Les boursiers de la Ville au lycée : une promotion scolaire pour les classes moyennes modestes 

Des débuts difficiles

Le décret de 1808 globalement accepté à Nantes

Le décret du 10 mai 1808 fonde les bourses communales (cf annexe 1). Il s’agit de mettre à la charge des communes une partie des bourses que l’Etat avait prévu d’entretenir dans les différents lycées déjà en place26. Ce décret est signé par l’Empereur lui-même, sans qu’il ait été possible de retrouver trace de travaux préparatoires ou même de discussions préalables à son propos, comme s’il avait été pris dans l’urgence et sans concertation particulière. Un examen aux Archives nationales permettrait peut-être d’en savoir plus sur la genèse de ce texte.
Ce que l’on sait mieux, c’est la façon dont fut accueilli le nouveau règlement à Nantes. La mesure ne suscite pas de protestation immédiate. En effet, la première récrimination intervient seulement le 25 octobre 1811, lors des discussions autour du budget de 1812 : les conseillers municipaux se plaignent alors de devoir payer les bourses sans être informés des nominations et qu’une demande faite à ce sujet auprès du ministre de l’Intérieur n’a jamais reçu de réponse27. On le voit, les plaintes portent plus sur un manque d’égards et d’information de la part de l’administration de tutelle que sur l’obligation de payer ces bourses. Ce silence administratif est d’ailleurs surprenant et… illégal. Le décret de 1808 prévoit que le préfet tienne informé le maire des nominations ayant lieu28. La sourde oreille administrative ne se constate pas à Angers où l’on retrouve trace dans les délibérations municipales d’une lettre du préfet de Maine-et-Loire adressée au maire d’Angers et datée du 11 juin 1811, dans laquelle il informe ce dernier de la tenue d’un concours pour pourvoir à la vacance de cinq bourses communales au lycée.
Sous la première Restauration, le ton monte : le 10 août 1814, lors de l’examen des comptes de 1813, le maire suivi par le conseil municipal adresse une liste de plusieurs réclamations à Sa Majesté le Roi parmi lesquelles figure la « suppression de la contribution aux bourses communales puisque la Ville ne peut y faire concourir ses concitoyens »30. Ce sera la seule fois où la critique expresse de devoir payer pour des bourses auxquelles la Ville ne peut pas proposer elle-même ses candidats aura lieu avant les ordonnances de 1817 et 1819. En effet, l’année suivante, alors que Napoléon est revenu aux affaires pendant les Cent Jours, lors de la séance d’examen des comptes de l’année 1814 qui se déroule le 29 mai 1815, la question des bourses communales a disparu du chapitre des réclamations adressées au pouvoir. Les réformes de la Restauration qui donneront progressivement le droit aux villes de nommer les candidats à demi-bourse vont rendre caduque cette récrimination et aucune critique des bourses communales n’apparaitra désormais dans les délibérations municipales jusqu’en 1830.
Cette contestation limitée peut surprendre à Nantes. Bien sûr, les maires et conseillers municipaux sont à cette époque nommés directement par décret impérial ou royal, ce qui implique à priori une certaine docilité vis-à-vis du pouvoir en place. Ce qui se vérifie ici : la seule réclamation de taille portant sur le droit de nomination par la Ville a lieu au moment où l’Empereur n’est plus en place. Mais un changement des représentants communaux n’explique pas tout : les conseillers municipaux qui se plaignent en 1814 sont les mêmes que ceux qui ont gardé le silence sous l’Empire. Le maire qui porte la réclamation a été nommé l’année précédente par le pouvoir impérial. Il semble que l’équipe municipale ait attendu le changement de régime pour exprimer une doléance qu’elle souhaitait formuler auparavant. La disparition du sujet l’année suivante relève plus d’un changement de personnes : un nouveau maire est nommé en mai 1815 et le conseil municipal est partiellement renouvelé suite à des démissions liées au retour de l’Empereur.

