Modèle simplifié linéaire
Le couplage cinématique qui intervient dans les équations 1.6 et 1.21, régissant la dynamique de ΩIy et ΩIz , est donc essentiellement dépendant de l’angle d’élévation β. En effet on constate que les couples cinématiques deviennent de plus en plus importants lorsque cet angle s’approche de la valeur critique β = 90˚, qui correspond à une singularité dans ces équations : à cette position il y a une perte de contrôle (c β = 0) et un blocage du système, cette situation est communément connue sous le terme de blocage de cardan (gimbal lock) ou blocage au nadir.
Ce modèle fortement non linéaire peut sûrement être utile pour simuler le système à partir d’un gabarit de mouvements de rotations du porteur, mais il serait difficilement exploitable pour synthétiser un correcteur. De plus, en considérant uniquement des mouvements du porteur de type vibrations linéaires, il est possible de le simplifier à partir de considérations réalistes et vérifiables a posteriori. En effet, dans ce cas, on peut raisonnablement considérer que pour stabiliser (maintenir pointé dans une direction fixe vis-à-vis d’une référence inertielle) la ligne de visée, l’angle d’élévation β ne subit que de faibles variations δβ autourd’une valeur constante.
Le modèle de commande
Prise en compte des flexibilités mécaniques
Afin d’obtenir un asservissement performant et robuste, il est nécessaire de prendre en compte les flexibilités mécaniques, notamment les modes résonants de torsion entre le couple moteur appliqué à chaque axe et la vitesse de rotation de la ligne de visée car ceux ci-vont limiter, par nécessité de robustesse, la bande passante atteignable de la boucle d’asservissement à concevoir. Pour cela nous rajoutons au mode dynamique rigide, décrit pour chaque axe par 1.22, la dynamique des modes résonants et obtenons le modèle de commande :
Les boucles de stabilisation inertielle de ligne de visée : approche par Loop-Shaping
L’objectif de la boucle de stabilisation inertielle de ligne de visée est de garantir un niveau de performance en précision de pointage sous environnement vibratoire (accélérations linéaires du porteur) et oscillant (rotations du porteur). Dans le chapitre précédent, nous avons mis en évidence les deux types de perturbation qui sont majoritairement à compenser. En environnement oscillant, la perturbation à rejeter est principalement composée de couples de frottements secs (d f ), perturbations de type échelon en entrée de modèle ; en environnement vibratoire les perturbations à rejeter proviennent principalement de la flexibilité du viseur vis-à-vis des excitations mécaniques du porteur du viseur, perturbations en sortie de modèle (d v ).
Cet objectif de performance s’accompagne d’une contrainte de robustesse vis-à-vis des dispersions du système dues, tout d’abord aux dispersions de fabrication (systèmes de grande série), puis aux conditions de mise en oeuvre du système (température), enfin aux dynamiques négligées pour avoir un modèle de synthèse simplifié. En effet la plateforme mécanique à piloter est un système flexible dont on dispose d’un modèle linéaire nominal de la forme 1.23, les paramètres des modes propres de la plateforme pouvant varier en fonction des conditions opérationnelles (température, changement du porteur du viseur,..).
La figure 2.1 présente le principe d’une boucle de stabilisation de ligne de visée, où l’on considère un modèle SISO incertain de l’axe mécanique à asservir, avec : Gm le modèle LTI 1 nominal, identifié à partir de mesures (réponses fréquentielles) sur le système réel et ∆m les incertitudes de modèle sous forme multiplicative directe en sortie. Ce type de modélisation d’incertitudes permet de traduire des erreurs relatives, telles que les dynamiques négligées des modes hautes fréquences (éloignés de la bande passante de l’asservissement), ou alors la variation des paramètres des modes non négligés (fréquence, amortissement) de la structure mécanique du viseur. Un gabarit sur ce ∆m peut être approché si l’on dispose par exemple de mesures issues de différents viseurs de la même série et dans différentes conditions de température, ou alors via une dispersion aléatoire des paramètres du modèle nominal.
Déclinaison fréquentielle des objectifs de synthèse
Dans le bouclage monovariable présenté sur la figure 2.1, le correcteur recherché KΩ délivre un couple commandé Cm . Cette simplification conceptuelle permet dans un premier temps de faire abstraction de la dynamique de l’actionneur, afin de simplifier la déclinaison fréquentielle du rejet des perturbations dues à l’environnement mécanique (spectre de d v , niveau estimé des couples de frottements secs d f ). En effet les signaux internes du bouclage à insensibiliser des perturbations sont donnés par.
