Les causes d’hyperferritinémies et démarche diagnostique en soins primaires
Les quatre principales causes d’hyperferritinémie en soins primaires sont :
✦ le syndrome inflammatoire
✦ la lyse cellulaire
✦ la consommation excessive d’alcool
✦ le syndrome métabolique.
Elles rendent compte de la quasi-totalité des hyperferritinémies, sont souvent intriquées et s’associent, pour certaines, à une discrète augmentation du stock en fer de l’organisme. Il convient de les considérer attentivement avant toute autre démarche. La démarche diagnostique complète en médecine générale est résumée sous forme d’arbre diagnostique .
Le syndrome métabolique
Définition du syndrome métabolique
De nombreuses définitions du syndrome métabolique ont été proposées depuis la première, en 1998, par un groupe d’experts de l’OMS. Faute de consensus et un peu par défaut, celle dite du NCEP-ATP III, groupe d’experts américains du risque vasculaire, s’est plus ou moins imposée dans les publications internationales.
Épidémiologie du syndrome métabolique
L’obésité et la sédentarité sont les deux principaux facteurs qui prédisposent au syndrome métabolique. L’augmentation de leur incidence explique la prévalence croissante du syndrome métabolique. Une étude d’observation a montré que le syndrome métabolique était fréquent aux États-Unis, touchant environ un individu sur quatre (24 %). La prévalence n’était pas différente selon le sexe même si certaines caractéristiques étaient plus souvent observées chez les hommes (hypertriglycéridémie, hypertension) que chez les femmes. D’une manière générale, la prévalence du syndrome métabolique augmente avec l’âge, affectant plus de 40 % des individus après 60 ans. (3) En France, l’étude DESIR a montré une prévalence du syndrome métabolique (définie selon les critères OMS) plus faible que celle observée aux États-Unis (17 % des hommes et 10 % des femmes). Cependant, des études complémentaires sont nécessaires afin de déterminer plus précisément la fréquence du syndrome métabolique dans notre pays. (4) Le taux de mortalité a été étudié chez 897 hommes âgés de 45 à 65 ans (suivi médian de près de 14 ans), issus de la troisième enquête MONICA évaluant la prévalence des facteurs de risque cardio-vasculaire dans 3 régions françaises (Lille, Bas-Rhin et Haute-Garonne). La prévalence du syndrome métabolique, dans cet échantillon composé d’hommes d’âge moyen, atteignait 33,6 % selon la définition du NCEP ATP III. Les sujets ayant un syndrome métabolique avaient un plus faible niveau d’éducation, étaient plus souvent fumeurs ou consommateurs excessifs d’alcool, pratiquaient moins d’activité physique, et consommaient moins d’oligosaccharides, sans différence significative sur les polysaccharides, les acides gras ou les protéines. Les consommations déclarées de produits laitiers, poisson, céréales et fibres étaient également plus faibles. L’incidence cumulée de la mortalité (toutes causes) sur la période de suivi était de 13,4 % pour l’ensemble de la cohorte, 16,4% parmi les sujets avec syndrome métabolique, et 11,9 % dans le reste de l’échantillon (p= 0,061). Les facteurs alimentaires significativement associés à un risque accru de décès étaient une faible proportion de glucides (polysaccharides) et d’acides gras polyinsaturés dans la ration calorique quotidienne, une consommation réduite de lait, laitages, poisson, fruits et légumes, céréales et fibres.
Formes cliniques de stéatopathie métabolique
La stéatopathie métabolique correspond à trois ensembles lésionnels, dont on ignore actuellement s’il s’agit des stades évolutifs d’une même affection ou de pathologies distinctes :
– la stéatose métabolique simple est liée à l’accumulation de triglycérides dans les hépatocytes au- delà de 55 mg par gramme de foie ou de 5 % des cellules. Elle présente, le plus souvent, une évolution tout à fait bénigne ;
– la stéato-hépatite métabolique, décrite sous l’acronyme de NASH, correspond à une stéatose compliquée de lésions nécrotico- inflammatoires susceptibles de faire le lit d’une fibrose hépatique : entre 10 et 29 % des NASH évoluent vers une cirrhose dans les 10 ans suivant leur diagnostic ;
– la cirrhose métabolique fait courir un risque vital par ses complications potentielles, dont le carcinome hépatocellulaire : 4 à 27 % des sujets ayant une cirrhose métabolique développent un CHC .
L’hépatosidérose dysmétabolique (HSD)
Il est estimé que 15 % des syndromes métaboliques sont compliqués d’une HSD. (6) Roblin quant à lui évoque une prévalence de 1% en population générale et de 47% en cas de diabète de type 2. (7) L’interprétation d’une hyperferritinémie nécessite donc une bonne connaissance du terrain métabolique. Cette hyperferritinémie s’associe, dans la moitié des cas, à une stéatose ou une stéatohépatite conférant au foie un aspect hyperéchogène lequel est souvent décrit comme foie de surcharge. En fait, il s’agit bien d’un foie surchargé en graisse et non en fer, la surcharge en fer ne modifiant pas l’échogénicité hépatique.