Un lycée accueilli sans enthousiasme

Pourtant l’accueil du lycée par les élites nantaises et par ses responsables n’avait pas été particulièrement enthousiaste. Les débuts du lycée à Nantes ont été analysés par J. Guiffan dans l’ouvrage collectif paru en 200832. Dès le départ, la municipalité nantaise ne semble pas enthousiaste à l’idée d’accueillir le nouvel établissement. Ce sont les dépenses qui posent problème. On retrouve la concurrence séculaire avec Rennes, préférée par le Consulat pour y installer un lycée. Si le préfet de Loire-Inférieure fait son possible pour convaincre Chaptal, alors ministre de l’Intérieur, de choisir Nantes, la municipalité tarde à répondre quand Roederer, chargé de l’Instruction Publique et sensible aux arguments du préfet, demande des renseignements sur les possibilités concrètes d’accueillir l’établissement. Finalement, la municipalité chiffre à 100 000 F les frais nécessaires, mais ne s’engage pas à les mettre en oeuvre. De ce fait, Rennes est choisie au détriment de Nantes. Mais contre toute attente, un décret du Premier Consul daté du 1er vendémiaire an XII (24 septembre 1803) annonce la création d’un lycée à Nantes. S’ensuit une longue série de délais d’ouverture non tenus et c’est seulement le 1er avril 1808 que l’établissement ouvre ses portes.
Les difficultés d’installation des lycées sont largement évoquées par les historiens de l’éducation. Un certain nombre de communes rechignent à une dépense parfois conséquente (75 000 F à Bordeaux33, 100 000 F à Nancy34) imposée par l’Etat puisqu’en effet la loi du 11 floréal met à la charge des villes l’acquisition de bâtiments et de matériel pour les lycées ainsi que leur entretien35. Du côté des familles, on retrouve un peu partout un manque de confiance ou d’intérêt de la part des familles aristocratiques, mais aussi bourgeoises vis-à-vis du lycée. Les pères de famille lui reprochent pêle-mêle le fait d’être mal organisé (manque de matériel, de professeurs, de personnel d’encadrement), de proposer une vie de caserne aux jeunes gens, de ne préparer qu’à des carrières militaires ou de fonctionnaires. La concurrence des institutions privées, laïques et religieuses, appelées écoles secondaires est redoutable. Elles ont pour elles l’avantage d’être anciennes pour beaucoup et d’avoir fait leurs preuves aux yeux des pères de famille.

Le contexte nantais

Ce contexte général prend une coloration particulière dans une cité comme Nantes. Il s’agit d’une ville importante : 77 000 habitants en 1811 qui présente deux caractéristiques principales. Son activité économique tout d’abord : Nantes est une grande ville portuaire (troisième port français et deuxième port atlantique français après Bordeaux) dont le trafic est essentiellement tourné vers les sucres et, intimement liée à ceux-ci, vers la traite négrière. L’industrialisation est encore faible à cette époque : principalement textile et sucrière. Sous l’Empire et la Restauration, le grand négoce constitue encore le sommet des élites nantaises, suivis de commerçants, négociants et industriels d’envergure plus modestes ainsi que de notables issus des capacités : avocats, médecins, hauts fonctionnaires, militaires. Politiquement, les idées libérales prévalent dans ces milieux. Cela contribue à la deuxième particularité de Nantes : être une enclave plutôt libérale, ouverte aux idées nouvelles, dans un des arrière-pays les plus conservateurs de France. Une ville cernée par la Vendée militaire au sud, par la Chouannerie au nord et à l’ouest, par le conservatisme catholique et légitimiste des campagnes de tous côtés. Si l’on y rajoute les préoccupations essentiellement locales des décideurs politiques nantais, bien plus soucieux de ce qu’ils considèrent comme les intérêts de leur ville que des grandes fièvres politiques nationales, l’on aura ébauché à grands traits le décor de la scène nantaise en ce début du XIXe siècle, dont bien des caractéristiques perdureront un siècle plus tard.
Dans un tel contexte, le régime napoléonien n’est pas forcément malvenu. Si les troubles révolutionnaires ruinent l’industrie de tissage local, et portent un coup sévère au commerce maritime, L’Empire semble être une période de récupération : le trafic maritime de 1812 retrouve presque le niveau atteint en 1792 avant les guerres vendéennes et les coalitions européennes38. L’on peut même penser que le rétablissement de l’esclavage en 1802 arrange les affaires de certains négociants et la mise en place du blocus continental en 1806, en bloquant les marchandises anglaises, favorise à la fois le commerce des produits locaux en gommant la concurrence de nombreux produits anglais (houilles, métaux, tissus) meilleur marché et en obligeant l’industrie locale à se développer pour remplacer ces produits.
Politiquement, le retour à l’ordre est plutôt apprécié des élites et de la population après les désordres violents de la Révolution et la visite de Napoléon à Nantes le 9 août 1808 semble avoir laissé un bon souvenir aux Nantais. Il est pourtant douteux que le régime impérial ait fait l’unanimité. Les réclamations constatées en 1814, dès que l’Empereur est éloigné, révèlent des mécontentements jusque-là contenus. Le caractère autoritaire de celui-ci a dérangé une ville puissante, attachée à ses prérogatives municipales, et les dernières années du régime, marquées par les guerres, les revers militaires et les déficits publics ont accru pour les villes une pression fiscale par nature impopulaire.
Le lycée dans une certaine mesure incarne les travers du régime. Il est imposé de l’extérieur, et occasionne des dépenses contraintes et imprévues. Il apparaît bien rude et spartiate aux bonnes familles nantaises, et déjà, l’éducation « classique » qu’il propose, est loin de répondre aux besoins des fils de négociants ou de commerçants. La réforme du plan d’études par le décret du 19 septembre 1809 n’arrange rien : le lycée propose un programme très axé sur les humanités classiques et restreint fortement la part des sciences et des matières « pratiques » enseignées au départ.

