Coccoloba uvifera, communรฉment appelรฉ Raizinier-bord-de-mer, est une Polygonacรฉe originaire dโAmรฉrique tropicale (Parrota, 1994). Cโest une plante qui pousse naturellement sur le littoral rocheux et en bordure de mer, dans son aire dโorigine. Exclusivement nรฉotropicale, cette espรจce se dรฉveloppe sur les cordons sableux (plages, dunes, arriรจre-dunes), le plus souvent, salรฉs et pauvres en nutriments oรน elle sโassocie ร plusieurs espรจces de champignons ectomycorhiziens dont certaines nโont รฉtรฉ que rรฉcemment identifiรฉes (Pegler, 1983; Miller et al., 2000; Guzman et al., 2003).
C. uvifera a รฉtรฉ introduit au Sรฉnรฉgal comme plante dโornement au Sรฉnรฉgal (DEFCCS, 2003) et serait potentiellement intรฉressante comme espรจce de reboisement, notamment pour la fixation des dunes du littoral dans la zone des Niayes. La prรฉsence de C. uvifera en bordure de mer et sous climat fortement saisonnier (8 mois de saison sรจche) laisse penser que cette espรจce serait adaptรฉe ร la salinitรฉ et ร la sรฉcheresse (Von Carlowitz, 1986).
Les Mycorhizesย
Le terme mycorhize du grec mukes qui signifie champignon et rhiza qui signifie racine. Il a รฉtรฉ employรฉ pour la premiรจre fois par Franc (1885) pour dรฉfinir lโassociation symbiotique contractรฉe entre les racines de vรฉgรฉtaux et les hyphes de champignons. Cโest une association ubiquiste, durable et ร bรฉnรฉfice rรฉciproque pour les deux partenaires (Smith et Read, 2008). Chacun des partenaires optimise son dรฉveloppement grรขce ร cette association. Le champignon amรฉliore lโalimentation des plantes en macroรฉlรฉments (P, N, K) et en oligo-รฉlรฉments (Zn, Cu). En effet, il dรฉveloppe un rรฉseau mycรฉlien qui explore un grand volume de sol mobilisant ainsi des nutriments essentiels. Le champignon bรฉnรฉficie en retour de composรฉs carbonรฉs issus de la photosynthรจse pour accomplir leur cycle biologique (Read et al., 2004). Dans la nature, lโรฉtat de mycorhization est la rรจgle et celui de non mycorhization lโexception (Strullu., 1991). En effet, plus de 90 % des familles des plantes forment des associations symbiotiques avec des champignons (Smith et Read., 1997). Deux principaux types dโassociation mycorhiziennes ont รฉtรฉ dรฉfinis en fonction de la morphologie et de la structure des mycorhizes : les endomycorhizes ร vรฉsicules et ร arbuscules et les ectomycorhizes. A cรดtรฉ de ces deux grands groupes de symbioses mycorhiziennes, il existe des ectendomycorhizes et des mycorhizes ร pelotons dโhyphes cloisonnรฉs chez les Orchidacรฉes et les Ericacรฉes .
