Les carcinomes basocellulaires de la paupière

Le carcinome basocellulaire (CBC) est une forme commune de cancer cutané avec une incidence qui croît rapidement au niveau mondial (1–3). Le CBC est le plus fréquent des cancers cutanés et des cancers en général, représentant environ 30% de l’ensemble des cancers diagnostiqués (4), en particulier chez les patients de phototype clair. Les principaux facteurs de risque restent l’exposition aux rayonnements ultraviolets (5) et certaines prédispositions génétiques. Les CBCs surviennent préférentiellement sur les zones photo-exposées, avec un peu plus de 70 % des localisations au niveau de la face. Leur faible mortalité contraste avec leur forte morbidité. Ces tumeurs se développent lentement, n’entraînent que très rarement des métastases, mais possèdent un potentiel de destruction local important si elles ne font pas l’objet d’une exérèse rapide une fois diagnostiquées (6). Les larges CBCs et les lésions infiltratives sont associés à de fort taux de récidive, pouvant résulter en de sévères altérations esthétiques et fonctionnelles (cécité par exemple). Cette croissance a été caractérisée comme « iceberg-like », car la tumeur s’étend souvent au-delà des bords visibles macroscopiquement .

Les CBCs représentent 90% des tumeurs malignes des paupières (9). Sans prise en charge thérapeutique, les CBCs sont localement invasifs et destructeurs. Les lésions périoculaires sont typiquement traitées chirurgicalement avec des marges de contrôle utilisant la chirurgie micrographique de Mohs ou l’analyse de sections congelées (10,11). L’exérèse chirurgicale utilisant ces approches est curative dans 90% des cas (12–15). Cependant, les patients possédant des CBCs métastasiques ou des lésions locales avancées qui ont récidivé après chirurgie, ou les patients qui ne sont pas éligibles à un traitement par la chirurgie ou la radiothérapie, posent un défi thérapeutique.

Le traitement le plus souvent utilisé et le plus efficace, est l’exérèse chirurgicale, lors de laquelle une marge de tissus sains autour de la tumeur est également excisée (16). Etant donné que les CBCs surviennent le plus souvent sur les parties du corps exposées comme la tête et le cou, il est important de sauvegarder autant de tissus sains possibles, tout en réalisant une marge ne contenant pas de cellules tumorales pour des résultats esthétiques (en particulier au niveau des paupières) et fonctionnels optimaux (3). Les auteurs de nombreuses études sont en accord dans la préconisation de marges d’exérèse chirurgicale de 3 à 4 mm pour les formes de CBCs à faible risque de récidive, et de 5 à 10 mm pour les CBCs à fort risque comme les CBCs récidivants et morphéiformes (ou sclérodermiformes). Cependant, l’examen macroscopique des CBCs peut être affecté par différents facteurs (expérience de l’opérateur, tension de la peau, utilisation de lentille grossissante) augmentant significativement le risque d’erreur et donc de récidive (20). Pour pallier le manque de précision des marges cliniques, la délimitation de marges histologiques de sécurité (MHS) par examen anatomopathologique de fragments cutanés précédant les reconstructions s’est révélée être une technique fiable (21). Après exérèse de la tumeur, la MHS est définie comme la distance minimale entre la tumeur et le bord du tissu excisé, observée à l’aide d’un microscope.

Incidence

La représentation des CBCs dans les cancers de la peau a été estimée à 75% et constitue la forme la plus commune de tumeur maligne dans la population blanche, en particulier chez les individus de phototypes I et II. Le risque moyen de développer un CBC sur la durée de vie des personnes de peau blanche est estimé à 30% (24). La forte incidence des CBCs rend difficile un enregistrement et un suivi prospectif par les registres du cancer. Etant donné que la plupart des registres ne collectent que le premier CBC confirmé histologiquement par patient, la réelle incidence des CBCs est potentiellement sous-estimée (25). De plus, tous les cas de CBCs ne sont pas confirmés histologiquement et de larges variations régionales dans les taux d’incidence des CBCs sont rapportés. Ces différences peuvent être dues à des différences de localisation géographique (latitude) des populations étudiées, les périodes étudiées et les méthodes de recensement de ces CBCs .

La plus forte incidence de CBC a été rapportée en Australie, suivis par les Etats Unis puis par l’Europe (26,27). En France, le taux d’incidence pour 100 000 habitants dans le Haut-Rhin était de 92 (hommes), et 100.3 (femmes) en 1993 et de 103,5 (hommes) et de 104 (femmes) en 1996 (28). Globalement, on observe une majoration des cas de CBCs enregistrés en Europe durant les dernières décennies (29). Une incidence variant de 89 à 163.8 pour 100 000 habitants dans deux études écossaises a été observée entre 1995 et 1997 (30,31). L’incidence a doublé entre 1998 et 2010 en Allemagne (32). Ces augmentations pourraient être liées à l’allongement de la durée de vie, aux comportements d’exposition au soleil, à de meilleures campagnes de sensibilisation et performances de diagnostic des CBCs et de leurs enregistrements.

Histo- et pathogénèse

Les CBCs sont des carcinomes de la peau dérivés des cellules épidermiques. Différentes hypothèses ont été formulées concernant l’origine cellulaire des CBCs. La plupart des CBCs semblent émerger des cellules souches des follicules pileux, alors que certaines recherches démontrent que les cellules souches des CBCs sont localisés dans l’épiderme inter-folliculaire et l’infundibulum et non pas dans le bulbe (42). Le principal facteur carcinogène est le rayonnement UV ce qui explique pourquoi la plupart des tumeurs sont localisées sur des parties les plus photo exposées du corps. En effet, le CBC est l’une des tumeurs humaines comptant le plus de mutations (65/mégabases) (43,44) et arbore un large pourcentage de mutations signatures des UVs, lesquelles sont caractérisées par la transition de Cytosine (C) en Thymine (T) ou de CC en TT aux sites dipyrimidiniques .

