LES C-(AMINO)YLURES: DES PRECURSEURS DE LIGANDS BIDENTATES POUR LES METAUX DE TRANSITION

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Vers un nouvel essor des complexes carbรฉniques

Le premier carbรจne stable ร  avoir รฉtรฉ synthรฉtisรฉ est le phosphinosilylcarbรจne B, obtenu par photolyse ou thermolyse du prรฉcurseur diazoรฏque correspondant (figure 11).16 Ce carbรจne singulet est stabilisรฉ par la prรฉsence de deux hรฉtรฉroatomes qui ont des effets รฉlectroniques complรฉmentaires. Dโ€™un cรดtรฉ, le groupement phosphino qui est mรฉsomรจre donneur, interagit avec lโ€™orbitale p vide du centre carbรฉnique et de lโ€™autre cรดtรฉ, le groupement silyl stabilise la charge nรฉgative portรฉe par le carbone.
Ces carbรจnes possรจdent la rรฉactivitรฉ typique des carbรจnes transitoires (insertion C-H, cyclopropanation…). Par contre, ce type de carbรจne nโ€™a jamais pu รชtre complexรฉ sur des mรฉtaux de transition. Dโ€™un point de vue thรฉorique, il semblerait que la complexation induise une fermeture importante de lโ€™angle PCSi dont le coรปt รฉnergรฉtique ne serait pas compensรฉ par la formation de la liaison M-C.17
Avec la synthรจse du premier diaminocarbรจne stable en 1991 par Arduengo18, la chimie des complexes carbรฉniques va connaรฎtre une vรฉritable rรฉvolution. Ces carbรจnes sont gรฉnรฉralement obtenus par dรฉprotonation des acides conjuguรฉs correspondants ร  lโ€™aide dโ€™une base forte (figure 12). Leur mode de stabilisation implique lโ€™interaction des deux atomes dโ€™azote (รฐ-donneurs) avec lโ€™orbitale p vacante du centre carbรฉnique (3 centres, 4 รฉlectrons). En outre, de par leur effet inductif attracteur, les atomes dโ€™azote stabilisent lโ€™orbitale nรณ. Cโ€™est la combinaison de ces deux effets qui est ร  lโ€™origine de la stabilitรฉ de ces carbรจnes.
A la diffรฉrence des phosphinosilylcarbรจnes, les diaminocarbรจnes ne possรจdent pas la rรฉactivitรฉ des carbรจnes transitoires. Ceci est la consรฉquence directe de la forte interaction des deux atomes dโ€™azote avec le centre carbรฉnique qui perturbe fortement sa structure รฉlectronique et rend sa BV inaccessible. On notera cependant quโ€™ร  dรฉfaut de pouvoir sโ€™insรฉrer dans les liaisons C-H, les diaminocarbรจnes sโ€™insรจrent dans les liaisons polarisรฉes de type X-H (X = O, N).19
Enfin, parce que leur BV est trรจs haute en รฉnergie, ces carbรจnes ne sont pas du tout รฉlectrophiles. Par contre, ce sont de puissants nuclรฉophiles, utilisรฉs dans les rรฉactions catalysรฉes habituellement par les nuclรฉophiles : trans-estรฉrification20, condensation benzoรฏne , catalyseurs de polymรฉrisation
De par leurs propriรฉtรฉs รฉlectroniques, les diaminocarbรจnes et plus prรฉcisรฉment les carbรจnes N-hรฉtรฉrocycliques (NHC) ont trouvรฉ naturellement leur place en tant que ligands des mรฉtaux de transition et ont รฉtรฉ complexรฉs sur tous les mรฉtaux de transition. La mรฉthode gรฉnรฉralement utilisรฉe pour quantifier les effets รฉlectroniques (รณ-donneur / รฐ-accepteur) dโ€™un ligand, consiste ร  analyser par IR les bandes dโ€™รฉlongation associรฉes aux vibrateurs CO dโ€™un complexe LM(CO)n oรน L est le ligand dโ€™intรฉrรชt puis ร  les comparer ร  celles dโ€™autres complexes de type Lโ€™M(CO)n. Il a รฉtรฉ ainsi montrรฉ que les NHC sont plus รณ-donneurs et moins รฐ-accepteurs que les phosphines.23 Lโ€™absence de caractรจre รฐ-accepteur est en accord avec les donnรฉes obtenues ร  lโ€™รฉtat solide qui montrent que la liaison M-Ccarbรจne est simple. Aussi, les complexes de NHC sont mieux reprรฉsentรฉs par la forme mรฉtalla-iminium C (figure 13). Cependant, le formalisme souvent utilisรฉ pour reprรฉsenter ces complexes est Cโ€™. Par la suite, ce formalisme sera รฉtendu aux complexes de monoaminocarbรจnes.

