Câbles et pathologies
Les câbles dans le génie civil
Les câbles utilisés en génie civil sont essentiellement constitués de fils d’acier de natures et de formes variables même si l’élément de base reste un fil d’acier de 3 à 7 mm de diamètre [12]. Ces fils, obtenus à partir de fils machines, sont en acier non ou peu allié et de composition proche de l’eutectoïde (tableau 1.1). Après laminage à chaud (850-900 °C) suivi d’un refroidissement rapide par trempe, les fils machines subissent un patentage (traitement thermique vers 500 °C) et puis un tréfilage par passage à travers des filières de diamètres décroissants (figure 1.1). Ces traitements transforment la micro-structure initiale en une matrice perlitique et favorisent une augmentation de la résistance mécanique par écrouissage et orientation des grains [13]. En guise d’exemple, le tréfilage d’un fil machine d’acier inoxydable de diamètre 11 mm en un fil de 3 mm multiplie la résistance mécanique par plus de 2.5 [14]. En définitif après ces traitements, deux types de fils sont principalement obtenus que sont les fils ronds et les fils profilés (en Z, par exemple). Ces fils peuvent subir une galvanisation par trempe dans un bain de zinc permettant de les protéger contre des phénomènes de corrosion; cependant cette galvanisation s’accompagne d’une perte de propriétés mécaniques d’environ 10% [15].
À partir de ces fils élémentaires, selon les contraintes imposées par l’usage ou les performances mécaniques souhaitées, plusieurs combinaisons peuvent être utilisées (figure 1.2) qui donnent les principaux types de câbles rencontrés dans le domaine du génie civil. Ainsi il existe, suivant leur usage, différents types de câbles tels que les câbles à fils parallèles (1.2a), les câbles torsadés (1.2b) et les câbles toronnés .
1. Les câbles à fils parallèles : les premiers à être utilisés sur les ponts suspendus français au début 19ième siècle, ils ont été progressivement remplacés par les câbles à torsion alternative vers la fin de ce siècle [18]. Cependant, profitant des avancées technologiques, ces câbles continuent à être utilisés dans les pays de l’Europe du Nord et aux États Unis. Le câble est constitué de câbles élémentaires à fils parallèles organisés selon une distribution hexagonale et ancrés individuellement sur les massifs d’ancrage. Lors de la mise en place de ces types de câbles sur site, une bobine serre les fils les constituant à l’aide d’une frette réalisée à intervalles réguliers. Ceci permet de solidariser les fils et la pression exercée favorise le ré-ancrage d’un fil en cas de rupture.
2. Les câbles torsadés : Inventés en milieu du 19ième siècle, ces câbles offrent une grande souplesse et ont été utilisés dans les ponts pour réaliser des suspentes et des haubans pour des tabliers légers. Ils consistent à enrouler des torons de faibles diamètres (7 ou 19 fils) autour d’une âme centrale métallique ou éventuellement constituée de fibres textiles.
3. Les câbles toronnés : Étant les plus utilisés en France, ils sont réalisés par enroulement en hélice des fils autour d’un fil central (l’âme). Ces fils sont disposés en couches de 6, 12, 18… fils avec un sens d’hélice inversé d’une couche à l’autre afin d’éviter tout détoronnage. Cette disposition des couches permet à un fil rompu de se ré-ancrer (à une certaine distance de la rupture) par frottements interfilaires et ainsi de continuer à participer à la résistance du câble. Les câbles les plus utilisés dans les ouvrages sont constitués de 6, 7 ou 8 couches soit un total de 127, 169 ou 217 fils.
Les câbles clos constituent une variante à ces types de câbles toronnés où les couches extérieures (une ou deux le plus souvent) sont réalisées avec des fils profilés (en Z ou en trapèze). Cette disposition permet d’étancher le câble pour retarder la corrosion par infiltration d’eau. Cependant une eau ayant pénétré au moyen de petits écartements locaux du câble (au niveau des selles d’appui par exemple) peut se retrouver piégée durablement à l’intérieur même si l’introduction de cire permet d’éviter la circulation de cette eau.
Les pathologies des câbles
Les principales causes de dégradation des câbles sont la corrosion et le fretting-fatigue qui est une fatigue combinée à des frottements en petits débattements locaux [19, 20]. La corrosion des câbles se produit suite à l’infiltration d’eau chargée en ions chlorures ou sulfates (sels de déverglaçage, en environnement marin ou industriel). Ces infiltrations sont le plus souvent notées au niveau des points fixes (culot d’ancrage, étrier, collier de suspente, selle de déviation) ou en partie courante quand les éléments de protection (peinture, mastic, graisse) sont dégradés [21]. Cette corrosion peut ainsi toucher une partie plus ou moins homogène du câble et entraîner une perte de résistance par réduction de la section, on parle de corrosion généralisée (figure 1.4a). Elle peut aussi agir de manière plus locale sous formes de cratères/piqûres, il s’agit de la corrosion localisée (figure 1.4b). En plus de la diminution de la charge à rupture, cette dernière entraîne une diminution de la déformation à la rupture. L’autre forme de corrosion à laquelle sont sensibles les câbles est la corrosion sous contrainte (CSC) qui peut entraîner des ruptures brutales sans déformations préalables [22]. Cette sensibilité est d’autant plus importante quand la contrainte est élevée. Et ce phénomène est noté lorsqu’un certain seuil, estimé à 50% de la résistance maximale à la rupture (Rm), est franchi; ce qui est souvent le cas dans les câbles de précontrainte et plus rarement dans les haubans et suspentes.
