Les causes des changements d’affectation des sols

Les causes des changements d’affectation des sols

La couverture terrestre comprend la surface et le sous-sol peu profond, incluant les populations humaines, la faune, la flore, le sol, la topographie, l’eau souterraine et de surface, et les ouvrages érigés par l’homme (Lambin et al., 2003). Généralement, les changements d’affectation des sols, désignent les changements provoqués par l’homme dans l’utilisation ou la gestion des terres qui peuvent entraîner des modifications de la couverture terrestre (GIEC, 2007). Un CAS se définit comme le passage d’une terre d’une classe de couvert à une autre (par exemple d’une forêt à une terre cultivée ou d’une terre cultivée à une zone urbaine).

On observe des CAS très préoccupants dans les régions tropicales où le déboisement entraîne, entre autre, le déplacement de populations indigènes, l’extinction d’espèces animales et végétales, une perturbation du cycle de l’eau et une augmentation des émissions de CO2. Bien qu’il n’existe pas d’estimation très précise de l’étendue de la déforestation tropicale (Grainger, 2008, 2009), les données disponibles indiquent que le phénomène est important. Certaines régions d’Asie et d’Amérique Latine affichent des taux de déforestation entre 2 et 5 % an⁻¹ (Lambin et al., 2003). Plus généralement, des transformations rapides de la couverture terrestre ont eu lieu ces dernières décennies : dégradation des régions arides en Asie, déforestation en Amazonie, augmentation rapide des surfaces cultivées souvent associée à une déforestation à grande échelle en Asie du Sud Est, dégradation des forêts en Sibérie principalement à cause de l’exploitation forestière, diminution des surfaces cultivées au Sud-Est des États-Unis et à l’Est de la Chine (Lepers et al., 2005). Cependant, des observations récentes indiquent un ralentissement de la déforestation en Asie tropicale et au Brésil (Friedlingstein et al., 2010).

La déforestation a souvent été associée à la pauvreté et la démographie. Par exemple, dans les scénarios du GIEC de 1992, IS92a-IS92f, les surfaces déboisées sont proportionnelles à la population avec un décalage de 25 ans (IPCC, 2000, p. 143). Cette représentation est simpliste, les causes des changements d’affectation des sols se révélant complexes et multiples (Lambin et al., 2001). Les CAS sont le résultat de “décisions prises par les acteurs locaux qui répondent aux opportunités et contraintes créées par de multiples facteurs à différents niveaux d’organisation du système socio-écologique” (Scouvart et Lambin, 2006). On peut distinguer les causes proximales : l’expansion agricole, le développement du secteur forestier et l’extension des infrastructures, et les causes ultimes, à savoir un faisceau de facteurs naturels, économiques, technologiques, démographiques, institutionnels et culturels (Lambin et al., 2003). Selon une méta analyse sur la déforestation dans les tropiques, dans l’écrasante majorité des études sélectionnées, les CAS sont provoqués par la synergie de plusieurs facteurs parmi lesquels prédominent les changements des politiques nationales et des conditions économiques conditionnées par des facteurs institutionnels (Geist et Lambin, 2002). Par ailleurs, les causes des CAS évoluent. Alors que dans les années 1970 et 1980, la déforestation dans les tropiques était majoritairement le résultat des politiques de colonisation, entre 2000 et 2005, elle était positivement corrélée avec l’augmentation de la population urbaine et des exportations de produits agricoles (Defries et al., 2010).

La mondialisation a une grande influence sur les CAS. Elle accroit les interconnections entre les nations et les personnes via les marchés, les échanges d’informations et de capital, les migrations humaines et les institutions politiques et sociales (Lambin et Meyfroidt, 2011). Bien que la mondialisation puisse en théorie optimiser l’utilisation des terres (théorie des avantages comparatifs), en réalité, elle ne fait que modifier la répartition régionale de l’expansion agricole et de la déforestation, voire, dans certains cas, accélère ces deux phénomènes. Selon Lambin et Meyfroidt, quatre effets y participent. (i) En créant des réserves naturelles, en luttant contre la déforestation et en mettant des terres agricoles en retrait par des incitations à la mise en jachère, certains pays déplacent leur activité agricole et forestière. D’autres pays, en mettant sur le marché d’énormes quantités de produits agricoles et forestiers, font baisser les prix et facilitent la repousse de forêts ailleurs. Cet effet transfert prend aussi la forme de transactions foncières internationales à grande échelle (Anseeuw et al., 2012). (ii) En améliorant l’efficacité de la production, certains progrès techniques et certaines politiques réduisent la consommation de ressources par unité de production. Cependant, une augmentation de l’efficacité de la production baisse automatiquement son coût. Les économies déployées vont permettre de consommer d’avantage, ce qui induit finalement une augmentation de la consommation de ressources. Cet effet rebond ou paradoxe de Jevons (Alcott, 2005), peut annuler les bénéfices d’une nouvelle technologie. Bien que l’intensification agricole ait permis de réduire les surfaces agricoles dans plusieurs pays, lorsque cette intensification a concerné des cultures commerciales (soja au Brésil, palmier à huileen Indonésie et en Malaisie par exemple), elle a stimulé l’expansion des terres cultivées. (iii) En 2009, 214 millions de migrants ont envoyé 414 millions de dollars de fonds dans leur pays d’origine. Les conséquences de ce transfert sur l’usage des sols dépendent fortement du contexte, réduisant la déforestation dans certains cas et l’augmentant dans d’autres. (iv) Enfin, l’effet cascade est une chaîne d’évènements déclenchée par la perturbation d’un système. Appliqué à l’usage des sols, cet effet est appelé changement d’affectation des sols indirect (CASI), provoqué notamment par les politiques en faveur des agrocarburants . L’effet cascade est une succession de changements d’affectation des sols et de substitution entre cultures ce qui le rend plus difficilement mesurable que l’effet transfert défini plus haut.

