Les Cellules Souches Hématopoïétiques -CSH-, modèle d’étude privilégié

Les Cellules Souches Hématopoïétiques -CSH-, modèle d’étude privilégié

Tout au long de cette première partie, je souhaite apporter quelques éléments sur les connaissances actuelles des cellules souches, dans le système hématopoïétique. Quelques parallèles avec d’autres types de cellules souches pourront aider à saisir l’ampleur des notions abordées. Je m’intéresserai principalement à la souris. La recherche sur les CSH a été une recherche pionnière dans le domaine de la biologie des cellules souches, autant par la découverte des concepts même de cellules souches et de niche, que par la mise au point de caractérisations phénotypiques et de tests fonctionnels. L’exemple des CSH permet également aujourd’hui d’aborder les notions d’hétérogénéité au sein de la population de cellules souches. Comme je vais essayer de le montrer, les CSH sont un véritable modèle d’étude, à l’échelle de ma thèse bien sûr, mais également à l’échelle de la biologie des cellules souches. C’est de ce modèle dont je vais principalement m’inspirer pour tenter de proposer une définition de la cellule souche.

Introduction : l’hématopoïèse et les CSH

Des CSH fortement sollicitées
Chez l’homme, le système hématopoïétique assure la formation d’environ 10⁶ cellules par seconde. Étonnamment, comme nous allons le voir plus en détails plus tard, les CSH sont majoritairement quiescentes. La confrontation entre les exigences incroyablement fortes du système hématopoïétique et l’inactivité des CSH peut paraître assez énigmatique. Pourtant, cet apparent paradoxe semble être résolu par une organisation hiérarchique du système.

Un système hiérarchique
Le système hématopoïétique contient plus de dix types de cellules matures, parmi lesquelles des érythrocytes, des plaquettes et mégacaryocytes, des cellules myéloïdes (monocyte/macrophage et granulocytes), des mastocystes, des lymphocytes B et T, des cellules NK –Natural Killer- et des cellules dendritiques. Qu’une si grande diversité de cellules soit générée par la population de CSH est intrigant, et souligne le formidable potentiel de différenciation des CSH. Afin de comprendre comment les CSH se différenciaient pour générer toutes ces cellules matures, de nombreuses équipes ont patiemment identifié et isolé différentes populations, et testé leur potentiel de différenciation (pour revue, voir (Seita and Weissman, 2010)). L’ensemble de ces travaux nous offre aujourd’hui le modèle d’un système hématopoïétique complexe et fortement hiérarchisé (Figure 1). La présence de deux lignages, à savoir le lignage lymphoïde et le lignage myéloïde, générés respectivement par les progéniteurs communs lymphoïdes et myéloïdes (CLP et CMP), est caractéristique du système hématopoïétique.

Quelques remarques
Les progéniteurs ont des capacités de prolifération énormes, suggérant que le contrôle homéostatique doit avoir lieu non seulement au niveau des CSH, mais également au niveau des progéniteurs. L’importance de l’équilibre entre les CSH, les progéniteurs et les cellules différenciées est soulignée par de nombreux exemples où une homéostasie aberrante du système peut mener à des maladies. Les défauts de différenciation ou l’acquisition anormale de capacités de prolifération par certaines cellules peuvent participer respectivement à des immunodéficiences ou à des cancers. Il est largement postulé que le processus de différenciation est un processus irréversible. Pourtant, des interrogations sur le potentiel de différenciation de certaines populations ou sur les relations entre plusieurs sous-populations persistent. Des études récentes sur les CSH ont mis en évidence une hétérogénéité au sein de la population de CSH (cf. Partie 1 : I.5). Notamment, les travaux d’A.Trumpp suggèrent que les CSH peuvent passer de façon réversible d’une situation dormante à une situation activée, suggérant l’existence d’une certaine réversibilité de ces mécanismes. Nous y reviendrons plus précisément dans la suite de ce manuscrit, je souhaite cependant simplement souligner ici que le schéma proposé en Figure 1 est une vue simplifiée du système. Une hétérogénéité au sein de chaque population est très certainement attendue, et la vision de la différenciation comme celle d’un continuum d’états serait peut-être plus pertinente que celle de la juxtaposition d’un nombre fini d’états discrets. Savoir si chaque étape au cours de la différenciation est irréversible est difficile à appréhender expérimentalement ; en adoptant une vision plus globale du système, l’hypothèse d’une certaine plasticité au cours de la différenciation peut être intéressante. De façon surprenante, les cellules dendritiques peuvent être générées à partir des progéniteurs myéloïdes CMP ou à partir des progéniteurs lymphoïdes CLP (Manz et al., 2001). De plus, il est proposé que les progéniteurs des mégacaryocytes et des érythrocytes puissent être générés soit à partir des CMP soit directement à partir des progéniteurs multipotents, sans passer par le stade CMP (Figure 1). Ces exemples soulignent la complexité du système et proposent l’existence d’une éventuelle plasticité au cours de la différenciation, propriété qui pourrait permettre au système de s’adapter rapidement aux besoins physiologiques.

