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Vers un nouvel essor des complexes carbéniques
Le premier carbène stable à avoir été synthétisé est le phosphinosilylcarbène B, obtenu par photolyse ou thermolyse du précurseur diazoïque correspondant (figure 11).16 Ce carbène singulet est stabilisé par la présence de deux hétéroatomes qui ont des effets électroniques complémentaires. D’un côté, le groupement phosphino qui est mésomère donneur, interagit avec l’orbitale p vide du centre carbénique et de l’autre côté, le groupement silyl stabilise la charge négative portée par le carbone.
Ces carbènes possèdent la réactivité typique des carbènes transitoires (insertion C-H, cyclopropanation…). Par contre, ce type de carbène n’a jamais pu être complexé sur des métaux de transition. D’un point de vue théorique, il semblerait que la complexation induise une fermeture importante de l’angle PCSi dont le coût énergétique ne serait pas compensé par la formation de la liaison M-C.17
Avec la synthèse du premier diaminocarbène stable en 1991 par Arduengo18, la chimie des complexes carbéniques va connaître une véritable révolution. Ces carbènes sont généralement obtenus par déprotonation des acides conjugués correspondants à l’aide d’une base forte (figure 12). Leur mode de stabilisation implique l’interaction des deux atomes d’azote (ð-donneurs) avec l’orbitale p vacante du centre carbénique (3 centres, 4 électrons). En outre, de par leur effet inductif attracteur, les atomes d’azote stabilisent l’orbitale nó. C’est la combinaison de ces deux effets qui est à l’origine de la stabilité de ces carbènes.
A la différence des phosphinosilylcarbènes, les diaminocarbènes ne possèdent pas la réactivité des carbènes transitoires. Ceci est la conséquence directe de la forte interaction des deux atomes d’azote avec le centre carbénique qui perturbe fortement sa structure électronique et rend sa BV inaccessible. On notera cependant qu’à défaut de pouvoir s’insérer dans les liaisons C-H, les diaminocarbènes s’insèrent dans les liaisons polarisées de type X-H (X = O, N).19
Enfin, parce que leur BV est très haute en énergie, ces carbènes ne sont pas du tout électrophiles. Par contre, ce sont de puissants nucléophiles, utilisés dans les réactions catalysées habituellement par les nucléophiles : trans-estérification20, condensation benzoïne , catalyseurs de polymérisation
De par leurs propriétés électroniques, les diaminocarbènes et plus précisément les carbènes N-hétérocycliques (NHC) ont trouvé naturellement leur place en tant que ligands des métaux de transition et ont été complexés sur tous les métaux de transition. La méthode généralement utilisée pour quantifier les effets électroniques (ó-donneur / ð-accepteur) d’un ligand, consiste à analyser par IR les bandes d’élongation associées aux vibrateurs CO d’un complexe LM(CO)n où L est le ligand d’intérêt puis à les comparer à celles d’autres complexes de type L’M(CO)n. Il a été ainsi montré que les NHC sont plus ó-donneurs et moins ð-accepteurs que les phosphines.23 L’absence de caractère ð-accepteur est en accord avec les données obtenues à l’état solide qui montrent que la liaison M-Ccarbène est simple. Aussi, les complexes de NHC sont mieux représentés par la forme métalla-iminium C (figure 13). Cependant, le formalisme souvent utilisé pour représenter ces complexes est C’. Par la suite, ce formalisme sera étendu aux complexes de monoaminocarbènes.
Une diversité structurale limitée
Les propriétés électroniques des NHC ne peuvent être modifiées qu’en jouant sur le caractère insaturé ou saturé du cycle à 5 chaînons ou en faisant varier la taille de l’hétérocycle (figure 15). En outre, l’incorporation d’hétéroéléments comme le phosphore ou le bore a 38b permis de moduler dans une certaine mesure les propriétés électroniques de ces carbènes.
