Les caractéristiques de l’autofiction : entre création et réalité

Les caractéristiques de l’autofiction : entre création et réalité

L’autofiction est un genre littéraire qui, quoique théorisé et analysé à de nombreuses reprises depuis la fin des années 1970, demeure toujours coincé dans une zone grise, dans une difficulté de précision en ce qui concerne sa conceptualisation.
L’écrivain Philippe Forest attribue ce doute au fait que « les définitions les plus courantes de l’autofiction insistent sur l’identité de l’auteur et du narrateur» alors que, selon lui, « une telle identité jamais n’existe». L’auteur, même lorsqu’ il donne des indices de sa présence dans l’œuvre, «diffère radicalement du personnage qui le représente au sein de l’espace littéraires ». Cette ambiguïté est en majeure partie due à l’inévitable comparaison que les théoriciens de la littérature font entre le genre autofictionnel et le genre autobiographique.

En 1975, Philippe Lejeune publie l’ important ouvrage Le pacte autobiographique. Lui qui s’était déjà intéressé à la présence de ce genre dans l’histoire littéraire française propose de préciser sa propre définition de l’ autobiographie qu’il désigne comme étant un « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’ accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité? ». C’est cette définition qui pousse Serge Doubrovsky à se désaffilier du genre autobiographique fondé « sur l’ engagement de l’auteur à être sincère » en inventant le terme « autofiction » à peine deux ans plus tard.

Une liberté ancrée dans le réel

En se refusant à l’autobiographie pure et dure, l’auteur se permet une liberté d’ expression, tant dans la forme que dans le contenu. Pour lui, « l’autofiction est apparue comme un dispositif procédant du désir, obscur, de se créer, par l’art, un tempérament, une nature jusqu’ alors inconnue: une individualité nouvelle». Ainsi, l’auteur plonge dans un monde où plus rien ne lui est connu, où tout reste à explorer. C’est la vie qui naît au bout de sa plume. Une vie qui s’apparente au monde réel, qui s’ inspire d’ un décor qu’ il connaît par cœur, mais qui emprunte des chemins inexplorés.

Il est toutefois important de noter que ce personnage est construit sur une fondation solide. Étant inspiré de l’ auteur lui-même, de ses expériences et de ses agissements, il a déjà un passé avant que le lecteur ne prenne conscience de son existence. Il est tout à fait courant dans le genre autofictionnel de «justifier le vécu comme matériau, voire comme structure, pour construire un édifice plus romanesque que strictement biographique». Autrement dit, le personnage-écrivain ne peut apparaître sorti de nulle part. Il se doit de préexister. C’est d’ailleurs ce qui fait tout son charme, ce qui lui confère une certaine notoriété avant même qu’il n’ait posé la moindre action dans le livre dont il est le protagoniste.

Auteur versus narrateur: confusion identitaire

Ce personnage a donc toutes les caractéristiques d’un individu à part entière, d’un être authentique. Or, dans une autofiction, «l’authenticité n’est pas un simple synonyme de la sincérité». Les pensées et actions du protagoniste qui narre sa propre histoire sont assurément crédibles, mais il n’en reste pas moins qu’ elles proviennent toujours de l’imaginaire d’un créateur dans lequel «fiction et réalité échangent interminablement leur place, chacun passant à son tour pour le double de l’autre». Il est évident que cette subtilité peut confondre le lecteur, que « l’ identification entre l’auteur et le personnage peut être périlleuse».
À une époque où les informations foisonnent, où les biographies se trouvent aisément sur le web pour qui veut bien s’y attarder, la confusion entre l’auteur et son personnage est d’ autant plus grande puisque l’écrivain est soumis à une double-exposition: l’exposition biographique et l’exposition autofictionnelle. En raison de ce fait indéniable, Madeleine Ouellette-Michalska est d’avis que « dans tout roman écrit au je, on tentera d’établir des similitudes entre les faits, les attitudes décrites et la vie de l’auteur». Cette situation est d’ ailleurs attribuable aux œuvres de Laferrière dans lesquelles ce dernier met en scène tellement d’éléments identitaires véridiques que le lecteur peut facilement se faire prendre au jeu et croire en la volonté de l’ auteur de se soumettre au pacte autobiographique.

L’engagement en littérature: observer la société pour mieux la commenter

Comme nous l’avons déjà mentionné, la notion d’engagement littéraire est présente dans les textes de Dany Laferrière. Par contre, cet engagement ne se fait pas au moyen d’une prise de position assumée et définie de façon rigoureuse. Laferrière agit plutôt en tant qu’observateur et «refuse de porter le flambeau d’ un parti, d’un pays ou d’ une cause». Néanmoins, « ce refus de la politique ne peut pas être qualifié d’apolitique» car «l’écrivain semble se comporter en homme politique malgré lui». Le simple fait de commenter une société souvent qualifiée d’inégale se veut en soi un signe d’engagement, un moyen de véhiculer les idéologies d’ un intellectuel conscient du monde dans lequel il vit. Après tout, selon Benoît Denis, «ce qui est en cause dans l’ engagement, ce sont fondamentalement les rapports du littéraire et du social, c’est-à-dire la fonction que la société attribue à la littérature et le rôle que cette dernière entend y jouer». C’est ainsi que les romans de Laferrière se rapprochent « d’une anthropologie sociale de l’homme contemporain, où se croisent des réflexions sur notre génération et sur celles qui l’ont immédiatement précédée». Selon Ursula Mathis-Moser, la raison même de l’engagement de Dany Laferrière «consiste surtout en la projection de valeurs positives, en une vision de la vie qui se présente comme une solution de rechange aux luttes poIitIques ».

La façon dont il prend la liberté de commenter des situations bien réelles au moyen d’une narration au « Je » toujours très intimiste est attribuable à cette nouvelle forme d’engagement en littérature contemporaine que l’ essayiste Dominique Viart qualifie de «fiction critique».

L’aspect formel: du dialogue au vers libre

Nous avons déjà mentionné l’omniprésence du présent de l’indicatif dans les deux œuvres à l’étude de Dany Laferrière. Ce temps de verbe est particulièrement prisé par les écrivains d’autofictions, contrairement au genre autobiographique qui s’écrit souvent au passé ou à l’ imparfait, qui se rédige comme le bilan d’ une vie antérieure. Serge Doubrovsky, père du genre autofictionnel, précise cette pensée dans son roman L ‘Après-vivre : Quand on écrit son autobiographie, on essaie de raconter son histoire, de l’origine jusqu’ au moment où l’on est en train d’ écrire . Dans l’autofiction, on peut découper son histoire en prenant des phases tout à fait différentes et en lui donnant une intensité narrative d’un type très différent de l’ histoire, qui est l’ intensité romanesque .

Cette intensité romanesque dont il parle se vit donc au présent qui est synonyme d’ intemporalité. Dans les œuvres de Laferrière, le présent est cet immédiat qui n’ est jamais historiquement identifié, du moins de façon précise. Il décrit une génération entière, une époque, plutôt qu’ une date précise. Ainsi, le présent plonge de lecteur dans l’ immédiat et contribue à satisfaire le souci de véracité si cher aux yeux des écrivains d’autofictions.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE – VOLET THÉORIQUE 
GENRE AUTOFICTIONNEL ET ENGAGEMENT LITTÉRAIRE CHEZ DANY LA FERRIÈRE
INTRODUCTION
1. Une entrée fracassante
2. La consécration
3. Un personnage-écrivain qui a évolué sur près d’un quart de siècle
CHAPITRE 1 PRÉSENTATION DU GENRE AUTOFICTIONNEL ET DE LA NOTION D’ENGAGEMENT EN LITTÉRATURE 
1. Les caractéristiques de l’ autofiction : entre création et réalité
1.1. L’écrivain à l’avant-scène
1.2. Une liberté ancrée dans le réel
1.3. Auteur versus narrateur: confusion identitaire
1.4. Le réalisme laferrien
2. L’engagement en littérature: observer la société pour mieux la commenter
2.1. Fictions critiques: quand la fiction propulse un engagement concret
2.2. La crédibilité de l’intellectuel
CHAPITRE 2 GENRE AUTOFICTIONNEL ET ENGAGEMENT LITTÉRAIRE DANS LES ŒUVRES COMMENT FAIRE L’AMOUR AVEC UN NÈGRE SANS SE FATIGUER ET L’ÉNIGME DU RETOUR DE DANY LAFERRIÈRE
1. Les diverses identités du personnage-narrateur
2. Le vocabulaire: d’ une langue populaire à une langue standard
3. Les personnages secondaires: existence réelle ou fabulée?
4. L’aspect formel: du dialogue au vers libre
CONCLUSION
1. Laferrière : auteur autofictionnel et engagé
2. Figurations: un roman inspiré des œuvres de Laferrière
DEUXIÈME PARTIE- VOLET CRÉATION 
FIGURATIONS
CHAPITRE 1 LE FROG PURE RACE
CHAPITRE 2 UNE JOBINE DE FROG
CHAPITRE 3 LE FROG SANS PAYS
CHAPITRE 4 UN 1 ER JUILLET CHEZ LES FROGS
CHAPITRE 5 LES FROGS MANIFESTENT
CHAPITRE 6 UN FROG ET UNE PAGE BLANCHE
CHAPITRE 7 LE FROG AU BRAS BRÛLÉ
CHAPITRE 8 UNE DÉVIANCE DE FROGS
CHAPITRE 9 UNE AUTRE RENTRÉE CHEZ LES FROGS
CHAPITRE 10 UN DÉGUISEMENT DE FROG
CHAPITRE11 LE FROG DES NEIGES
CHAPITRE 12 LE FROG SOUTERRAIN
CONCLUSION GÉNÉRALE

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