Une diversitรฉ structurale limitรฉe

Les propriรฉtรฉs รฉlectroniques des NHC ne peuvent รชtre modifiรฉes quโ€™en jouant sur le caractรจre insaturรฉ ou saturรฉ du cycle ร  5 chaรฎnons ou en faisant varier la taille de lโ€™hรฉtรฉrocycle (figure 15). En outre, lโ€™incorporation dโ€™hรฉtรฉroรฉlรฉments comme le phosphore ou le bore a 38b permis de moduler dans une certaine mesure les propriรฉtรฉs รฉlectroniques de ces carbรจnes.
Finalement, il apparaรฎt que ces modifications ont une influence relativement faible sur la structure รฉlectronique des NHC qui restent globalement trรจs รณ-donneurs et non รฐ-accepteurs. Ceci peut sโ€™interprรฉter en considรฉrant que ces variations concernent la partie ยซ arriรจre ยป du carbรจne et donc se rรฉpercutent faiblement sur le mรฉtal. Il en va de mรชme si lโ€™on veut placer un รฉlรฉment de chiralitรฉ sur le carbรจne (figure 16). Plusieurs exemples ont รฉtรฉ dรฉcrits39 et bien que certains modรจles donnent des rรฉsultats encourageants39a, il est possible que la chiralitรฉ se retrouve trop รฉloignรฉe du centre mรฉtallique.

Vers de nouveaux carbรจnes stables

La substitution du centre carbรฉnique par deux hรฉtรฉroatomes semblant nรฉcessaire, la diversitรฉ des carbรจnes stables est restรฉe longtemps limitรฉe. Cependant, en 2000, la synthรจse du phosphino-trifluoromรฉthylcarbรจne a รฉtรฉ rรฉalisรฉe au laboratoire ร  partir du prรฉcurseur diazoรฏque correspondant (figure 17).
Bien que sa stabilitรฉ soit modeste (il dimรฉrise au dessus de โ€“30ยฐC), la preuve est faite quโ€™un seul hรฉtรฉroatome est nรฉcessaire ร  la stabilisation du centre carbรฉnique. Le remplacement du groupe trifluoromรฉthyl par un groupement plus encombrant comme le 2,6-bistrifluoromรฉthylphรฉnyl a permis dโ€™accroรฎtre considรฉrablement la stabilitรฉ du carbรจne puisque ce dernier est stable ร  tempรฉrature ambiante. Une รฉtude ร  lโ€™รฉtat solide a rรฉvรฉlรฉ que ce carbรจne adopte une structure cumulรฉnique Eโ€™ oรน les liaisons P-Ccarbรจne (1.54 ร…) et Ccarbรจne-Caryl (1.39 ร…) sont courtes et lโ€™angle PCcarbรจneCaryl trรจs ouvert (162ยฐ) (figure 18).40
Ces observations sont le rรฉsultat de la donation de la paire libre du phosphore vers lโ€™orbitale p vide du carbรจne dโ€™une part et de la rรฉtrodonation de lโ€™anion portรฉ par le carbone vers le systรจme รฐ* du groupement aromatique dโ€™autre part. Comme le phosphinosilylcarbรจne, le mode de stabilisation de ce carbรจne est de type donneur-accepteur. Dans ces exemples, lโ€™รฉlectroneutralitรฉ du carbรจne est prรฉservรฉe par les effets opposรฉs +M de lโ€™atome de phosphore et โ€“I ou โ€“I/-M de lโ€™autre groupement. La question sโ€™est alors posรฉe de savoir si un groupement possรฉdant ร  la fois un effet donneur et accepteur pouvait conduire ร  lโ€™obtention de carbรจnes stables. De part ces effets +M et โ€“I, lโ€™azote a รฉtรฉ considรฉrรฉ comme le candidat idรฉal. La synthรจse dโ€™un aminocarbรจne substituรฉ par un groupement super-mรฉsityl a alors รฉtรฉ rรฉalisรฉe au laboratoire (figure 19).
Ce carbรจne est parfaitement stable ร  basse tempรฉrature mais se rรฉarrange ร  tempรฉrature ambiante par insertion du centre carbรฉnique dans une liaison C-H dโ€™un t-Bu. Le remplacement des groupements t-Bu par des groupements trifluoromรฉthyles, dont les liaisons C-F sont inertes vis ร  vis des rรฉactions dโ€™insertion, a permis la synthรจse dโ€™un monoaminocarbรจne parfaitement stable ร  tempรฉrature ambiante (figure 20).
Les รฉtudes ร  lโ€™รฉtat solide ont montrรฉ que la liaison N-Ccarbรจne (1.28 ร…) est plus courte que dans le cas des diaminocarbรจnes (1.37 ร…), dรฉmontrant que lโ€™interaction dโ€™un seul groupement amino avec le centre carbรฉnique est plus forte. Comme dans le cas du phosphinocarbรจne E, le groupement aryle est perpendiculaire au plan NCcarbรจneCaryl. Mais ร  la diffรฉrence de ce dernier, il nโ€™y a pas dโ€™interaction de lโ€™orbitale nรณ du centre carbรฉnique avec le systรจme รฐ* du groupement aromatique comme lโ€™atteste la liaison Ccarbรจne-Caryl plutรดt longue (1.45 ร…). Ceci vient de lโ€™angle NCcarbรจneCaryl trรจs fermรฉ (121ยฐ), qui ne permet pas un bon recouvrement des orbitales concernรฉes. Par comparaison, la valeur de lโ€™angle PCcarbรจneCaryl est de 162ยฐ dans le phosphinocarbรจne E.
Puisque le groupement aryle de F nโ€™interagit pas avec le centre carbรฉnique, il peut รชtre considรฉrรฉ comme spectateur et ce carbรจne est donc du type donneur-spectateur.