Une acceptation ambigüe

Pourtant son ouverture le 1er avril 1808 semble plutôt appréciée des notables, si l’on en croit les éloges publiés dans l’Annuaire de Nantes en 180740, publication para-officielle il est vrai. Cela se comprend : pendant presque cinq ans, après la fermeture de la dernière école centrale, la bourgeoisie nantaise doit se contenter de six écoles secondaires privées sur place. Elle est parfois contrainte d’envoyer ses rejetons dans les lycées de Rennes ou d’Angers, voire de Pontivy ou dans des écoles secondaires hors de la ville. Le lycée est finalement admis car il s’avère qu’il peut rendre service aux pères de famille pour au moins deux raisons. Il propose des « places » supplémentaires pour leurs fils. Et son offre éducative correspond aux attentes de certaines familles : demandes pour des carrières d’ingénieur, de hauts fonctionnaires, de médecins, de juristes… Pour ce genre d’ambitions, il représente d’emblée un établissement d’excellence malgré tous ses défauts, d’autant que sa fréquentation est obligatoire pour pouvoir se présenter au baccalauréat à partir du 15 novembre 1811, un sésame indispensable pour ceux qui souhaitent entrer dans les facultés de médecine ou de droit. Le lycée s’impose donc dès les premières années comme un acteur incontournable de l’enseignement secondaire à Nantes, du fait notamment des contraintes règlementaires qui en font un point de passage souvent obligé. Mais la plupart des familles de la ville vont le bouder durablement et les conseillers municipaux doivent « faire avec ». Plus ou moins convaincus de son utilité dans la cité, ces derniers se montrent toujours réticents, voire hostiles à toute dépense supplémentaire liée à l’établissement, estimant que cette charge doit incomber à l’Etat. Cette acceptation ambigüe pèsera à un moment sur le devenir des bourses communales.