Synthèse du correcteur
Usuellement, l’ingénieur automaticien effectue le modelage de la boucle ouverte L Ω , via un réglage itératif et graphique (diagrammes de Nyquist et Black-Nichols) de KΩ sous forme de réseaux de filtres PI (Proportionnel Intégral), avance de phase, filtres réjecteurs (notch filters) ; on parle alors de Loop-Shaping. Néanmoins, l’obtention par cette méthode d’un réglage de KΩ performant et stabilisant de manière robuste le bouclage peut s’avérer difficile et fastidieuse, notamment si la spécification fréquentielle déclinée à partir du cahier des charges s’avère complexe, comme présenté sur la figure 2.4 par exemple. Par ailleurs, nous venons de voir avec 2.12 que la norme H∞ permet de prendre en compte a priori la robustesse en stabilité d’un bouclage vis-à-vis d’incertitudes non structurées, il en est de même pour la performance (atténuation du gain fréquentiel de la fonction de sensibilité S Ω ).
L’emploi des techniques de commande robuste basées sur la norme H∞ permet alors de déporter ce réglage sur le choix de filtres de pondérations adéquats, de manière à calculer le correcteur cette fois par minimisation d’un critère portant sur la norme H∞ de transferts pondérés, soit en boucle fermée : c’est la Synthèse H ∞ Standard [DGKF89] ; soit en boucle ouverte : c’est la Synthèse H ∞ par Loop-Shaping [MG92], basée sur la résolution d’un problème particulier dit de stabilisation robuste d’un système décrit par factorisations premières normalisées [GM89]. Cette dernière approche, du point de vue de l’ingénieur automaticien, présente l’avantage de conserver le raisonnement classique sur la boucle ouverte, tout en offrant la possibilité (comme l’approche Standard, qui est bien évidemment plus générale) de traiter efficacement le cas des systèmes multivariables (MIMO), ce qui était difficilement réalisable avec les méthodes d’Automatique fréquentielle classique. Dans notre cas, l’intérêt du multivariable sera de pouvoir synthétiser directement (en une seule étape) un correcteurrobuste global prenant en compte la mesure de vitesse inertielle et la mesure du courant moteur comme indiqué sur la figure 1.8 .
La synthèse H∞ par Loop-Shaping
Soit G un modèle linéaire nominal d’un système quelconque que l’on désire asservir. Nous rappelons ici les aspects fondamentaux de la procédure de Synthèse H ∞ par Loop-Shaping établie par Glover et McFarlane dans [MG92].
Réduction de modèles dans l’espace d’état
La réduction d’un modèle LTI au sens général consiste à tronquer ou éliminer certains états de ce modèle dont on juge, à partir d’un critère mathématique, qu’ils contribuent le moins à la description du système physique modélisé ou alors à la performance s’il s’agit d’un correcteur. Nous rappelons ici les méthodes les plus souvent utilisées, qui reposent sur la notion de réalisation équilibrée au sens de l’observabilité et de la commandabilité.
Réduction de modèles dans l’espace d’état
La réduction d’un modèle LTI au sens général consiste à tronquer ou éliminer certains états de ce modèle dont on juge, à partir d’un critère mathématique, qu’ils contribuent le moins à la description du système physique modélisé ou alors à la performance s’il s’agit d’un correcteur. Nous rappelons ici les méthodes les plus souvent utilisées, qui reposent sur la notion de réalisation équilibrée au sens de l’observabilité et de la commandabilité.
Application
Dans cette section, nous présentons un exemple complet de synthèse d’une boucle de stabilisation inertielle de ligne de visée par la méthode H∞ Loop-Shaping rappelée ci-dessus.
Considérons un axe de visée dont le modèle G du type 1.27 correspond aux réponses fréquentielles des figures 2.6 et 2.7, avec une normalisation dans le domaine fréquentiel pour des raisons de confidentialité. En effet, le système physique en question est un cardan d’un viseur héliporté, où le moteur est monté en prise directe (pas de mécanisme de réduction du type engrenage), ce qui rend ici négligeable la f .c.e.m du moteur, car la vitesse relative vue par les bobinages du moteur est faible. Dans cette configuration, la présence d’un réseau intégrateur de type PI dans une boucle de courant n’est donc pas indispensable, ce qui permet d’utiliser le courant comme une mesure supplémentaire robustificatrice dans la synthèse du correcteur. Le raisonnement sur la boucle ouverte établi précédemment en considérant uniquement Gm , par simplicité, s’applique donc cette fois à la fonction de transfert.