Les ectomycorhizesย
La symbiose ectomycorhizienne est, aprรจs les mycorhizes ร arbuscules, la plus reprรฉsentรฉe dans les รฉcosystรจmes forestiers. Elle concerne la majoritรฉ des arbres des rรฉgionstempรฉrรฉes et borรฉales, et trรจs peu dโarbres tropicaux (Smith et Read, 1997 ; Onguene et Kuyper, 2001). Les champignons responsables de ce type de symbiose sont les Basidiomycรจtes (Russules, Lactaires, Amanites, Bolets, Chanterelles,โฆ) et quelques Ascomycรจtes (Truffes, Cenococcum geophilumโฆ) (Hibbett et al., 2000). Certains de ces champignons ectomycorhiziens sont comestibles et ร forte valeur ajoutรฉe (Truffes, Matsutake) dont Phlebopus sudanicus rรฉcoltรฉe dans les plantations littorales du sud du Sรฉnรฉgal (Ducousso et al., 2003). Trรจs peu de champignons ectomycorhiziens sont cultivables ; certains sont spรฉcifique dโune plante hรดte et dโautres ont un spectre dโhรดte trรจs large (Thoen et Bรข, 1989). Les ectomycorhizes prรฉsentent deux structures typiques : Un manteau fongique et un rรฉseau de Hartig (Figure 1). Elles sont visibles ร lโลil nu grรขce au manteau fongique qui recouvre la racine, faisant disparaรฎtre ainsi les poils absorbants racinaires. La structure et lโรฉpaisseur du manteau varient considรฉrablement en fonction des partenaires symbiotiques et des conditions environnementales (Agerer, 1995). Le manteau fongique, qui constitue une interface entre la racine et le sol peut servir de lieu de stockage dโรฉlรฉments minรฉraux et de carbone pour le champignon (Vogt et al., 1982). De ce manteau fongique partent des hyphes externes qui vont explorer un grand volume de sol et des hyphes internes qui sโinsinuent entre les cellules du cortex de la plante-hรดte pour former le rรฉseau de Hartig. Ce rรฉseau peut se limiter ร la premiรจre assise superficielle du cortex chez les feuillus ou s’รฉtendre jusqu’ร l’endoderme chez les rรฉsineux (Voiry, 1981). Il constitue le lieu des รฉchanges bidirectionnels entre les deux partenaires de la symbiose.
Mise en place de la symbiose ectomycorhizienneย
La mise en place de lโectomycorhize implique de profondes modifications morphologiques, anatomiques et physiologiques de la racine (Martin et al., 2001 ; Marmeisse et al., 2004). Les multiples รฉvรฉnements touchant les deux partenaires, notamment, lโagrรฉgation des hyphes formant le manteau fongique, la disparition des poils absorbants, la multiplication des racines latรฉrales et lโallongement radial des cellules de lโรฉpiderme permettent de diffรฉrencier les ectomycorhizes (Tagu et al., 2001). De ce fait, la structure de base de ces derniers est identique bien quโil existe des morphotypes diffรฉrents. Se rรฉfรฉrant aux relations entre bactรฉries fixatrices dโazote et lรฉgumineuses, il sโinstaurerait des signaux de ยซ reconnaissance ยป assurant un dialogue molรฉculaire entre les deux partenaires de la symbiose (Perret et al., 2000). Lโรฉchange de mรฉdiateurs molรฉculaires entre les deux partenaires serait sous le contrรดle de facteurs gรฉnรฉtiques. La dรฉcouverte de protรฉines SR dont la synthรจse est rรฉgulรฉe par la symbiose, confirme que lโactivation et/ou la rรฉpression de certains gรจnes accompagnent la diffรฉrenciation de lโectomycorhize (Hilbert et al., 1991 ; Kim et al., 1999 ; Voiblet et al., 2001). Toutefois, les mรฉcanismes de communication entre le champignon et la plante hรดte lors de lโรฉtablissement de la symbiose restent encore inconnus (Perret et al., 2000).
Par ailleurs, la diffรฉrenciation de lโectomycorhize serait รฉgalement modulรฉe par des facteurs trophiques et environnementaux. Chez les eucalyptus par exemple, les exsudats racinaires stimulent la croissance mycรฉlienne de certaines souches de Pisolithus ร des concentrations trรจs faibles (Lagrange et al., 2001). Dโautre part, certains mรฉtabolites (hypaphorine) sรฉcrรฉtรฉs par des champignons du genre Pisolithus stimulent la formation de racines latรฉrales courtes, et arrรชtent lโรฉlongation des poils absorbants chez la plante-hรดte (Bรฉguiristain et Lapeyrie, 1997; Ditengou et Lapeyrie, 2000 ; Martin et al., 2001). Les champignons synthรฉtisent รฉgalement de l’acide indole-3-acรฉtique (AIA), qui serait impliquรฉ dans la mise en place de la symbiose (Marmeisse et al., 2004).
