Physiologie du système immunitaire
L’importance du système immunitaire (SI) pour conférer une protection contre les pathogènes tels que les virus, les bactéries et les parasites est bien établie. Il s’agit d’un système de défense inné et adaptatif, composé d’une myriade de cellules et de molécules composant un réseau dynamique capable de reconnaitre spécifiquement et d’éliminer un grand nombre de micro-organismes. Cependant, la réponse de l’hôte reste insuffisante pour éliminer l’infection du VIH qui cible les cellules immunitaires. Le SI comprend 2 voies d’action : le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif. On retrouve dans le premier : les cellules dendritiques (DC), les monocytes, les macrophages et les « Natural killers » (NK) ; quant au second, il comprend les lymphocytes T CD4+ (LTCD4) et CD8 (LTCD8), ou encore les lymphocytes B (LB). Il est important, pour obtenir une fonction immunitaire optimale, qu’il y ait une communication efficace entre toutes les branches du système immunitaire. Or, les infections virales chroniques représentent un défi unique pour celui-ci : le virus se réplique de manière persistante et supplante (voire renverse) la réponse antivirale initiale, permettant l’établissement d’une infection chronique entrainant une stimulation continue des compartiments immunitaires innés et adaptatifs.
Les Cellules Présentatrices d’Antigènes (CPA)
Les cellules myéloïdes telles que les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques (DC) sont des composants clés du système immunitaire inné contribuant au maintien de l’homéostasie tissulaire et au développement des réponses immunitaires face aux agents pathogènes. Elles ont pour particularité d’exprimer la molécule CD4 à leur surface, bien qu’en quantité très inférieure aux LT CD4+. Elles sont de ce fait la cible potentielle du VIH. Les monocytes et les DC circulent dans le sang et infiltrent les tissus lymphoïdes et non lymphoïdes et ont généralement une courte durée de vie (Àlvarez-Errico D. et al., 2015). Inversement, les macrophages, qu’ils soient issus des monocytes ou issus de précurseurs lors du développement embryonnaire, ont une durée de vie beaucoup plus longue (Hoeffel G. end Ginhoux F. 2015). Des agents pathogènes, tels que le VIH, ciblent la molécule CD4 exprimée par ces cellules et détournent les fonctions de ces cellules myéloïdes pour la réplication virale ou la dissémination et la transmission cellulaire.
Les monocytes
Les monocytes sont des cellules immunitaires effectrices qui jouent un rôle important dans la réponse immunitaire innée primaire en ayant la propriété́ de migrer dans les tissus inflammés grâce à des récepteurs aux chimiokines et à des molécules d’adhésion, en sécrétant des cytokines et en captant des débris cellulaires ou des molécules toxiques. La nature hétérogène des monocytes et leurs capacités à se différencier en macrophages dérivés de monocytes ou en cellules dendritiques dérivées de monocytes leur permettent de servir de pont entre les réponses immunitaires innées et adaptatives (Sampath P. et al., 2018). Elles patrouillent dans le sang et pénètrent dans les organes pour réapprovisionner les CPA mourantes, ou migrent dans les tissus dans le cas d’infection par un pathogène (Patel A.A., et al. 2017). Les monocytes indifférenciés vont vivre quelques jours dans la circulation sanguine, mais lorsqu’ils rencontrent un pathogène et s’activent, ils vont par division augmenter leur durée de vie de plusieurs mois. Les monocytes représentent respectivement environ 10% des leucocytes du sang périphérique humain, avec un pool considérable situé dans la rate (Ginhoux F. and Jung S., 2014). Ces cellules présentent une plasticité développementale bien établie lorsqu’ils se différencient en macrophages ou DC, selon le milieu inflammatoire (Anbazhagan K. et al., 2014), mais ce ne sont pas les seuls précurseurs de ces cellules. En revanche, dans l’intestin, la majorité des macrophage et DC proviennent de monocytes sanguins qui sont continuellement réapprovisionnés (Ginhoux F. and Jung S., 2014).
L’identification initiale des monocytes était délicate car ils sont difficiles à différencier des DC sanguins, des lymphocytes activés ou des cellules NK sur la seule base de la morphologie microscopique. Les progrès de la cytométrie en flux ont permis l’identification correcte des monocytes en utilisant des caractéristiques de taille / granularité et l’expression de marqueurs spécifiques. La cytométrie en flux a également fourni des connaissances sur l’hétérogénéité de la population monocytaire. Les monocytes humains sont maintenant classés en trois sous-types basés sur l’expression différentielle de CD14 et CD16 : les « monocytes classiques » CD14 high CD16-, les « monocytes intermédiaires » CD14high CD16+ et les « monocytes non classiques » CD14low CD16high (Ginhoux F. and Jung S., 2014). Le principal marqueur des monocytes humains, CD14, est un antigène de différenciation glycoprotéinique et myélomonocytaire qui fonctionne comme une protéine accessoire du récepteur Toll-like-4 (TLR). Le CD16 (ou le récepteur Fcγ III) est une molécule de la superfamille des Ig impliquée dans la cytotoxicité des LT dépendants des anticorps (ADCC). Les monocytes expriment également le CD4. Les monocytes classiques et les monocytes intermédiaires et non classiques représentent respectivement environ 90% et 10% des monocytes totaux (Ziegler-Heitbrock, 2014). Des études récentes ont permis d’élucider la différentiation et la durée de vie des sous-ensembles monocytaires humains et ont démontré que les monocytes classiques sortent de la moelle osseuse pour se transformer en monocytes intermédiaires qui se différencient ensuite en monocytes non classiques (Pattel A.A., et al. 2017).
