Les caractéristiques des PME manufacturières dynamiques
DÉFINITION DE LA PME
Les petites et moyennes entreprises (PME) constituent, selon l’OCDE (2004), un groupe d’entreprises très hétérogène qui s’impliquent dans diverses activités. D’après la même source, la définition statistique de ce type d’entreprises varie selon les pays et prend en considération l’effectif, le montant du chiffre d’affaires et/ou la valeur des actifs sachant que le critère le plus utilisé pour définir ces entités est le nombre d’employés. L’Union européenne et plusieurs autres pays en développement et en voie de développement considèrent le nombre 200 ou 250 comme une limite supérieure pour définir une PME sachant que le Japon et les États-Unis font exception avec des nombres respectifs de 300 et 500 (OCDE, 2004). Dans le même contexte, Marchesnay (1991) classe les PME en trois catégories, soit:
• TPE : de 1 à 10 personnes
• PE : de 10 à 50 personnes
• ME : de 50 à 200 personnes
Au Canada, les PME représentent 98 % des entreprises et ont contribué à une hausse significative de l’emploi en novembre 2012 (Jung, 2012; Marion, 2012). En Ontario et au Québec, les PME ont contribué à une hausse remarquable du niveau de l’emploi et à une diminution du taux de chômage qui, en cinq mois, est descendu à 7,2 % (Marion, 2012). Cette création d’emplois est largement · due au secteur manufacturier (Suss et al. , 2012) et principalement à des PME très performantes
appelées PME. à forte croissance ou « gazelles ». Ces entreprises favorisent un fort dynamisme dans leurs activités et investissent souvent dans des projets innovants (Huot et Carrington, 2006).
L’importance de l’engagement des entreprises dans des activités innovantes telles les activités de R-D, dépend de leur taille, de leur présence sur les marchés d’innovation et des différents indicateurs technologiques (ANBERD, R-D, SAN, STI, STIBE, etc.) (Crépon, Duguet et Mairesse, 1998; OCDE, 2005; Poyago-Theotoky, 1999). Notons que les PME manufacturières sont parmi les entreprises qui investissent leplus dans la R-D avec un pourcentage moyen de 34 % comparativement à 25 % pour lesautres types de PME (Huot et Carrington, 2006).
Lorsque les PME décident d’entreprendre certains projets de R-D, elles rencontrent des difficultés à accéder aux différentes sources de financement externes nécessaires à leurs activités (Ortega-Argilés, Vivarelli et Voigt, 2009; Jung, 2012; Piga et Vivarelli, 2004). Cette situation s’explique par l’incertitude et aussi par la présence d’un niveau élevé d’asymétrie d’information qui amène les banquiers et les agents de crédit à appliquer des conditions de crédit sévères (Jung, 2012; Rauch et Hendrickson, 2004; St-Pierre, 2000).
LES CARACTÉRISTIQUES PROPRES AUX PME
Les PME diffèrent des GE par certaines caractéristiques particulières parmi lesquelles on retrouve leur structure de capital qui est souvent fermée avec un accès limité à l’information stratégique, au contraire des GE où l’on retrouve une structure ouverte avec des systèmes d’information décentralisés (St-Pierre, 2000). Aussi, au contraire des GE qui cherchent souvent à maximiser leurs profits, les objectifs des PME dépendent de ceux de l’entrepreneur et peuvent être de nature non financière. Parmi ces objectifs non financiers, on retrouve la valorisation de la créativité, l’autonomie décisionnelle, le pouvoir, le besoin de relever des défis, etc. (Carrier et Gélinas, 2010;
Janssen et Wtterwulghe, 1998; St-Pierre et Cadieux, 2011). L’entrepreneur est considéré, selon Carrier et Gélinas (2010, p. 1) « comme un individu positif, optimiste, créatif et un rêveur qui croit souvent en sa vision et qui fait tout pour toucher à ses objectifs ». Dans ce sens, on peut rappeler la présence d’un type particulier d’entrepreneurs qui suscite l’intérêt des chercheurs et des universitaires appelé « entrepreneur champion ». Les chercheurs considèrent ce type d’entrepreneurs ·
d’une importance cruciale pour l’ innovation et le progrès technologique. Selon Howell et Higgins (1990, p. 1) « les champions considérés souvent comme des individus très dynamiques et très actifs génèrent habituellement leurs propres idées innovantes, font la promotion de ces idées vigoureusement à travers des réseaux formels et risquent leur prestige et leur position sur le marché pour réussir leurs projets d’innovation ».
