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Vers un nouvel essor des complexes carbรฉniques
Le premier carbรจne stable ร avoir รฉtรฉ synthรฉtisรฉ est le phosphinosilylcarbรจne B, obtenu par photolyse ou thermolyse du prรฉcurseur diazoรฏque correspondant (figure 11).16 Ce carbรจne singulet est stabilisรฉ par la prรฉsence de deux hรฉtรฉroatomes qui ont des effets รฉlectroniques complรฉmentaires. Dโun cรดtรฉ, le groupement phosphino qui est mรฉsomรจre donneur, interagit avec lโorbitale p vide du centre carbรฉnique et de lโautre cรดtรฉ, le groupement silyl stabilise la charge nรฉgative portรฉe par le carbone.
Ces carbรจnes possรจdent la rรฉactivitรฉ typique des carbรจnes transitoires (insertion C-H, cyclopropanation…). Par contre, ce type de carbรจne nโa jamais pu รชtre complexรฉ sur des mรฉtaux de transition. Dโun point de vue thรฉorique, il semblerait que la complexation induise une fermeture importante de lโangle PCSi dont le coรปt รฉnergรฉtique ne serait pas compensรฉ par la formation de la liaison M-C.17
Avec la synthรจse du premier diaminocarbรจne stable en 1991 par Arduengo18, la chimie des complexes carbรฉniques va connaรฎtre une vรฉritable rรฉvolution. Ces carbรจnes sont gรฉnรฉralement obtenus par dรฉprotonation des acides conjuguรฉs correspondants ร lโaide dโune base forte (figure 12). Leur mode de stabilisation implique lโinteraction des deux atomes dโazote (รฐ-donneurs) avec lโorbitale p vacante du centre carbรฉnique (3 centres, 4 รฉlectrons). En outre, de par leur effet inductif attracteur, les atomes dโazote stabilisent lโorbitale nรณ. Cโest la combinaison de ces deux effets qui est ร lโorigine de la stabilitรฉ de ces carbรจnes.
A la diffรฉrence des phosphinosilylcarbรจnes, les diaminocarbรจnes ne possรจdent pas la rรฉactivitรฉ des carbรจnes transitoires. Ceci est la consรฉquence directe de la forte interaction des deux atomes dโazote avec le centre carbรฉnique qui perturbe fortement sa structure รฉlectronique et rend sa BV inaccessible. On notera cependant quโร dรฉfaut de pouvoir sโinsรฉrer dans les liaisons C-H, les diaminocarbรจnes sโinsรจrent dans les liaisons polarisรฉes de type X-H (X = O, N).19
Enfin, parce que leur BV est trรจs haute en รฉnergie, ces carbรจnes ne sont pas du tout รฉlectrophiles. Par contre, ce sont de puissants nuclรฉophiles, utilisรฉs dans les rรฉactions catalysรฉes habituellement par les nuclรฉophiles : trans-estรฉrification20, condensation benzoรฏne , catalyseurs de polymรฉrisation
De par leurs propriรฉtรฉs รฉlectroniques, les diaminocarbรจnes et plus prรฉcisรฉment les carbรจnes N-hรฉtรฉrocycliques (NHC) ont trouvรฉ naturellement leur place en tant que ligands des mรฉtaux de transition et ont รฉtรฉ complexรฉs sur tous les mรฉtaux de transition. La mรฉthode gรฉnรฉralement utilisรฉe pour quantifier les effets รฉlectroniques (รณ-donneur / รฐ-accepteur) dโun ligand, consiste ร analyser par IR les bandes dโรฉlongation associรฉes aux vibrateurs CO dโun complexe LM(CO)n oรน L est le ligand dโintรฉrรชt puis ร les comparer ร celles dโautres complexes de type LโM(CO)n. Il a รฉtรฉ ainsi montrรฉ que les NHC sont plus รณ-donneurs et moins รฐ-accepteurs que les phosphines.23 Lโabsence de caractรจre รฐ-accepteur est en accord avec les donnรฉes obtenues ร lโรฉtat solide qui montrent que la liaison M-Ccarbรจne est simple. Aussi, les complexes de NHC sont mieux reprรฉsentรฉs par la forme mรฉtalla-iminium C (figure 13). Cependant, le formalisme souvent utilisรฉ pour reprรฉsenter ces complexes est Cโ. Par la suite, ce formalisme sera รฉtendu aux complexes de monoaminocarbรจnes.
