LES BIOMARQUEURS PULMONAIRES
Classification des biomarqueurs
Les biomarqueurs sont généralement classés en trois groupes d’exposition, d’effet et de sensibilité [43-45].
Biomarqueurs d’exposition
Permettent de mesurer la dose interne par l’analyse chimique des toxiques ou de leurs métabolites dans le corps, dans le sang, l’urine et même dans l’air expiré.
La dose interne peut aussi signifier la quantité d’un produit chimique stockée dans un ou plusieurs compartiments du corps ou le corps entier. Cela s’applique ordinairement aux produits chimiques toxiques cumulatif ; par exemple la concentration de biphényles polychlorés (BPC) dans le sang est un reflet de la quantité accumulée dans les principaux sites de dépôt ,ainsi la dose interne reflète la quantité de produits chimiques liés présente dans les sites d’action [43].Bernard et Lauwerys [46] ont classé les biomarqueurs de l’exposition en deux sous-groupes, sélectif et non sélectif, en fonction de leur critère de sélectivité, qui est basé sur la mesure directe des produits chimiques inchangé ou de leurs métabolites biologiques. Les tests non-sélectifs sont utilisés comme indicateurs de l’exposition à un groupe de produits chimiques.
Biomarqueurs d’effet
Les biomarqueurs d’effet sont révélateurs de changements biochimiques au sein d’un organisme à la suite de l’exposition des xénobiotique.
Les biomarqueurs idéals devraient être détectés et être en mesure de démontrer des effets néfastes avant qu’ils ne soient irréversibles. Ce sont les plus étudiés et ils incluent des modifications de certains paramètres du sang, les altérations des activités enzymatiques,…[43].
Biomarqueurs de susceptibilité
Ce sont des indicateurs d’une sensibilité particulière des individus à l’effet d’une exposition à un xénobiotique.
LES BIOMARQUEURS PULMONAIRES
Le poumon interface avec l’environnement à travers un épithélium continu et hétérogène ou de nombreux types cellulaires, y compris ciliés, basales, gobelet et cellules de Clara, sont présents tout le long des voies aériennes. La fonction primaire du poumon, et de l’épithélium alvéolaire en particulier, est de fournir une vaste surface pour les échanges gazeux. De plus, il constitue une barrière qui protège l’hôte de l’environnement extérieur en séparant les agents étrangers inhalés, il joue également un rôle actif dans le métabolisme des médiateurs endogènes et des agents xénobiotiques. Au-delà, l’épithélium pulmonaire produit des sécrétions complexes, parmi lesquelles la couverture du mucus, un agent tensio-actif (surfactant), ainsi que plusieurs protéines importantes pour la défense de l’hôte [47].
Des études récentes ont montré que certaines protéines sécrétées par les voies respiratoires ou les cellules épithéliales alvéolaires sont présentes non seulement à la surface des voies respiratoires, mais aussi et normalement en petites quantités dans le sang. Parmi ces protéines sont les protéines de cellules Clara sécrétoires (CC16, CC10), et trois protéines du surfactant associé (surfactant protein SP-A, SP-B et SP-D). Étant donné que ces protéines sont principalement, sécrétées dans les voies respiratoires, leur présence dans le compartiment vasculaire ne peut être expliquée que par l’hypothèse de leur fuite des poumons à la circulation sanguine. Fait intéressant, ces protéines présentent des variations dans le sérum des patients atteints de maladies pulmonaires et de différents sujets exposés à des substances toxiques du poumon, ce qui suggère que leur dosage pourrait représenter une nouvelle approche dans l’évaluation des troubles pulmonaires [47].
1) Rappels sur la fonction pulmonaire annexe.
2) La protéine CC16
Le prototype des « pneumoprotéines » est la protéine de la cellule de Clara (CC16) qui a été largement validée chez l’homme et chez l’animal comme marqueur périphérique de l’intégrité de la cellule de Clara, cellule non ciliée localisée dans les bronchioles terminales et très sensible à des polluants comme l’ozone ou la fumée de tabac [13].