Par aiIleurs, l’avantage comparatif le plus important des PME par rapport aux grandes entreprises concerne la souplesse associée à leur forme d’organisation qui leur permet d’être plus près des clients afin de leur fournir des services efficaces et d’adapter leurs produits à l’évolution de la demande sur les marchés. En général, le succès des services favorise le succès des produits sur les marchés et inversement (Suss et al., 2012). Les PME manufacturières adoptent une stratégie de croissance qui favorise les innovations des services et des produits leur permettant d’amé~îorer leurs résultats fmanciers et leurs positions sur les marchés (Ringuette et al., 2012).
Une certaine proportion de PME manufacturières qualifiées de gazelles dispose d’un très fort potentiel de croissance (Huot et Carrington, 2006). Ces PME se démarquent des autres types d’entreprises par le niveau élevé de leurs demandes de financement par crédit commercial (emprunt, crédit-bail, crédit-fournisseur, crédit personnel, etc.), par leur recours accru aux investisseurs en capital de risque et notamment par la taille du budget qu’eIles consacrent aux projets en R-D (Huot et Carrington, 2006).
Ces entreprises sont aussi souvent confrontées à différents problèmes financiers et de gestion financière parmi lesquels on retrouve: le manque d’incitatifs et de crédits d’impôts, la mauvaise gestion financière et managériale, la présence de problèmes au niveau des actifs, des passifs et de la gestion des dividendes, les problèmes de sous capitalisation, de rentabilité, de production d’informations exhaustives et fiables pour les bailleurs de fonds et de manque de ressources financières et des déficiences à l’égard de leur structure financière (Baldwin, 1995; Pettit et Singer, 1985; St-Pierre, 2000; St Pierre et Nomo, 2010; Suss et al. , 2012). Outre ces difficultés de nature financière, les PME peuvent faire face à d’autres types de problèmes parmi lesquels on retrouve le
manque de personnel qualifié, la difficulté d’identifier des services complémentaires à offrir sur les marchés de l’innovation et l’utilisation de technologies anciennes.
En se basant sur les travaux de Crépon, Duguet et Mairesse (1998), Felk (2011), Julien et St-Pierre (2012) et Laurin (2004), les PMED affichent certaines caractéristiques différentes de celles propres aux PME peu dynamiques qui préfèrent le plus souvent générer des idées menant à des petites améliorations que de soutenir une politique d’innovation intensive. Parmi ces particularités, on retrouve l’investissement de plus d’efforts dans les projets de R-D ou de RID, le développement fréquent de nouveaux produits, une faible importance d’actifs tangibles, la difficulté d’apporter de nouveaux fonds de l’externe, la forte turbulence des marchés dans lesquels elles opèrent, le risque
de défaillance élevé qui caractérise leur projet d’investissement et finalement les coûts très élevés qu’impliquent leurs activités.
Outre ces facteurs qui peuvent fragiliser les PME et les rendre plus vulnérables à la faillite, on retrouve les problèmes de surendettement, de compétences limitées des entrepreneurs, l’intensité de la surveillance effectuée par les créanciers sur les entrepreneurs emprunteurs, la rapidité des jugements qui a souvent un impact significatif sur la qualité des décisions et aussi les problèmes d’agence qui caractérisent les relations d’affaires entre les parties prenantes, soit les stakeholders (ce terme a été crée par Ansoff et Stuart en 1936) (Eisdorfer et Hsu, 2011; Papillon, 2012).
On peut conclure avec une autre spécificité propre aux PME à l’effet que celles ci jouent un rôle considérable dans l’innovation, représentent une source importante de nouvelles technologies, faisant concurrence aux grandes entreprises (OCDE, 2005). Nous allons discuter ce sujet dans la section qui suit.
