L’Etude épidémiologique
Les carcinomes thyroïdiens sont des tumeurs malignes rares ; ils représentent 1 % des cancers et les tumeurs endocrines les plus frequentes. [1,2,4] Depuis les annees 1970, l’incidence du cancer thyroidien augmente dans la plupart des pays du monde, dont le Maroc ou l’incidence est estimee a 0,6/100 000. [3,5-12] Cette augmentation peut etre expliquee par la performance et le faible cout des moyens diagnostiques (echographie, cytoponction), par la sensibilisation du milieu medical et de la population, le suivi des personnes a haut risque et la modification des criteres histologiques, comme en temoigne la proportion croissante des formes papillaires avec microcancers [7]. Cette augmentation d’incidence n’est pas specifique du cancer de la thyroide. Elle touche egalement d’autres organes comme le sein ou la prostate qui font, a l’heure actuelle, l’objet d’une detection intensifiee. [6,9-11] L’incidence des carcinomes thyroidiens dans notre etude est superieure a 6 cas/an, leur prevalence (par rapport aux autres pathologies thyroidiennes pendant notre duree d’etude) est de 12,16%. Rego-Iraeta et al [13] rapportent un pourcentage similaire, alors que les donnees africaines [14,15], rapportent une prevalence de 6,33% et 7,68 % respectivement. Ceci s’expliquerait par un acces difficile aux structures de sante dans les pays en voie de developpement.
L’Examen clinique
L’interrogatoire doit rechercher les facteurs de risque qui sont : l’antecedent d’irradiation cervicale, les antecedents familiaux de carcinomes thyroidiens, l’age inferieur a 20 ans ou superieur a 60ans, et le sexe masculin. L’examen de la thyroide est realise sur un patient assis, tete legerement flechie en avant ; A l’inspection : on apprecie le volume du cou, les modifications des teguments ; A la palpation : l’examinateur derriere le patient, mains a plat enserrant le cou, doigts a plat explorant avec la pulpe la surface de la thyroide. Il retrouve un nodule cervical anterieur et mobile a la deglutition dont il precise les caracteres : taille, limites, siege, mobilite, sensibilite, consistance. Le nodule thyroidien est fortement suspect de malignite lorsque qu’il est sensible, ferme ou indure, irregulier ou fixe, lorsqu’il existe des signes compressifs, ou une augmentation rapide de sa taille [8,21,49,50].
La taille du nodule ne constitue pas un argument en faveur du cancer, cependant, le pronostic des cancers est lie a ce parametre. C’est pour cela qu’il est important de prendre avec prudence les nodules qui depassent 3-4 cm. [28] L’examen regional recherche des adenopathies cervicales (palpation de toutes les aires ganglionnaires), les resultats doivent etre consignes sur un schema. Une laryngoscopie indirecte doit completer le reste de l’examen ORL a la recherche de syndrome compressif et notamment une atteinte recurrentielle. L’examen general recherche des metastases surtout osseuses, pulmonaires ou hepatiques en cas de signes d’appel. Les elements anamnestiques et les signes cliniques orientant vers la malignite des nodules thyroidiens, sont resumes dans le tableau n°IX en fonction de leurs degre de suspicion : eleve, moyen, faible.
La TSH : Elle permet de distinguer les rares nodules thyroidiens toxiques (associes a de faibles taux de TSH serique, qui ont un risque faible de malignite), des autres nodules peu fonctionnels, plus frequents (associes a un taux de TSH serique normale, et qui ont un risque de 5% a 10% de malignite). [42,48,57] La plupart des patients avec une TSH serique normale (0,5-5 mU/L) peuvent passer directement a l’echographie et a la cytoponction a l’aiguille fine, alors que les patients avec une TSH serique basse doivent etre conduits a la realisation d’examens morphologiques et scintigraphiques. [42,57] Une etude recente a compare les taux de TSH serique a la prevalence de survenue d’une tumeur maligne chez 1183 sujets : les patients atteints de nodules thyroidiens avec une TSH dans l’extremite inferieure de la fourchette normale (0,5 a 0,9 mu/l) avaient une prevalence de 3,7% de malignite. Les patients avec une TSH legerement plus eleve (de 1 a 1,7 mu / l) comptaient environ un double risque accru de malignite (8,3% de prevalence), et les patients avec un taux de TSH dans la moitie superieure de la fourchette de reference (1,8 a 5 mu / l) avaient un risque trois fois plus eleve de malignite (12,3% de prevalence). [42] Bien que ces donnees ne soient pas toujours confirmees dans d’autres etudes, la TSH serique peut etre un instrument utile pour l’evaluation globale du risque de malignite chez les patients presentant des nodules thyroidiens. [42] Nous avons repris ces fourchettes dans notre etude, les resultats sont comme suit (tableau n°X):
La Calcitonine : La calcitonine serique est un marqueur biologique sensible et specifique du cancer medullaire de la thyroide [30,42,50], dont la concentration est correlee au volume tumoral [50]. Un taux > 100 pg / ml est en faveur d’un carcinome medullaire [30,42]. Il est recommande de reserver le dosage de la calcitonine aux patients avec nodules thyroidiens suspects (flush syndrom, diarrhee motrice), ou ceux avec des antecedents familiaux de cancer de la thyroide. [42] En effet, c’est la conjonction des valeurs de la calcitonine basale et stimulee qui s’avere le plus sensible et specifique pour faire le diagnostic d’un carcinome medullaire : une calcitonine basale superieure ou egale a 30 pg/ml et une reponse de la calcitonine apres stimulation superieure ou egale a 200 pg/ml sont hautement predictives d’un carcinome medullaire avec une sensibilite de 90,5 %, et une specificite de 80,6 %. [30] Le test de stimulation par la pentagastrine (Pg) consiste a une injection intra-veineuse lente (sur trois minutes) de 0,5 μg/kg d’un analogue synthetique de la gastrine (pentagastrine- PeptavlonR) avec prelevements sanguins avant l’injection et une, trois, cinq et dix minutes apres le debut de l’injection.