Finalement, il apparaît que ces modifications ont une influence relativement faible sur la structure électronique des NHC qui restent globalement très ó-donneurs et non ð-accepteurs. Ceci peut s’interpréter en considérant que ces variations concernent la partie « arrière » du carbène et donc se répercutent faiblement sur le métal. Il en va de même si l’on veut placer un élément de chiralité sur le carbène (figure 16). Plusieurs exemples ont été décrits39 et bien que certains modèles donnent des résultats encourageants39a, il est possible que la chiralité se retrouve trop éloignée du centre métallique.
Vers de nouveaux carbènes stables
La substitution du centre carbénique par deux hétéroatomes semblant nécessaire, la diversité des carbènes stables est restée longtemps limitée. Cependant, en 2000, la synthèse du phosphino-trifluorométhylcarbène a été réalisée au laboratoire à partir du précurseur diazoïque correspondant (figure 17).
Bien que sa stabilité soit modeste (il dimérise au dessus de –30°C), la preuve est faite qu’un seul hétéroatome est nécessaire à la stabilisation du centre carbénique. Le remplacement du groupe trifluorométhyl par un groupement plus encombrant comme le 2,6-bistrifluorométhylphényl a permis d’accroître considérablement la stabilité du carbène puisque ce dernier est stable à température ambiante. Une étude à l’état solide a révélé que ce carbène adopte une structure cumulénique E’ où les liaisons P-Ccarbène (1.54 Å) et Ccarbène-Caryl (1.39 Å) sont courtes et l’angle PCcarbèneCaryl très ouvert (162°) (figure 18).40
Ces observations sont le résultat de la donation de la paire libre du phosphore vers l’orbitale p vide du carbène d’une part et de la rétrodonation de l’anion porté par le carbone vers le système ð* du groupement aromatique d’autre part. Comme le phosphinosilylcarbène, le mode de stabilisation de ce carbène est de type donneur-accepteur. Dans ces exemples, l’électroneutralité du carbène est préservée par les effets opposés +M de l’atome de phosphore et –I ou –I/-M de l’autre groupement. La question s’est alors posée de savoir si un groupement possédant à la fois un effet donneur et accepteur pouvait conduire à l’obtention de carbènes stables. De part ces effets +M et –I, l’azote a été considéré comme le candidat idéal. La synthèse d’un aminocarbène substitué par un groupement super-mésityl a alors été réalisée au laboratoire (figure 19).
Ce carbène est parfaitement stable à basse température mais se réarrange à température ambiante par insertion du centre carbénique dans une liaison C-H d’un t-Bu. Le remplacement des groupements t-Bu par des groupements trifluorométhyles, dont les liaisons C-F sont inertes vis à vis des réactions d’insertion, a permis la synthèse d’un monoaminocarbène parfaitement stable à température ambiante (figure 20).
Les études à l’état solide ont montré que la liaison N-Ccarbène (1.28 Å) est plus courte que dans le cas des diaminocarbènes (1.37 Å), démontrant que l’interaction d’un seul groupement amino avec le centre carbénique est plus forte. Comme dans le cas du phosphinocarbène E, le groupement aryle est perpendiculaire au plan NCcarbèneCaryl. Mais à la différence de ce dernier, il n’y a pas d’interaction de l’orbitale nó du centre carbénique avec le système ð* du groupement aromatique comme l’atteste la liaison Ccarbène-Caryl plutôt longue (1.45 Å). Ceci vient de l’angle NCcarbèneCaryl très fermé (121°), qui ne permet pas un bon recouvrement des orbitales concernées. Par comparaison, la valeur de l’angle PCcarbèneCaryl est de 162° dans le phosphinocarbène E.
Puisque le groupement aryle de F n’interagit pas avec le centre carbénique, il peut être considéré comme spectateur et ce carbène est donc du type donneur-spectateur.
Les aminoalkylcarbènes
Le premier aminoalkylcarbène à avoir été synthétisé est l’aminotert-butylcarbène (figure 6).7 Bien évidemment, seul l’atome d’azote participe à la stabilisation du centre carbénique, le groupement tert-butyle restant spectateur. Ce carbène est parfaitement stable à l’état solide mais se réarrange en solution en imine A et propène. Contrairement aux diaminocarbènes, ce carbène réagit avec l’acrylate de méthyle pour conduire au cyclopropane correspondant B (figure 6).