L’autre cause de dégradation des câbles, le fretting-fatigue (figure 1.5), est identifiée comme étant la principale cause de rupture des fils soumis à la fatigue. Ce phénomène est noté au niveau des contacts entre fils du même câble, entre torons adjacents ou entre câble et les pièces fixes telles que les ancrages ou colliers de suspentes. Il est à souligner que tous ces mécanismes peuvent agir en même temps et ont un effet combiné nocif; le seuil de non fissuration en CSC diminue en présence de sollicitations de fatigue et les forces de contact diminuent la limite d’endurance apparente des fils. Au vu de ces dégradations pouvant affecter les câbles, et in fine la sécurité des usagers, il devient important de mettre en place des outils pour pouvoir détecter et suivre l’état de santé des câbles des ouvrages d’art. Les principales méthodes actuellement disponibles permettant d’appréhender l’état des câbles sont [18] :
— l’examen visuel qui reste le moyen privilégié d’inspection des câbles et permet de détecter des endommagements ayant lieu sur la couche extérieure des torons tels que les ruptures de fils et une corrosion. Cependant lorsque ces défauts sont situés sur des parties cachées tels que les ancrages ou les colliers ou encore dans les couches internes des torons élémentaires et des câbles internes (pour les faisceaux de câbles), cette inspection visuelles ne permet pas de les détecter.
— les méthodes électromagnétiques (gammagraphie, radiographie) peuvent permettre d’évaluer la corrosion et les ruptures de fils sur des torons élémentaires. Cependant avec ces méthodes toutes les ruptures ne sont pas localisables s’il n’y a pas détoronnage, les zones massives ne peuvent être radiographiées correctement et ce sont des techniques longues, coûteuses, très ponctuelles et réglementairement très contraignantes [23]
— les méthodes dynamiques qui sont basées sur la variation des paramètres modaux des câbles. Elles ne donnent pas entière satisfaction quant à la détection de défauts de câbles situés dans les ancrages [24].
Parmi les méthodes utilisées pour l’auscultation des câbles d’ouvrages d’art figurent les méthodes dynamiques et l’émission acoustique qui elles aussi prises individuellement admettent des limites qui font qu’elles ne donnent qu’une idée partielle de l’état qualitatif du câble ausculté; d’où l’idée de les combiner dans cette thèse.
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Table des matières
Introduction générale
1 Bibliographie
1.1 Introduction
1.2 Câbles et pathologies
1.2.1 Les câbles dans le génie civil
1.2.2 Les pathologies des câbles
1.3 Méthodes dynamiques
1.3.1 Définition et principes
1.3.2 Analyse modale
1.3.3 Analyse modale expérimentale
1.3.4 Analyse modale opérationnelle
1.3.5 Identification des modes
1.3.6 Détection et localisation d’endommagements
1.3.7 Conclusion
1.4 Émission acoustique
1.4.1 Définition
1.4.2 Historique
1.4.3 Applications
1.4.4 L’analyse des données d’émission acoustique
1.4.5 Conclusion
1.5 Annexe
2 Analyse dynamique
2.1 Introduction
2.2 Présentation des essais expérimentaux
2.2.1 Configuration des essais sur le T15.7 et sur câble bi-couches
2.2.2 Configurations des essais sur le câble EMR
2.3 Analyse des données du T15.7
2.3.1 Positionnement des capteurs et des défauts
2.3.2 Identification des paramètres modaux
2.3.3 Détection des ruptures de fils du T15.7 : niveau 1
2.3.4 Localisation des ruptures de fils du T15.7 : niveau 2
2.3.5 Estimation empirique du degré d’endommagement : niveau 3
2.4 Modèle d’éléments finis du T15.7
2.4.1 Théorie de la poutre d’Euler-Bernoulli
2.5 Analyse des données sur monotorons bi-couches
2.5.1 Positionnement des capteurs et des défauts
2.5.2 Identification des paramètres modaux des bi-couches
2.5.3 Détection et localisation des défauts des bi-couches
2.5.4 Estimation empirique du degré d’endommagement des bi-couches : niveau 3
2.6 Analyse des données du câble EMR multicouches
2.6.1 Identification des paramètres modaux
2.6.2 Caractérisation des défauts
2.7 Conclusion à l’analyse dynamique
2.8 Annexes à l’analyse dynamique
3 Analyse émission acoustique
3.1 Introduction
3.2 Choix des paramètres d’essais à travers l’instrumentation du T15.7
3.2.1 Présentation de l’essai
3.2.2 Étude quantitative des données
3.2.3 Conclusion
3.3 Dispositif expérimental et sources d’EA sur câble bi-couches
3.4 Analyse de l’EA du câble sain
3.4.1 Analyse quantitative
3.4.2 Corrélation des paramètres d’EA
3.4.3 Séparation des sources à travers la distribution des paramètres
3.4.4 Séparation des sources à travers les outils de Machine Learning
3.5 Analyse de l’EA du câble avec ruptures de fils en partie courante
3.5.1 Présentation des essais
3.5.2 Analyse paramétrique
3.5.3 Séparation des sources d’EA sur câbles avec fils coupés par Machine Learning
3.6 Caractérisation de défauts dans l’ancrage
3.7 Conclusion sur l’analyse par émission acoustique
3.8 Annexe de l’analyse EA
Conclusion générale