Les aminoalkylcarbรจnes

Le premier aminoalkylcarbรจne ร  avoir รฉtรฉ synthรฉtisรฉ est lโ€™aminotert-butylcarbรจne (figure 6).7 Bien รฉvidemment, seul lโ€™atome dโ€™azote participe ร  la stabilisation du centre carbรฉnique, le groupement tert-butyle restant spectateur. Ce carbรจne est parfaitement stable ร  lโ€™รฉtat solide mais se rรฉarrange en solution en imine A et propรจne. Contrairement aux diaminocarbรจnes, ce carbรจne rรฉagit avec lโ€™acrylate de mรฉthyle pour conduire au cyclopropane correspondant B (figure 6).
Ce carbรจne a pu รฉgalement รชtre complexรฉ sur les mรฉtaux de transition et la synthรจse du complexe carbonylรฉ C (figure 3) a permis de comparer ses propriรฉtรฉs รฉlectroniques avec celles des diaminocarbรจnes. Il ressort de cette รฉtude que ce carbรจne est fortement รณ donneur et faiblement รฐ-accepteur ร  lโ€™instar des diaminocarbรจnes.
Trรจs rรฉcemment, une nouvelle รฉtape a รฉtรฉ franchie avec la synthรจse dโ€™aminoalkylcarbรจnes cycliques (CAAC) Da et Db (figure 7).8
La synthรจse du complexe carbonylรฉ [Ir(CO)2ClDb] a permis de comparer leurs propriรฉtรฉs รฉlectroniques avec celles des carbรจnes existants. Lโ€™analyse des bandes de vibration CO a dรฉmontrรฉ que ces carbรจnes font partie des plus donneurs. Ils sont รฉgalement peu รฐ-accepteurs comme les NHC. Des essais en catalyse avec les complexes de palladium [Pd(allyl)ClD] ont permis dโ€™effectuer pour la premiรจre fois lโ€™รก-arylation de cรฉtones avec des chlorures dโ€™aryle ร  tempรฉrature ambiante.8a cationique ร  14 e-.
Il faut souligner ici que les diaminocarbรจnes (NHC compris) nโ€™avaient jamais pu dรฉboucher sur la stabilisation de telles espรจces dรฉficientes en รฉlectrons. On comprend dรจs lors lโ€™intรฉrรชt de dรฉvelopper des aminocarbรจnes ร  substituants spectateurs puisque dโ€™une part le substituant amino permet de stabiliser le carbรจne en lui confรฉrant des propriรฉtรฉs proches de celles des NHC, et dโ€™autre part le substituant en รก du centre carbรฉnique peut jouer un rรดle de protection efficace au niveau du carbรจne ou du complexe mรฉtallique. Enfin, de la chiralitรฉ peut รฉgalement รชtre introduite dans une position plus proche que cela ne peut รชtre fait avec les diaminocarbรจnes.