Une diversitรฉ structurale limitรฉe
Les propriรฉtรฉs รฉlectroniques des NHC ne peuvent รชtre modifiรฉes quโen jouant sur le caractรจre insaturรฉ ou saturรฉ du cycle ร 5 chaรฎnons ou en faisant varier la taille de lโhรฉtรฉrocycle (figure 15). En outre, lโincorporation dโhรฉtรฉroรฉlรฉments comme le phosphore ou le bore a 38b permis de moduler dans une certaine mesure les propriรฉtรฉs รฉlectroniques de ces carbรจnes.
Finalement, il apparaรฎt que ces modifications ont une influence relativement faible sur la structure รฉlectronique des NHC qui restent globalement trรจs รณ-donneurs et non รฐ-accepteurs. Ceci peut sโinterprรฉter en considรฉrant que ces variations concernent la partie ยซ arriรจre ยป du carbรจne et donc se rรฉpercutent faiblement sur le mรฉtal. Il en va de mรชme si lโon veut placer un รฉlรฉment de chiralitรฉ sur le carbรจne (figure 16). Plusieurs exemples ont รฉtรฉ dรฉcrits39 et bien que certains modรจles donnent des rรฉsultats encourageants39a, il est possible que la chiralitรฉ se retrouve trop รฉloignรฉe du centre mรฉtallique.
Vers de nouveaux carbรจnes stables
La substitution du centre carbรฉnique par deux hรฉtรฉroatomes semblant nรฉcessaire, la diversitรฉ des carbรจnes stables est restรฉe longtemps limitรฉe. Cependant, en 2000, la synthรจse du phosphino-trifluoromรฉthylcarbรจne a รฉtรฉ rรฉalisรฉe au laboratoire ร partir du prรฉcurseur diazoรฏque correspondant (figure 17).
Bien que sa stabilitรฉ soit modeste (il dimรฉrise au dessus de โ30ยฐC), la preuve est faite quโun seul hรฉtรฉroatome est nรฉcessaire ร la stabilisation du centre carbรฉnique. Le remplacement du groupe trifluoromรฉthyl par un groupement plus encombrant comme le 2,6-bistrifluoromรฉthylphรฉnyl a permis dโaccroรฎtre considรฉrablement la stabilitรฉ du carbรจne puisque ce dernier est stable ร tempรฉrature ambiante. Une รฉtude ร lโรฉtat solide a rรฉvรฉlรฉ que ce carbรจne adopte une structure cumulรฉnique Eโ oรน les liaisons P-Ccarbรจne (1.54 ร
) et Ccarbรจne-Caryl (1.39 ร
) sont courtes et lโangle PCcarbรจneCaryl trรจs ouvert (162ยฐ) (figure 18).40
Ces observations sont le rรฉsultat de la donation de la paire libre du phosphore vers lโorbitale p vide du carbรจne dโune part et de la rรฉtrodonation de lโanion portรฉ par le carbone vers le systรจme รฐ* du groupement aromatique dโautre part. Comme le phosphinosilylcarbรจne, le mode de stabilisation de ce carbรจne est de type donneur-accepteur. Dans ces exemples, lโรฉlectroneutralitรฉ du carbรจne est prรฉservรฉe par les effets opposรฉs +M de lโatome de phosphore et โI ou โI/-M de lโautre groupement. La question sโest alors posรฉe de savoir si un groupement possรฉdant ร la fois un effet donneur et accepteur pouvait conduire ร lโobtention de carbรจnes stables. De part ces effets +M et โI, lโazote a รฉtรฉ considรฉrรฉ comme le candidat idรฉal. La synthรจse dโun aminocarbรจne substituรฉ par un groupement super-mรฉsityl a alors รฉtรฉ rรฉalisรฉe au laboratoire (figure 19).
Ce carbรจne est parfaitement stable ร basse tempรฉrature mais se rรฉarrange ร tempรฉrature ambiante par insertion du centre carbรฉnique dans une liaison C-H dโun t-Bu. Le remplacement des groupements t-Bu par des groupements trifluoromรฉthyles, dont les liaisons C-F sont inertes vis ร vis des rรฉactions dโinsertion, a permis la synthรจse dโun monoaminocarbรจne parfaitement stable ร tempรฉrature ambiante (figure 20).