LES PME ET L’INNOVATION
D’une manière globale, l’innovation, la technologie, le développement durable et la créativité représentent un défi majeur tout en étant un facteur clé de succès pour les PME et permettent à celles-ci d’assurer leur place sur les marchés compétitifs (Julien, 1996; Labelle, 2008). De même, le développement fréquent de produits nouveaux ainsi que l’implantation de nouvelles techniques et pratiques de gestion permettent aux PME de conserver leur position concurrentielle sur les marchés (Julien, 1996; Laurin, 2004). Par ailleurs, ces activités peuvent nécessiter un investissement massif d’efforts dans les projets de R-D (Hooge, 2010).
Définition et caractéristiques de l’innovation
Selon Rogers (1998), Joseph Schumpeter est considéré, dans la littérature, comme le premier chercheur ayant signalé l’importance du terme de l’innovation. Toutefois, plusieurs définitions différentes ont été attribuées à ce terme (St-Pierre et Mathieu, 2004). Dans le domaine des affaires, l’innovation se définit comme « l’amélioration ou la création d’un nouveau produit, effectuée par une entreprise, pour créer une valeur ajoutée à la fois directement ou indirectement pour les demandeurs sur les marchés » (Rogers, 1998, p. 9). Dans ce sens, Kabla (1994, p. 95) considère
l’innovation comme « un terme qui qualifie à la fois un objet, un produit ou un procédé nouveau et notamment le processus qui a conduit à la création de cet objet ».Par ailleurs, l’innovation est souvent considérée comme un facteur qUI contribue à la croissance du chiffre d’affaires, à la rentabilité financière et notamment à l’amélioration de la productivité des PME (Crépon et Iung, 1999; Loof et Heshnati, 2006, tiré de Crépon et Duguet, 1994). Ces activités reflètent certaines procédures scientifiques, technologiques, relationnelles, organisationnelles, financières, etc. (Le Masson, Weil et Hatchuel, 2006; OCDE, 20.05). Les démarches scientifiques et technologiques entrent dans le cadre du processus de R-D, tandis que les autres types de procédures concernent le processus commercial qui est considéré dans la littérature comme une approche d’innovation générale (Beny et Dupuis, 2005; OCDE, 2005).Rogers (1998, p. 14) affirme que « le processus de R -D reflète un travail créatif entrepris d’une façon systémique dans le but d’accroître le niveau de connaissance et l’utilisation de ces connaissances pour mettre en œuvre de nouveaux produits ». Ce processus contribue à l’amélioration de l’innovation et est considéré comme important pour les activités de cette dernière (Le Roy et Torrès, 2001 ; Mairesse et Mohnen, 2004).Par ailleurs, le budget consacré aux activités de R-D est considéré, par Hall (2005) et Hall, Griliches et Haussmann (1986), comme un investissement qui permet aux PME d’accroître le niveau de leurs connaissances. En général, le processus de R-D comporte deux types d’activités, soit 1) les activités externes qui se font en collaboration avec les universités, les différentes organisations à but non lucratif et les autres PME appartenant au même secteur, et 2) les activités internes à l’entreprise (Medda, Piga et Siegel, 2004).D’autre part, l’approche de l’innovation générale, soit le processus commercial, considéré par Berry et Dupuis (2005) comme très important pour les projets d’innovation, comporte généralement différentes formes à savoir:
L’innovation du concept de vente (innovation de produits) qui est considérée comme un aspect important permettant aux PME de conserver leur position concurrentielle sur le marché et qui se définit comme l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau (Aglietta, 1999; Beny et Dupuis, 2005;Cereso1i et Guillaud, 1992; OCDE, 2000);
– L’innovation de la méthode de gestion de flux (innovation de procédés) qui se définit comme la mise en œuvre d’une méthode de production ou de distribution nouvelle ou sensiblement améliorée (OCDE, 2000);
L’innovation organisationnelle qui consiste à concevoir une nouvelle forme, structure ou stratégie managériale dans les PME (Berry et Dupuis, 2005; OCDE, 2000);
L’innovation relationnelle qui consiste à créer des liens avec différents acteurs externes comme les concurrents, les clients, les fournisseurs ou les organismes publics (Berry et Dupuis, 2005).
Les projets d’innovation impliquent l’apparition de coûts spécifiques parmi lesquels on retrouve les coûts associés aux activités de R-D (les coûts de transactions et les coûts de production des activités internes de la R-D), les coûts liés à l’acquisition de technologies (tangibles ou intangibles), les coûts liés aux programmes de formation du personnel et aussi les coûts associés au services de marketing (Love et Roper, 2002; Rogers, 1998). Tous ces coûts créeront de la pression sur les liquidités des entreprises qui devront, éventuellement, recourir à du financement externe afin de poursuivre leurs activités.