Les cellules dendritiques (ou DC)
Les DC représentent un groupe de CPA hétérogène, sensible aux pathogènes et induisant spécifiquement les réponses T naïves et mémoires. Elles sont situées dans tous les tissus, notamment la peau et les muqueuses et sont capables de capter le pathogène et de migrer vers les ganglions lymphatiques (Barratt-Boyes et al., 1997). Le terme DC regroupe plusieurs sous-populations en fonction de leur état de maturation et de leur localisation (Ueno et al., 2007). On retrouve dans le sang périphérique, des DC humaines caractérisées comme dépourvues de marqueurs T : CD3, CD4, CD8, de marqueurs B : CD19 et CD20 et de marqueurs monocytaires : CD14 et CD16, mais exprimant fortement HLA-DR et d’autres marqueurs de lignée DC comme le CD1a et CD1c.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC)
Les pDC sont une population relativement rare (0,3 à 0,5% des cellules du sang périphérique), et elles sont produites continuellement dans la moelle osseuse et circulent dans le sang. A l’état basal elles résident dans la rate, le thymus, les ganglions lymphatiques, les organes lymphoïdes associés aux muqueuses, le poumon et le foie (Colonna M. et al. 2004, Masten B.J. et al. 2006). Le taux de prolifération des pDC dans les organes lymphoïdes est très faible où moins de 0,3 % des pDC sont en cycle cellulaire. Un remplacement continuel par le sang est nécessaire pour maintenir le pool de pDC dans l’organisme à son niveau homéostatique (Merad M. and Manz M.G. 2009). Ce sont des cellules spécialisées qui produisent massivement des interférons (IFN) de type 1 lors d’une infection virale. En plus d’induire un large éventail de réponses affectant la fonction de plusieurs cellules immunitaires, les IFN de type 1 bloquent directement la réplication virale, entrainant une clairance des pathogènes (Galicia G. and Gommerman J.L., 2014). Les pDC, contrairement aux autres DC, expriment fortement les TLR-7 et TLR-9 qui détectent les acides nucléiques viraux et bactériens. Une fois activés via ces TLR, les pDC subissent des changements de morphologie, avec l’acquisition de dendrites et régulent l’expression des molécules du CMH et des marqueurs d’activation qui permettront la présentation antigénique aux LT. En effet, les pDC ont été signalées pour activer les LTCD8+ (Pucchio et al., 2008). Les pDC sont divisés en deux sous-ensembles : pDC1 et pDC2. Le pDC1 présente un phénotype immature avec une expression faible du CMH-II et des marqueurs d’activation, tandis que les pDC2 expriment fortement le CMH-II et le marqueur d’activation CD86. Les pDC1 induisent les T-régulateur (Treg) tandis que les pDC2 favorisent la différenciation des LT pro-inflammatoires (Galicia G. and Gommerman J.L., 2014). Enfin, l’équipe de Soumelis montre en 2018 que l’activation de pDC, avec un seul stimulus qu’il soit microbien ou cytokinique, déclenche une diversification cellulaire en trois sous-populations stables : P1, P2 et P3. Les pDC-P1 (PD-L1 + CD80–) affichent une morphologie plasmacytoïde et une spécialisation pour la production d’interféron de type I. Les pDC-P3 (PD-L1 – CD80 +) ont adopté une morphologie dendritique et des fonctions immunitaires adaptatives. Les pDC P2 (PD-L1 + CD80 +) affichent des fonctions innées et adaptatives. Ainsi, cette étude présente la possibilité pour une cellule qui ne se divise pas de se diversifier en réponse à un seul stimulus, remettant en question le concept de différenciation terminale (Alculumbre S.G. et al., 2018).