Les รฉtudes ร lโรฉtat solide ont montrรฉ que la liaison N-Ccarbรจne (1.28 ร
) est plus courte que dans le cas des diaminocarbรจnes (1.37 ร
), dรฉmontrant que lโinteraction dโun seul groupement amino avec le centre carbรฉnique est plus forte. Comme dans le cas du phosphinocarbรจne E, le groupement aryle est perpendiculaire au plan NCcarbรจneCaryl. Mais ร la diffรฉrence de ce dernier, il nโy a pas dโinteraction de lโorbitale nรณ du centre carbรฉnique avec le systรจme รฐ* du groupement aromatique comme lโatteste la liaison Ccarbรจne-Caryl plutรดt longue (1.45 ร
). Ceci vient de lโangle NCcarbรจneCaryl trรจs fermรฉ (121ยฐ), qui ne permet pas un bon recouvrement des orbitales concernรฉes. Par comparaison, la valeur de lโangle PCcarbรจneCaryl est de 162ยฐ dans le phosphinocarbรจne E.
Puisque le groupement aryle de F nโinteragit pas avec le centre carbรฉnique, il peut รชtre considรฉrรฉ comme spectateur et ce carbรจne est donc du type donneur-spectateur.
Les aminoalkylcarbรจnes
Le premier aminoalkylcarbรจne ร avoir รฉtรฉ synthรฉtisรฉ est lโaminotert-butylcarbรจne (figure 6).7 Bien รฉvidemment, seul lโatome dโazote participe ร la stabilisation du centre carbรฉnique, le groupement tert-butyle restant spectateur. Ce carbรจne est parfaitement stable ร lโรฉtat solide mais se rรฉarrange en solution en imine A et propรจne. Contrairement aux diaminocarbรจnes, ce carbรจne rรฉagit avec lโacrylate de mรฉthyle pour conduire au cyclopropane correspondant B (figure 6).
Ce carbรจne a pu รฉgalement รชtre complexรฉ sur les mรฉtaux de transition et la synthรจse du complexe carbonylรฉ C (figure 3) a permis de comparer ses propriรฉtรฉs รฉlectroniques avec celles des diaminocarbรจnes. Il ressort de cette รฉtude que ce carbรจne est fortement รณ donneur et faiblement รฐ-accepteur ร lโinstar des diaminocarbรจnes.
Trรจs rรฉcemment, une nouvelle รฉtape a รฉtรฉ franchie avec la synthรจse dโaminoalkylcarbรจnes cycliques (CAAC) Da et Db (figure 7).8
La synthรจse du complexe carbonylรฉ [Ir(CO)2ClDb] a permis de comparer leurs propriรฉtรฉs รฉlectroniques avec celles des carbรจnes existants. Lโanalyse des bandes de vibration CO a dรฉmontrรฉ que ces carbรจnes font partie des plus donneurs. Ils sont รฉgalement peu รฐ-accepteurs comme les NHC. Des essais en catalyse avec les complexes de palladium [Pd(allyl)ClD] ont permis dโeffectuer pour la premiรจre fois lโรก-arylation de cรฉtones avec des chlorures dโaryle ร tempรฉrature ambiante.8a cationique ร 14 e-.
Il faut souligner ici que les diaminocarbรจnes (NHC compris) nโavaient jamais pu dรฉboucher sur la stabilisation de telles espรจces dรฉficientes en รฉlectrons. On comprend dรจs lors lโintรฉrรชt de dรฉvelopper des aminocarbรจnes ร substituants spectateurs puisque dโune part le substituant amino permet de stabiliser le carbรจne en lui confรฉrant des propriรฉtรฉs proches de celles des NHC, et dโautre part le substituant en รก du centre carbรฉnique peut jouer un rรดle de protection efficace au niveau du carbรจne ou du complexe mรฉtallique. Enfin, de la chiralitรฉ peut รฉgalement รชtre introduite dans une position plus proche que cela ne peut รชtre fait avec les diaminocarbรจnes.