Diversitรฉ des champignons ectomycorhiziens
Les champignons ectomycorhiziens sont prรฉsents dans le sol sous forme de propagules deconservation et de dissรฉmination (p.ex. spores, vieilles mycorhizes, cordons mycรฉliens) (Bรข etal., 1991). Cโest sous ces diffรฉrentes formes que les champignons se maintiennent dans le sol ร lโรฉtat de vie ralentie en pรฉriode sรจche notamment. Quand les conditions sont favorables en pรฉriode humide, les propagules produisent des hyphes qui poussent et se ramifient pour donner un mycรฉlium capable de coloniser le systรจme racinaire pour former des ECM. Le cycle de dรฉveloppement des champignons ectomycorhiziens se rรฉsume en deux phases principales : une phase vรฉgรฉtative comprenant la formation et le dรฉveloppement du mycรฉlium ou thalle ร partir de la germination des spores, et une phase fructifรจre marquรฉe par lโapparition de sporophores รฉpigรฉs ou hypogรฉs, et la production de spores. La fructification des champignons est un processus complexe et coรปteux en รฉnergie pour la plante, qui dรฉpend de lโespรจce de champignon, de facteurs climatiques, de lโรขge des peuplements et de traitements sylvicoles (p.ex. fertilisation, รฉclaircies) (Dรฉbaud et Gay, 1987). Chez les champignons supรฉrieurs, le sporophore est la partie visible de lโorganisme que l’on appelle couramment ยซ champignon ยป. Il est constituรฉ de filaments ou dโhyphes groupรฉs en amas ou mycรฉlium. La prรฉsence de sporophores est associรฉe automatiquement ร la prรฉsence de mycรฉlium ร la base du pied, mais lโabsence de sporophores ne signifie pas nรฉcessairement lโabsence de mycรฉlium dans le sol. En effet, des champignons comme Thelephora et Cenoccocum forment des ECM avec peu ou pas de fructifications et sont souvent dominants sur les racines de leurs plantes hรดtes (Henkel et al., 2002 ; Diรฉdhiou et al., 2004). Actuellement, la diversitรฉ des champignons ectomycorhiziens set estimรฉes รชtre comprise entre 10000 et 15000 espรจces (Smith et Read, 2008). Cependant ce chiffre est loin dโรชtre exhaustif car il ne prend pas en compte la diversitรฉ encore peu connue des champignons des rรฉgions tropicales .
Caractรฉrisation des champignons ectomycorhiziensย
Plusieurs approches souvent complรฉmentaires sont utilisรฉes pour avoir une image pรฉriodique dโune communautรฉ de champignons ectomycorhiziens : lโinventaire des sporophores, lโinventaire des morphotypes dโectomycorhizes et lโutilisation des outils molรฉculaires pour caractรฉriser les sporophores et les ectomycorhizes.
Caractรฉrisation morphologique de la diversitรฉ fongiqueย
Dans les rรฉgions borรฉales et tempรฉrรฉes, de nombreuses communautรฉs de champignonsectomycorhiziens ont รฉtรฉ dรฉcrites sur la base dโinventaires de sporophores (Ferris et al., 2000). Lโavantage de cette approche rรฉside dans la simplicitรฉ dโรฉchantillonnage avec peu de perturbation du milieu et dans lโidentification de lโespรจce fongique ร partir de la description du sporophore. Elle a cependant lโinconvรฉnient de nรฉcessiter plusieurs rรฉcoltes dans lโannรฉe, et dโune annรฉe ร une autre pour prendre en compte les champignons rรฉsupinรฉs peu visibles dans les รฉcosystรจmes forestiers (Erland et Taylor, 1999). Lโinventaire des ECM est une approche qui permet aussi dโaccรฉder ร la composition des communautรฉs fongiques (Agerer, 1991). Cependant, leur identification basรฉe uniquement sur leurs caractรจres morphologiques, anatomique et histologiques est souvent alรฉatoire. En effet, ces caractรจres peuvent changer en fonction de lโรขge de la plante-hรดte ou de lโenvironnement (Thoen et Bรข, 1989 ; Wurzburger et al., 2001 ; Diรฉdhiou et al., 2004). Il est rarement possible d’observer des connexions entre le mycรฉlium ร la base du pied des sporophores et celui des ECM (Thoen & Bรข, 1989 ; Riviรจre et al., 2007). Encore faut-il รฉtablir un lien formel entre sporophores et ECM car on peut aussi trouver des champignons parasites ou saprophytes ร proximitรฉ des arbres ร ECM. Cโest le cas de quelques russules saprophytes facultatives ou parasites (p.ex. Russula parasitica) en Afrique tropicale (Buyck et al., 1996), bien que le genre Russula est souvent ectomycorhizien. Lโutilisation des outils de la biologie molรฉculaire (p.ex. amplification et sรฉquenรงage de lโADNr) permet de franchir cet obstacle qui est lโidentification des ectomycorhizes notamment chez les champignons dont la fructification est alรฉatoire (Gehring et al., 1998 ; Taylor et Bruns, 1999 ; Kรตljalg et al., 2000).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Les Mycorhizes
1.1. Les ectomycorhizes
11.1. Mise en place de la symbiose ectomycorhizienne
1.1.2Diversitรฉ des champignons ectomycorhiziens
1.1.3 Caractรฉrisation des champignons ectomycorhiziens
1.1.3.1 Caractรฉrisation morphologique de la diversitรฉ fongique
1.1.3.2 Caractรฉrisation molรฉculaire de la diversitรฉ fongique
2. Le stress salin
2.1 Notion de stress
2.2. Tolรฉrance des plantes et de leurs symbiotes fongiques au stress salin
2.2.1 Tolรฉrance des plantes ร la salinitรฉ
2.2.2. Tolรฉrance des champignons mycorhiziens au stress salin
3. Lโintroduction des plantes et de leurs associรฉs fongiques
4. Coccoloba uvifera (L.)
4.1. Description botanique
4.2..Origine et distribution
4.3. Quelques utilisations de C. uvifera
4.4. Statut mycorhizien de C. uvifera
MATERIEL ET METHODES
1. Isolement de souches de champignons ectomycorhiziens rรฉcoltรฉs sous Coccoloba uvifera
1.1. Isolement de mycรฉlium de champignons ectomycorhiziens ร partir de sporophores
1.2 Isolement de mycรฉlium de champignons ectomycorhiziens ร partir de racines ectomycorhizรฉes de C. uvifera
2. Caractรฉrisation molรฉculaire des souches de champignons ectomycorhiziens
2.1 Extraction dโADN
2.2 Le contrรดle de lโextrait dโADN
2.3 Amplification de lโITS par PCR
2.4 Contrรดle de lโamplification
2.5 Polymorphisme de longueur des fragments de restriction de lโITS
2.6. Sรฉquenรงage
3. Etude de la spรฉcificitรฉ des champignons ectomycorhiziens de Casuarina equisetifolia et dโEucalyptus camaldulensis sur C. uvifera
3.1..Mise en place de lโexpรฉrimentation
3.2. Traitement des graines
3.3 Morphotypage et conservation des ectomycorhizes (ECM)
3.4 Analyse molรฉculaire
4. Effet du stress salin sur la croissance in vitro de souches de champignons ectomycorhiziens
4.1. Origine des souches champignons ectomycorhiziens
4.2 Condition de croissance des champignons
4.3. Paramรจtres mesurรฉes
RESULTATS
1. Identification des champignons
2. Caractรฉrisation molรฉculaire des champignons ectomycorhiziens
2.1 PCR/RFLP
2.2. Sรฉquenรงage
3. Etude de la spรฉcificitรฉ des champignons ectomycorhiziens de Casuarina equisetifolia et dโEucalyptus camaldulensis sur Coccoloba uvifera
3.2. Morphotypage des ECM de C. uvifera, dโE. camaldulensis et de C. equisetifolia
3.3. Caractรฉrisation molรฉculaire des morphotypes
4. Tolรฉrance ร la salinitรฉ des champignons ectomycorhiziens en culture in vitro
DISCUSSION
1. Diversitรฉ des champignons ectomycorhiziens en Guadeloupe et au Sรฉnรฉgal
2. Tolรฉrance ร la salinitรฉ des champignons ectomycorhiziens en culture in vitro
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE