcte et aurait d’ailleurs pu être reprise avec les autres élèves. De même, lors de la séance 4 plusieurs élèves ont utilisé les affiches comme une bande numérique, ce qui fournissait également un résultat juste. En effet, les affiches étaient alignées au tableau, dans l’ordre croissant. Les élèves pouvaient donc, sans se soucier de ce qu’elles représentaient, compter les affiches de gauche à droite, comme ils le feraient avec les cases d’une bande numérique. A l’inverse, certaines procédures d’élèves menaient à l’échec, comme le fait de garnir les gâteaux sans organisation précise.
Finalement, les mauvais résultats obtenus sur les fiches ne sont pas liés aux compétences numériques des élèves mais plutôt à leur capacité d’abstraction. Donc ces résultats ne sont pas représentatifs des acquisitions des élèves. S’il fallait recommencer cette séquence ainsi que l’évaluation afin d’apporter une amélioration, je proposerais plusieurs solutions. Je pourrais d’une part choisir de rester sur de la manipulation. Dans ce cas, il faudrait simplement que l’évaluation se fasse sous forme de manipulation comme lors des ateliers. Il suffirait donc de remplacer l’évaluation sur fiche par la remédiation que j’ai mise en place, celle-ci devenant alors l’évaluation. Une autre solution est néanmoins envisageable. Il s’agit de garder une évaluation sur fiche, dans le but d’obtenir une trace écrite mais aussi d’entraîner la capacité d’abstraction des élèves. Dans ce cas, il serait nécessaire de mettre en place un passage progressif de la manipulation au travail sur fiche, autrement dit du concret à l’abstrait. Cette progression devrait se faire petit à petit au fur et à mesure des séances. Par exemple, il faudrait ajouter entre la séance 6 et la séance 7 quelques séances supplémentaires au cours desquelles les gâteaux ne seraient plus en pâte à modeler mais en rondelle de carton, puis en papier, puis simplement des images sur une fiche. Au cours de cette transition d’un espace à trois dimensions vers un espace à deux dimensions, les demi-pailles passeraient d’une position verticale à une position horizontale, posées à plat sur l’image de gâteau. Enfin, il faudrait une dernière séance avant l’évaluation et identique à celle-ci, pour laquelle les demi-pailles seraient à coller sur la fiche. Ces pailles pourraient également être remplacées par des bandes de papiers, afin de faciliter leur collage sur les images de gâteaux. Je choisirais ici le collage plutôt que le dessin des bougies, car coller un morceau de papier est une compétence déjà acquise par les élèves.
Conclusion
Pour conclure, l’étude que j’ai menée et qui vient d’être décrite et analysée tend bien à valider l’hypothèse selon laquelle la manipulation par le jeu facilite la compréhension des étapes amenant à l’énumération, au comptage et au dénombrement, par les élèves de maternelle. L’apprentissage par le jeu et la manipulation a également le mérite de maintenir l’attention des élèves, du fait d’une plus grande motivation de leur part. Mais il faut bien garder à l’esprit qu’une progression régulière et pas trop rapide dans la difficulté ainsi que de nombreuses séances d’entraînement sont nécessaires pour faire progresser les élèves et leur permettre de maîtriser chaque procédure, avant de passer à la suivante.
Ce travail de recherche m’a permis de comprendre à quel point les modalités d’évaluation influencent les résultats des élèves, pour des objectifs identiques. L’évaluation doit être dans le prolongement de la séquence, afin de ne pas engendrer de rupture qui déstabiliserait les élèves. Elle ne doit comporter aucune nouveauté par rapport aux séances précédentes, pour éviter tout élément perturbateur susceptible de perdre les élèves. C’est à ces conditions que les acquisitions des élèves seront correctement évaluées.
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Table des matières
1 Introduction
2 Etat de l’art
2.1 Compter, dénombrer et manipuler
2.1.1 Compter
2.1.2 Dénombrer
2.1.3 Manipuler
2.2 Les champs conceptuels de Vergnaud
2.2.1 Le champ additif
2.2.2 Le champ multiplicatif
2.3 Identifier et choisir des variables didactiques
2.4 Comment les élèves apprennent-ils ?
2.5 Programmes
3 Problématique
4 Méthodologie
4.1 Contexte de l’étude
4.2 Analyse a priori
5 Analyse a posteriori
5.1 Résultats
5.2 Discussion
6 Conclusion
7 Bibliographie
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