Essai de synthรจse d’un biphรฉnylcarbรจne

Synthรจse du biphรฉnyliminium 1

Pour dรฉbuter notre รฉtude sur la synthรจse et la complexation dโ€™aminobiphรฉnyl carbรจnes, nous nous sommes dโ€™abord intรฉressรฉs ร  la synthรจse dโ€™un iminium prรฉcurseur le plus simple possible : le biphรฉnyliminium 1. Ce composรฉ a รฉtรฉ synthรฉtisรฉ one pot ร  partir de 2-bromobiphรฉnyle commercial en suivant la stratรฉgie dรฉcrite par Alder (figure 12).13Ainsi, la lithiation du 2-bromobiphรฉnyle par n-BuLi dans Et2O suivi du piรฉgeage par le diiso-propylformamide conduit ร  lโ€™alcoolate correspondant qui nโ€™est pas isolรฉ et qui est immรฉdiatement piรฉgรฉ par lโ€™anhydride triflique. Aprรจs traitement, lโ€™iminium 1 est isolรฉ sous forme de poudre blanche avec un rendement de 58%.

Dรฉprotonation du biphรฉnyliminium

La dรฉprotonation de 1 a รฉtรฉ effectuรฉe ร  โ€“ 80ยฐC dans le THF ร  lโ€™aide de LiHMDS (figure 13). La solution prend instantanรฉment une couleur jaune. Lโ€™analyse RMN du 13C ร  โ€“ 80ยฐC ne rรฉvรจle pas la prรฉsence du carbรจne attendu mais celle de lโ€™aminofluorรจne 3, identifiรฉ par comparaison avec les donnรฉes de la littรฉrature.14
Dโ€™un point de vu mรฉcanistique, la dรฉprotonation du H2โ€™ (figure 13) par LiHMDS semble peu probable รฉtant donnรฉ les diffรฉrences de pKa entre ces deux espรจces et la rapiditรฉ de la rรฉaction ร  โ€“ 80ยฐC. La dรฉprotonation sโ€™effectue plus vraisemblablement sur le proton acide de lโ€™iminium pour conduire transitoirement ร  la formation du carbรจne 2. Ce dernier sโ€™insรจrerait alors dans la liaison C-H2โ€™. Notons quโ€™ร  notre connaissance aucune insertion de ce type nโ€™a รฉtรฉ dรฉcrite alors que les insertions de carbรจnes dans les liaisons CH sp3 sont bien connues15. Dans le cas prรฉsent, cette insertion est sans doute favorisรฉe par la proximitรฉ spatiale du H2โ€™.
Afin de prรฉvenir cette rรฉaction dโ€™insertion, il suffit ร  priori dโ€™รฉloigner suffisament H2โ€™ du centre carbรฉnique. Ceci pourrait รชtre accompli en augmentant la valeur de lโ€™angle de torsion C2C1C1โ€™C2โ€™ (figure 13) par lโ€™introduction de substituants sur les positions 6 et 6โ€™. Ainsi, nous avons dรฉcider de synthรฉtiser un binaphtyl iminium et dโ€™รฉtudier sa dรฉprotonation en anticipant quโ€™un angle de torsion plus important serait obtenu avec ce modรจle. Typiquement cette diffรฉrence est de lโ€™ordre de 25ยฐ entre les complexes de biphรฉnylphosphines et binaphtylphosphines 2-2โ€™-disubstituรฉes.

Essai de synthรจse d’un binaphtylcarbรจne

Synthรจse de l’iminium 4

La synthรจse de cet iminium a รฉtรฉ effectuรฉe ร  partir du 2-bromo-1,1โ€™-binaphthyl16 par la mรชme voie que prรฉcรฉdemment avec un rendement de 54% (figure 14).

Dรฉprotonation de l’iminium 4

La dรฉprotonation de lโ€™iminium 4 a รฉtรฉ rรฉalisรฉe avec LiHMDS dans le THF ร  โ€“ 80ยฐC (figure 15). Malgrรฉ le suivi de la rรฉaction ร  basse tempรฉrature par RMN du 13C, le carbรจne nโ€™a pu รชtre observรฉ.
Ici encore, la rรฉaction est trรจs propre. En RMN du 13C, on dรฉnombre 12 CH aromatiques soit un de moins que dans lโ€™iminium prรฉcurseur 4. Le CH aromatique ยซmanquant ยป se retrouve ร  68.5 ppm en RMN du 13C et 4.71 ppm en RMN du 1H et intรจgre bien pour un proton. Il nโ€™y a pas de doute, par analogie avec le produit 3, ce signal doit correspondre au CHN du produit dโ€™insertion 5. Cependant, ร  la diffรฉrence de 3, les CH-iPr sont inรฉquivalents. Alors, quโ€™en est-il ? En fait, il faut se rappeler que lโ€™iminium 4 est chiral du fait de lโ€™atropoisomรฉrie intrinsรจque liรฉe au squelette binaphtyle. Ainsi, le produit rรฉsultant de la dรฉprotonation par LiHMDS doit รชtre chiral et les CH-iPr diastรฉrรฉotopes. 5 est donc bien le produit dโ€™insertion suspectรฉ au dรฉpart.
Finalement, il apparaรฎt quโ€™un angle de torsion plus important ne permet pas dโ€™รฉviter lโ€™insertion du carbรจne dans la liaison CH aromatique adjacente, celle-ci restant suffisamment proche spatialement. Pour isoler de tels carbรจnes, il faut donc introduire un groupement inerte vis ร  vis des rรฉactions dโ€™insertion. Le groupement mรฉthoxy semble parfaitement remplir cette condition. En plus, ce modรจle biphรฉnylรฉ donnerait accรจs ร  lโ€™analogue carbรฉnique 7 du prototype des phosphines de Buchwald Gc (figure 16).9 Enfin, lโ€™extrapolation en sรฉrie binaphtyle pourrait permettre dโ€™accรฉder ร  des carbรจnes ร  chiralitรฉ axiale comme 11, analogue de la MOP.