Petite histoire de la naissance du concept de cellule souche et de l’identification des CSH

La naissance du concept de cellule souche

C’est au sein du système hématopoïétique que le concept de « cellule souche » a vu le jour. Till et McCulloch ont réalisé des expériences pionnières dans le domaine de la régénération du système hématopoïétique in vivo dans les années 1960 (Till and McCulloch, 1961). Dix jours après l’injection de cellules de moelle osseuse, ils observent la formation de colonies cellulaires dans la rate des animaux hôtes. L’étude de ces colonies révèle qu’une petite proportion de cellules de la moelle osseuse possède deux propriétés remarquables : la capacité de générer plusieurs types de cellules hématopoïétiques, et la capacité de s’auto-renouveler. Ces expériences ont ainsi introduit les deux propriétés clés des cellules souches, à savoir la possibilité de générer l’ensemble des cellules du tissu et de s’auto-renouveler. En 1988, pour la première fois, Spangrude et al. isolent une population enrichie en CSH. Le développement de la technologie de cytométrie de flux, et l’apparition d’anticorps monoclonaux permettent d’isoler la population LinSca-1+ Thy-1 low, qui représente à peu près 0,05% de la population de la moelle osseuse adulte (Spangrude et al., 1988). En montrant que certaines de ces cellules, à l’exclusion de toute autre, sont capables de recoloniser le système hématopoïétique d’un hôte irradié, ils valident le concept de cellule souche et ouvrent la voie à l’ère de la caractérisation phénotypique des CSH.

Les deux propriétés des cellules souches : le potentiel de différenciation et l’autorenouvellement

Une des caractéristiques des CSH est leur potentiel de différenciation. Les CSH sont à l’origine de toutes les cellules du système hématopoïétique, qui participent à l’oxygénation des tissus, aux réponses immunitaires, et à la coagulation. Les CSH sont dites « multipotentes » : elles peuvent générer plus d’une dizaine de types cellulaires, parmi lesquels les cellules du sang, les lymphocytes B, T, les cellules NK, les cellules myéloïdes, et les cellules dendritiques. Plusieurs sous-populations ont été identifiées au sein des cellules dendritiques, des lymphocytes ou des granuclocytes, soulignant la complexité et l’ampleur de la différenciation des CSH.

Une cellule souche doit être capable de se maintenir tout au long de la vie de l’individu, et d’assurer l’homéostasie et la régénération du tissu en cas de stress : il s’agit de la propriété d’autorenouvellement. Des études ayant trait au vieillissement suggèrent que l’auto-renouvellement pourrait être limité, et affecté notamment au cours de la vie de l’individu par l’accumulation de dommages à l’ADN ou de dommages cellulaires et par la détérioration des télomères.

