La morphologie des fibres végétales
La fibre végétale, présentée sur la figure 1.3a est constituée d’un lumen, un vide se situant au milieu de la fibre et d’une paroi plus ou moins épaisse suivant le type de fibre. Cette paroi est composée de quatre plis : la paroi primaire et les couches S1, S2 et S3, qui forment la paroi secondaire (figure 1.2). C’est ces différents plis qui vont assurer la rigidité des tissus et vont permettre le maintien de la forme de la fibre ainsi que la direction des cellules lors de la croissance de celle-ci (Brooker et al. 2008). De plus, chacune des couches est assimilée à un matériau composite, c’est-à-dire d’une matrice constituée d’hémicellulose, de lignine et de pectine, pour ne citer les composants les plus prépondérants dont les caractéristiques sont détaillées dans la partie 1.3.2, et de renforts nommés les fibrilles ou microfibrilles, dans le cas des fibres végétales. Ces fibrilles sont un ensemble de microfibrilles (figure 1.4), qui sont composées de cellulose cristalline et de cellulose amorphe (figure 1.3b).
Pour la paroi de la fibre, sa composition est unique. En effet, la composition chimique de chacune des couches ou la direction de l’angle des microfibrilles (AMF) (figure 1.3a) dépendent du type de fibre. De plus, pour une même sorte de fibre, chacune des fibres élémentaires a une composition chimique différente (Burgert, 2006; Müssig and Stevens, 2010; Tomczak et al, 2007). La lamelle moyenne est une couche qui se situe entre les fibres végétales qui permet le maintien des fibres entre elles (Vallade, 1999). Elle contient peu de cellulose, mais est riche en pectine (Bouloc, 2006). La paroi primaire est la partie externe de la fibre unitaire. Elle a une épaisseur très faible, comprise entre 70 nm et 200 nm selon Bergander et Salmèn (2000) et Thygesen (2006). Les microfibrilles sont enchevêtrées dans une matrice composée d’hémicellulose et de pectine, afin de créer une continuité avec la lamelle moyenne (Vallade, 1999). Du fait du pourcentage de ces composants, la paroi primaire est une paroi très élastique, qui peut ainsi se déformer, ce qui permet à la paroi secondaire de se développer. La paroi secondaire est la plus grande partie de la paroi de la fibre (figure 1.2). Elle est composée de plusieurs couches, S1, S2 et S3. Contrairement à la paroi primaire, les microfibrilles (figure 1.3a) présentes dans les couches de la paroi secondaire sont parallèles et suivent le même angle (Baley, 2013).
Du fait que la couche S2 est la plus épaisse, elle représente environ 90% de l’épaisseur de la fibre (Placet et al., 2012) et elle caractérise le comportement mécanique de la fibre végétale. De plus, c’est dans cette couche que le taux de cellulose est le plus élevé (Placet, 2012). Ce taux de cellulose, en fraction massique, varie entre 70% et 90% (Baley, 2004; Placet et al., 2012) .
De la plante à la tige
La tige de la plante de chanvre est constituée essentiellement d’un noyau ligneux (xylème), entouré d’une écorce externe (cambium), d’une couche interne composée de faisceaux de fibres libériennes (phloème), du cortex et de l’épiderme (Figure 1.12). Le rôle du noyau offre la rigidité à la plante tandis que les faisceaux de fibres libériennes permettent à la plante de résister en traction et en flexion. Deux types de fibres libériennes peuvent être extraits : soit des couches intérieures, soit des couches extérieures. Ces couches sont nommées respectivement fibres primaires et fibres secondaires (Figure 1.12). Les fibres primaires et les fibres secondaires étant prélevées en deux endroits différents de la tige, comme le montre la figure 1.12, elles ont des caractéristiques différentes. Les fibres primaires ont des dimensions (longueurs et diamètres) plus importantes que les fibres secondaires.
Elles possèdent une paroi très épaisse, une composition chimique particulière et une longueur plus grande que les fibres secondaires (Bouloc, 2006). Elles possèdent également de meilleures propriétés mécaniques (Beckermann, 2007). Le pourcentage de fibres libériennes pouvant être extraites de la tige de chanvre varie entre 28% et 46% (Bismarck et al., 2005). Le chanvre étant une fibre libérienne, l’extraction de celle-ci, se fait en plusieurs étapes, qui sont le rouissage, la décortication et la fibrillation (Flandrin-Bletty, 1996).
Le rouissage est le procédé traditionnel pour la production de fibres de chanvre. Il s’agit d’un processus naturel permettant d’obtenir des fibres de qualité variable en raison des différences de conditions météorologiques. Divers agents microbiens (bactéries, protozoaires et champignons) colonisent le chanvre et produisent des enzymes permettant la dégradation de polysaccharides. Une méthode plus contrôlable permet d’avoir des résultats moins dispersifs en qualité de fibres. Ce procédé consiste à tremper les tiges des plantes de chanvre dans de l’eau chaude (30-40°C) pendant une durée de 4 jours (Meijer et al., 1995).