Essai de synthรจse d’un biphรฉnylcarbรจne
Synthรจse du biphรฉnyliminium 1
Pour dรฉbuter notre รฉtude sur la synthรจse et la complexation dโaminobiphรฉnyl carbรจnes, nous nous sommes dโabord intรฉressรฉs ร la synthรจse dโun iminium prรฉcurseur le plus simple possible : le biphรฉnyliminium 1. Ce composรฉ a รฉtรฉ synthรฉtisรฉ one pot ร partir de 2-bromobiphรฉnyle commercial en suivant la stratรฉgie dรฉcrite par Alder (figure 12).13Ainsi, la lithiation du 2-bromobiphรฉnyle par n-BuLi dans Et2O suivi du piรฉgeage par le diiso-propylformamide conduit ร lโalcoolate correspondant qui nโest pas isolรฉ et qui est immรฉdiatement piรฉgรฉ par lโanhydride triflique. Aprรจs traitement, lโiminium 1 est isolรฉ sous forme de poudre blanche avec un rendement de 58%.
Dรฉprotonation du biphรฉnyliminium
La dรฉprotonation de 1 a รฉtรฉ effectuรฉe ร โ 80ยฐC dans le THF ร lโaide de LiHMDS (figure 13). La solution prend instantanรฉment une couleur jaune. Lโanalyse RMN du 13C ร โ 80ยฐC ne rรฉvรจle pas la prรฉsence du carbรจne attendu mais celle de lโaminofluorรจne 3, identifiรฉ par comparaison avec les donnรฉes de la littรฉrature.14
Dโun point de vu mรฉcanistique, la dรฉprotonation du H2โ (figure 13) par LiHMDS semble peu probable รฉtant donnรฉ les diffรฉrences de pKa entre ces deux espรจces et la rapiditรฉ de la rรฉaction ร โ 80ยฐC. La dรฉprotonation sโeffectue plus vraisemblablement sur le proton acide de lโiminium pour conduire transitoirement ร la formation du carbรจne 2. Ce dernier sโinsรจrerait alors dans la liaison C-H2โ. Notons quโร notre connaissance aucune insertion de ce type nโa รฉtรฉ dรฉcrite alors que les insertions de carbรจnes dans les liaisons CH sp3 sont bien connues15. Dans le cas prรฉsent, cette insertion est sans doute favorisรฉe par la proximitรฉ spatiale du H2โ.
Afin de prรฉvenir cette rรฉaction dโinsertion, il suffit ร priori dโรฉloigner suffisament H2โ du centre carbรฉnique. Ceci pourrait รชtre accompli en augmentant la valeur de lโangle de torsion C2C1C1โC2โ (figure 13) par lโintroduction de substituants sur les positions 6 et 6โ. Ainsi, nous avons dรฉcider de synthรฉtiser un binaphtyl iminium et dโรฉtudier sa dรฉprotonation en anticipant quโun angle de torsion plus important serait obtenu avec ce modรจle. Typiquement cette diffรฉrence est de lโordre de 25ยฐ entre les complexes de biphรฉnylphosphines et binaphtylphosphines 2-2โ-disubstituรฉes.
Essai de synthรจse d’un binaphtylcarbรจne
Synthรจse de l’iminium 4
La synthรจse de cet iminium a รฉtรฉ effectuรฉe ร partir du 2-bromo-1,1โ-binaphthyl16 par la mรชme voie que prรฉcรฉdemment avec un rendement de 54% (figure 14).
Dรฉprotonation de l’iminium 4
La dรฉprotonation de lโiminium 4 a รฉtรฉ rรฉalisรฉe avec LiHMDS dans le THF ร โ 80ยฐC (figure 15). Malgrรฉ le suivi de la rรฉaction ร basse tempรฉrature par RMN du 13C, le carbรจne nโa pu รชtre observรฉ.
Ici encore, la rรฉaction est trรจs propre. En RMN du 13C, on dรฉnombre 12 CH aromatiques soit un de moins que dans lโiminium prรฉcurseur 4. Le CH aromatique ยซmanquant ยป se retrouve ร 68.5 ppm en RMN du 13C et 4.71 ppm en RMN du 1H et intรจgre bien pour un proton. Il nโy a pas de doute, par analogie avec le produit 3, ce signal doit correspondre au CHN du produit dโinsertion 5. Cependant, ร la diffรฉrence de 3, les CH-iPr sont inรฉquivalents. Alors, quโen est-il ? En fait, il faut se rappeler que lโiminium 4 est chiral du fait de lโatropoisomรฉrie intrinsรจque liรฉe au squelette binaphtyle. Ainsi, le produit rรฉsultant de la dรฉprotonation par LiHMDS doit รชtre chiral et les CH-iPr diastรฉrรฉotopes. 5 est donc bien le produit dโinsertion suspectรฉ au dรฉpart.