Ce carbène a pu également être complexé sur les métaux de transition et la synthèse du complexe carbonylé C (figure 3) a permis de comparer ses propriétés électroniques avec celles des diaminocarbènes. Il ressort de cette étude que ce carbène est fortement ó donneur et faiblement ð-accepteur à l’instar des diaminocarbènes.
Très récemment, une nouvelle étape a été franchie avec la synthèse d’aminoalkylcarbènes cycliques (CAAC) Da et Db (figure 7).8
La synthèse du complexe carbonylé [Ir(CO)2ClDb] a permis de comparer leurs propriétés électroniques avec celles des carbènes existants. L’analyse des bandes de vibration CO a démontré que ces carbènes font partie des plus donneurs. Ils sont également peu ð-accepteurs comme les NHC. Des essais en catalyse avec les complexes de palladium [Pd(allyl)ClD] ont permis d’effectuer pour la première fois l’á-arylation de cétones avec des chlorures d’aryle à température ambiante.8a cationique à 14 e-.
Il faut souligner ici que les diaminocarbènes (NHC compris) n’avaient jamais pu déboucher sur la stabilisation de telles espèces déficientes en électrons. On comprend dès lors l’intérêt de développer des aminocarbènes à substituants spectateurs puisque d’une part le substituant amino permet de stabiliser le carbène en lui conférant des propriétés proches de celles des NHC, et d’autre part le substituant en á du centre carbénique peut jouer un rôle de protection efficace au niveau du carbène ou du complexe métallique. Enfin, de la chiralité peut également être introduite dans une position plus proche que cela ne peut être fait avec les diaminocarbènes.
Essai de synthèse d’un biphénylcarbène
Synthèse du biphényliminium 1
Pour débuter notre étude sur la synthèse et la complexation d’aminobiphényl carbènes, nous nous sommes d’abord intéressés à la synthèse d’un iminium précurseur le plus simple possible : le biphényliminium 1. Ce composé a été synthétisé one pot à partir de 2-bromobiphényle commercial en suivant la stratégie décrite par Alder (figure 12).13Ainsi, la lithiation du 2-bromobiphényle par n-BuLi dans Et2O suivi du piégeage par le diiso-propylformamide conduit à l’alcoolate correspondant qui n’est pas isolé et qui est immédiatement piégé par l’anhydride triflique. Après traitement, l’iminium 1 est isolé sous forme de poudre blanche avec un rendement de 58%.
Déprotonation du biphényliminium
La déprotonation de 1 a été effectuée à – 80°C dans le THF à l’aide de LiHMDS (figure 13). La solution prend instantanément une couleur jaune. L’analyse RMN du 13C à – 80°C ne révèle pas la présence du carbène attendu mais celle de l’aminofluorène 3, identifié par comparaison avec les données de la littérature.14
D’un point de vu mécanistique, la déprotonation du H2’ (figure 13) par LiHMDS semble peu probable étant donné les différences de pKa entre ces deux espèces et la rapidité de la réaction à – 80°C. La déprotonation s’effectue plus vraisemblablement sur le proton acide de l’iminium pour conduire transitoirement à la formation du carbène 2. Ce dernier s’insèrerait alors dans la liaison C-H2’. Notons qu’à notre connaissance aucune insertion de ce type n’a été décrite alors que les insertions de carbènes dans les liaisons CH sp3 sont bien connues15. Dans le cas présent, cette insertion est sans doute favorisée par la proximité spatiale du H2’.
Afin de prévenir cette réaction d’insertion, il suffit à priori d’éloigner suffisament H2’ du centre carbénique. Ceci pourrait être accompli en augmentant la valeur de l’angle de torsion C2C1C1’C2’ (figure 13) par l’introduction de substituants sur les positions 6 et 6’. Ainsi, nous avons décider de synthétiser un binaphtyl iminium et d’étudier sa déprotonation en anticipant qu’un angle de torsion plus important serait obtenu avec ce modèle. Typiquement cette différence est de l’ordre de 25° entre les complexes de biphénylphosphines et binaphtylphosphines 2-2’-disubstituées.