Lors des expositions aiguës, la CC16 sérique est aussi un marqueur très sensible et très spécifique de la perméabilité de la barrière broncho-alvéolo-capillaire. Dans l’heure qui suit l’exposition à un agent endommageant la barrière épithéliale, la CC16 présente une élévation transitoire dans le sérum qui est étroitement corrélée avec la dose de toxique inhalée. Le dosage de la CC16 présente une sensibilité exceptionnelle qui est en grande partie liée à la petite taille (16 kD) de cette protéine présente dans le sang à l’état de traces (10-15 µg/l chez l’adulte; demi-vie inférieure à deux heures). Ceci entraîne un niveau basal dans le sérum très faible, ce qui facilite sans doute aussi sa fuite intravasculaire à travers la barrière épithéliale [13].
Une diminution de la CC16 sérique a été constatée chez plusieurs groupes professionnels exposés de façon chronique à la silice, ainsi que dans des maladies pulmonaires telles que le cancer et la bronchite chronique .Cependant une augmentation dans les taux sériques de la CC16 a été observée dans la sarcoïdose et la fibrose pulmonaire [47]. Cela peut confirmer que dans des conditions pathologiques l’équilibre entre la surface de l’épithélium respiratoire et le compartiment vasculaire peut être perturbé [43].
Le dosage de la CC16, utilisé comme biomarqueur d’effet de tout agent endommageant la barrière épithéliale pulmonaire, est complémentaire aux tests fonctionnels respiratoires (spirométrie) également effectués dans cette étude.
3) La SP-D
La SP-D est une protéine homotrimérique composée de trois unités de 43kDa, qui sont liées à leurs extrémités N-terminales [19-49-50]. La SP-D est produite par les cellules alvéolaires de type II et les cellules non ciliées des bronchioles épithéliales (Clara) [49-51-52] .Elle est également exprimée par diverses cellules épithéliales du tractus gastro-intestinal [49]. La SP-D est un élément important de la réponse immunitaire innée au défi microbien, et participent à d’autres aspects de la régulation immunitaire et inflammatoire dans les poumons [53].
L’utilité du dosage de la SP-D dans les divers milieux biologiques liquide amniotique, BAL, sérum, a été rapportée dans divers études [50- 54]. L’augmentation des taux sériques de la SP-D a été rapportée pour les maladies pulmonaires telles que la protéinose alvéolaire pulmonaire, la fibrose kystique, la MPOC, et pour les maladies infectieuses comme la tuberculose et la pneumonie bactérienne [49-55]. Lomas et al, rapportent également une association entre taux sérique SP-D et les niveaux à un risque accru pour les exacerbations de la MPOC [55].
Tableau 01 Effets du tabac et de certaines maladies pulmonaires sur la variation des pneumoprotéines sériques (CC16 et SP-D)
LES BIOMARQUEURS RÉNAUX
La créatinine plasmatique est très utile dans le diagnostic d’une altération de la fonction rénale, mais pas en situation d’urgence elle ne reflète pas, tout comme la clairance de la créatinine, une altération rapide de la fonction rénale .En effet, la créatininémie devient un bon marqueur de l’insuffisance rénale seulement après une dégradation de plus de 50 % de la fonction rénale et ceci seulement après qu’un état stable soit atteint, ce qui prend un certain temps après une situation aiguë .Malgré son coût faible, la créatininémie est un marqueur peu sensible pour détecter une IRA précoce chez un patient ayant une fonction rénale basale normale [64] .
Au cours de ces 25 dernières années plusieurs marqueurs non invasifs ont été mis au point dans le but de détecter des atteintes fonctionnelles ou structurelles rénales à un stade précoce éventuellement réversible. Les marqueurs rénaux sont généralement classés selon le siège de la lésion sur le néphron, au niveau glomérulaire ou tubulaire [65].
L’utilisation de biomarqueurs précoces dans le diagnostic de l’insuffisance rénale a comme corollaire la mise en route précoce d’un traitement. Ces biomarqueurs pourraient en outre permettre de différencier les diverses modalités d’insuffisance rénale et de mettre en route des traitements adaptés .Les bénéfices de ces biomarqueurs ne peuvent être sous-estimés car on sait que la mortalité due à l’insuffisance rénale est supérieure à celle de la pathologie sous-jacente [64].