Les cellules dendritiques myéloïdes (mDC)
Les mDC sont des CPA ayant une forte capacité de détection et d’élimination des antigènes. Les mDC immatures ont des capacités phagocytaires élevées, tandis que les mDC matures ont une capacité accrue à produire des cytokines. Les mDC sont hautement migratoires et circulent régulièrement de la périphérie vers les zones T et B des organes lymphoïdes. À l’état d’équilibre ou pendant l’infection, les mDC régulent les fonctions des LT. On retrouve deux populations majeures : les cDC1 qui expriment le BDCA-3 et les cDC2 exprimant le BDCA-1. Les cDC1 sont trouvées dans les tissus périphériques tels que les poumons, la peau, la lamina propria intestinale et le sang périphérique tandis que les cDC2 abondent dans le sang périphérique (Merad M., et al. 2013) et sont détectées dans les organes lymphoïdes et non lymphoïdes. Les cDC1 induisent une réponse Th1 et cytotoxique CD8, alors que les cDC2 génèrent non seulement des réponses Th1 mais aussi Th2, Th17 et iTreg (Schlitzer A. et al., 2015).
Les cellules de Langerhans
Elles sont situées sous la peau et les épithéliums comme celui du vagin, du rectum, de l’anus… Ce sont les premières cellules immunitaires rencontrées par le VIH. Les cellules de Langerhans sont des cellules immatures qui, après contact avec les antigènes, s’activent et acquièrent la capacité de migrer vers les organes lymphoïdes secondaires où elles deviennent des DC matures capables de présenter les antigènes aux LT et LB.
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Table des matières
INTRODUCTION
Physiologie du système immunitaire
1. Les Cellules Présentatrices d’Antigènes (CPA)
i. Les monocytes
ii. Les cellules dendritiques (ou DC)
a. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC)
b. Les cellules dendritiques myéloïdes (mDC)
c. Les cellules de Langerhans
d. Les cellules dendritiques interstitielles
e. Une nouvelle population de DC dans les muqueuses intestinales ?
iii. Les macrophages
2. Les lymphocytes T (LT)
i. Les LTCD4+
a. Les Th1 et Th2
b. Les TH17
c. Les T folliculaire helpers (ou Tfh)
d. Les LT régulateurs (ou Treg)
e. Les LT mémoires
f. Le CMH de classe II
g. Processing spécifique des LTCD4+
ii. Les LT CD8+
a. Le CMH de classe I
b. Processign spécifique des LTCD8+
3. Les lymphocytes B
i. Les anticorps
ii. Action immunitaire
Le Virus de l’Immuno-déficience Humain (V.I.H.)
4. La diversité du VIH
i. La diversité des quasi-espèces et leur distribution
ii. La diversité des types et des souches
5. La physiopathologie de l’infection
i. Les portes d’entrée du VIH
ii. Le VIH est un virus qui s’intègre
a) Importance de l’activation lymphocytaire
b) Pénétration et intégration du virus dans la cellule
c) Du provirus intégré à la réplication virale
iii. Conséquences physiopathologiques de l’infection par le VIH
La réponse immunitaire au VIH
1. Les Cellules Présentatrices d’Antigènes (CPA)
i. Les monocytes
ii. Les cellules dendritiques (ou DC)
iii. Les macrophages
2. Réponse humorale et action des anticorps dans le cadre d’une infection VIH
3. Les réponses T face à l’infection par le VIH
i. Induction d’une réponse T et efficacité chez l’Homme
a. La réponse T CD8
b. La réponse T CD4
ii. Activation lymphocytaire et épuisement cellulaire
a. Activation par le virus lui même
b. Activation et biomarqueurs
1. CD69
2. CD25
3. HLA-DR
4. CD38
c. Activation et intégrité digestive
d. Lymphocytes T régulateurs (Treg)
4. VIH et cure totale
i. Atteinte des réservoirs
ii. Mécanisme de latence
iii. Virémie résiduelle détectable
iv. Quantification du réservoir
v. Une aiguille dans une botte de foin
b. Les immune-checkpoints inhibiteurs
1. CTLA-4
2. PD-1
3. TIGIT
4. Tim-3
c. Les biomarqueurs des réservoirs
vi. Réservoir et cycle cellulaire
L’apparition d’une nouvelle technologie multiparamétrique pour caractériser au mieux les cellules infectées par le VIH
1. Combler le manque en réalisant une évaluation « one-cell » multidimensionnelle
2. Principes technologiques
i. Conception d’un projet
ii. Le cytomètre de masse
a. Introduction de l’échantillon et ionisation
b. Interface sous vide et purifications des ions
c. Séparation des ions et acquisition
iii. Limitations
3. Une nouvelle approche pour analyser des données
i. Analyse par clusters
ii. Analyse par réductions de dimensions
Objectifs de l’étude
1. L’apport de la cytométrie de masse pour la caractérisation des réservoirs cellulaires
2. Apport de la cytométrie de masse dans la caractérisation du cycle cellulaire (Bhebehani G.K., et al., 2012)
3. Apport de la cytométrie de masse dans la caractérisation du réservoir VIH
i. Entrée, réplication et remodelage du VIH dans les lymphocytes T CD4+ amygdaliens (Cavrois M., et al., 2017)
ii. Lymphocytes T CD4+, CD32a et VIH
4. Rationnel de l’étude
CONCLUSION