Si les CAS sont toujours le résultat d’une combinaison de facteurs, l’expansion agricole est de loin la cause proximale principale. Selon la méta-analyse déjà citée qui porte sur les causes de la déforestation dans les tropiques (Geist et Lambin, 2002), l’expansion agricole est associée à 96 % des cas étudiés. L’expansion agricole inclut le déboisement pour la culture permanente ou itinérante, l’élevage bovin et l’agriculture de colonisation (projets gouvernementaux de déplacement de population et de réinsertion des migrants). Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), sur la période 1980-2000, plus de la moitié de l’augmentation des surfaces agricoles dans les tropiques s’est faite au détriment de forêts primaires et 28 % au détriment de forêts secondaires (Lambin et Meyfroidt, 2011).

Bien qu’il n’existe que peu de données sur la conversion de pâtures en terres cultivées, zones urbaines ou forêts, certains exemples permettent d’illustrer ce phénomène. Seulement 9 % des prairies originelles à herbes hautes d’Amérique du Nord ont été conservées, le reste a été transformé en terres cultivées (71 %), en zones urbaines (19 %) et en forêts ( %1). Il en va de même pour le cerrado d’Amérique du Sud dont seulement 21 % a subsisté sous forme de pâtures, le reste ayant été majoritairement converti en terres cultivées (Steinfeld et al., 2010, p. 37). En Union Européenne, entre 1990 et 2000, l’expansion des surfaces artificielles (étalement urbain et infrastructures) s’est faite principalement au détriment des terres cultivées (48 %) et des prairies (36 %) . Sur la même période, le pays affichant le taux d’accroissement des surfaces artificielles le plus élevé d’Europe est l’Irlande (3 % an⁻¹ entre 1990 et 2000), où c’est principalement des prairies qui ont été converties (à 80 %, ?).

Les prospectives agricoles

Le rapport Agrimonde présente deux scénarios élaborés par un panel d’experts multidisciplinaire s’appuyant sur le module quantitatif Agribiom. Ce module, basé sur les bilans ressource-emplois de la FAO, assure la cohérence entre les flux annuels de denrées alimentaires produites, échangées et consommées. Le premier scénario, AGO, est un scénario tendanciel inspiré du scénario Global Orchestration du Millenium Ecosystem Assessment, dans lequel deux facteurs, l’absence de barrières douanières et une croissance économique importante contribuent à réduire fortement la pauvreté, ce qui a pour effet de stimuler la consommation de produits animaux comme la viande, les œufs et le lait. Dans ce scénario, les produits animaux et végétaux sont produits à bas coût par quelques agro-industries faisant fi des risques climatiques, épidémiques et économiques (comme l’augmentation du prix de l’énergie).

Le scénario AG1, pour Agrimonde 1, décrit un futur très différent du scénario AGO dans lequel l’usage des techniques agricoles industrielles décline et dans lequel se développe une agriculture qui s’inspire des savoir-faire traditionnels et du fonctionnement des milieux naturels (agroécologie). AG1 est un scénario de rupture avec un système agricole industriel fortement dépendant d’intrants qui cherche à économiser la main d’œuvre. Ce scénario décrit un modèle agricole fondé sur une mosaïque d’agro-écosystèmes complexes hautement productifs (comprenant des arbres) qui économisent le capital, les intrants, et l’eau en exploitant les meilleures synergies biologiques locales.

La méthodologie utilisée par Tilman et al. est la suivante : après avoir classé les pays du monde en 7 niveaux de PIB par habitant, ils ont réalisé une projection de croissance de ces groupes de pays jusqu’en 2050 en s’inspirant de la courbe de Kuznets. Les relations entre PIB par habitant et régime alimentaire d’une part, et rendement agricole et consommation d’engrais azotés d’autre part, sont déterminées en utilisant des régressions. Dans cette analyse, nous avons retenu deux scénarios présentés dans Tilman et al. (2011) : (i) un scénario qui prolonge les tendances passées, avec d’un côté des pays pauvres à faible rendement agricole qui augmentent leur production principalement en étendant leur surface cultivée et de l’autre des pays riches à haut rendement agricole qui continuent à augmenter leur production par l’intensification et le progrès technique, et, (ii) un scénario économe en terres qui suppose une convergence des taux d’application d’engrais azotés entre les différents types de pays, une continuation des progrès des techniques agricoles et un transfert technologique qui permettrait à tous les pays du monde d’adopter les techniques intensives du groupe des pays les plus riches.

