Selon les chiffres élaborés par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation des Statistiques (DREES), plus de 397 000 personnes sont employées dans l’ensemble des établissements d’hébergement pour personnes âgées. L’accueil en séjour de longue durée des personnes âgées en France s’organise autour des établissements sanitaires, dont le statut juridique peut être établi en Etablissement Hébergeant des Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), ou en Unité de Soins de Longues Durée (USLD), et des établissements médicosociaux prenant différents statuts selon le niveau de dépendance des personnes hébergées : résidences avec services, foyer logement, EHPAD (1). Un EHPAD accueille des personnes âgées dépendantes souvent polypathologiques nécessitant des soins infirmiers et médicaux.
Les caractéristiques des résidents accueillis en EHPAD
D’après une étude de la DREES, en 2007, en France, près de 657 000 personnes vivent dans les établissements médico-sociaux(2). 230 000 personnes sont entrées en établissement d’hébergement pour personnes âgées, dont 38 000 sur des places d’hébergement temporaire. On enregistre également près de 230 000 sorties définitives. Les décès représentent 60 % des sorties de l’année, les trois quarts étant survenus en établissement et les autres au cours d’une hospitalisation. Les résidents des EHPAD sont en moyenne plus âgés que les résidents des autres types d’établissements médico-sociaux. L’âge moyen y est de 84 ans et 9 mois. Au total 75% des résidents sont des femmes. Les trois quarts des femmes sont âgées de plus de 80 ans et 52% de 85 ans et plus .
Des résidents dépendants
En 2007, 85% des résidents des EHPAD étaient dépendants selon la grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes iso-Ressources) (GIR 1 à 4) et la moitié des résidents étaient très dépendants (GIR 1 et 2) (3). En 2007, en France 88% des résidents des EHPAD nécessitaient une aide pour la toilette, 79% nécessitaient une aide pour l’habillage et 69% pour l’hygiène de l’élimination. Le niveau de dépendance des résidents s’est fortement accru depuis 2003 .
Des résidents polypathologiques
Une étude de la DRESS de juin 2006 montre que 85% des résidents des EHPAD présentaient une affection neurospychiatrique, 33% souffraient d’états dépressifs ou de syndromes démentiels. Les maladies cardiovasculaires touchaient les trois quarts des résidents. La moitié des résidents présentaient une affection ostéo-articulaire. Les affections uro-néphrologiques et gastro-entérologiques atteignaient environ un tiers des personnes âgées. Les résidents cumulaient en moyenne sept pathologies diagnostiquées et consommaient en moyenne 6,4 médicaments par jour .
Les caractéristiques socioprofessionnelles du personnel des EHPAD
Les différents types de métiers
Le personnel des EHPAD se répartit en sept catégories qui comprennent le personnel de direction (agents administratifs et gestionnaires), le personnel des services généraux (personnel d’entretien et agent de restauration), le personnel d’encadrement (cadres infirmiers et paramédicaux), le personnel éducatif (animateurs et auxiliaires de vie sociale), le personnel médical et paramédical et enfin les agents de service hospitalier public ou privé. La surreprésentation du personnel féminin au sein des EHPAD est manifeste. En effet, elle s’établit à près de 88%. Ces femmes travaillent davantage dans des postes éducatifs et d’agents de service (plus de 90% pour chacun) et de manière moins prégnante au sein du personnel médical (seulement 42%) (5). Les établissements gérontologiques restent des lieux marqués par une hétérogénéité des formations initiales, du personnel peu qualifié, avec une pénurie de personnels, notamment des infirmiers et des agents de soins. Une grande diversité des formations donnant accès à un poste d’agent de soins est ainsi observée. D’après Lise CAUSSE, docteur en sociologie, qui a effectué au cours d’une année une analyse sur le travail du personnel dans deux maisons de retraite, « les aides-soignantes ou faisant fonction tendent à se différencier des agents de service et/ou des agents de restauration dans le contenu des tâches. Pour ces dernières, il reste centré sur l’entretien des locaux, le service des repas alors que les aides-soignantes sont dans un contact plus direct et physique avec les « patients » pour des tâches d’hygiène et de soin. Elles ont en charge la surveillance des pensionnaires » (6) . Le travail de soins et d’accompagnement auprès des résidents des maisons de retraite est accompli notamment par les infirmiers et les aides-soignants.