Marqueurs d’effet au niveau glomérulaire
Protéines de haut poids moléculaire
Le glomérule a pour principale fonction l’ultrafiltration du plasma à travers les parois des capillaires, qui conduit à la formation de l’urine primitive. La présence de protéines de haut poids moléculaire (PM ≥ 69 000 Da) dans les urines témoigne d’une altération du filtre glomérulaire quel qu’en soit le mécanisme. Les protéines les plus fréquemment dosées dans l’urine sont l’albumine, la transferrine et l’IgG [65].Seule la première sera ici brièvement décrite.
Albumine
Protéine majeure du compartiment circulatoire de l’organisme, représente 55 à 60 % des protéines plasmatiques totales (soit 40 à 45 g/L). Codée par un gène de 17 kb situé sur le chromosome 4, elle est synthétisée dans le foie .L’albumine joue un rôle fondamental dans le maintien de l’homéostasie de l’organisme en assurant 80 % de la pression oncotique intravasculaire [66-67].C’est une protéine plasmatique, anionique, pesant 65 kDa [68-69], qui transporte diverses substances dans la circulation, notamment les acides gras, la bilirubine, les ions, les médicaments ainsi que plusieurs vitamines [69-70]. Quand le processus de réabsorption est efficace, l’urine humaine contient normalement de très faibles quantités d’albumine et de protéines. L’albuminurie est utilisée comme un indicateur de lésions glomérulaires qui dépendant à la fois de la filtration glomérulaire et de la réabsorption tubulaire proximale [69].
Le terme de microalbuminurie est apparu pour la première fois en 1982. La microalbuminurie désigne une excrétion urinaire d’albumine en quantité très faible, intermédiaire entre les valeurs physiologiques et les protéinuries franches, détectables par les bandelettes réactives classiques. La microalbuminurie est un marqueur de néphropathie débutante à un stade précoce, elle témoigne d’une atteinte glomérulaire [71].La microalbumine est définie comme une excrétion urinaire d’albumine, de 30 mg/24h ou 20 à 200 µg/min ou 30 mg/g créatinine [71-72-73].
Tableau 02 Valeurs d’albumine urinaire [73]
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Table des matières
INTRODUCTION -PROBLÉMATIQUE
PREMIÈRE PARTIE REVUE DE LA LITTÉRATURE
I- LES BIOMARQUEURS
1-DÉFINITION
2 IMPORTANCE
3- CARACTÉRISTIQUES
4- CLASSIFICATION
4-1 Biomarqueurs d’éxposition
4-2 Biomarqueur d’éffet
4-3 Biomarqueur de susceptibilité
II- LES BIOMARQUEURS PULMONAIRES
1- RAPPELS SUR LA FONCTION PULMONAIRE Erreur ! Signet non défini.