Identification des CSH : caractéristiques phénotypiques et tests fonctionnels

Identification phénotypique des CSH

Marquages membranaires et cytométrie de flux
L’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre des marqueurs de surface et les avancées technologiques de la cytométrie de flux ont révolutionné le domaine et permis l’identification de combinatoires de marqueurs exprimés par les CSH. Par exemple, les cellules négatives pour les marqueurs de lignage, et exprimant les marqueurs c-Kit et Sca-1 sont regroupées sous l’appellation LSK pour LinSca-1+ c Kit+ . Les LSK regroupent des cellules multipotentes, il s’agit d’une population enrichie en CSH. Au sein des LSK, 21% des LSK CD34- ou 47% des LSK CD150+ CD48- ont une forte activité de cellule souche (Osawa et al., 1996; Kiel et al., 2005). Ainsi, on considère qu’environ une cellule sur deux au sein de la population LSK CD34-CD150+ CD48- est une CSH bona fide. De nouveaux marqueurs ont été proposés d’après des analyses transcriptomiques et validés comme marqueurs de CSH ces dernières années : les CSH sont également CD49bet EPCR+ (Benveniste et al., 2010; Kent et al., 2009). De même, des combinatoires de marqueurs ont été identifiées pour les progéniteurs, et l’on peut s’attendre à une définition phénotypique encore plus précise des CSH et des stades de différenciation des cellules hématopoïétiques au cours des prochaines années (Figure 2). Ces marqueurs sont couramment utilisés, bien que les voies moléculaires et les rôles de nombre de ces marqueurs soient peu ou pas connus. Il est par ailleurs envisageable que l’expression de certains de ces marqueurs à la surface des CSH soit modifiée dans certaines situations. L’exemple du marqueur c-Kit est éloquent. Suite à un stress myélotoxique ou à une déplétion de la moelle induite par la délétion des gènes c-Myc et N-Myc, les CSH régulent fortement négativement l’expression de c-Kit (Randall and Weissman, 1997; Laurenti et al., 2008). Pourtant, ces cellules peuvent conserver des propriétés de cellules souches et rétablir l’expression de c-Kit après le retour à l’homéostasie (Randall and Weissman, 1997). La diminution de l’expression du marqueur c-Kit peut aussi corréler avec une diminution de l’auto-renouvellement, comme cela a été observé dans le cas de la délétion de Gfi1 ou de Notchless (Hock et al., 2004a) (cf. article). Ces observations soulignent l’importance d’utiliser des tests fonctionnels, et pas seulement des caractéristiques phénotypiques, pour appréhender la présence et les propriétés des CSH.