Conclusion et objectifs de la thèse
Dans ce chapitre nous avons présenté la méthode de synthèse usuelle d’une boucle de stabilisation inertielle de ligne de visée par l’approche H∞ Loop-Shaping. Les correcteurs obtenus par cette méthode étant généralement d’ordre élevé, comme le montre l’application traitée, une étape de réduction a posteriori du correcteur est indispensable afin d’aboutir à un correcteur implémentable. Cette méthodologie en 2 étapes (synthèse H∞ d’ordre plein, puis réduction d’ordre du correcteur H∞ ) est utilisée dans de nombreuses applications industrielles, et notamment à la SAGEM dans les viseurs actuels. Cependant, des environnements de plus en plus contraignants et des cahiers des charges de plus en plus poussés orientent vers l’emploi de capteurs supplémentaires (ajout d’une composante de feedforward pour une meilleure compensation des vibrations du porteur du viseur par exemple) associés à des techniques de commande avancée (H∞ / H2 ) pour satisfaire les objectifs de performance sous contrainte de robustesse. L’ordre du correcteur multivariable croit alors de manière conséquente et il est nécessaire de maitriser ce dernier, voire de pouvoir imposer l’ordre de chaque terme de la matrice de correction indépendamment les uns des autres, c’est-à-dire d’imposer une contrainte structurelle au correcteur lors de la synthèse.
Les premières études montrent qu’une réduction a posteriori nécessaire à la mise en oeuvre de capteurs supplémentaires dégrade de manière conséquente la robustesse obtenue lors de la synthèse de correcteurs d’ordre plein par les techniques de type H∞ . Ainsi il apparait nécessaire de contraindre a priori l’ordre maximal du correcteur, en évitant donc la deuxième étape de réduction actuelle, qui est essentiellement une procédure ad-hoc dans le sens ou elle n’offre pas à l’utilisateur la possibilité de maîtriser, durant la réduction d’ordre, la dégradation des propriétés de la boucle fermée (stabilité, critère de synthèse H∞ traduisant le compromis robustesse/performance) vis-à-vis du correcteur optimal d’ordre plein.
Le positionnement de nos travaux étant clairement applicatif, dans cette thèse nous proposons des méthodologies de synthèse de correcteurs d’ordre réduit, avec pour souci particulier de garder le formalisme Loop-Shaping, en abordant le problème de la synthèse H∞ à ordre fixé :
– d’abord à travers l’optimisation sous contraintes LMI, domaine dans lequel la production scientifique en Automatique a été intense durant ces 2 dernières décennies ;
– ensuite par l’optimisation non lisse, approche qui a émergé plus récemment, avec des outils numériques dédiés et disponibles dans les domaines académiques et privés.
Conclusion sur les approches par LMI
De nombreuses heuristiques de synthèse à ordre fixé par l’optimisation sous contraintes LMI ont été proposées dans la littérature ces 20 dernières années. Dans ce chapitre, nous avons particulièrement insisté sur l’approche par factorisations copremières, qui est simple du point de vue de l’implémentation numérique et présente des résultats acceptables à défaut d’être satisfaisants. En effet, du fait de la structure figée du problème résolu, la réduction d’ordre n’est pas significative comparé aux approches de réduction a posteriori. Ceci est dû au fait que les pondérations de la synthèse par Loop-Shaping ne sont pas prises en compte dans le problème d’optimisation à ordre fixé portant uniquement sur Ks , or la contribution de ces pondérations dans l’ordre du correcteur final K = −Win KsWout est souvent non négligeable dans les applications qui nous intéressent. Par ailleurs, pour les autres approches envisagées dans le cadre LMI, soit elles sont facilement implémentables mais aboutissent à des résultats moins bons pour l’application traitée, soit elles requièrent de solides compétences en optimisation numérique pour être bien implémentées et exploitées.
Dans les chapitres suivants nous allons donc nous intéresser à d’autres types de méthodes numériques d’optimisation, permettant de résoudre le problème de synthèse à ordre fixé, et dont une implémentation numérique et efficace existe sous forme d’outils publics ou privés.
Ensuite nous proposerons une méthodologie pour la synthèse à ordre et structure fixé permettant : soit de prendre en compte la structure des pondérations si celles-ci ont déjà été convenablement réglées auparavant, soit de calculer automatiquement celles-ci à partir d’un gabarit du gain en boucle ouverte convenablement réglé.
Synthèse du précorrecteur Ks par l’optimisation non lisse
Les outils de synthèse par l’optimisation non lisse HIFOO et HINFSTRUCT offrent la possibilité de fixer l’ordre et la structure d’un correcteur. Dans un premier temps, nous allons les évaluer sur le problème décrit par la figure 3.3 (même problème que celui résolu par Vinnicombe-Miyamoto et la X-K itération au chapitre précédent), c’est-à-dire la synthèse du précorrecteur Ks : d’abord à ordre fixé, puis à ordre et structure fixés.