Des effectifs stables et bien pourvus

Si l’offre éducative du lycée (devenu collège royal en 1815) ne fait pas l’unanimité, il apparaît que les effectifs de boursiers communaux ne souffrent pas à cette époque de cette désaffection partielle. Apprécier les effectifs de boursiers communaux suppose de distinguer les effectifs réglementaires, théoriques en quelque sorte, et les effectifs réalisés, à savoir le nombre de boursiers réellement présents au lycée. L’écart entre les deux nombres provient de vacances de bourses plus ou moins nombreuses et prolongées. Quand un élève boursier quitte le lycée et ce pour quelque raison que ce soit, sa bourse est déclarée vacante et elle fait l’objet d’un appel à candidature pour être pourvue. Lorsque les effectifs théoriques sont atteints, cela signifie qu’un nombre suffisant de candidats présentant le profil requis se sont présentés. A l’inverse, des chiffres divergents indiquent des difficultés de recrutement.
L’étude des effectifs commence par une difficulté. Dans les sources locales consultées, il n’a pas été possible de trouver trace des premières promotions de boursiers communaux. En effet, le premier état nominatif date de 1811 ou plus sûrement de 1812 : il n’est pas daté mais quelques recoupements simples permettent d’avancer cette date et sur cet état d’élèves figurent pour quelques-uns la mention « déjà élève communal », ce qui implique que la Ville payait pour ces jeunes gens au moins depuis l’année scolaire précédente, à savoir 1810-1811. Le Rapport au Roi sur l’instruction secondaire établi par Villemain en 1843 nous apprend que 34 boursiers communaux fréquentent le lycée en 1809, 31 en 1810 et 32 en 1811. De 1811 à 1820, 26 élèves sont boursiers de la Ville de Nantes au lycée et se répartissent comme suit : 8 à bourse entière, 10 à 3/4 de bourse et 8 demi-boursiers. Cependant l’établissement accueille à cette époque d’autres boursiers communaux, entretenus par d’autres villes. Le décret de 1808 prévoit que les villes de Saint-Brieuc, Dinan et Lannion entretiennent chacune un élève et la ville de Paris avait elle, 21 bourses à sa charge, soit 24 élèves en plus des 26 élèves nantais, ce qui donne un total de 50 boursiers, effectif initialement prévu et correspondant au tiers des 150 élèves du gouvernement devant fréquenter chaque lycée. Là encore, les sources locales ne permettent pas de savoir dans quelle mesure ces bourses ont été effectivement occupées, puisque les états nominatifs ne concernent que les boursiers pour lesquels la ville de Nantes paye. Le rapport de Villemain fournit ces éléments : les effectifs oscillent entre 30 et 32 élèves jusqu’en 1822. On est loin des 50 élèves. Les défections proviennent essentiellement des bourses parisiennes.
A partir de 1821, la répartition change légèrement : le collège royal compte désormais 27 boursiers communaux dont 8 à bourse entière, 8 à 3/4 de bourse au lieu de 10 et 11 à demi-bourse au lieu de 8. La ville de Nantes travaille à cette époque à mettre en oeuvre la nouvelle répartition des boursiers communaux décidée par l’ordonnance royale du 25 décembre 1819. Ce texte prévoit désormais pour la cité nantaise l’entretien de 5 élèves à bourse entière, 8 élèves à 3/4 de bourse, et 17 élèves demi-boursiers. D’autre part, l’entretien d’élèves au lycée par d’autres villes n’est plus d’actualité. Les modifications doivent s’appliquer au fur et à mesure des vacances de bourses puisque ces allocations sont valables pour toute la scolarité des élèves. On a donc pour les années suivantes affaire à des effectifs de transition. Le chiffre de 26 élèves est atteint en 182448. A cette date, tous les boursiers communaux sont des élèves entretenus par Nantes.
Toutefois, cette nouvelle répartition n’ira pas à son terme. Le 22 septembre 1821, une délibération du conseil municipal demande de revenir à l’ancienne répartition, en raison d’un nombre de demandes insuffisantes. Cette demande est validée par un décret royal daté du 13 novembre 1822, acté par l’assemblée municipale le 27 janvier suivant. Il est difficile d’être certain des effectifs annuels en l’absence d’états nominatifs durant une période de dix ans. On apprend toutefois dans l’ouvrage consacré au bicentenaire du lycée que celui-ci compte 25 boursiers communaux dans ses murs, et aucun document conservé ne donne à penser à des difficultés particulières de recrutement à cette époque, ce qui peut laisser augurer d’effectifs plutôt stables et bien remplis.
Ces caractéristiques peuvent s’appliquer à l’ensemble de la période. A Nantes, l’opportunité de suivre des études secondaires à moindre frais au lycée rencontre un public suffisant pour assurer les objectifs du gouvernement. Deux éléments permettent de l’affirmer. Sur les vingt années étudiées, les effectifs à la charge de la cité nantaise ne sont quasiment jamais en défaut, ce qui est loin d’être le cas dans d’autres villes. Ainsi à Montpellier, cinq boursiers communaux manquent à l’appel en 181152 et à Pontivy, ce sont 19 élèves communaux (pris en charge par la ville de Paris) qui manquent à l’appel la même année. L’on remarque aussi que pendant la période impériale et les toutes premières années de la Restauration, sur 42 boursiers communaux identifiés, 29 sont nés à Nantes, ce qui semble indiquer un réel intérêt local pour cette offre, puisque seule l’obligation de résider à Nantes était exigée par les règlements universitaires. Il est d’ailleurs à noter que le contexte politique agité pendant la transition de 1814-1815, dont les perturbations se font sentir par moment dans l’établissement, n’a pas d’incidence sur le recrutement des boursiers de la Ville.