Le financement de l’innovation dans les PME
Le choix d’une source de fonds pour les entreprises innovantes (TPE, PE et PME : sans garantie et sans historique de crédit) dépend de la phase de développement à laquelle elles se trouvent. Généralement, le cycle de vie des jeunes entreprises innovantes (start-up) comporte trois étapes, à savoir: 1) l’étape d’amorçage ou de démarrage, 2) l’étape de développement, et 3) l’étape de rachat ou autres mécanismes de sorties pour les investisseurs ou les créanciers.Lors de la première phase de leur cycle de vie (étape d’amorçage), les jeunes entreprises n’ont guère le choix que d’avoir recours à leur capitaux propres internes pour le financement de leur démarrage (Frank et Goyal, 2003; Julien, St-Pierre et Beaudoin, 1996; OCDE, 2004). Cela s’explique par la présence de plusieurs contraintes financières pour ces types d’entreprises les empêchant d’accéder aux différentes sources de financement externes. Ces difficultés trouvent principalement leur origine, tel que déjà dit, dans les problèmes d’asymétrie d’information (coûts d’agence: coûts de transaction, coûts de sélection adverse, coûts d’aléa moral, coûts de faillite, coûts de suivi et d’analyse, coûts d’administration, etc.) (OCDE, 2004).Outre les fonds propres internes qui représentent la principale source de fmancement pour les jeunes entreprises lors de l’étape d’amorçage, leur structure du capital s’appuie aussi sur des ressources financières qui proviennent du marché du capital de risque informel représenté par certains investisseurs privés et indépendants (capital amical et ange investisseur). Notons que ces investisseurs appliquent souvent des conditions de crédit plus souples que les autres types d’investisseurs en capital de risque.
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Table des matières
SOMMAIRE
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
CHAPITRE 1-INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 – LA REVUE DE LA LITTÉRATURE
2.1 Définition de la PME
2.2 Les caractéristiques propres aux PME
2.3 Les PME et l’innovation
2.3.1 Définition et caractéristiques de l’innovation
2.3.2 Le financement de l’innovation dans les PME
2.3.3 L’incertitude et le risque
2.3.3.1 Les incertitudes et risques associés au financement de l’innovation
2.4 L’importance de la dette pour les PME
2.5 La théorie d’agence et le financement des PME
2.5.1 L’asymétrie d’information
2.5.2 La sélection adverse
2.5.3 L’aléa moral
2.5.4 Les coûts d’agence
2.5.4.l Les coûts de surveillance (monitoring)
2.5.4.2 Les coûts d’obligation (bonding)
2.5.4.3 La perte résiduelle (residual)
2.6 Les PME et le financement par crédit
2.6.1 Les formes de crédit
2.6.2 Le comportement des banques à l’égard du risque des PME
2.6.2.1 Les termes du contrat fmancier
2.7 Les PME et le capital de risque
2.7.1 Le fonctionnement des fonds de capital de risque
2.7.1.1 La mobilisation des fonds
2.7.1.2 L’investissement et la création de valeur
2.7.2 Évaluation d’une demande de financement par capital de risque
2.7.3 Le comportement des sociétés de capital de risque à l’égard du risque des PME
2.7.3.1 Les titres convertibles
2.7.3.2 La syndication
2.7.3.3 Le financement par étapes
CHAPITRE 3 – HYPOTHÈSE ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.1 Hypothèse de recherche
3.2 Description de la base de données
3.3 Description des variables
3.3.1 La structure de propriété et la présence des bailleurs de fonds externes
3.3.2 Les mesures des coûts d’agence
3.3.2.1 Le ratio « SALAS »
3.3.2.2 Le ratio « OPEXAL »
3.3.2.3 Le ratio « SG&A »
3.3.3 Les mécanismes de contrôle des coûts d’agence
3.4 Analyse de données
3.5 Statistiques descriptives
CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
4.1 Les caractéristiques des PME manufacturières dynamiques
CHAPITRE 5 – CONCLUSION GÉNÉRALE
5.1 Recommandations
5.2 Contributions et avenues de recherche
5.3 Limites de la recherche
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ….
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