Synthรจse de lโ€™analogue carbรฉnique de la phosphine de Buchwald Gc

Synthรจse de l’iminium 6

Lโ€™iminium prรฉcurseur 6 a รฉtรฉ synthรฉtisรฉ comme prรฉcรฉdemment ร  partir 2โ€™-bromo-2,6-dimethoxy biphenyl17 et obtenu avec un rendement de 69%. Il a รฉtรฉ entiรจrement caractรฉrisรฉ par RMN multinoyaux; on notera simplement lโ€™รฉquivalence des deux groupes mรฉthoxy aussi bien en RMN du 1H (ร  3.73 ppm) que du 13C (ร  57.2 ppm) indiquant la libre rotation autour de la liaison biphรฉnyle.

Synthรจse du carbรจne correspondant

La dรฉprotonation de cet iminium sโ€™est rรฉvรฉlรฉe dรฉlicate et de nombreuses bases ont รฉtรฉ testรฉes: LiHMDS, t-BuOK, LDA, KH, BuLi. Dans la majoritรฉ des cas (LiHMDS, t-BuOK, BuLi), cโ€™est le produit dโ€™addition de la base sur lโ€™iminium qui a รฉtรฉ obtenu. Avec le LDA, cโ€™est le produit de rรฉduction de lโ€™iminium en amine qui a รฉtรฉ obtenu. Enfin, aucune rรฉaction avec KH nโ€™a รฉtรฉ observรฉe ร  une รฉchelle de temps raisonnable, probablement ร  cause de la trรจs faible solubilitรฉ des deux rรฉactifs dans le THF. Finalement, TMPLi sโ€™est avรฉrรฉe la seule base capable de dรฉprotoner lโ€™iminium 6, gรฉnรฉrant le carbรจne 7 proprement (figure 17). La caractรฉrisation RMN de ce carbรจne a รฉtรฉ effectuรฉe ร  tempรฉrature ambiante dรฉmontrant sa remarquable stabilitรฉ.
En RMN du 13C, le centre carbรฉnique apparaรฎt ร  305 ppm, dans la zone des autres aminoarylcarbรจnes dรฉcrits.18Les deux CHi-Pr ne sont pas รฉquivalents du fait du caractรจre double de la liaison Ccarbรจne-N. Il est intรฉressant de noter que les deux groupements mรฉthoxy ne sont plus รฉquivalents (55.4 et 56.7 ppm en RMN du 13C) comme dans lโ€™iminium prรฉcurseur 6 suggรฉrant que la rotation autour de la liaison biphรฉnyle est maintenant bloquรฉe. Comment peut-on expliquer ces diffรฉrences?
– hypothรจse a : un mรฉthoxy interagit intramolรฉculairement avec lโ€™orbitale vacante du centre carbรฉnique tandis que lโ€™autre reste spectateur (figure 18).
– hypothรจse b : le cation mรฉtallique (Li+) est chรฉlatรฉ entre le centre carbรฉnique et un groupement mรฉthoxy (figure 18).
Ces deux hypothรจses ont lโ€™avantage de rendre compte de la stabilitรฉ remarquable de ce carbรจne, aucune dรฉgradation significative nโ€™ayant รฉtรฉ observรฉe aprรจs un jour ร  tempรฉrature ambiante. Du fait des contraintes gรฉomรฉtriques liรฉs au squelette biphรฉnyle, une stabilisation intramolรฉculaire de lโ€™orbitale vacante du centre carbรฉnique par donation dโ€™un doublet libre du groupement mรฉthoxy semble peu probable. En effet, la coplanaritรฉ des deux groupements phรฉnyl est dรฉfavorisรฉe par la gรชne stรฉrique provoquรฉe par la prรฉsence du proton sur la position 6 et celle du mรฉthoxy sur la position 6โ€™ (figure 18). De plus, si une telle interaction existait dans le carbรจne, elle devrait exister ร  plus forte raison dans lโ€™iminium qui est plus รฉlectrophile. Or, ce nโ€™est pas le cas puisque nous avons constatรฉ la libre rotation autour de la liaison biphรฉnyle (รฉquivalence des deux groupements mรฉthoxy) et que le dรฉplacement chimique du carbone iminium est cohรฉrent avec celui dโ€™autres iminiums ne possรฉdant pas dโ€™interaction. Lโ€™hypothรจse b semble donc plus raisonnable et rendrait compte aussi de la faible solubilitรฉ du carbรจne dans les solvants apolaires comme le pentane. Cette hypothรจse pourrait รชtre confirmรฉe en regardant lโ€™influence de la nature du cation mรฉtallique sur le dรฉplacement chimique du centre carbรฉnique. Ceci supposerait alors dโ€™utiliser des bases comme TMPNa ou TMPK.19
Lโ€™introduction de groupements mรฉthoxy sur le squelette biphรฉnyle a donc permis dโ€™accรฉder au premier carbรจne biphรฉnylรฉ 7. Ce dernier รฉtant finalement lโ€™analogue carbรฉnique du prototype des phosphines de Buchwald Gc, รฉtudions maintenant sa chimie de coordination.