Au niveau génétique, le facteur principal est l’activation de la voie de signalisation de Hedgehog (HH), pour lequel des mutations inactivatrices du gène suppresseur de tumeur PTCH1 (inhibiteur de la voie HH) sont identifiées dans 90% des cas sporadiques de CBCs, et mutations activatrices de SMO dans approximativement 10% des cas. Des altérations de la voie de signalisation de HH sont aussi retrouvées dans d’autres tumeurs dépendantes de cette voie tels que les médullo- et neuroblastomes (46). Ces tumeurs se développent chez les patients souffrant de naevomatose basocellulaire aussi dénommée syndrome de Gorlin. Cette maladie génétique prédispose à de multiples CBCs, ayant pour origine des mutations germinales de PTCH1, et moins fréquemment de PTCH2, SMO et SUFU. De nombreux inducteurs de mutations ont aussi été retrouvés dans des gènes liés au cancer, tels que MYCN (facteur pronostique défavorable le plus puissant pour le neuroblastome), les gènes suppresseurs de tumeurs PPP6C, LATS1, PTPN14 et FBXW7 ou en encore le gène du rétinoblastome RB1 (47). Des mutations dans le gène P53, gène le plus muté dans les cancers de l’homme et impliqué dans le cycle cellulaire, sont également fréquemment observées .

Epidémiologie

Facteurs de risques

Les CBCs se développent le plus souvent chez les adultes, plus particulièrement chez la population âgée, bien qu’ils puissent être rencontrés chez des adultes de moins de 50 ans. Les CBCs sont aussi plus fréquents chez les hommes que les femmes, avec un ratio approximativement de 2:1 (48). Cependant, l’incidence de CBC pour les sujets de moins de 40 ans est supérieure chez les femmes (49,50). Ceci peut être attribué aux changements vestimentaires des femmes et leurs comportements d’exposition au soleil. Les facteurs de risques majeurs des CBCs incluent l’exposition aux rayonnements UVs, les phototypes clairs, la vieillesse, les génodermatoses, les histoires familiales de CBCs et l’immunodépression .

Immunodépression

Les transplantés d’organes représentent un groupe de patients particulièrement à risque (52). En effet, une étude de population a rapporté une multiplication par 16 du risque de CBC post-transplantation, avec un risque plus élevé chez les transplantés rénaux (53,54). Une étude hollandaise (55) a rapporté un risque multiplié par 10 de développer un CBC, lequel augmente avec la survie post-greffe. Une étude récente a montré, chez les transplantés cardiaques, un risque de CBC augmenté de 20,4 %, 37,5 % et 46 % après 5, 10 et 15 ans respectivement (55). Il n’y a, en revanche, pas de différence entre le risque de développer un CBC entre la population générale et les patients atteints du virus de l’immunodéficience humaine .

Syndromes Génétiques

Jusqu’à présent, aucun profil génétique n’a été associé à un sous-type histologique spécifique de CBC. Le xéroderma pigmentosum, dû à des mutations germinales de gènes impliqués dans la réparation de l’ADN, représente le facteur de prédisposition génétique le plus connu (57). Les patients développent de multiples tumeurs, incluant les CBCs, ainsi que des mélanomes et carcinomes épidermoïdes, souvent à un âge précoce. Les CBCs sont aussi observés chez les patients atteints du syndrome de Bazex-Dupré-Christol (BDC), une génodermatose rare prédisposant à la survenue précoce de CBC. Récemment, des mutations dans le gène de ACTRT1 et de son amplificateur conduisant à une activation aberrante de la voie de signalisation HH ont été identifiées dans des familles affectées par le syndrome de BDC (58). Ces dernières années, des polymorphismes du gène MC1R (régulateur de la pigmentation) ont été identifiés comme facteurs de risque génétique des cancers cutanés. Parmi ces variants, certains sont fortement associés au phénotype RHC (pour red hair color) (59) et sont des facteurs de risque génétique des cancers cutanés en général .

Sous-types cliniques et histologiques

Il existe différents sous-types de CBCs classés en fonction de leur gravité selon les recommandations de l’ANAES (23) : 3 sous-types cliniques et 4 sous-types histologiques .

Ces différents sous-types histologiques peuvent se trouver seuls ou combinés, dans ce dernier cas le sous-type histologique retenu est celui dont le pronostic est le plus péjoratif.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. Introduction
1. Incidence
2. Histo- et pathogénèse
3. Epidémiologie
a. Facteurs de risques
b. Immunodépression
c. Syndromes Génétiques
d. Sous-types cliniques et histologiques
4. Prise en charge diagnostique
a. Place de la biopsie
b. Prise en charge des prélèvements histologiques au laboratoire d’anatomie pathologique
5. Pronostic
a. Facteurs cliniques : Localisation et taille
b. Groupes pronostiques
6. Prise en charge thérapeutique
a. Traitement chirurgical
b. Autres traitements
7. Suivi
II. Matériels et méthodes
1. Patients
2. Recueil des données
3. Données anatomo-pathologiques
4. Ethique
5. Analyse statistique
III. Résultats
1. Caractéristiques cliniques et histologiques des CBCs en fonction du risque de récidive
2. Caractéristiques cliniques et histologiques des CBCs en fonction du statut de récidive
3. Lien entre localisation du CBC, élastose et sous type histologique
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *