Les capteurs inertiels à atomes froids

Les capteurs inertiels à atomes froids 

Les capteurs inertiels à atomes froids permettent de mesurer des grandeurs inertielles. La mesure de grandeur inertielle est un enjeu important de la mesure physique car elle permet d’appréhender les effets à l’origine du mouvement, et de connaître la position et la trajectoire des objets. Les capteurs permettant de mesurer des grandeurs inertielles telles que l’accélération, la rotation, l’accélération de pesanteur, le gradient de gravité, ont des applications dans de nombreux domaines de la physique. Les capteurs inertiels à ondes de matière ont des avantages, dont une très bonne stabilité long terme, qui permettent d’obtenir des instruments de précision.

De l’interférométrie atomique vers la mesure inertielle

Deux conceptions de la lumière se sont radicalement opposées pendant des siècles, l’une considérant la lumière comme une onde et l’autre considérant la lumière comme une particule. La conception ondulatoire a été introduite par Huygens, la conception corpusculaire a été notamment soutenue par Newton. Jusqu’au XXe siècle, la conception la plus répandue était de considérer la lumière comme une onde électromagnétique, soutenue notamment par l’expérience de diffraction de Young. Néanmoins, deux phénomènes physiques restaient inexplicables à la fin XIXe siècle avec la conception ondulatoire de la lumière : le rayonnement du corps noir et l’effet photoélectrique. C’est en 1900 que Max Planck postule pour la première fois l’idée de quantification de l’énergie : l’énergie ne peut être émise ou absorbée par un corps que par paquets d’énergie E tels que E = hν, h la constante de Planck et ν la fréquence du rayonnement électromagnétique [8]. Il est rapidement suivi par Albert Einstein qui propose en 1905 une explication de l’effet photoélectrique en postulant l’existence de particule de lumière, qui sera plus tard appelé photon [9]. Einstein pose ainsi le concept de dualité onde-corpuscule pour la lumière. Finalement, c’est en 1923 que Louis de Broglie affirme, lors de ces travaux de thèse, que la dualité onde-corpuscule s’applique aussi à la matière [10, 11]. Il associe à toute particule de masse m une onde, dont la longueur d’onde λDB peut être reliée à la quantité de mouvement p = mv de la particule par la relation λDB =h/mv .

Le développement de la mécanique quantique a posé les bases de la physique moderne en proposant de nouveaux modèles théoriques. Ces progrès ont ouvert des domaines de recherche comme la physique atomique, la physique nucléaire et la physique des particules. Cela a permis de nombreuses inventions qui ont révolutionnées notre quotidien, comme le transistor en électronique, ou le développement du premier laser en 1960 [12]. La propriété ondulatoire de la matière a permis d’imaginer la réalisation d’expériences qui étaient jusque-là réservées aux ondes électromagnétiques. En particulier, l’interférométrie, qui était propre à l’optique ondulatoire, a pu être transposée aux particules. L’utilisation d’ondes de matière en interférométrie permet de mesurer des grandeurs inertielles car le déphasage entre les deux chemins est sensible à des grandeurs inertielles (accélération, rotation, …). L’interférométrie atomique présente de nombreux avantages pour la réalisation de capteurs inertiels par rapport à des interféromètres optiques. Les atomes utilisés sont des objets massiques, ayant un couplage intrinsèquement plus fort avec les champs inertiels que le photon de masse nulle. De plus, les atomes ont de nombreux état internes comparés aux deux seuls états de polarisation transverses possibles des photons, ce qui permet d’obtenir des systèmes de détection divers. Les progrès faits dans la manipulation d’atomes créant des sources d’atomes froids ont permis d’obtenir une meilleure sensibilité aux effets inertiels car les atomes ont des vitesses de déplacement typiques bien plus faibles que des photons, ce qui permet d’augmenter le temps d’interférométrie. Les premiers interféromètres à ondes de matière ont été développés dans les années 1970 en utilisant des neutrons, qui ont permis d’observer des interférences quantiques induites par l’accélération de pesanteur [13] et par l’effet Sagnac dû à la rotation terrestre [14]. Puis des progrès dans la manipulation et le refroidissement d’atomes ont permis d’utiliser des sources atomiques à la place des neutrons, qui sont des sources plus accessibles, moins coûteuses, plus compactes et plus variées. L’obtention de sources d’atomes froids a été possible grâce à plusieurs découvertes scientifiques. Tout d’abord, le développement de lasers accordables en fréquence a permis la manipulation des atomes en utilisant la lumière [15]. Cela a permis d’effectuer les premières expériences consistant à pousser des atomes [16, 17]. Dans les années 1980 a été réalisé la première mélasse optique puis le premier piège magnéto-optique permettant le refroidissement des atomes par laser. Cohen-Tannoudji, Phillips et Chu ont été récompensés par le prix Nobel de physique en 1997 [18, 19, 20] pour leur différents travaux sur le piège magnéto-optique. Il est ainsi possible d’obtenir un nuage d’atomes dont la distribution en vitesse correspond à une température cinétique de l’ordre ou inférieur au mK. Cela permet d’obtenir des sources atomiques moins dispersives en vitesses, plus ponctuelles et plus brillantes. Le progrès réalisé dans les lasers permet d’interagir avec les atomes et ainsi de réaliser les fonctions de base d’un interféromètre [21, 22, 23] : séparation, réflexion et recombinaison des paquets d’onde atomiques. Les premiers interféromètres atomiques utilisent des réseaux de Bragg de lumière [24, 25] ou des transitions Raman stimulées à deux photons [26], qui est une technique ayant conduit au développement par Kasevich et Chu des premiers interféromètres atomiques sensibles à l’accélération de pesanteur utilisant le sodium [26] puis le césium [27].

Applications des capteurs inertiels atomiques

Aujourd’hui, 100 ans après le développement de la mécanique quantique et 30 ans après l’obtention des premiers atomes froids, la technologie des interféromètres atomiques afin d’obtenir des capteurs quantiques connaît un véritable essor. Les mesures précises d’accélération de pesanteur [28], de gradient de gravité [29] et de rotation [30] ont été effectuées. Les avantages des capteurs inertiels à ondes de matière permettent d’ouvrir de nombreux champs d’application, aussi bien en recherche en physique qu’en industrie. Ce sont des capteurs absolus, qui donnent accès directement à la grandeur inertielle mesurée. Le facteur d’échelle associé à la mesure est en effet extrêmement bien connu grâce à l’utilisation de fréquences de transitions atomiques comme référence. Cela permet aussi une dérive globale de l’instrument très faible.

Navigation :
La navigation nécessite la mesure des grandeurs inertielles, afin de se positionner dans l’espace et de calculer des trajectoires. Actuellement, l’outil de navigation massivement utilisé sur Terre est le GNSS (Global Navigation Satellite System), précis et fiable, venant de satellites. Le sigle GNSS désigne l’ensemble des systèmes de positionnement par satellite, englobant GPS (EtatsUnis), GLONASS (Russie), Beidou-2 (Chine) et Galileo (Union Européenne). Néanmoins, il existe des zones dans lesquelles le signal de GNSS n’est pas réceptionné, comme par exemple en zone sous-marine car l’onde électromagnétique ne traverse pas l’eau, ou par exemple en zone spatiale loin de la Terre où le récepteur est trop loin du satellite [31]. Le GNSS n’est pas non plus utilisable en zone urbaine dense. Il est donc intéressant dans certains cas d’effectuer le positionnement et le guidage sans signal satellite. Il est même nécessaire dans certains cas de pouvoir naviguer de façon autonome. En général, une centrale inertielle mesurant l’accélération et la rotation dans les trois directions de l’espace est utilisée de façon complémentaire au GNSS. L’utilisation d’instruments de navigation classiques s’accompagnent d’un biais et d’une dérive qui introduisent des erreurs d’estimation au cours du temps. Ils ont donc besoin d’être re-calibrés régulièrement. Les interféromètres atomiques étant absolus et avec une dérive long terme très faible, ils sont de bons candidats pour effectuer les mesures d’accélération et de rotation afin d’obtenir une centrale inertielle. Ils peuvent aussi être utilisés pour recalibrer les centrales inertielles classiques. L’utilisation d’un gradiomètre en complément de la centrale inertielle permet de plus une navigation furtive. En navigation sous-marine, cela permet de détecter le relief marin ou la présence d’obstacle, sans utiliser de sonar donc sans être détectable [32, 33]. Un gravimètre atomique peut aussi être utilisé en complément d’une centrale inertielle en aide à la navigation. Si on navigue sur une zone où le champ de pesanteur a été préalablement cartographié, on peut mesurer la position du porteur en corrélant la mesure du gravimètre avec les valeurs d’accélération de pesanteur données par la carte. Pour cela, le gravimètre atomique doit pouvoir être embarquable pour mesurer l’accélération de pesanteur sur porteur mobile.

Un gravimètre atomique embarquable peut aussi servir pour effectuer ces cartographies de champ de pesanteur comme ce qu’a obtenu l’ONERA avec le gravimètre GIRAFE [1].

Géodésie :
La géodésie est la science de l’étude de la forme et des dimensions de la Terre. La mesure des variations spatiales de l’accélération de pesanteur sur Terre est très intéressante en géodésie car elle permet de remonter à la forme du géoïde terrestre. Le géoïde terrestre désigne la surface équipotentielle du champ de pesanteur qui indique le niveau moyen des mers. Il sert principalement à la définition des altitudes. En effet, l’accélération de pesanteur varie spatialement en fonction de la composition du sous-sol, de l’altitude et de la latitude. Une mesure précise du champ de pesanteur permet ainsi de déterminer l’écart avec le modèle mathématique théorique du géoïde terrestre de référence de forme ellipsoïdale [35]. Plusieurs satellites utilisant des accéléromètres électrostatiques développés à l’ONERA [36] ont permis d’obtenir des cartes d’anomalie de pesanteur, comme CHAMP (CHAllenging Minisatellite Payload) [37], GRACE (Gravity Recovery And Climate Experiment) [38] ou GOCE (Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer) [39].

Géophysique :
Comme dit précédemment, l’accélération de pesanteur varie spatialement en fonction de la composition du sous-sol, de l’altitude et de la latitude. Les composantes prépondérantes qui influent sur l’accélération de pesanteur sont l’altitude et la latitude. L’effet de l’altitude et de la latitude sur l’accélération de pesanteur provient de la force axifuge. L’accélération de pesanteur comprend deux composantes, la force gravitationnelle et la force axifuge. La force gravitationnelle provient de la force d’attraction entre deux corps de Newton. La force axifuge provient de la rotation sur elle-même de la Terre. Ainsi, dans le référentiel terrestre, tout corps subit une accélération appelée accélération de pesanteur, qui résulte de la somme des deux accélérations venant de ses deux forces. Cette accélération de pesanteur dépend de l’altitude du corps (variation d’environ 3.10⁻⁷ g/m) et de la latitude (variation d’environ 5.10⁻⁷ g/km). D’autres causes influencent les variations spatiales du champ de pesanteur, comme la structure, la composition et la géologie du sous-sol. Il est alors possible de faire de la détection sub-surface avec des gravimètres et des gradiomètres, pour la recherche de différents gisements [40], de certains minéraux, de nappes de pétrole [41, 42], de mines de diamants. Des méthodes similaires peuvent être mises en place pour contrôler le niveau de réservoirs souterrains [43] comme les nappes phréatiques, pour, en archéologie, détecter des cavités naturelles [44] ou des structures construites par l’homme (par exemple des tunnels, des bunkers [45] ou des vestiges). L’intérêt d’utiliser un gradiomètre pour toutes ces applications, vis-à-vis d’un gravimètre, réside dans le fait qu’il ne mesure pas la valeur absolue de l’accélération de pesanteur mais seulement des variations d’accélération. Cela permet de faire des mesures en dynamique en s’affranchissant de l’accélération du porteur.

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Table des matières

Introduction
0.1 Les capteurs inertiels à atomes froids
0.1.1 De l’interférométrie atomique vers la mesure inertielle
0.1.2 Applications des capteurs inertiels atomiques
0.2 État de l’art des capteurs inertiels atomiques
0.2.1 Gravimètres
0.2.2 Accéléromètres horizontaux et en micropesanteur
0.2.3 Gyromètres
0.2.4 Gradiomètres
0.2.5 Capteurs multi-axe
0.3 Présentation des travaux de thèse
0.4 Plan du manuscrit
I Présentation des interféromètres atomiques Mach-Zehnder et double-boucle, et de l’hybridation du capteur
I.1 Transitions Raman stimulées
I.1.1 Transition Raman stimulée à deux photons
I.1.2 Outils pour l’interférométrie atomique : séparatrice et miroir atomiques
I.2 Interféromètre atomique de type Mach-Zehnder
I.2.1 Description de l’interféromètre
I.2.2 Calcul du déphasage
I.2.3 Gravimètre atomique
I.2.4 Accéléromètre horizontal atomique
I.2.5 Réponses de l’interféromètre de type Mach-Zehnder
I.3 Interféromètre atomique double-boucle
I.3.1 Description de l’interféromètre
I.3.2 Interféromètres de Ramsey-Bordé parasites
I.3.3 Interféromètre atomique double-boucle asymétrique
I.3.4 Réponses de l’interféromètre double-boucle asymétrique
I.4 Intérêts de l’hybridation avec un capteur inertiel classique
I.4.1 Franges sinusoïdales
I.4.2 Temps morts
I.4.3 Combinaison linéaire d’une rotation et d’une accélération
I.4.4 Une seule mesure inertielle mesurée par cycle
I.5 Le fonctionnement de CHAMO
I.5.1 Structure de l’hybridation pour la mesure d’une grandeur inertielle
I.5.2 Séquence de mesure des 6 composantes inertielles
I.6 Conclusion
II Dispositif Expérimental
II.1 Présentation générale du dispositif expérimental
II.2 Système laser fibré et micro-onde
II.2.1 Système laser fibré à 1560 nm
II.2.2 Génération des raies lasers et module micro-onde
II.2.3 Comportement dynamique du laser
II.3 Système laser espace libre à 780 nm
II.3.1 Banc optique espace libre
II.3.2 Montage optique de la tête du capteur
II.4 Enceinte à vide
II.4.1 Architecture de l’enceinte à vide
II.4.2 Accès optiques de l’enceinte à vide
II.5 Environnement magnétique
II.5.1 Bobines de gradient de champ magnétique pour le piège magnéto-optique
II.5.2 Blindage en µmétal
II.5.3 Bobines de quantification verticales
II.5.4 Bobines transverses
II.6 Système optique de détection
II.7 Plateforme d’isolation des vibrations et accéléromètres classiques
II.8 Conclusion
III Séquence expérimentale et mesure de l’accélération verticale
III.1 Piégeage et refroidissement des atomes
III.1.1 Piège magnéto-optique (PMO)
III.1.2 Séquence de mélasse optique
III.2 Détection
III.2.1 Séquence expérimentale
III.2.2 Bruit de détection
III.3 Séquence pour l’interférométrie verticale
III.3.1 Préparation de l’état quantique des atomes
III.3.2 Transitions Raman stimulées suivant l’axe vertical
III.4 Validation du dispositif par la mesure de l’accélération verticale
III.4.1 Franges gravimétriques
III.4.2 Optimisation de la mesure
III.4.3 Sensibilité de mesure
III.5 Conclusion
Conclusion

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