Complexation sur [PdCl(allyl)]2

Nous avons choisi le complexe [PdCl(allyl)]2 comme prรฉcurseur mรฉtallique pour plusieurs raisons: dโ€™abord, il prรฉsente une rรฉactivitรฉ certaine de part la prรฉsence de ponts chlore labiles. Ensuite, son encombrement stรฉrique rรฉduit doit permettre de complexer des ligands encombrants. Enfin, en vue de futures applications en catalyse, il a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ que les complexes de PdCl(allyl) sont des prรฉcurseurs de lโ€™espรจce active dans les rรฉactions de couplage.20
Pour cette rรฉaction de complexation, le carbรจne a รฉtรฉ gรฉnรฉrรฉ in situ ร  โ€“ 80ยฐC et 0.5 รฉq. de [PdCl(allyl)]2 ont รฉtรฉ ajoutรฉs en solution dans le THF (figure 19). Aprรจs traitement, le complexe carbรฉnique correspondant 8 est obtenu avec un rendement de 63%. Il faut souligner ici la remarquable stabilitรฉ de ce complexe ร  lโ€™air dans des solvants non distillรฉs, par rapport ร  celle du premier complexe dโ€™aminoarylcarbรจnes (en RhI), trรจs sensible ร  lโ€™hydrolyse.
En RMN du 13C, le centre carbรฉnique apparaรฎt ร  254 ppm, soit blindรฉ de 50 ppm par rapport au carbรจne โ€œlibreโ€. Les deux groupements mรฉthoxy ne sont pas รฉquivalents (56.3 et 57.8 ppm en RMN du 13C) montrant que la rotation autour de la liaison biphรฉnyle est toujours bloquรฉe. Les CH2 du fragment allyl rรฉsonnent ร  51.4 et 71.6 ppm indiquant une structure dissymรฉtrique qui rรฉsulte de la prรฉsence en trans de chaque CH2 de deux ligands aux propriรฉtรฉs รฉlectroniques diffรฉrentes (Cl et carbรจne).
Ce complexe a รฉtรฉ cristallisรฉ dans un mรฉlange CH2Cl2/Et2O ร  โ€“ 30ยฐC. Des monocristaux ont permis de mener une รฉtude par diffraction des rayons X (figure 20).
Comme attendu, la structure RX rรฉvรจle que la liaison C1-N1 (1,31 ร…) est plus courte que dans les complexes de diaminocarbรจnes, ce qui est dรป ร  la prรฉsence dโ€™un seul atome dโ€™azote. La longueur de la liaison Pd-C1 (2,03 ร…) est dans la rรฉgion typique pour ce type de liaison puisque comprise entre 1.86 et 2.05 ร….3 La liaison situรฉe en trans du carbรจne (2.21 ร…) est plus longue que celle situรฉe en trans du chlore (2.11 ร…), reflรฉtant lโ€™influence trans plus importante du carbรจne par rapport ร  celle du chlore. Le phรฉnyl adjacent au centre carbรฉnique est pratiquement perpendiculaire au plan1 PdC1C2 (angle dihรจdre PdC1C2C7 de 87ยฐ). Il en rรฉsulte que le phรฉnyl substituรฉ par les groupements mรฉthoxy est forcรฉ de sโ€™รฉloigner du palladium. Cette gรฉomรฉtrie crรฉe un environnement diffรฉrent pour chaque groupement mรฉthoxy en bloquant la rotation autour de la liaison C7-C8 du biphรฉnyle (angle de torsion de 72ยฐ). En effet, un mรฉthoxy se retrouve du mรชme cรดtรฉ que le palladium tandis que lโ€™autre se retrouve cรดtรฉ Ni-Pr2. Notons que cette inรฉquivalence des deux groupements mรฉthoxy est en accord avec les donnรฉes RMN en solution.
Bien que la gรฉomรฉtrie du squelette biphรฉnyle dans ce complexe ait รฉtรฉ prรฉvisible (Cf figure 10 introduction), on peut se demander comment ce ligand va se comporter si un site vacant est crรฉรฉ sur le mรฉtal. Est-il assez proche pour interagir avec le mรฉtal? Si oui, quel type dโ€™interaction sera mis en jeu ? Une interaction Caryl/Pd, comme celle dรฉcrite pour les complexes de phosphines biphรฉnylรฉes, ne serait effective que dans le cas oรน le phรฉnyl adjacent au centre carbรฉnique pivote dโ€™un angle proche de 90ยฐ. Aussi, la coordination dโ€™un groupement mรฉthoxy pourrait รชtre favorisรฉe, puisque entraรฎnant moins de contrainte gรฉomรฉtrique.