Un budget contraint et stable

La stabilité budgétaire confirme celle des effectifs. La somme de 12 675 F apparaît au budget communal de 1809. Un examen du registre des dépenses et recettes de la ville de Nantes permet de constater qu’un montant de 6337,50 F a été inscrit rétrospectivement au budget de 180855. Ce constat permet d’éclaircir un point obscur du décret de 180856 : à savoir le point de départ du paiement des bourses communales. La somme correspond au paiement pour une moitié d’année, ce qui signifie un paiement à compter du 1er juillet. Nantes ne fera pas appel à l’avance de la caisse d’amortissement proposée par l’article 5 dudit décret pour les villes en mal de trésorerie, ce qui donne à penser que la commune a pu supporter cette charge sans difficultés particulières. Pour autant, la municipalité ne s’acquitte pas de son dû avec régularité. L’inspecteur d’académie, alors chargé de la direction du lycée, dans une lettre datée du 30 mars 1814, se plaint d’un retard de versement du montant des bourses.
La somme représente un peu moins de de 1,5 % des dépenses de la ville à cette date. Et l’essentiel des dépenses consacrées à l’instruction publique. L’on peut même dire que cette dépense forcée inaugure en quelque sorte les investissements de la Ville consacrés à l’éducation, si l’on excepte l’école de dessin que la municipalité entretient depuis 1810. En effet sont portés dans la partie des dépenses consacrées à l’instruction publique des articles extra-scolaires tels que la bibliothèque, qui ressortiraient aujourd’hui des budgets culturels. De ce fait les bourses communales absorbent plus des deux tiers des dépenses du secteur. A titre de comparaison, Lyon doit entretenir pour 47 275 F de bourses au lycée, ce qui représente environ 1/3 de ses dépenses ordinaires au titre de l’instruction publique et tout juste 1,7 % de ses dépenses globales. La ville de Rennes, elle, se voit chargée d’une contribution de 5 200 F au titre des bourses au lycée, soit plus de 2 % de son budget global et environ 18 % des dépenses pour l’instruction publique.
Cet ordre de grandeur, situe une dépense qui sans être considérable, n’est pas négligeable. Pour mémoire et comparaison n’est pas raison mais tout de même : il est bon de se rappeler les discussions à l’Assemblée nationale en 1981 quand il s’agissait de consacrer 1 % du budget de l’Etat à la Culture. Et encore les parlementaires étaient décisionnaires, ce qui ne fut pas le cas pour les villes à l’époque. Certes, ce poids va diminuer mais il représente encore plus du centième des dépenses de la ville de Nantes en 1830 et encore plus de 40 % des dépenses consacrées à l’instruction publique.
Jusqu’en 1830, la somme de ce budget très réglementé reste inchangée. Les deux modifications survenues dans les attributions des bourses décidées l’une à la suite de l’ordonnance du 25 décembre 1819, l’autre par une délibération du conseil municipal en 1821 (supra) n’affectent que les effectifs : ces opérations se font à budget constant.
Une relative acceptation des bourses communales au lycée ressort donc pour ces vingt premières années. Force est d’ailleurs de constater que les deniers de la Ville ne sont pas perdus : les bourses vacantes sont vite pourvues, que les élèves soient nommés par l’Etat (avant 1817) ou par la commune. Ces éléments plutôt favorables aux bourses du lycée sont peut-être à rapprocher d’une offre locale d’éducation secondaire très peu étoffée : il n’existe à Nantes aucun établissement d’enseignement professionnel comme il en existe à Lyon depuis l’Ancien Régime ou même à Angers avec l’école des Arts et Métiers depuis 1815. Cette absence est bien sûr liée à une politique de l’enseignement à Nantes quasi inexistante avant 1830. Dans un tel contexte, l’opportunité pour des parents d’envoyer leur fils à moindre coût suivre des études secondaires est évidente. Et l’on voit mal pourquoi les conseillers municipaux contesteraient fortement une possibilité qu’ils ont de satisfaire des familles à moindre frais : les bourses communales coûtent moins cher que d’investir dans la construction d’écoles nouvelles. D’ailleurs, il est à noter que la Ville confirme le maintien de ses bourses au collège royal par la délibération du 28 octobre 1818, lors de la consultation lancée par les autorités de tutelle. L’arrivée aux affaires municipales d’hommes nouveaux aux idées éducatives plus précises va modifier la donne.