L’incertitude associée à la population n’est pas analysée ici. La FAO et Tilman et al. se fondent sur la version 2009 du scénario médian des Nations Unies dans laquelle la population mondiale atteindrait 9,15 milliards d’habitants en 2050 (UN, 2009). Les deux scénarios du rapport Agrimonde utilisent la version 2007 du scénario médian des Nations Unies dans laquelle la population mondiale atteint 9,06 milliards d’habitants en 2050. Cependant, certains pays ont été exclus car les statistiques de la FAO étaient très mal ou très irrégulièrement renseignées (Afghanistan, Antarctique, Bhoutan, Irak, Oman, Papouasie Nouvelle-Guinée, Sahara Occidental, Somalie, ainsi que de nombreuses îles et micro-états représentant aujourd’hui 2 % de la population mondiale). Par conséquent, la population Agrimonde en 2050 s’élève à 8,8 milliards.

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Table des matières

Introduction
Bibliographie
1 Le changement d’affectation des sols au cœur de multiples problématiques
1.1 Les causes des changements d’affectation des sols
1.2 Les prospectives agricoles
1.2.1 La consommation de produits agricoles
1.2.2 Le rendement agricole
1.2.3 Quelle surface cultivée en 2050 ?
1.2.4 La disparité des prospectives agricoles
1.3 La modélisation des changements d’affectation des sols à l’échelle mondiale par le GIEC
1.3.1 Les émissions de CO2 provoquées par les changements d’affectation des sols
1.3.2 Les scénarios prospectifs du 4e et du 5e rapport du GIEC
1.3.3 Les changements d’affectation des sols dans les scénarios SRES et RCP
1.4 Les agrocarburants
1.4.1 Introduction
1.4.2 La production d’agrocarburants dans le monde
1.4.3 La controverse sur les ACV
1.4.4 Un potentiel de production très variable selon les études
1.4.5 L’impact de la substitution des agrocarburants aux carburants pétroliers sur l’économie
1.4.6 Conclusion sur les agrocarburants
1.5 Le Nexus Land-Use, un modèle pour explorer les liens entre alimentation, énergie et environnement
Bibliographie
2 The Nexus Land-Use model version 1.0, an approach articulating biophysical potentials and economic dynamics to model competition for land-use
2.1 Introduction
2.2 Scope and principles of the model
2.2.1 Modelling strategy
2.2.2 Modelling architecture
2.2.3 Biomass categories
2.2.4 Model resolution
2.3 Modelling agricultural intensification and biophysical constraints
2.3.1 Land area classes of potential yields
2.3.2 Crop production function
2.3.3 Livestock production system
2.3.4 Distribution of agricultural areas over land classes
2.4 Economic drivers and model dynamics
2.4.1 Crop production
2.4.2 Livestock production
2.4.3 Minimisation program
2.4.4 International trade
2.5 Model calibration
2.5.1 World supply and use of crop calories
2.5.2 Calibration of the production function and the regional price of food crops calories for base year 2001
2.5.3 Calibration of fixed costs per hectare
2.5.4 Adjustments to the livestock model
2.6 Example of model outputs
2.6.1 Scope, parameters and scenarios
2.6.2 Key results
2.7 Discussion
2.8 Conclusion
2.A Appendix: Sample output run
Bibliography
3 Modelling economic and biophysical drivers of world agricultural land-use change. Calibration and evaluation of the Nexus Land-Use model over 46 years (1961-2006)
3.1 The Nexus Land-Use model
3.1.1 Short description
3.1.2 Changes from previous version
3.2 Historical data for model evaluation (1961-2006)
3.2.1 Food production and trade in calories
3.2.2 Fertiliser consumption and price
3.2.3 Other crop productions and areas
3.2.4 Fixed cost (labour and capital)
3.2.5 Potential yield
3.2.6 Livestock production model
3.3 Results: Calibration and evaluation of specific model components
3.3.1 Crop yield function of input in each land class of each region
3.3.2 International trade module
3.4 Results: Evaluation of the Nexus Land-Use model to reproduce past cropland areas
3.4.1 Simulation with forced trade (FT)
3.4.2 Simulation with endogenous trade (ET)
3.5 Robustness of the evaluation
3.6 Comments on model evaluation
3.7 Concluding remarks
3.A Appendix: Changes from Nexus Land-Use version 1.0
3.A.1 Intensive pasture areas
3.A.2 Fodder crops in global supply/demand balance
3.B Historical data (1961-2006)
3.B.1 Fertiliser price and consumption
3.B.2 Other crop production and cropland area
3.B.3 Potential yield
3.B.4 Livestock production model
3.C Evaluation and calibration of specific model components
3.C.1 Crop yield function in each land class
3.C.2 International trade module
3.C.3 Grassland yield
3.D Robustness of the evaluation
3.D.1 Land-use dataset from Erb et al. (2007)
3.D.2 Yield datasets
3.D.3 Histograms of the land area classes of potential yield
Bibliography
Conclusion

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