2 LA PROTÉINE DE LA CELLULE DE CLARA (CC 16)
3 -La SP-D
III- LES BIOMARQUEURS RÉNAUX
1 -MARQUEURS D’EFFET AU NIVEAU GLOMÉRULAIRE
2- MARQUEURS D’EFFET AU NIVEAU TUBULAIRE
IV) LA SILICE
1- DÉFINITION
2- LES DIFFÉRENTES FORMES DE SILICE
3-LES PROPRIÉTÉS PHYSICO- CHIMIQUES 22
4- LES SOURCES D’EXPOSITION
5-PARAMÈTRES TOXICOLOGIQUES
5-1 Toxico-dynamique Mécanisme d’action
5-2 Toxico-cinétique
6-TOXICITÉ
6- 1 Toxicité aigue
6- 2 Toxicité chronique
6- 3 Effets systémiques
7- VALEURS LIMITES D’EXPOSITION PROFESSIONNELLE
V) SILICE & NÉPHROPATHIE
1- RAPPELS SUR LA FONCTION RÉNALE
2- DÉFINITION
3- REIN, SILICE, NÉPHROTOXICITÉ ET SILICOSE
DEUXIÈME PARTIE ÉTUDE PRATIQUE
I- CONTEXTE ET OBJECTIFS
1- Contexte
2- Objectifs
II-TYPE DE L’ÉTUDE
III- POPULATION
1- CRITÈRES D’INCLUSION
2- CRITÈRES D’EXCLUSION
IV – MÉTHODOLOGIE
1- ENQUETE INITIALE
2- ENQUETE ÉPIDEMIOLOGIQUE
3- EXPLORATION MÉDICALE
4-INVESTIGATION TOXICOLOGIQUE ET BIOLOGIQUE
4-1 Les prélèvements
4-2 Dosage des biomarqueurs pulmonaires
4-3 Dosage des paramètres dans le sputum
4-4 Dosage des biomarqueurs rénaux
VI- ÉTUDE STATISTIQUE
1-ANALYSE UNI-VARIÉE
2-ANALYSE BI-VARIÉE
TROISIÈME PARTIE RÉSULTATS ET DISCUSSION
RÉSULTATS
I- SITUATION GÉOGRAPHIQUE
II-DESCRIPTION DE LA MINE D’EL ABED 47 III-DESCRIPTION DE LA CARRIÈRE DE TADJERTILA 47 IV- DESCRIPTION DES PROCEDÉS DE TRAVAIL 48 V-COMPOSITION DE LA ROCHE 50 VI- DECRIPTION DES SOURC
VII-DESCRIPTION DE LA SOCIETÉ COGELBA 54 VIII- ÉTUDE COMPARATIVE ENTRE LES EXPOSÉS ET LES NON EXPOSÉS
1-CARACTEÉRISTIQUES GÉNÉRALES
2-RÉPARTITION DE LA POPULATION EXPOÉSEE PAR POSTE DE TRAVAIL
3- ÉTUDE DE LA FONCTION RESPIRATOIRE
3-1 Les valeurs spirométriques en fonction de l’exposition
3-2 Représentation graphique des paramètres ventilatoire selon l’exposition
3-3 Les différents syndromes
4-EXPECTORATIONS INDUITES 57 4-1 Étude cytologique
4-2 Paramètres biologiques dans les expectorations
5- LES PNEUMOPROTÉINES SÉRIQUES
5-1 Étude de la variation des biomarqueurs pulmonaires en fonction du statut tabagique
5-2 Étude de l’effet de l’ancienneté sur les biomarqueurs pulmonaire
6-EXPLORATION DE LA FONCTION RÉNALE
6-1 Les biomarqueurs rénaux
6-2 Étude de la variation des biomarqueurs rénaux en fonction du statut tabagique
6-3 Étude de l’effet de l’ancienneté sur les biomarqueurs rénaux
7-CROSS CORRÉLATION ENTRE LES VARIABLES MESURÉES
IX-ÉTUDE COMPARATIVE ENTRE LES SILICOTIQUES ET LES NON SILICOTIQUES
1-CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE LA POPULATION
2-RÉPARTITION DES SILICOTIQUES EN FONCTION DU STADE DE SILICOSE
3-EXPLORATION DE LA FONCTION PULMONAIRE
3-1Caractéristiques de la fonction pulmonaire
3-2Représentation graphique des paramètres ventilatoires selon l’exposition
3-3 Les différents syndromes
4-LES EXPECTORATIONS
4-1 Étude cytologique
4-2 Paramètres biologiques dans les expectorations
5-LES PNEUMOPROTÉINES SÉRIQUES
4-1 Étude de la variation des biomarqueurs pulmonaires en fonction du statut tabagique
4-2 Étude de la variation des bimarqueurs pulmonaires en fonction du stade de silicose
6-EXPLORATION DE LA FONCTION RÉNALE
5- 1 Étude de la variation des biomarqueurs rénaux en fonction du statut tabagique
5-2 Étude des biomarqueurs rénaux en fonction des différents stades de silicose
6-CROSS CORRÉLATION ENTRE LES VARIABLES MESURÉES
DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXE
RÉFÉRENCES
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