Finalement, il apparaรฎt quโun angle de torsion plus important ne permet pas dโรฉviter lโinsertion du carbรจne dans la liaison CH aromatique adjacente, celle-ci restant suffisamment proche spatialement. Pour isoler de tels carbรจnes, il faut donc introduire un groupement inerte vis ร vis des rรฉactions dโinsertion. Le groupement mรฉthoxy semble parfaitement remplir cette condition. En plus, ce modรจle biphรฉnylรฉ donnerait accรจs ร lโanalogue carbรฉnique 7 du prototype des phosphines de Buchwald Gc (figure 16).9 Enfin, lโextrapolation en sรฉrie binaphtyle pourrait permettre dโaccรฉder ร des carbรจnes ร chiralitรฉ axiale comme 11, analogue de la MOP.
Synthรจse de lโanalogue carbรฉnique de la phosphine de Buchwald Gc
Synthรจse de l’iminium 6
Lโiminium prรฉcurseur 6 a รฉtรฉ synthรฉtisรฉ comme prรฉcรฉdemment ร partir 2โ-bromo-2,6-dimethoxy biphenyl17 et obtenu avec un rendement de 69%. Il a รฉtรฉ entiรจrement caractรฉrisรฉ par RMN multinoyaux; on notera simplement lโรฉquivalence des deux groupes mรฉthoxy aussi bien en RMN du 1H (ร 3.73 ppm) que du 13C (ร 57.2 ppm) indiquant la libre rotation autour de la liaison biphรฉnyle.
Synthรจse du carbรจne correspondant
La dรฉprotonation de cet iminium sโest rรฉvรฉlรฉe dรฉlicate et de nombreuses bases ont รฉtรฉ testรฉes: LiHMDS, t-BuOK, LDA, KH, BuLi. Dans la majoritรฉ des cas (LiHMDS, t-BuOK, BuLi), cโest le produit dโaddition de la base sur lโiminium qui a รฉtรฉ obtenu. Avec le LDA, cโest le produit de rรฉduction de lโiminium en amine qui a รฉtรฉ obtenu. Enfin, aucune rรฉaction avec KH nโa รฉtรฉ observรฉe ร une รฉchelle de temps raisonnable, probablement ร cause de la trรจs faible solubilitรฉ des deux rรฉactifs dans le THF. Finalement, TMPLi sโest avรฉrรฉe la seule base capable de dรฉprotoner lโiminium 6, gรฉnรฉrant le carbรจne 7 proprement (figure 17). La caractรฉrisation RMN de ce carbรจne a รฉtรฉ effectuรฉe ร tempรฉrature ambiante dรฉmontrant sa remarquable stabilitรฉ.
En RMN du 13C, le centre carbรฉnique apparaรฎt ร 305 ppm, dans la zone des autres aminoarylcarbรจnes dรฉcrits.18Les deux CHi-Pr ne sont pas รฉquivalents du fait du caractรจre double de la liaison Ccarbรจne-N. Il est intรฉressant de noter que les deux groupements mรฉthoxy ne sont plus รฉquivalents (55.4 et 56.7 ppm en RMN du 13C) comme dans lโiminium prรฉcurseur 6 suggรฉrant que la rotation autour de la liaison biphรฉnyle est maintenant bloquรฉe. Comment peut-on expliquer ces diffรฉrences?
– hypothรจse a : un mรฉthoxy interagit intramolรฉculairement avec lโorbitale vacante du centre carbรฉnique tandis que lโautre reste spectateur (figure 18).
– hypothรจse b : le cation mรฉtallique (Li+) est chรฉlatรฉ entre le centre carbรฉnique et un groupement mรฉthoxy (figure 18).