Ordre fixé
L’initialisation est faite de la même manière que précédemment, c’est-à-dire par réduction a posteriori des facteurs premiers normalisés du précorrecteur Ks d’ordre plein. Ici la différence est que ce Ks initial, d’ordre désiré k s n’est plus obligatoirement stabilisant comme c’était le cas pour l’algorithme de Vinnicombe et Miyamoto ou la X-K itération. En effet, HIFOO et HINFSTRUCT procèdent d’abord par une étape de stabilisation.
Par ailleurs, HIFOO ajoute 3 points générés aléatoirement autour du point initial fourni.
Nous avons donc fait de même avec HINFSTRUCT. Au final, la meilleure des 4 optimisations réalisées à partir des 4 points initiaux (le point d’initialisation fourni et les 3 générés aléatoirement dans chaque outil) est retenu. Le tableau 4.1 présente les résultats (critère H∞ en boucle fermée, marges de stabilité en entrée, temps d’exécution en secondes) obtenus avec ces 2 outils.
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Table des matières
Introduction
1 Les viseurs : architectures et modélisation pour la commande
1.1 Architectures des viseurs
1.2 Modélisation pour la commande
1.2.1 Cinématique et modèle rigide
1.2.1.1 Dynamique en Elévation
1.2.1.2 Dynamique en Azimut
1.2.1.3 Modèle simplifié linéaire
1.2.2 Le modèle de commande
1.2.2.1 Prise en compte des flexibilités mécaniques
1.2.2.2 Prise en compte des dynamiques de l’actionneur et du gyromètre
1.2.2.3 Identification de modèles
1.3 Conclusion
2 Les boucles de stabilisation inertielle de ligne de visée : approche par LoopShaping
2.1 Déclinaison fréquentielle des objectifs de synthèse
2.1.1 Performance
2.1.2 Robustesse
2.2 Synthèse du correcteur
2.2.1 La synthèse H∞ par Loop-Shaping
2.2.1.1 Construction du loopshape
2.2.1.2 Stabilisation robuste du loopshape
2.2.1.3 Correcteur final
2.2.2 Réduction de modèles dans l’espace d’état
2.2.2.1 Troncature de réalisations equilibrées
2.2.2.2 Approximation optimale par la norme de Hankel
2.3 Application
2.4 Conclusion et objectifs de la thèse
3 Synthèse H∞ à ordre fixé par l’optimisation sous contraintes LMI
3.1 Les inégalités matricielles linéaires
3.2 Solution du problème H∞ standard sans contrainte d’ordre
3.3 Ordre fixé par factorisations premières normalisées
3.4 Autres algorithmes
3.5 Conclusion sur les approches par LMI
4 Synthèse H∞ à ordre fixé par l’optimisation non lisse
4.1 Optimisation non lisse : cadre théorique, algorithmes et outils pour la synthèse de correcteurs . .
4.1.1 Notions d’analyse et d’optimisation non lisse
4.1.1.1 Rappels sur les méthodes de descente dans le cas lisse
4.1.1.2 Sous-gradients et directions de descente dans le cas non lisse
4.1.2 Algorithmes et outils pour la synthèse de correcteurs par l’optimisation non lisse
4.1.2.1 Problèmes minimax fini
4.1.2.2 Problèmes minimax semi-infinis
4.2 Synthèse du précorrecteur Ks par l’optimisation non lisse
4.2.1 Ordre fixé
4.2.2 Ordre et structure fixés
4.3 Conclusion
5 Méthodologies de Loop-Shaping à ordre fixé
5.1 Externalisation partielle des pondérations
5.1.1 Principe
5.1.2 Application
5.1.2.1 Structure parallèle
5.1.2.2 Structure cascade
5.2 Loop-Shaping graphique
5.2.1 Procédure de synthèse
5.2.1.1 Construction graphique du loopshape
5.2.1.2 Calcul d’une pondération Loop-Shaping
5.2.1.3 Synthèse à ordre fixé et/ou structure fixée
5.2.2 Applications
5.2.2.1 Application SISO : robustification à ordre fixé d’un correcteur existant
5.2.2.2 Application SIMO
5.2.3 Interface graphique pour le réglage des correcteurs
Conclusions et perspectives
A Modèle et pondérations
A.1 Modèle d’état de la fonction de transfert mécanique
A.2 Modèle d’état de la fonction de transfert électrique
A.3 Pondérations Loop-Shaping
Bibliographie