Les différents types de contraintes professionnelles
La charge de travail du personnel travaillant dans les maisons de retraite médicalisées est liée aux contraintes physiques et psychiques associées à la prise en charge de personnes âgées de plus en plus poly pathologiques et dépendantes (7–9). Cette prise en charge nécessite des soins adaptés. Une analyse ergonomique du poste de travail de 26 infirmières et de 17 aidessoignantes menées dans plusieurs services de soins a retenu comme facteur favorisant la charge physique du personnel soignant les efforts posturaux, les manutentions et les déplacements (10) . Les déficiences mentales ou psychiques des résidents accentuent la charge de travail non seulement mentale mais aussi physique. Prenons par exemple le cas d’un résident déficient mental qui peut se déshabiller plusieurs fois par jour de façon inappropriée et nécessitant donc à chaque fois des soignants pour le rhabiller (11) . La charge psychique ou affective influe sur l’ambiance psychologique du travail : la confrontation quotidienne avec la souffrance et la mort, avec l’angoisse des malades et de leur famille représentent une contrainte psycho-affective permanente. Cette charge psychique est d’autant plus forte que le travail d’équipe est insuffisant. La confrontation avec la fin de vie concerne de façon importante les soignants des maisons de retraite. A ces difficultés s’ajoutent celles provoquées par la confrontation avec la personne agée fragilisée, détériorée, à la fois physiquement et psychiquement, qui renvoie aux soignants une image obsédante de son propre vieillissement (11). Travailler au contact des résidents peut ainsi être pourvoyeur de stress et d’une pénibilité ressentie au travail (12,13) . Un haut niveau de stress parmi le personnel des maisons de retraite serait associé à la prise en charge de résidents atteints de démence (14,15). Les projections démographiques prédisent une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, ce qui suggère une augmentation du nombre de résidents pris en charge dans les EHPAD, et donc une charge de travail supplémentaire pour le personnel des EHPAD (16,17) . Les données de la littérature mettent en évidence un ratio soignant/soigné dans les EHPAD qui est inférieur à celui des établissements hospitalier avec une présence des infirmières et une présence médicale plus faibles comparées aux établissements hospitaliers. Le personnel est également soumis à des contraintes temporelles qui peuvent entrer en opposition avec les valeurs de bientraitance et respect des résidents (18) . Ainsi Gérard Rimbert, sociologue, écrit « le petit personnel est donc pris dans une injonction contradictoire : les toilettes, la distribution ou l’aide au repas doivent être exécutées dans un temps donné, de préférence le plus court possible, mais la population visée par le dispositif de travail a besoin d’attention, de personnalisation et de douceur(19) . De même, Lise CAUSSE décrit les exigences croissantes du travail de ce personnel objectivées par une cadence de tâches (nombre de toilettes réalisées par minutes), qui rend difficile la prise du temps nécessaire au développement d’une relation humaine de qualité avec les résidents .
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Table des matières
I INTRODUCTION
1) Les caractéristiques des résidents accueillis en EHPAD
a) Des résidents dépendants
b) Des résidents polypathologiques
2) Les caractéristiques socioprofessionnelles du personnel des EHPAD
a) Les différents types de métiers
b) Les différents types de contraintes professionnelles
3 ) La dimension du soin en EHPAD
4) Problématique de recherche
a) Présentation du modèle PRECEDE PROCEED de L. Green et Kreuter
b) Intégration de la démarche de recherche dans le modèle de Green et Kreuter
II MATERIELS ET METHODES
1) Présentation de la population source (étude sur les maisons de retraite de la région Rhône Alpes)
2) Choix du modèle d’évaluation des contraintes psychosociales
a) Modèle de Karasek
b) Modèle de Siegrist
2) Facteurs de risque des Troubles Musculo-squelettiques
4) Facteurs de risque de la détresse psychique
III EVALUATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DU PERSONNEL DES EHPAD
1) Facteurs de risque du stress, pénibilité ressentie et accès à la formation chez le personnel non médical des EHPAD
Article 1: Risk factors for work-related stress and subjective hardship in health-care staff in nursing homes for the elderly: A cross-sectional study
Article 2 : Pénibilité ressentie et accès à la formation chez le personnel féminin travaillant auprès des résidents dans les EHPAD : une enquête transversale
2) Synthèse des résultats des deux premiers articles
IV RELATION ENTRE L’ETAT DE SANTE PHYSIQUE DU PERSONNEL DES EHPAD ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL
1) Facteurs de risque professionnel des troubles musculosquelettiques des membres supérieurs et du cou parmi le personnel travaillant en maisons de retraites médicalisées
Article 3: Occupational risk factors for upper-limb and neck musculoskeletal disorder among health-care staff in nursing homes for the elderly in France
2) Synthèse des Résultats du troisième article
V RELATION ENTRE L’ETAT DE SANTE PSYCHIQUE DU PERSONNEL DES EHPAD ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL
1) Détresse psychique et risques psychosociaux: une enquête transversale auprès du personnel féminin en maisons de retraite
Article 4 : Impaired mental well-being and psychosocial risk: a cross-sectional study in female nursing home direct staff
2) Synthèse des Résultats du quatrième article
VI SCHEMA DE SYNTHESE DES DIAGNOSTICS EPIDEMIOLOGIQUE ET COMPORTEMENTAL/ENVIRONNEMENTAL
VII DISCUSSION
VIII CONCLUSION