Une fois, le rouissage entamé, la tige, ou ce qu’il en reste, est prêt pour l’étape de décortication, appelée aussi teillage. Ce procédé permet d’une part de séparer les fibres de la tige, et d’autre part de séparer les fibres entre elles, formant des faisceaux de fibres (Munder et al., 2005). Pour garder les propriétés des fibres intactes, la décortication se fait en plusieurs étapes : l’égrenage, l’étirage, le broyage et le battage. Jusqu’à cette étape, les faisceaux de fibres de chanvre sont plus ou moins grossiers. Il ne reste donc plus qu’à obtenir des fibres élémentaires, c’est la fibrillation. Elle consiste à dégrader les liaisons entre les fibres élémentaires et à éliminer les parties résiduelles de la plante de chanvre. Plusieurs méthodes existent et permettent d’avoir des qualités de fibrillations variables. Les traitements à base de soude (Van Sumere, 1992) et les traitements enzymatiques (Akin et al., 1997) ou par humidification (Van Sumere and Sharma 1991), permettent d’attaquer la lignine et les pectines se trouvant dans les lamelles mitoyennes.
La fibre de chanvre est composée en très grande majorité de celluloses, ce qui lui permet d’avoir d’excellentes propriétés mécaniques. De plus, la composition chimique des fibres de chanvre va dépendre de l’âge, du lieu et des conditions météorologiques constatées pendant leur croissance. Le tableau 1.4 donne une plage de la composition chimique du chanvre.
Observation de la fibre de Coco
Au vu des différentes coupes observées dans les revues et thèses scientifiques, les fibres de coco ont la particularité d’avoir une morphologie similaire selon les régions où elles sont extraites. Dans le but de valider les hypothèses émises lors des simulations numériques les propriétés élastiques des fibres de coco, la connaissance de la morphologie sont donc nécessaires. Lors des modélisations qui seront effectuées, le choix de cette étude est de porter une grande attention aux fibres élémentaires. Comme décrit dans le chapitre 1, la fibre de coco est composée de plusieurs fibres élémentaires collées les unes aux autres. Dans le but d’obtenir des résultats se rapprochant le plus possible de la réalité, il semble préférable de faire une modélisation sur une fibre élémentaire de coco, puis, de les regrouper pour former une partie de la fibre de coco, que de modéliser directement la fibre de coco, au risque d’émettre un grand nombres d‘hypothèses.
Le but de cette partie est de pouvoir établir des paramètres, comme ceux cités précédemment pour, d’une part retrouver des similitudes avec d’autres chercheurs et, d’autre part, créer un modèle numérique qui soit le plus proche de la réalité. Pour cela, une quinzaine de fibres de coco a été observée. Lors des différentes observations, la plupart des coupes faites sur les fibres de coco ont été réussies. La figure 3.1 montre les six coupes d’une même fibre de coco, espacées de 2 mm. On peut remarquer les variances sur la morphologie entre les coupes, que ce soit sur le nombre de fibres élémentaires, ou sur les dimensions externes de la fibre.
Dans le but de connaître les caractéristiques de la fibre de coco et de créer un modèle comparable aux résultats expérimentaux obtenus par des chercheurs, il est important de se baser sur des fibres qui seront les plus similaires possible. C’est pour cela, que différentes mesures ont été faites sur plusieurs fibres de coco, afin d’obtenir une moyenne de celles-ci et de voir les différences ou les similitudes avec d’autres études. Les tableaux 3.1 et 3.2 reprennent les caractéristiques de la fibre de coco c’est à dire le diamètre externe et le diamètre du lacuna. Au vu des observations, la section la plus courante qui est observée sur les fibres de coco est elliptique.