La crise de 1830 : la fin des bourses communales ?

Un an d’incertitudes

Pendant plus d’un an, la pérennité des bourses au collège royal est incertaine. Le 17 décembre 1830, lors des délibérations relatives à la proposition de budget pour 1831, le conseil municipal décide la suppression des bourses communales payées au collège royal par extinction progressive de celles en cours. Une première suggestion émanant du rapporteur au budget était de ramener progressivement la somme en question à 6 500 F, mais l’ensemble du conseil va outrepasser cet avis. La mise en pratique de ce vote ne se fait guère attendre : le 14 janvier suivant, l’assemblée refuse de nommer à une bourse devenue vacante. Les autorités tutélaires déplorent une telle décision et vont tenter de persuader les représentants de la Ville de revenir à la raison. Le 11 avril, un conseiller expose le contenu de trois lettres émanant du ministre de l’Instruction publique, du recteur d’académie et du préfet de Loire Inférieure déplorant le tort fait à des familles malheureuses ou recommandables ainsi qu’aux finances du collège royal. Malgré semble-t-il l’insistance personnelle du maire allant dans le même sens, le conseil campe sur ses positions.
Le 3 juin, le ministère fait un effort. S’appuyant sur certains précédents survenus dans d’autres villes, il propose une réduction de moitié du montant consacré aux bourses du lycée, « ne pouvant donner son approbation à l’entière suppression des bourses ». Peine perdue cette fois-ci. Les responsables municipaux persistent dans leur idée première et le 11 novembre refusent de nommer à une nouvelle bourse devenue vacante. Le même jour, la lecture d’une lettre du ministre du Commerce suscite la même réaction obstinée de l’assemblée. En revanche, la promotion du jeune Maillard à bourse entière en date du 25 octobre est consignée sans discussion, conformément aux engagements initiaux de ne pas pénaliser les boursiers déjà titulaires. Le non-remplacement des sommes rendues vacantes est confirmé par le vote du budget pour l’année 1832, bien qu’au moins un conseiller ait eu envie d’ouvrir une discussion à ce propos.