Gรฉnรฉration du complexe cationique

Nous avons traitรฉ le complexe neutre 8 par AgBF4 dans le CH2Cl2 (figure 21). Il se forme immรฉdiatement un prรฉcipitรฉ dโ€™AgCl. Il semble donc que le chlorure ait bien รฉtรฉ arrachรฉ. Dโ€™abord, la RMN du 13C indique quโ€™il sโ€™agit dโ€™un mรฉlange (1 : 0.4) de deux produits trรจs similaires qui sont tous deux des complexes carbรฉniques avec un signal caractรฉristique ร  246 ppm et 250 ppm. Les donnรฉes RMN de ces deux composรฉs รฉtant quasi identiques, nous prรฉsenterons uniquement les caractรฉristiques de lโ€™isomรจre majoritaire. La dissymรฉtrie du fragment allyl est prรฉservรฉe, les CH2 rรฉsonnant ร  50.7 et 77.6 ppm. Notons que ces valeurs sont comparables ร  celles trouvรฉes dans le complexe neutre 8 (51.4 et 71.6 ppm).
Lโ€™information clรฉ provient du dรฉplacement chimique des groupements mรฉthoxy. En effet, un des deux methoxy apparaรฎt ร  71.6 ppm, dรฉblindรฉ de 15 ppm par rapport au complexe neutre, tandis que lโ€™autre reste ร  57 ppm. Il semble donc quโ€™un groupement mรฉthoxy soit coordinรฉ au palladium. La structure a รฉtรฉ confirmรฉe par une รฉtude par diffraction aux rayons X. Le complexe 9 existe en fait sous forme de deux diastรฉrรฉoisomรจres, prรฉsents tous deux dans la mรชme maille. Cependant, ร  cause du dรฉsordre associรฉ au CHallyl, ils ne peuvent รชtre distinguรฉs. Cette diastรฉrรฉoisomรฉrie sโ€™explique dโ€™une part par lโ€™atropoisomรฉrie crรฉรฉe par la diffรฉrenciation des deux groupements mรฉthoxy (lโ€™un est coordinรฉ au mรฉtal, lโ€™autre non) et dโ€™autre part par la configuration up/down du fragment allylique. Ces donnรฉes ร  lโ€™รฉtat solide sont en accord avec la prรฉsence des deux produits similaires identifiรฉs par RMN.