Ces deux hypothรจses ont lโavantage de rendre compte de la stabilitรฉ remarquable de ce carbรจne, aucune dรฉgradation significative nโayant รฉtรฉ observรฉe aprรจs un jour ร tempรฉrature ambiante. Du fait des contraintes gรฉomรฉtriques liรฉs au squelette biphรฉnyle, une stabilisation intramolรฉculaire de lโorbitale vacante du centre carbรฉnique par donation dโun doublet libre du groupement mรฉthoxy semble peu probable. En effet, la coplanaritรฉ des deux groupements phรฉnyl est dรฉfavorisรฉe par la gรชne stรฉrique provoquรฉe par la prรฉsence du proton sur la position 6 et celle du mรฉthoxy sur la position 6โ (figure 18). De plus, si une telle interaction existait dans le carbรจne, elle devrait exister ร plus forte raison dans lโiminium qui est plus รฉlectrophile. Or, ce nโest pas le cas puisque nous avons constatรฉ la libre rotation autour de la liaison biphรฉnyle (รฉquivalence des deux groupements mรฉthoxy) et que le dรฉplacement chimique du carbone iminium est cohรฉrent avec celui dโautres iminiums ne possรฉdant pas dโinteraction. Lโhypothรจse b semble donc plus raisonnable et rendrait compte aussi de la faible solubilitรฉ du carbรจne dans les solvants apolaires comme le pentane. Cette hypothรจse pourrait รชtre confirmรฉe en regardant lโinfluence de la nature du cation mรฉtallique sur le dรฉplacement chimique du centre carbรฉnique. Ceci supposerait alors dโutiliser des bases comme TMPNa ou TMPK.19
Lโintroduction de groupements mรฉthoxy sur le squelette biphรฉnyle a donc permis dโaccรฉder au premier carbรจne biphรฉnylรฉ 7. Ce dernier รฉtant finalement lโanalogue carbรฉnique du prototype des phosphines de Buchwald Gc, รฉtudions maintenant sa chimie de coordination.
Complexation sur [PdCl(allyl)]2
Nous avons choisi le complexe [PdCl(allyl)]2 comme prรฉcurseur mรฉtallique pour plusieurs raisons: dโabord, il prรฉsente une rรฉactivitรฉ certaine de part la prรฉsence de ponts chlore labiles. Ensuite, son encombrement stรฉrique rรฉduit doit permettre de complexer des ligands encombrants. Enfin, en vue de futures applications en catalyse, il a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ que les complexes de PdCl(allyl) sont des prรฉcurseurs de lโespรจce active dans les rรฉactions de couplage.20
Pour cette rรฉaction de complexation, le carbรจne a รฉtรฉ gรฉnรฉrรฉ in situ ร โ 80ยฐC et 0.5 รฉq. de [PdCl(allyl)]2 ont รฉtรฉ ajoutรฉs en solution dans le THF (figure 19). Aprรจs traitement, le complexe carbรฉnique correspondant 8 est obtenu avec un rendement de 63%. Il faut souligner ici la remarquable stabilitรฉ de ce complexe ร lโair dans des solvants non distillรฉs, par rapport ร celle du premier complexe dโaminoarylcarbรจnes (en RhI), trรจs sensible ร lโhydrolyse.
En RMN du 13C, le centre carbรฉnique apparaรฎt ร 254 ppm, soit blindรฉ de 50 ppm par rapport au carbรจne โlibreโ. Les deux groupements mรฉthoxy ne sont pas รฉquivalents (56.3 et 57.8 ppm en RMN du 13C) montrant que la rotation autour de la liaison biphรฉnyle est toujours bloquรฉe. Les CH2 du fragment allyl rรฉsonnent ร 51.4 et 71.6 ppm indiquant une structure dissymรฉtrique qui rรฉsulte de la prรฉsence en trans de chaque CH2 de deux ligands aux propriรฉtรฉs รฉlectroniques diffรฉrentes (Cl et carbรจne).
Ce complexe a รฉtรฉ cristallisรฉ dans un mรฉlange CH2Cl2/Et2O ร โ 30ยฐC. Des monocristaux ont permis de mener une รฉtude par diffraction des rayons X (figure 20).