Propriété de « Side Population »
Une autre approche pour identifier et purifier les CSH est d’utiliser leur propriété d’exclusion de certains marqueurs comme le Hoechst 33342 ou la Rhodamine 123 (Goodell et al., 1996). Sur un profil de facs, cette population se détache comme une « Side Population » d’où l’appellation SP (Figure 3). Les cellules de la population SP cyclent peu, et des tests fonctionnels ont montré un fort enrichissement en CSH (Goodell et al., 1996). De plus, il a été montré que la propriété d’exclusion de ces marqueurs est rendue possible par l’expression de transporteurs dépendants de l’ATP, comme Mdr1 ou Bcrp1 (Challen and Little, 2006). Il est intéressant de noter que cette propriété permet d’éviter l’accumulation de composés toxiques et donc de protéger les CSH.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Les Cellules Souches Hématopoïétiques -CSH-, modèle d’étude privilégié
1. Introduction : l’hématopoïèse et les CSH
1.1. Des CSH fortement sollicitées
1.2. Un système hiérarchique
1.3. Quelques remarques
2. Petite histoire de la naissance du concept de cellule souche et de l’identification des CSH
2.1. La naissance du concept de cellule souche
2.2. Les deux propriétés des cellules souches : le potentiel de différenciation et l’auto-renouvellement
3. Identification des CSH : caractéristiques phénotypiques et tests fonctionnels
3.1. Identification phénotypique des CSH
3.1.1. Marquages membranaires et cytométrie de flux
3.1.2. Propriété de « Side Population »
3.1.3. Des CSH quiescentes et capables de retenir un marquage de l’ADN
3.2. Identification fonctionnelle des CSH
3.2.1. Cultures ex vivo
3.2.2. La greffe, le test fonctionnel par excellence
3.2.3. Entre le potentiel testé des CSH et leur comportement in vivo : plasticité des cellules souches ?
4. L’environnement des CSH : la niche
4.1. Petite histoire de la naissance du concept de niche
4.2. Deux niches pour les CSH ?
4.2.1. La niche endostéale
4.2.2. La niche vasculaire
4.2.3. Deux, une ou plusieurs niches ?
4.3. Régulation par la niche
4.4. Conclusion : des progrès considérables et de nouvelles questions
5. Hétérogénéité au sein de la population des CSH.
5.1. Une hétérogénéité dans la quiescence des CSH
5.2. Un auto-renouvellement variable pour les CSH ?
5.3. Des sous-populations de CSH au potentiel de différenciation biaisé
5.4. Conclusions : de multiples hétérogénéités
6. Quelle définition pour une cellule souche ?
6.1. Vers une définition moléculaire de la cellule souche
6.2. … ou plutôt une définition fonctionnelle de la cellule souche ?
7. Conclusion : les CSH, un modèle privilégié d’étude des cellules souches
II. Régulation des CSH : des réponses spécifiques en situations de stress
1. La voie p53 : au carrefour de l’homéostasie et de la gestion du stress
1.1. Rôle de p53 dans l’auto-renouvellement des CSH
1.2. Rôle de p53 dans la quiescence
1.3. Quelques exemples du rôle de p53 dans d’autres cellules souches
1.4. Une compétition cellulaire au sein des CSH et progéniteurs arbitrée par p53
2. Entre quiescence et prolifération : plasticité des CSH face au stress
2.1. La quiescence est-elle nécessaire à l’auto-renouvellement ?
2.1.1. La perte de quiescence peut induire des défauts d’auto-renouvellement et la disparition des CSH
2.1.2. Une prolifération accrue des CSH sans défauts d’auto-renouvellement ?
2.2. Régulation de la quiescence, quelques éléments
2.2.1. Une régulation complexe de la quiescence
2.2.2. Une régulation active de la quiescence
2.2.3. Une régulation spécifique de la quiescence
2.2.4. Potentielles applications de ces connaissances sur la régulation de la quiescence
2.3. La quiescence, moyen de protection contre différents stress ?
3. Le vieillissement au sein du système hématopoïétique
3.1. Définitions
3.2. L’augmentation du nombre de CSH, une caractéristique bien documentée du vieillissement.
3.3. Un potentiel de différenciation tourné vers le lignage myéloïde, modèle de sélection clonale ?
4. La gestion des dommages à l’ADN
4.1. L’accumulation de dommages à l’ADN physiologiques : une atteinte spécifique des cellules souches au cours du temps
4.1.1. Prendre en compte le temps qui passe -1- : les mécanismes de réparation de l’ADN sont essentiels dans les cellules souches
4.1.1.1. Des modèles de souris déficientes pour des mécanismes de réparation de l’ADN
4.1.1.2. L’anémie de Fanconi
4.1.1.3. Conclusion
4.1.2. Prendre en compte le temps qui passe -2- : le complexe télomérase, gardien du maintien des télomères dans les cellules souches
4.1.2.1. Le maintien des télomères participe à l’intégrité du génome
4.1.2.2. Des modèles de souris pour l’étude du rôle de la télomérase dans les CSH
4.1.2.3. Des maladies liées à des défauts de l’activité télomérase
4.2. Une gestion des dommages à l’ADN spécifique dans les cellules souches suite à des stress aigus
4.2.1. La survie régulée des cellules souches
4.2.2. La différenciation, comme réponse aux dommages à l’ADN
4.2.3. Des réponses des cellules souches contribuant à la physiologie du tissu
5. L’oxygène et les CSH : adaptation à l’environnement hypoxique et gestion du stress oxydatif
5.1. Les ROS et le stress oxydant
5.2. L’environnement hypoxique des CSH
5.2.1. Localisation des CSH au sein de la niche hypoxique
5.2.2. Les CSH adaptent leur métabolisme à leur environnement hypoxique : le rôle clé de Hif-1!
5.2.3. Rôle de l’hypoxie dans la régulation des CSH
5.3. Régulation des ROS -1- : les effets néfastes de ROS sur la fonction des CSH
5.3.1. Une protection efficace dans les CSH pour maintenir un niveau faible de ROS
5.3.2. Contrôle de la quiescence par les ROS
5.3.2.1. Rôle d’ATM, et de la voie ATM-BID dans la régulation de la quiescence des CSH, via le contrôle des ROS
5.3.2.2. La voie PI3K/Akt, régulateur de la quiescence des CSH, par le contrôle des ROS
5.3.3. L’auto-renouvellement des CSH est associé avec un niveau bas de ROS
5.3.4. Les ROS peuvent induire un état de sénescence
5.3.5. D’où viennent les ROS et que font les ROS ? Aspects moléculaires de ces modèles associés à un fort niveau de ROS
5.3.5.1. La machinerie mitochondriale, responsable de la production de ROS
5.3.5.2. Des modes d’action des ROS peu connus
5.4. Régulation des ROS -2- : le rôle physiologique des ROS pour les CSH
5.5. Conclusion : Maintien d’un niveau critique de ROS dans les CSH, ni trop fort, ni trop faible
CONCLUSION

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