Essai de synthèse d’un binaphtylcarbène
Synthèse de l’iminium 4
La synthèse de cet iminium a été effectuée à partir du 2-bromo-1,1’-binaphthyl16 par la même voie que précédemment avec un rendement de 54% (figure 14).
Déprotonation de l’iminium 4
La déprotonation de l’iminium 4 a été réalisée avec LiHMDS dans le THF à – 80°C (figure 15). Malgré le suivi de la réaction à basse température par RMN du 13C, le carbène n’a pu être observé.
Ici encore, la réaction est très propre. En RMN du 13C, on dénombre 12 CH aromatiques soit un de moins que dans l’iminium précurseur 4. Le CH aromatique «manquant » se retrouve à 68.5 ppm en RMN du 13C et 4.71 ppm en RMN du 1H et intègre bien pour un proton. Il n’y a pas de doute, par analogie avec le produit 3, ce signal doit correspondre au CHN du produit d’insertion 5. Cependant, à la différence de 3, les CH-iPr sont inéquivalents. Alors, qu’en est-il ? En fait, il faut se rappeler que l’iminium 4 est chiral du fait de l’atropoisomérie intrinsèque liée au squelette binaphtyle. Ainsi, le produit résultant de la déprotonation par LiHMDS doit être chiral et les CH-iPr diastéréotopes. 5 est donc bien le produit d’insertion suspecté au départ.
Finalement, il apparaît qu’un angle de torsion plus important ne permet pas d’éviter l’insertion du carbène dans la liaison CH aromatique adjacente, celle-ci restant suffisamment proche spatialement. Pour isoler de tels carbènes, il faut donc introduire un groupement inerte vis à vis des réactions d’insertion. Le groupement méthoxy semble parfaitement remplir cette condition. En plus, ce modèle biphénylé donnerait accès à l’analogue carbénique 7 du prototype des phosphines de Buchwald Gc (figure 16).9 Enfin, l’extrapolation en série binaphtyle pourrait permettre d’accéder à des carbènes à chiralité axiale comme 11, analogue de la MOP.
Synthèse de l’analogue carbénique de la phosphine de Buchwald Gc
Synthèse de l’iminium 6
L’iminium précurseur 6 a été synthétisé comme précédemment à partir 2’-bromo-2,6-dimethoxy biphenyl17 et obtenu avec un rendement de 69%. Il a été entièrement caractérisé par RMN multinoyaux; on notera simplement l’équivalence des deux groupes méthoxy aussi bien en RMN du 1H (à 3.73 ppm) que du 13C (à 57.2 ppm) indiquant la libre rotation autour de la liaison biphényle.
Synthèse du carbène correspondant
La déprotonation de cet iminium s’est révélée délicate et de nombreuses bases ont été testées: LiHMDS, t-BuOK, LDA, KH, BuLi. Dans la majorité des cas (LiHMDS, t-BuOK, BuLi), c’est le produit d’addition de la base sur l’iminium qui a été obtenu. Avec le LDA, c’est le produit de réduction de l’iminium en amine qui a été obtenu. Enfin, aucune réaction avec KH n’a été observée à une échelle de temps raisonnable, probablement à cause de la très faible solubilité des deux réactifs dans le THF. Finalement, TMPLi s’est avérée la seule base capable de déprotoner l’iminium 6, générant le carbène 7 proprement (figure 17). La caractérisation RMN de ce carbène a été effectuée à température ambiante démontrant sa remarquable stabilité.
En RMN du 13C, le centre carbénique apparaît à 305 ppm, dans la zone des autres aminoarylcarbènes décrits.18Les deux CHi-Pr ne sont pas équivalents du fait du caractère double de la liaison Ccarbène-N. Il est intéressant de noter que les deux groupements méthoxy ne sont plus équivalents (55.4 et 56.7 ppm en RMN du 13C) comme dans l’iminium précurseur 6 suggérant que la rotation autour de la liaison biphényle est maintenant bloquée. Comment peut-on expliquer ces différences?