Il permet de confirmer le diagnostic de pathologie des cellules C (carcinome medullaire ou hyperplasie benigne des cellules C). Il est inutile si la valeur de la calcitonine basale est tres elevee (> 100 pg/ml) avec un diagnostic de carcinome medullaire fortement probable sur des arguments cliniques ou cytologiques. Si la reponse de la calcitonine a la Pg est classiquement en faveur d’un carcinome medullaire, elle peut s’observer dans d’autres situations pathologiques ou physiologiques. Il faut noter que la tolerance a ce test est mediocre (malaises, flush, nausees). Chez le sujet adulte sain, le pic de la calcitonine stimulee est inferieur a 30 pg/ml dans 96% des cas. Un pic de la calcitonine stimulee compris entre 30-50 pg/ml est retrouve chez 4% des temoins normaux adultes avec une difference significative des valeurs de la calcitonine en fonction du sexe : pic de la calcitonine plus important chez l’homme. Dans le carcinome medullaire, le pic de la calcitonine stimulee est en regle superieur a 100 pg/ml, cependant, d’authentiques cancers (microcarcinomes) peuvent avoir une reponse de la calcitonine inferieure a cette valeur et, a l’inverse, d’ autres anomalies thyroidiennes (goitres multinodulaires, adenomes colloides, cancers thyroidiens differencies, thyroidites chroniques) peuvent s’accompagner d’une reponse a la Pg, (en regle < 100 pg/ml) temoignant d’une hyperplasie benigne reactionnelle des cellules C . [30]
Au niveau des ganglions lymphatiques : L’examen physique, quel que soit l’experience du praticien, peut passer a cote d’adenopathies cervicales [45,59,64,72,73]. L’echographie est invitee alors a participer a l’exploration des ganglions lymphatiques regionaux, et a temoigner de leur nature, en raison de sa forte sensibilite 90 a 92 %. [45,74] En effet, Kouvaraki et al [75], ont rapporte dans leur etude retrospective de 212 patients atteints de carcinomes thyroidiens ayant eu une echographie preoperatoire, que cet examen a permis dans 39% des cas, de retrouver une extension regionale aux ganglions lymphatiques et aux tissus adjacents alors que l’examen physique de ces patients etait considere comme ≪ normal ≫. Ainsi, l’echographie a participe a la modification du choix de la procedure chirurgicale chez ces patients, concernant un eventuel curage ganglionnaire cervical.[59]
Des resultats similaires sont rapportes dans la litterature et dans notre etude [42,45,73]. En effet, l’echographie a montre une atteinte ganglionnaire chez 16% de nos malades, contre 6% a l’examen clinique. Les criteres echographiques pour identifier les ganglions lymphatiques suspects ne se limitent pas a la taille (ganglion suspect si > 7,5 mm, > de 11 mm toujours pathologique [65], mais a d’autres caracteristiques architecturales egalement. Generalement, les ganglions lymphatiques benins sont ovales et aplatis avec un cortex lisse et un hile central visible (la disparition du hile est cependant retrouvee dans 40 % des ganglions normaux. [65] Les caracteristiques qui peuvent indiquer la malignite incluent une forme arrondie, un hile non reperable, un elargissement excentrique du cortex, des limites floues, une hypoechogenicite ou une echostructure heterogene, une alteration de la vascularisation intra ganglionnaire : hypervascularisation ou reseau vasculaire anarchique, des zones kystiques qui atteignent partiellement ou totalement le ganglion, et des calcifications (figure n°18). [41,43,47,59,63-66]
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
I. Epidémiologie
1- La Fréquence
2- L’âge
3- Le sexe
4- L’Origine géographique
5- Les Antécédents
II. L’Etude clinique
1- Le Motif de consultation
2- Les Signes fonctionnels
3- Le Délai de consultation
4- L’Examen clinique
III. Les Examens paracliniques
1- La Biologie
2- L’échographie
3- La Radiographie thoracique standard
4- La Cytoponction
5- La Scintigraphie
6- La tomodensitométrie
7- L’Anatomie pathologique
IV. Le Traitement
1- Le Traitement médical
2- Le Traitement chirurgical
3- L’Irathérapie
4- Le Traitement hormonal
5- Le Traitement adjuvant
V. Le Suivi
1- À court terme : les Suites post opératoires et complications
2- À long terme
DISCUSSION
I. L’Etude épidémiologique
1- La Fréquence
2- La Répartition selon le sexe
3- Selon l’âge
4 – Variations géographiques et ethniques
5- Les Facteurs de risques
II. L’Etude clinique
1- Les Circonstances de découverte
2- L’Examen clinique
3- Les Formes cliniques
III. L’Etude paraclinique
1- Le Bilan biologique
2- Les Moyens d’imagerie
3- La Cytoponction à l’aiguille fine
4- L’Anatomie-pathologique
5- La Valeur de l’examen extemporané
IV. Le Traitement
1- Le But
2- Les Moyens
3- Les Indications thérapeutiques
V- Le Pronostic
1- Les carcinomes différenciés
2 – Les Carcinomes anaplasiques
3 – Les Carcinomes médullaires
VI. La Surveillance
1- Les Carcinomes différenciés de la thyroïde
2- Les Carcinomes médullaires de la thyroïde
VII. L’Évolution et traitement
1- L’Attitude devant la maladie résiduelle des Carcinomes différenciés
2- L’Attitude thérapeutique devant une maladie résiduelle du Carcinome médullaire
CONCLUSION
RESUMES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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