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Table des matières
Introduction
pour une étude des bourses communales
Première partie
Les bourses communales au lycée : 125 ans de politique communale 
I) Préambule : méthodologie et ordres de grandeur
A) Des effectifs modestes mais non négligeables
1) précisions liminaires
2) Les élèves de la Ville au lycée : une vue d’ensemble
B) Un budget significatif mais limité
1) Précisions liminaires
2) Le budget des bourses communales : ordres de grandeur
II) Une mise en place sous contrainte : 1808-1830
A) Des débuts difficiles
1) Le décret de 1808 globalement accepté à Nantes
2) Un lycée accueilli sans enthousiasme
3) Le contexte nantais
4) Une acceptation ambigüe
B) Des effectifs stables et bien pourvus
C) Un budget contraint et stable
II) L’étiage des bourses communales (1831-1874)
A) La crise de 1830 : la fin des bourses communales ?
1) Un an d’incertitudes
2) Les arguments avancés
3) Un début de politique scolaire ?
4) Une crise nantaise ?
B) Les bourses communales à un seuil plancher
1) Un soutien garanti à minima : les évolutions budgétaires
2) Les effectifs au plus bas
III) Un essor sous contrôle 1874-1933
A) Entre mutations et permanences : le lycée à Nantes
B) Le budget des bourses communales : un accroissement mesuré
1) Les débuts de la Troisième République (1874-1893) : entre innovations et reculs idéologiques.
2) 1893-1933 : adaptabilité sous contrôle budgétaire
C) expansion et stagnation des effectifs
D) Une part très minoritaire des effectifs du lycée
Deuxième partie
Devenir boursier communal : le recrutement
I) Les bourses communales au temps de Napoléon : des villes « agents payeurs »
A) Aux origines des bourses communales
B) Le décret de 1808 : « une mauvaise manière faite aux villes »
C) Des recrutements centralisés : l’importance des relations
II) Une première autonomie des villes : 1817-1848
A) Les villes reconsidérées par les ordonnances de 1817, 1819 et 1821
B) Des difficultés non réglées
C) Les crises des années 1830 : limites de la contrainte administrative
D) Des nominations à la faveur ? L’exemple nantais
1) Avant 1832, des nominations peu transparentes
2) Un effort de réglementation (1833-1837)
3) Un retour aux pratiques antérieures ?
III) La Seconde République et le Second Empire : un retour en arrière pour les villes ?
A) Mettre fin aux abus
B) L’installation de nouvelles pratiques de recrutement
1) Une législation porteuse de modernité
2) A Nantes, une application plutôt réussie
IV) La Troisième République: un cadre réglementaire desserré
A) Une marge de manoeuvre accrue pour les villes
B) A Nantes, un recrutement personnalisé
1) Les familles méritantes et peu fortunées privilégiées
2) Des allocations personnalisées
C) Les familles face aux évolutions administratives
1) De la « supplique » à la lettre de demande : un changement des pratiques de demande
2) Un contrôle administratif accru
D) Epilogue
Troisième partie 
Les boursiers de la Ville au lycée : une promotion scolaire pour les classes moyennes modestes 
I) Le corpus : précisions méthodologiques
A) Le corpus : saisie des données brutes
1) Replacer les élèves dans leur époque
2) Repérer les jalons dans le parcours scolaire
3) L’élève dans son milieu : origines et contextes familiaux
B) « Faire parler les données » : la saisie et les codages
1) Le codage des professions et des statuts sociaux
2) Etablir une échelle des revenus
3) Coder le cursus scolaire
4) Considérations autour de moyennes d’élèves
II) Origines des élèves : des parents issus des « couches moyennes » modestes
A) Des élèves « locaux »
B) Des conditions matérielles plutôt modestes
C) Les « couches moyennes » inférieures dominantes
1) Les échelons hiérarchiques supérieurs peu représentés
2) La montée des catégories moyennes et inférieures
3) Fonctionnaires et salariés du privé privilégiés
4) Instantanés
5) Des recrutements originaux ?
6) Les bourses communales : un ascenseur scolaire ?
II) Les boursiers communaux au lycée : parcours et intégrations scolaires
A) Quelques parcours dominants
1) Une majorité d’élèves issus du lycée
2) Des parcours peu corrélés aux origines socio-professionnelles
3) Quelques cursus types
C) Des élèves plutôt honorables
1) Des élèves moyens dans l’ensemble et bien classés
2) Du travail et du sérieux
3) Des élèves diplômés ?
4) Que deviennent-t-ils ?
D) La vie au lycée : pression et ostracisme social ?
De nouvelles pistes ?
Bibliographie 
Etat des sources 
Annexes 
Table des matières

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