– hypothèse a : un méthoxy interagit intramoléculairement avec l’orbitale vacante du centre carbénique tandis que l’autre reste spectateur (figure 18).
– hypothèse b : le cation métallique (Li+) est chélaté entre le centre carbénique et un groupement méthoxy (figure 18).
Ces deux hypothèses ont l’avantage de rendre compte de la stabilité remarquable de ce carbène, aucune dégradation significative n’ayant été observée après un jour à température ambiante. Du fait des contraintes géométriques liés au squelette biphényle, une stabilisation intramoléculaire de l’orbitale vacante du centre carbénique par donation d’un doublet libre du groupement méthoxy semble peu probable. En effet, la coplanarité des deux groupements phényl est défavorisée par la gêne stérique provoquée par la présence du proton sur la position 6 et celle du méthoxy sur la position 6’ (figure 18). De plus, si une telle interaction existait dans le carbène, elle devrait exister à plus forte raison dans l’iminium qui est plus électrophile. Or, ce n’est pas le cas puisque nous avons constaté la libre rotation autour de la liaison biphényle (équivalence des deux groupements méthoxy) et que le déplacement chimique du carbone iminium est cohérent avec celui d’autres iminiums ne possédant pas d’interaction. L’hypothèse b semble donc plus raisonnable et rendrait compte aussi de la faible solubilité du carbène dans les solvants apolaires comme le pentane. Cette hypothèse pourrait être confirmée en regardant l’influence de la nature du cation métallique sur le déplacement chimique du centre carbénique. Ceci supposerait alors d’utiliser des bases comme TMPNa ou TMPK.19
L’introduction de groupements méthoxy sur le squelette biphényle a donc permis d’accéder au premier carbène biphénylé 7. Ce dernier étant finalement l’analogue carbénique du prototype des phosphines de Buchwald Gc, étudions maintenant sa chimie de coordination.
Complexation sur [PdCl(allyl)]2
Nous avons choisi le complexe [PdCl(allyl)]2 comme précurseur métallique pour plusieurs raisons: d’abord, il présente une réactivité certaine de part la présence de ponts chlore labiles. Ensuite, son encombrement stérique réduit doit permettre de complexer des ligands encombrants. Enfin, en vue de futures applications en catalyse, il a été démontré que les complexes de PdCl(allyl) sont des précurseurs de l’espèce active dans les réactions de couplage.20
Pour cette réaction de complexation, le carbène a été généré in situ à – 80°C et 0.5 éq. de [PdCl(allyl)]2 ont été ajoutés en solution dans le THF (figure 19). Après traitement, le complexe carbénique correspondant 8 est obtenu avec un rendement de 63%. Il faut souligner ici la remarquable stabilité de ce complexe à l’air dans des solvants non distillés, par rapport à celle du premier complexe d’aminoarylcarbènes (en RhI), très sensible à l’hydrolyse.
En RMN du 13C, le centre carbénique apparaît à 254 ppm, soit blindé de 50 ppm par rapport au carbène “libre”. Les deux groupements méthoxy ne sont pas équivalents (56.3 et 57.8 ppm en RMN du 13C) montrant que la rotation autour de la liaison biphényle est toujours bloquée. Les CH2 du fragment allyl résonnent à 51.4 et 71.6 ppm indiquant une structure dissymétrique qui résulte de la présence en trans de chaque CH2 de deux ligands aux propriétés électroniques différentes (Cl et carbène).
Ce complexe a été cristallisé dans un mélange CH2Cl2/Et2O à – 30°C. Des monocristaux ont permis de mener une étude par diffraction des rayons X (figure 20).