De ce fait, pour chacune des coupes, deux mesures ont été prises : le diamètre « D », qui correspond au plus grand diamètre de l’ellipse et le diamètre « d » qui correspond au plus petit. Après analyse, une variation de la fibre suivant sa longueur est visible. En effet, sur la totalité des observations, le diamètre « D » de la fibre de coco a une variation de 94,0 à 270 μm, avec une valeur moyenne de 155 ± 115 μm. Le diamètre « d » a une variation de 79,1 à 224 μm, avec une valeur moyenne de 134 ± 89,9 μm. Pour avoir une représentation de l’ellipse, le rapport de D/d a été calculé et la moyenne obtenue est de 1,17 ± 0,57 μm. Suite à l’analyse de la section externe, une analyse similaire du lacuna a été faite. En effet, la section de lacuna étant elliptique, la même analyse a été faite. Ainsi, sur la totalité des observations, le diamètre « D » de la fibre de coco a une variation de 10,7 à 38,7 μm, avec une valeur moyenne de 21,4 ± 17,3 μm. Le diamètre « d » a une variation de 4,71 à 22,0 μm, avec une valeur moyenne de 13,4 ± 8,69 μm. Pour avoir une représentation de l’ellipse, le rapport de D/d a été calculé et la moyenne obtenue est de 1,58 ± 2,30 μm.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Les fibres naturelles
1.2 La morphologie des fibres végétales
1.3 La composition chimique des fibres naturelles
1.3.1 Fibrilles et microfibrilles
1.3.1.1 La cellulose
1.3.2 La partie amorphe de la paroi de la fibre
1.3.2.1 La lignine
1.3.2.2 L’hémicellulose
1.3.2.3 La pectine
1.3.3 Les caractéristiques mécaniques de chaque composant de la paroi de la fibre
1.4 Composite à base de fibres naturelles
1.5 Le comportement des fibres végétales en traction
1.6 La morphologie des deux fibres végétales
1.6.1 Le chanvre
1.6.1.1 De la plante à la tige
1.6.2 Le coco
1.7 Objectifs, hypothèses et retombées du projet
1.7.1 Objectifs du projet
1.7.2 Approche
1.7.3 Hypothèses de recherche
1.7.4 Délimitations de l’étude
1.7.5 Retombées attendues et importance de l’étude
CHAPITRE 2 EXPÉRIMENTATION POUR DÉTERMINATION DE LA MORPHOLOGIE DE LA FIBRE DE CHANVRE
2.1 Introduction
2.2 Coupe à l’aide du microtome
2.2.1 Caractéristique du microtome
2.2.2 Échantillon avec une résine de paraffine
2.2.3 Échantillon avec une résine de polyester
2.2.3.1 Méthode de préparation de la résine de polyester
2.2.3.2 Découpe des échantillons enrobés avec la résine de polyester
2.2.3.3 Découpe des échantillons faits avec la résine de polyester sous azote liquide.
2.3 Coupe à l’aide d’un simple couteau à lame rétractable
2.3.1 Procédé pour l’observation de la fibre de chanvre
2.3.2 Résultats obtenus à l’aide du MEB
2.4 Coupe à l’aide d’une scie diamantée
2.4.1 Échantillon avec une résine d’Époxy
2.4.2 Observation de ces échantillons au MEB
2.5 Bilan des découpes faites à l’aide d’une lame
2.6 Expérimentions avec une méthodologie non destructive
2.6.1 Observation par les rayons X
2.6.2 Coupe à l’aide d’un laser
CHAPITRE 3 OBSERVATION ET INTERPRÉTATION DES COUPES DE CHACUNE DES FIBRES VÉGETALES
3.1 Introduction
3.2 Observation de la fibre de Coco
3.2.1 Introduction
3.2.2 Interprétation
3.3 Observation de la fibre de Chanvre
3.3.1 Introduction
3.3.2 La fibre de chanvre
3.3.3 Interprétation
CHAPITRE 4 ÉLABORATION D’UN MODÈLE ET DÉTERMINATION DE LA COMPOSITION CHIMIQUE
4.1 Introduction
4.2 Modélisation d’une fibre naturelle
4.2.1 Modèle utilisé dans ce mémoire
4.3 Calculs théoriques des modules d’élasticité de chacune des couches par rapport aux axes naturels des microfibrilles.
4.3.1 Calculs des modules d’élasticité des microfibrilles
4.3.2 Calculs des modules d’élasticité de la matrice
4.3.3 Calculs des modules d’élasticité d’un pli unidirectionnel
4.4 Valeurs des propriétés d’élasticité des fibres selon l’axe des microfibrilles
4.4.1 Les propriétés d’élasticité des fibres de coco selon l’axe des microfibrilles
4.4.2 Les propriétés d’élasticité des fibres de chanvre selon l’axe des microfibrilles
4.5 Modélisation des fibres de coco et de chanvre
4.5.1 Introduction
4.5.2 Logiciels utilisés
4.5.3 Géométrie
4.5.4 Système de coordonnées
4.5.5 Maillage
4.5.6 Les conditions initiales
CHAPITRE 5 RÉSULTATS ET INTERPRÉTATION
5.1 Introduction
5.2 Comparaison avec la littérature
5.3 Variation du diamètre du lumen
5.4 Variation de l’angle des microfibrilles
5.5 Variation du diamètre avec une épaisseur constante de la paroi
5.6 Variation de la composition chimique
5.7 Variation de l’épaisseur de la paroi sur une même fibre élémentaire
5.7.1 Étude des modèles ayant une épaisseur constante
5.7.2 Étude des modèles ayant une épaisseur qui varie
5.8 Prédiction du module d’Young des fibres de chanvre et de coco
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉSINE WC-575
ANNEXE II PARAMÈTRES DE DÉCOUPES DES FIBRES AU LASER
ANNEXE III PROGRAMME MATLAB
ANNEXE IV FRACTION VOLUMIQUE SUIVANT TROIS TYPES D’ARRANGEMENT POUR UNE GÉOMÉTRIE AYANT UNE SECTION CIRCULAIRE
ANNEXE V PROGRAMME MATLAB POUR CALCULER LES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DE LA FIBRE ÉLÉMENTAIRE DE COCO OÙ L’AMF EST ÉGAL À 40°
BIBLIOGRAPHIE
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