Les causes de l’anémie ferriprive

Les causes de l’anémie ferriprive 

Les raisons de cette carence en fer sont plurifactorielles : hémorragie par l’intestin grêle, défaut d’absorption du fer, réduction de la quantité de fer apportée par l’alimentation .

Due au régime alimentaire 

Le régime alimentaire des patients atteints de MICI est souvent altéré afin de réduire les symptômes digestifs de la maladie. Ces modifications peuvent avoir pour conséquence une diminution d’apport en fer ou de sa biodisponibilité par rapport à une population contrôle. Une étude réalisée en 2004 s’est consacrée aux habitudes alimentaires de 91 patients atteints de MICI et 91 personnes saines (population contrôle) sur une semaine entière . Cette étude a montré que l’apport en fer est plus faible chez les patients atteints de MICI que chez les personnes saines (9,3 mg/j vs 11,6 mg/j). Ils ont montré que peu de patients consomment la quantité de fer recommandé dans les apports nutritionnels de référence qui sont 14,8 mg/j pour les femmes de moins de 50ans et 8,7 mg/j pour les femmes de plus de 50ans et pour les hommes. Seuls 32% des patients atteignent cette valeur, contre 42% dans la population contrôle.

En regardant de plus près leur alimentation, ils n’ont retrouvés aucune différence significative entre les 2 groupes concernant l’apport énergétique journalier, ou encore l’apport de protéines, lipides et glucides. En revanche les céréales, moins consommées par les patients contribuent à un apport amoindri en fer.

Par malabsorption intestinale 

Les MICI s’accompagnent fréquemment d’une malabsorption intestinale : il s’agit d’une malabsorption d’un ou plusieurs nutriments, notamment le fer, à travers la barrière intestinale.
Une étude sur 19 patients atteint de MC dont certains sont en poussées et d’autres en rémission, s’est intéressé à la concentration en fer après ingestion de celui-ci par voie orale .

Dans le cas de forme inactive de la maladie : la concentration en fer accroît fortement puis se stabilise jusqu’à H4, alors que dans les formes actives de la MC : la concentration augmente légèrement à H1 puis décroît rapidement. Dans cette étude, les chercheurs ont corrélés cette malabsorption intestinale du fer au caractère inflammatoire de la maladie.
La deuxième hypothèse envisagée pour justifier la mauvaise absorption intestinale du fer en cas de MICI concerne le microbiote intestinal : en effet les bactéries de la flore digestive semblent avoir un impact sur l’absorption du fer par notre organisme. La pullulation microbienne fréquemment retrouvé lors des maladies inflammatoires intestinales, est en faveur d’une mauvaise absorption des nutriments et notamment du fer.

Par saignements intestinaux 

Les hémorragies digestives sont la première cause d’anémie par carence martiale. Chez la femme en âge de procréer, les saignements menstruels sont la première cause de carence martiale . Toutefois ces pertes sanguines ne s’intéressent qu’à une certaine catégorie de la population (femme en âge de procréer) et ne sont pas pertinente d’une MICI. De façon plus générale, et c’est ce qui va nous intéresser ici, la perte excessive de fer s’explique par la présence de saignements digestifs . Dans le cas des MICI, il n’est pas rare d’observer des pertes sanguines digestives, que ce soit à l’intestin grêle, au côlon, au rectum ou encore à l’anus. Ces saignements sont la cause des différents symptômes de la pathologie : abcès, perforation, fissure, hémorroïdes, fistules, etc. S’ils sont conséquents ils peuvent être la cause de carence martiale chez ces patients.

Anémie inflammatoire 

Sa prévalence dans une étude qui a été faite en Italie est estimée à 31% pour les patients atteints de la maladie de Crohn, et 24 % pour ceux atteints par RCH. Dans l’étude qui a été faite dans notre service de gastroentérologie en 2016, l’anémie était inflammatoire dans 26% des patients atteints de la RCH . Dans l’étude faite en Tunisie en 2016, l’anémie était inflammatoire dans 40% des cas . Dans notre étude, la fréquence de l’anémie inflammatoire est de 38%.

L’anémie inflammatoire qualifiée par les anglo-saxons d’anémie des maladies chroniques (anemia of chronic disease [ACD]) se rencontre dans de nombreuses situations cliniques dont le point commun est l’existence d’un syndrome inflammatoire biologique. L’inflammation représente ainsi chez l’adulte la seconde cause d’anémie après la carence en fer. Les cytokines inflammatoires, TNF-α, INF-γ, TGF-β, IL-1 and IL- 6, ont un impact sur l’érythropoïèse à trois niveaux : une toxicité directe sur les phases précoces de l’érythropoïèse ; une production insuffisante d’érythropoïétine ; un déficit en fer disponible pour l’érythropoïèse. La découverte de l’hepcidine a permis de relier inflammation et perturbation du métabolisme du fer et offre ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques.