Comme attendu, la structure RX rรฉvรจle que la liaison C1-N1 (1,31 ร
) est plus courte que dans les complexes de diaminocarbรจnes, ce qui est dรป ร la prรฉsence dโun seul atome dโazote. La longueur de la liaison Pd-C1 (2,03 ร
) est dans la rรฉgion typique pour ce type de liaison puisque comprise entre 1.86 et 2.05 ร
.3 La liaison situรฉe en trans du carbรจne (2.21 ร
) est plus longue que celle situรฉe en trans du chlore (2.11 ร
), reflรฉtant lโinfluence trans plus importante du carbรจne par rapport ร celle du chlore. Le phรฉnyl adjacent au centre carbรฉnique est pratiquement perpendiculaire au plan1 PdC1C2 (angle dihรจdre PdC1C2C7 de 87ยฐ). Il en rรฉsulte que le phรฉnyl substituรฉ par les groupements mรฉthoxy est forcรฉ de sโรฉloigner du palladium. Cette gรฉomรฉtrie crรฉe un environnement diffรฉrent pour chaque groupement mรฉthoxy en bloquant la rotation autour de la liaison C7-C8 du biphรฉnyle (angle de torsion de 72ยฐ). En effet, un mรฉthoxy se retrouve du mรชme cรดtรฉ que le palladium tandis que lโautre se retrouve cรดtรฉ Ni-Pr2. Notons que cette inรฉquivalence des deux groupements mรฉthoxy est en accord avec les donnรฉes RMN en solution.
Bien que la gรฉomรฉtrie du squelette biphรฉnyle dans ce complexe ait รฉtรฉ prรฉvisible (Cf figure 10 introduction), on peut se demander comment ce ligand va se comporter si un site vacant est crรฉรฉ sur le mรฉtal. Est-il assez proche pour interagir avec le mรฉtal? Si oui, quel type dโinteraction sera mis en jeu ? Une interaction Caryl/Pd, comme celle dรฉcrite pour les complexes de phosphines biphรฉnylรฉes, ne serait effective que dans le cas oรน le phรฉnyl adjacent au centre carbรฉnique pivote dโun angle proche de 90ยฐ. Aussi, la coordination dโun groupement mรฉthoxy pourrait รชtre favorisรฉe, puisque entraรฎnant moins de contrainte gรฉomรฉtrique.
Gรฉnรฉration du complexe cationique
Nous avons traitรฉ le complexe neutre 8 par AgBF4 dans le CH2Cl2 (figure 21). Il se forme immรฉdiatement un prรฉcipitรฉ dโAgCl. Il semble donc que le chlorure ait bien รฉtรฉ arrachรฉ. Dโabord, la RMN du 13C indique quโil sโagit dโun mรฉlange (1 : 0.4) de deux produits trรจs similaires qui sont tous deux des complexes carbรฉniques avec un signal caractรฉristique ร 246 ppm et 250 ppm. Les donnรฉes RMN de ces deux composรฉs รฉtant quasi identiques, nous prรฉsenterons uniquement les caractรฉristiques de lโisomรจre majoritaire. La dissymรฉtrie du fragment allyl est prรฉservรฉe, les CH2 rรฉsonnant ร 50.7 et 77.6 ppm. Notons que ces valeurs sont comparables ร celles trouvรฉes dans le complexe neutre 8 (51.4 et 71.6 ppm).
Lโinformation clรฉ provient du dรฉplacement chimique des groupements mรฉthoxy. En effet, un des deux methoxy apparaรฎt ร 71.6 ppm, dรฉblindรฉ de 15 ppm par rapport au complexe neutre, tandis que lโautre reste ร 57 ppm. Il semble donc quโun groupement mรฉthoxy soit coordinรฉ au palladium. La structure a รฉtรฉ confirmรฉe par une รฉtude par diffraction aux rayons X. Le complexe 9 existe en fait sous forme de deux diastรฉrรฉoisomรจres, prรฉsents tous deux dans la mรชme maille. Cependant, ร cause du dรฉsordre associรฉ au CHallyl, ils ne peuvent รชtre distinguรฉs. Cette diastรฉrรฉoisomรฉrie sโexplique dโune part par lโatropoisomรฉrie crรฉรฉe par la diffรฉrenciation des deux groupements mรฉthoxy (lโun est coordinรฉ au mรฉtal, lโautre non) et dโautre part par la configuration up/down du fragment allylique. Ces donnรฉes ร lโรฉtat solide sont en accord avec la prรฉsence des deux produits similaires identifiรฉs par RMN.