Comme attendu, la structure RX révèle que la liaison C1-N1 (1,31 Å) est plus courte que dans les complexes de diaminocarbènes, ce qui est dû à la présence d’un seul atome d’azote. La longueur de la liaison Pd-C1 (2,03 Å) est dans la région typique pour ce type de liaison puisque comprise entre 1.86 et 2.05 Å.3 La liaison située en trans du carbène (2.21 Å) est plus longue que celle située en trans du chlore (2.11 Å), reflétant l’influence trans plus importante du carbène par rapport à celle du chlore. Le phényl adjacent au centre carbénique est pratiquement perpendiculaire au plan1 PdC1C2 (angle dihèdre PdC1C2C7 de 87°). Il en résulte que le phényl substitué par les groupements méthoxy est forcé de s’éloigner du palladium. Cette géométrie crée un environnement différent pour chaque groupement méthoxy en bloquant la rotation autour de la liaison C7-C8 du biphényle (angle de torsion de 72°). En effet, un méthoxy se retrouve du même côté que le palladium tandis que l’autre se retrouve côté Ni-Pr2. Notons que cette inéquivalence des deux groupements méthoxy est en accord avec les données RMN en solution.
Bien que la géométrie du squelette biphényle dans ce complexe ait été prévisible (Cf figure 10 introduction), on peut se demander comment ce ligand va se comporter si un site vacant est créé sur le métal. Est-il assez proche pour interagir avec le métal? Si oui, quel type d’interaction sera mis en jeu ? Une interaction Caryl/Pd, comme celle décrite pour les complexes de phosphines biphénylées, ne serait effective que dans le cas où le phényl adjacent au centre carbénique pivote d’un angle proche de 90°. Aussi, la coordination d’un groupement méthoxy pourrait être favorisée, puisque entraînant moins de contrainte géométrique.
Génération du complexe cationique
Nous avons traité le complexe neutre 8 par AgBF4 dans le CH2Cl2 (figure 21). Il se forme immédiatement un précipité d’AgCl. Il semble donc que le chlorure ait bien été arraché. D’abord, la RMN du 13C indique qu’il s’agit d’un mélange (1 : 0.4) de deux produits très similaires qui sont tous deux des complexes carbéniques avec un signal caractéristique à 246 ppm et 250 ppm. Les données RMN de ces deux composés étant quasi identiques, nous présenterons uniquement les caractéristiques de l’isomère majoritaire. La dissymétrie du fragment allyl est préservée, les CH2 résonnant à 50.7 et 77.6 ppm. Notons que ces valeurs sont comparables à celles trouvées dans le complexe neutre 8 (51.4 et 71.6 ppm).
L’information clé provient du déplacement chimique des groupements méthoxy. En effet, un des deux methoxy apparaît à 71.6 ppm, déblindé de 15 ppm par rapport au complexe neutre, tandis que l’autre reste à 57 ppm. Il semble donc qu’un groupement méthoxy soit coordiné au palladium. La structure a été confirmée par une étude par diffraction aux rayons X. Le complexe 9 existe en fait sous forme de deux diastéréoisomères, présents tous deux dans la même maille. Cependant, à cause du désordre associé au CHallyl, ils ne peuvent être distingués. Cette diastéréoisomérie s’explique d’une part par l’atropoisomérie créée par la différenciation des deux groupements méthoxy (l’un est coordiné au métal, l’autre non) et d’autre part par la configuration up/down du fragment allylique. Ces données à l’état solide sont en accord avec la présence des deux produits similaires identifiés par RMN.