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Table des matiรจres

I. Introduction bibliographique
I.1 Les complexes de Fischer
I.2 Les complexes de Schrock
I.3 Vers un nouvel essor des complexes carbรˆniques
I.4 Une diversitรˆ structurale limitรˆe
I.5 Vers de nouveaux carbร‹nes stables
II. Objectifs
Rรˆfรˆrences
CHAPITRE 1 : SYNTHESE ET COMPLEXATION D’AMINO(BIARYL)CARBENESย 
I. Introduction bibliographique
I.1 Les aminoarylcarbร‹nes
I.2 Les aminophosphinocarbร‹nes
I.3 Les aminoalkylcarbร‹nes
I.4 Objectifs
II. Rรˆsultats et discussion
II.1 Essai de synthร‹se d’un biphรˆnylcarbร‹ne
II.1.1 Synthร‹se du biphรˆnyliminium 1
II.1.2 Dรˆprotonation du biphรˆnyliminium
II.2 Essai de synthร‹se d’un binaphtylcarbร‹ne
II.2.1 Synthร‹se de l’iminium 4
II.2.2 Dรˆprotonation de l’iminium 4
II.3 Synthร‹se de l’analogue carbรˆnique de la phosphine de Buchwald Gc
II.3.1 Synthร‹se de l’iminium 6
II.3.2 Synthร‹se du carbร‹ne correspondant
II.3.3 Complexation sur [PdCl(allyl)]2
II.3.4 Gรˆnรˆration du complexe cationique
II.3.5 Essai en catalyse
II.4 Synthร‹se de l’analogue carbรˆnique de la MOP
II.4.1 Synthร‹se de l’iminium 10 38SOMMAIRE
II.4.2 Gรˆnรˆration du carbร‹ne
II.4.3 Synthร‹se du complexe correspondant
II.4.4 Synthร‹se du complexe cationique 13
II.4.5 Rรˆaction avec le THF
III. Conclusion et perspectives
Rรˆfรˆrences
Partie expรˆrimentale
CHAPITRE 2 : LES C-(AMINO)YLURES: DES PRECURSEURS DE LIGANDS BIDENTATES POUR LES METAUX DE TRANSITION
I. Introduction bibliographique
I.1 Structure des ylures
I.2 Rรˆactivitรˆ des ylures en chimie organique
I.3 Rรˆactivitรˆ des ylures en chimie organomรˆtallique
I.4 Les C-(amino)ylures de phosphonium: des ylures dรˆstabilisรˆs
II. Rรˆsultats et discussion
II.1 Faisabilitรˆ de la rรˆaction
II.2 Rรˆtrosynthร‹se
II.3 Un phosphonium accessible en deux รˆtapes?
II.3.1 Choix et synthร‹se du dรˆrivรˆ bromรˆ T
II.3.2 Lithiation de 3 et tentative de piรˆgeage avec la diisopropylformamide
II.4 Rรˆtrosynthร‹se du phosphonium S
II.4.1 Synthร‹se de l’aldรˆhyde phosphorรˆ V
II.4.2 Rรˆaction avec le LDA
II.4.3 Mรˆcanisme de formation du phosphonium cyclique 10
II.4.4 Comment faire un iminium โ€ก partir d’un aldรˆhyde et d’un nuclรˆophile neutre?
II.4.5 Mรˆcanisme de formation de l’acรˆtal aminรˆ W
II.4.6 Synthร‹se du phosphonium 13
II.4.7 Synthร‹se de l’ylure
II.4.8 Rรˆaction de l’ylure 15 avec les mรˆtaux de transition
III. Conclusion et perspectives
Rรˆfรˆrences
Partie expรˆrimentale
CHAPITRE 3 : METALLADIPHOSPHINOCARBENES: VERS DES ยซย COMPLEXES DE FISCHER INVERSESย ยป
I. Introduction bibliographique
II Rรˆsultats et discussion
II.1 Stratรˆgie de synthร‹se
II.2 Faisabilitรˆ de la premiร‹re รˆtape
II.3 Complexation d’une ๏ก-diazophosphine
II.3.1 Synthร‹se du complexe diazoร”que 2
II.3.2 Essai de dรˆcomposition de 2
II.4 Chimie de coordination d’๏ก,๏ก’diazodiphosphines
II.4.1 Essai de synthร‹se du complexe diazoร”que 2
II.4.2 Synthร‹se des diphosphinodiazomรˆthanes 8
II.4.3 Coordination de l’๏ก-diazophosphine 8
II.4.4 Mรˆcanismes proposรˆs
II.5 Rรˆactivitรˆ du complexe 9
II.5.1 Avec les abstracteurs de chlorure
II.5.2 Avec pyridine/NaBPh4
II.5.3 Avec PMe3/ NaBPh4
II.6 Etude de la dissociation de 14b
II.6.1 Echange pyridine/DMAP (expรˆrimental)
II.6.2 Echange pyridine/DMAP (thรˆorique)
II.7 Etude thรˆorique du palladadiphosphinocarbร‹ne
II.7.1 Structure du palladadiphosphinocarbร‹ne
II.7.2 Analyse des orbitales frontiร‹res de 1XIII’
II.7.3 Analyse NBO
III. Conclusion et perspectives
Rรˆfรˆrences

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