Dysrégulation de l’homéostasie du fer 

Une caractéristique de l’anémie inflammatoire est le développement de troubles de l’homéostasie du fer, avec une augmentation de l’absorption et la rétention de fer dans les cellules du système réticuloendothélial. Ceci conduit à un détournement du fer de la circulation vers des sites de stockage du système réticulo-endothélial, une limitation subséquente de la disponibilité du fer pour les cellules progénitrices érythroïdes et une érythropoïèse limitée en fer.

Pour mettre en évidence ce phénomène, une étude s’est intéressée à des souris auxquelles on injecte les cytokines pro-inflammatoires IL-1 et TNF-α. Elles développent alors rapidement une carence martiale et une anémie , imputable à la synthèse de ferritine (principale protéine de stockage du fer) stimulée par les cytokines.

Dans l’inflammation chronique, c’est la phagocytose des érythrocytes et le transporteur DMT1 qui participent au stockage du fer dans les macrophages (80,81). INF-γ, TNF-α et lipopolysaccharides (LPS) augmentent l’expression de DMT1, et donc en conséquence, augmentent l’absorption du fer par les macrophages .

Les cytokines pro-inflammatoires participent également à la rétention du fer dans les macrophages en diminuant l’expression de ferroportine (protéine exportatrice de fer) et empêchant ainsi au fer de quitter les cellules .

Rôle de l’hepcidine 

L’homéostasie du fer est régulée par l’hepcidine . L’hepcidine, oligopeptide anti-infectieux extrêmement conservé au cours de l’évolution, est une hormone hyposidérémiante agissant par inhibition de la ferroportine transporteur membranaire du fer soluble. L’hepcidine inhibe par cela à la fois l’absorption digestive du fer au niveau des entérocytes mais aussi la libération du fer intra-macrophagique et hépatocytaire. La surexpression d’hepcidine sera responsable d’une anémie avec carence martiale et au contraire, son absence conduit à une surcharge en fer.

Sa synthèse par les hépatocytes est augmentée par l’augmentation de la concentration plasmatique en fer, et les cytokines pro-inflammatoires : IL-6 en particulier; à l’inverse, la synthèse d’hepcidine est diminuée par l’hypoxie érythrocytaire, l’anémie, l’EPO . Donc lors d’une poussée de MICI, l’IL-6 synthétisée va stimuler la synthèse d’hepcidine et ainsi piéger le fer aux entérocytes et macrophages, conduisant à une anémie inflammatoire ferriprive.

Anémie par carence en vitamine B12 et acide folique 

La carence en vitamine B12 (cobalamine) est une cause courante d’anémie macrocytaire. La cobalamine alimentaire est clivée de sa protéine de liaison par l’acide et la pepsine dans l’estomac et se lie au facteur R, qui est produit dans la salive et l’estomac. Ce complexe se déplace vers le duodénum où la cobalamine est clivée du facteur R par les protéases pancréatiques et se lie au facteur intrinsèque (FI), qui est également produit dans l’estomac. Le composé FI-cobalamine se déplace ensuite vers l’iléon où il se lie à un récepteur spécifique, la cobalamine, puis est absorbé par la muqueuse iléale. Elle est ensuite libérée du FI et traverse la muqueuse pour arriver dans la circulation portale. Dans le plasma, elle est prise en charge par les transcobalamines qui l’amène aux organes de réserves et aux cellules utilisatrices. Les réserves totales sont importantes (2 à 4 mg) et suffisantes pour couvrir les besoins pendant 3-4 ans (104,105) La carence en Cobalamine (vitamine B12) est particulièrement fréquente chez les personnes âgées. Toute anomalie le long de la voie peut entraîner une malabsorption B12, qui à son tour peut conduire à une carence en B12 .

La maladie de Crohn (MC) implique fréquemment l’iléon, qui est le site de l’absorption de B12. Il existe plusieurs mécanismes potentiels par lesquels la MC peut conduire à une carence en B12. Ceux-ci incluent l’inflammation de l’iléon distal, le développement des fistules, la prolifération bactérienne de l’intestin grêle et la résection de l’iléon distal.

Des études antérieures ont signalé une variation marquée de la prévalence de la carence en B12 chez les patients MC (intervalle: 0% à 60%). Des études récentes qui ont été effectuées par Headstrom et al. Évalué 201 patients MC. Cette étude indique que le taux de carence en B12 est de 18,4%. .

La rectocolite ulcéro-nécrosante (RCH) est également une maladie inflammatoire limitée au côlon, avec peu ou pas d’atteinte iléale, et la prévalence de la carence en B12 chez les patients atteints de RCH est similaire à la population générale . La prévalence de la carence en folate chez les patients MC était de 0% à 81%. Chez les patients MC, la carence en folate semble plus fréquente que la carence en vitamine B12, en particulier chez les patients sous sulfasalazine .

Ferritinémie et le coefficient de saturation de la transferrine (CST) 

La ferritine est l’examen de première intention pour rechercher une carence en fer. La ferritine, principale protéine de stockage du fer est le marqueur qui reflète le mieux les réserves en fer. Les valeurs physiologiques varient de 20 à 200 μg/L pour la femme et de 30 à 300 μg/L pour l’homme . Une ferritinémie inférieure à 30 μg/L est un critère diagnostic pour une carence martiale, à condition que le patient ne soit pas en période de poussée inflammatoire de la maladie, car le processus inflammatoire peut augmenter le taux de ferritine. Dans ce cas, on peut considérer qu’il y a une carence même si le taux de ferritinémie est supérieur à 100 μg/L.

Le coefficient de saturation de la Transferrine (CST), 2ème marqueur essentiel pour évoquer une carence martiale, devra quant à lui être inférieur à 20 % pour définir une carence martiale d’après les dernières recommandations européennes . En conditions physiologiques, il varie de 20 à 40 % chez l’homme et de 15 à 35 % chez la femme . Il reflète bien le transport du fer, et en cas de diminution, il faut s’attendre à une diminution de livraison du fer pour l’érythropoïèse et donc à une anémie.

Impact de l’anémie sur la qualité de vie au cours des MICI

L’anémie dans les MICI réduit une qualité de vie déjà altérée, comparable à celle d’un patient atteint d’un cancer dans un stade avancé ; Cependant, une gestion réussie de l’anémie s’est révélée améliorer la qualité de vie . Les signes et symptômes de la carence en fer dépendent de la gravité et de la chronicité de l’anémie, en plus des signes habituels d’anémie, y compris la fatigue, la pâleur et une capacité d’exercice réduite. Cheilosis et koilonychia sont des signes de carence en fer tissulaire avancée. Les principaux symptômes de l’anémie, tels que la dyspnée et la tachycardie, sont dus à une diminution des niveaux d’oxygène dans le sang et une hypoxie périphérique. Le transfert de sang compensatoire des artères mésentériques peut aggraver la perfusion de la muqueuse intestinale . Le trouble de la motilité, les nausées, l’anorexie et même la malabsorption ont été attribués à l’anémie. Réduction du métabolisme et de l’efficacité énergétique pendant l’activité physique contribuent également à la perte de poids dans l’anémie.

L’hypoxie centrale peut entraîner des symptômes tels que des maux de tête, des étourdissements, des vertiges ou des acouphènes. Plusieurs études ont confirmé que le traitement de l’anémie améliore la fonction cognitive . Le fer est un composant de la myoglobine de l’hémoglobine, des cytochromes et de nombreuses autres enzymes. Ainsi, l’anémie affecte négativement presque tous les aspects de la vie quotidienne chez les patients atteints de MICI. Les hommes souffrant d’anémie ferriprive peuvent souffrir d’impuissance. La perte de libido contribue à la qualité de vie altérée dans les deux sexes . En outre, une carence en fer latente peut être responsable de symptômes «non hématologiques» tels que la perte de cheveux, la paresthésie des mains et des pieds et une fonction cognitive réduite, et peut également être significativement associé au syndrome des jambes sans repos.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
I. Type de l’étude
II. Population cible
III. Variables à l’étude
IV. Collecte des données
V. Considérations éthiques
RESULTATS
I. Fréquence de l’anémie au cours des MICI
II. Age moyen
III. Sexe ratio
IV. Niveau socio économique
V. Antécédents
VI. L’évaluation de la maladie
1. Le profil de la maladie de crohn
2. L’étendue de la RCH
3. Sévérité de la maladie
4. Manifestations extra-digestives
VII. Donnés biologiques
1. Numération formule sanguine
2. Protéine C réactive
3. Ferritinémie
VIII. Mécanismes de l’anémie
IX. Traitement
1. Traitement médical
2. Traitement chirurgical
X. Evolution
DISCUSSION
I. EPIDEMIOLOGIE
II. MECANISMES DE L’ANEMIE AU COURS DES MICI
1. L’anémie ferriprive
2. Anémie inflammatoire
3. Anémie par carence en vitamine B12 et acide folique
4. Anémie médicamenteuse
5. Anémie hémolytique auto-immune
6. Anémie dans le cadre d’un syndrome myélodysplasique
III. DIAGNOSTIC
1. La mesure de l’hémoglobine
2. VGM/TCMH/CCMH
3. Ferritinémie et le coefficient de saturation de la transferrine
4. Les récepteurs solubles de la transferrine
IV. Corrélation entre l’activité de la MICI et la profondeur de l’anémie
V. Impact de l’anémie sur la qualité de vie au cours des MICI
VI.TRAITEMENT
1. Objectifs thérapeutiques
2. Moyens thérapeutiques
3. Contrôle de l’efficacité du traitement
4. Algorithme thérapeutique
CONCLUSION

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