Définition
L’hépatosidérose dysmétabolique est définie comme une surcharge en fer démontrée et inexpliquée chez un patient présentant une ou plusieurs anomalies métaboliques. Une telle définition implique l’élimination des autres causes de surcharge en fer décrites ci-dessus. La majorité des patients présentant une HSD sont des hommes entre 45 et 55 ans chez lesquels une hyperferritinémie est repérée de façon fortuite. 20% d’entre eux présentent une fatigue chronique et/ou des arthralgies qui peuvent évoquer un rhumatisme hémochromatosique. Les 80% restants sont asymptomatiques. Fer sérique et saturation de la transferrine sont en règle normaux – ce qui permet d’écarter une hémochromatose génétique – alors que la ferritinémie s’inscrit entre 500 et 1 000 ng/ml, rarement plus. La moitié des patients ont une élévation de leur taux de GGT et un tiers d’entre eux présentent une cytolyse modérée, comprise entre 1,5 et 2,5 fois la limite supérieure de la normale et prédominant en ALAT. Lorsqu’elle est pratiquée, la biopsie hépatique met en évidence une surcharge en fer, le plus souvent mixte, parenchymateuse et mésenchymateuse, toujours modérée, c’est- à- dire comprise entre 50 et 150 μmol/gramme (normale < 36 μmol/gramme). Dans 12 à 15 % des cas, une fibrose significative est repérée .
Hyperferritinémie et HSD
Il existe un lien indiscutable entre anomalies du métabolisme du fer et insulinorésistance. La littérature est toutefois trompeuse en ce domaine car elle tend à assimiler, dans ce contexte, hyperferritinémie et augmentation du stock en fer. Cette hyperferritinémie est grossièrement proportionnelle au degré d’insulinorésistance, à tel point qu’elle a pu être proposée comme un marqueur à part entière du syndrome métabolique. Elle est prédictive, chez le normoglycémique, de l’installation, à 3 ans, d’une hyperglycémie. Deux grands mécanismes sont susceptibles d’entraîner une hyperferritinémie au cours du syndrome métabolique :
– augmentation de synthèse de ferritine sous l’effet de la production, par le tissu viscéral adipeux, de cytokines pro- inflammatoires ;
– relargage de ferritine par nécrose hépatocytaire et/ou par stimulation du processus d’érythrophagocytose.
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Table des matières
INTRODUCTION
ABREVIATIONS
JUSTIFICATION
CONTEXTE
I. Les causes d’hyperferritinémie et démarche diagnostique en soins primaires
II. Le syndrome métabolique
II. 1. Définition du syndrome métabolique
II. 2. Épidémiologie du syndrome métabolique
II. 3. Formes cliniques de stéatopathie métabolique
III. L’hépatosidérose dysmétabolique
III. 1. Définition
III. 2. Hyperferritinémie et HSD
III. 3. Hyperferritinémie : facteur aggravant de l’insulinorésistance ?
III. 4. Lien entre HSD et hépatopathie métabolique
III. 5. Physiopathologie de l’HSD au cours de l’hépatopathie métabolique
ARTICLE
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODES
RÉSULTATS
I. Description de la population
II. Analyse des entretiens
II. 1. Le traitement proposé par les médecins interrogés devant une hyperferritinémie dysmétabolique
II. 1. a. La prise en charge diététique et conseils d’hygiène de vie
II. 1. b. Abstention thérapeutique
II. 1. c. Traitements médicamenteux prescrits
II. 1. d. Réalisation de saignées
II. 1. e. Chélateurs du fer
II. 2. Recours à un avis spécialisé
II. 3. Difficultés rencontrées par les médecins généralistes interrogés devant la prise en charge d’une hyperferritinémie dysmétabolique
II. 4. Facteurs influençant la décision de prise en charge thérapeutique
II. 4. a. Facteurs liés au patient
II. 4. b. Facteurs liés au médecin
II. 5. Résultats secondaires
II. 5. a. Causes d’hyperferritinémie rencontrées en médecine générale
II. 5. b. Signes cliniques recherchés devant la présence d’une hyperferritinémie
II. 5. c. Examens complémentaires prescrits après une découverte d’une hyperferritinémie
II. 5. d. Diagnostic de l’étiologie dysmétabolique à l’hyperferritinémie
II. 5. e. Indications du dosage de ferritine
DISCUSSION
I. Discussion de la méthode
II. Discussion des résultats
II. 1. Rappel des principaux résultats
II. 2. L’abstention thérapeutique
II. 3. La prise en charge diététique
II. 4. La réalisation de saignées
II. 5. Chélateurs du fer
II. 6. Recours à un avis spécialisé
II. 7. Facteurs influençant la prise en charge thérapeutique effectuée
II. 8. Indications du dosage de ferritine
II. 9. Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE: Guide d’entretien