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Table des matières
I. Introduction bibliographique
I.1 Les complexes de Fischer
I.2 Les complexes de Schrock
I.3 Vers un nouvel essor des complexes carbÈniques
I.4 Une diversitÈ structurale limitÈe
I.5 Vers de nouveaux carbËnes stables
II. Objectifs
RÈfÈrences
CHAPITRE 1 : SYNTHESE ET COMPLEXATION D’AMINO(BIARYL)CARBENES
I. Introduction bibliographique
I.1 Les aminoarylcarbËnes
I.2 Les aminophosphinocarbËnes
I.3 Les aminoalkylcarbËnes
I.4 Objectifs
II. RÈsultats et discussion
II.1 Essai de synthËse d’un biphÈnylcarbËne
II.1.1 SynthËse du biphÈnyliminium 1
II.1.2 DÈprotonation du biphÈnyliminium
II.2 Essai de synthËse d’un binaphtylcarbËne
II.2.1 SynthËse de l’iminium 4
II.2.2 DÈprotonation de l’iminium 4
II.3 SynthËse de l’analogue carbÈnique de la phosphine de Buchwald Gc
II.3.1 SynthËse de l’iminium 6
II.3.2 SynthËse du carbËne correspondant
II.3.3 Complexation sur [PdCl(allyl)]2
II.3.4 GÈnÈration du complexe cationique
II.3.5 Essai en catalyse
II.4 SynthËse de l’analogue carbÈnique de la MOP
II.4.1 SynthËse de l’iminium 10 38SOMMAIRE
II.4.2 GÈnÈration du carbËne
II.4.3 SynthËse du complexe correspondant
II.4.4 SynthËse du complexe cationique 13
II.4.5 RÈaction avec le THF
III. Conclusion et perspectives
RÈfÈrences
Partie expÈrimentale
CHAPITRE 2 : LES C-(AMINO)YLURES: DES PRECURSEURS DE LIGANDS BIDENTATES POUR LES METAUX DE TRANSITION
I. Introduction bibliographique
I.1 Structure des ylures
I.2 RÈactivitÈ des ylures en chimie organique
I.3 RÈactivitÈ des ylures en chimie organomÈtallique
I.4 Les C-(amino)ylures de phosphonium: des ylures dÈstabilisÈs
II. RÈsultats et discussion
II.1 FaisabilitÈ de la rÈaction
II.2 RÈtrosynthËse
II.3 Un phosphonium accessible en deux Ètapes?
II.3.1 Choix et synthËse du dÈrivÈ bromÈ T
II.3.2 Lithiation de 3 et tentative de piÈgeage avec la diisopropylformamide
II.4 RÈtrosynthËse du phosphonium S
II.4.1 SynthËse de l’aldÈhyde phosphorÈ V
II.4.2 RÈaction avec le LDA
II.4.3 MÈcanisme de formation du phosphonium cyclique 10
II.4.4 Comment faire un iminium ‡ partir d’un aldÈhyde et d’un nuclÈophile neutre?
II.4.5 MÈcanisme de formation de l’acÈtal aminÈ W
II.4.6 SynthËse du phosphonium 13
II.4.7 SynthËse de l’ylure
II.4.8 RÈaction de l’ylure 15 avec les mÈtaux de transition
III. Conclusion et perspectives
RÈfÈrences
Partie expÈrimentale
CHAPITRE 3 : METALLADIPHOSPHINOCARBENES: VERS DES « COMPLEXES DE FISCHER INVERSES »
I. Introduction bibliographique
II RÈsultats et discussion
II.1 StratÈgie de synthËse
II.2 FaisabilitÈ de la premiËre Ètape
II.3 Complexation d’une -diazophosphine
II.3.1 SynthËse du complexe diazoÔque 2
II.3.2 Essai de dÈcomposition de 2
II.4 Chimie de coordination d’,’diazodiphosphines
II.4.1 Essai de synthËse du complexe diazoÔque 2
II.4.2 SynthËse des diphosphinodiazomÈthanes 8
II.4.3 Coordination de l’-diazophosphine 8
II.4.4 MÈcanismes proposÈs
II.5 RÈactivitÈ du complexe 9
II.5.1 Avec les abstracteurs de chlorure
II.5.2 Avec pyridine/NaBPh4
II.5.3 Avec PMe3/ NaBPh4
II.6 Etude de la dissociation de 14b
II.6.1 Echange pyridine/DMAP (expÈrimental)
II.6.2 Echange pyridine/DMAP (thÈorique)
II.7 Etude thÈorique du palladadiphosphinocarbËne
II.7.1 Structure du palladadiphosphinocarbËne
II.7.2 Analyse des orbitales frontiËres de 1XIII’
II.7.3 Analyse NBO
III. Conclusion et perspectives
RÈfÈrences
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