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Table des matiรจres
I. Introduction bibliographique
I.1 Les complexes de Fischer
I.2 Les complexes de Schrock
I.3 Vers un nouvel essor des complexes carbรniques
I.4 Une diversitร structurale limitรe
I.5 Vers de nouveaux carbรnes stables
II. Objectifs
Rรfรrences
CHAPITRE 1 : SYNTHESE ET COMPLEXATION D’AMINO(BIARYL)CARBENESย
I. Introduction bibliographique
I.1 Les aminoarylcarbรnes
I.2 Les aminophosphinocarbรnes
I.3 Les aminoalkylcarbรnes
I.4 Objectifs
II. Rรsultats et discussion
II.1 Essai de synthรse d’un biphรnylcarbรne
II.1.1 Synthรse du biphรnyliminium 1
II.1.2 Dรprotonation du biphรnyliminium
II.2 Essai de synthรse d’un binaphtylcarbรne
II.2.1 Synthรse de l’iminium 4
II.2.2 Dรprotonation de l’iminium 4
II.3 Synthรse de l’analogue carbรnique de la phosphine de Buchwald Gc
II.3.1 Synthรse de l’iminium 6
II.3.2 Synthรse du carbรne correspondant
II.3.3 Complexation sur [PdCl(allyl)]2
II.3.4 Gรnรration du complexe cationique
II.3.5 Essai en catalyse
II.4 Synthรse de l’analogue carbรnique de la MOP
II.4.1 Synthรse de l’iminium 10 38SOMMAIRE
II.4.2 Gรnรration du carbรne
II.4.3 Synthรse du complexe correspondant
II.4.4 Synthรse du complexe cationique 13
II.4.5 Rรaction avec le THF
III. Conclusion et perspectives
Rรfรrences
Partie expรrimentale
CHAPITRE 2 : LES C-(AMINO)YLURES: DES PRECURSEURS DE LIGANDS BIDENTATES POUR LES METAUX DE TRANSITION
I. Introduction bibliographique
I.1 Structure des ylures
I.2 Rรactivitร des ylures en chimie organique
I.3 Rรactivitร des ylures en chimie organomรtallique
I.4 Les C-(amino)ylures de phosphonium: des ylures dรstabilisรs
II. Rรsultats et discussion
II.1 Faisabilitร de la rรaction
II.2 Rรtrosynthรse
II.3 Un phosphonium accessible en deux รtapes?
II.3.1 Choix et synthรse du dรrivร bromร T
II.3.2 Lithiation de 3 et tentative de piรgeage avec la diisopropylformamide
II.4 Rรtrosynthรse du phosphonium S
II.4.1 Synthรse de l’aldรhyde phosphorร V
II.4.2 Rรaction avec le LDA
II.4.3 Mรcanisme de formation du phosphonium cyclique 10
II.4.4 Comment faire un iminium โก partir d’un aldรhyde et d’un nuclรophile neutre?
II.4.5 Mรcanisme de formation de l’acรtal aminร W
II.4.6 Synthรse du phosphonium 13
II.4.7 Synthรse de l’ylure
II.4.8 Rรaction de l’ylure 15 avec les mรtaux de transition
III. Conclusion et perspectives
Rรfรrences
Partie expรrimentale
CHAPITRE 3 : METALLADIPHOSPHINOCARBENES: VERS DES ยซย COMPLEXES DE FISCHER INVERSESย ยป
I. Introduction bibliographique
II Rรsultats et discussion
II.1 Stratรgie de synthรse
II.2 Faisabilitร de la premiรre รtape
II.3 Complexation d’une ๏ก-diazophosphine
II.3.1 Synthรse du complexe diazoรque 2
II.3.2 Essai de dรcomposition de 2
II.4 Chimie de coordination d’๏ก,๏ก’diazodiphosphines
II.4.1 Essai de synthรse du complexe diazoรque 2
II.4.2 Synthรse des diphosphinodiazomรthanes 8
II.4.3 Coordination de l’๏ก-diazophosphine 8
II.4.4 Mรcanismes proposรs
II.5 Rรactivitร du complexe 9
II.5.1 Avec les abstracteurs de chlorure
II.5.2 Avec pyridine/NaBPh4
II.5.3 Avec PMe3/ NaBPh4
II.6 Etude de la dissociation de 14b
II.6.1 Echange pyridine/DMAP (expรrimental)
II.6.2 Echange pyridine/DMAP (thรorique)
II.7 Etude thรorique du palladadiphosphinocarbรne
II.7.1 Structure du palladadiphosphinocarbรne
II.7.2 Analyse des orbitales frontiรres de 1XIII’
II.7.3 Analyse NBO
III. Conclusion et perspectives
Rรfรrences
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