LES BIOMARQUEURS DU SEPSIS
GENERALITES
Définition d’un biomarqueur
Un biomarqueur peut être défini comme « une mesure quantifiable de l’homéostasie biologique qui permet de définir la normalité, fournissant ainsi une référence pour détecter ce qui est anormal. » (2) ou encore comme « une caractéristique mesurée objectivement et donnant une indication sur la normalité d’un processus biologique, le caractère pathologique d’un processus biologique, ou évaluant la réponse à une intervention thérapeutique » .
Le biomarqueur idéal
Un biomarqueur idéal pour le diagnostic de sepsis devrait avoir :
– une cinétique rapide, permettant une détection précoce de la maladie.
– Il devrait aussi être à la fois sensible, c’est-à-dire détecter les patients atteints, et spécifique c’est-à-dire être négatif lorsque le patient n’est pas atteint.
– Pour être utile à l’évaluation pronostique, ce marqueur devrait avoir une concentration plasmatique corrélée à l’intensité de la réaction inflammatoire.
Biomarqueurs du sepsis
Plus de 180 molécules ont été proposées comme biomarqueur potentiel du sepsis, mais seulement 20% ont été évaluées spécifiquement dans des études appropriées pour leur utilité dans le diagnostic du sepsis (12). On peut citer :
– Les cytokines, parmi lesquelles TNF-alpha, IL-6, IL-8 et IL-10 ont été les plus étudiées. Si les cytokines ont une valeur pour l’évaluation de la réponse inflammatoire, elles manquent de pouvoir de discrimination entre les causes infectieuses et non infectieuses. (2)
– Les biomarqueurs de coagulation comme les D-dimères, la prothrombine ou le fibrinogène. Ces marqueurs peuvent apporter des informations sur le pronostic du sepsis (présence d’une CIVD) mais sont très peu spécifiques. Ils ne peuvent donc pas être utilisés à visée diagnostique.(2)
– Le sTREM-1 (triggering receptor expressed on myeloid cells), marqueur prometteur mais dont l’application clinique comme marqueur diagnostique et pronostique nécessite encore d’être étudié.(2)
– Le Pro-ADM (midregional fragment of proadrenomedullin), qui apparaît comme un bon marqueur pronostique dans les pneumonies communautaires.
En pratique courante dans les services d’urgence, la plupart de ces molécules ne sont pas utilisables. Les leucocytes, la CRP et la PCT sont les plus fréquemment utilisées.
LA CRP
Généralités
La CRP (C-réactive Protéine) est une protéine de la phase aiguë de l’inflammation appartenant à la famille des pentraxines. Elle a été découverte en 1930 par William Tillet et Thomas Francis dans le sérum des patients atteints de pneumonie à S.pneumoniae. Ils observèrent une précipitation entre les polysaccarides C de la membrane des streptocoques avec la CRP en présence de calcium. (13) Le gène codant pour la CRP est porté par le chromosome 1. Cette protéine de 23 000 dalton est composée de 5 sous-unités identiques de 206 acides aminés chacune.
La protéine est synthétisée essentiellement par les hépatocytes sous l’influence des cytokines pro inflammatoires IL-1B, TNF-alpha et surtout IL-6(14). Une synthèse par les macrophages présents dans les plaques d’athérome a été décrite, et une implication de la CRP dans la rupture des plaques d’athérome est discutée ; son intégration dans l’évaluation du risque cardio-vasculaire global est actuellement étudié.
Cinétique
En réponse à un stimulus, une augmentation de la CRP est détectable dès la 6ème heure, le pic plasmatique est atteint entre la 24ème et la 48ème heure. La demi-vie plasmatique est d’environ 18h.
Fonctions biologiques
La CRP a plusieurs types de ligands. Elle peut se lier aux phosphocholines présentes dans les polysaccharides de la paroi des micro-organismes bactériens (comme le polypeptide C) ou fongiques, via une liaison calcium dépendante. Le même mécanisme de liaison calcium dépendante est observé avec les constituants des cellules endommagées comme des débris membranaires ou du matériel nucléaire comme les histones et la chromatine. Le complexe CRP-calcium-Ligand est reconnu par le fragment C1q du complément, ce qui conduit à l’activation de la voie classique du complément, aboutissant à l’opsonisation et la phagocytose des micro-organismes contenant des phosphocolines. (14) Le complexe ligand calcium-CRP peut aussi se fixer sur les récepteurs FcγRI et FcγRIIa (récepteurs du fragment Fc des IgG) des polynucléaires et des macrophages entraînant la phagocytose du micro-organisme ou du débris cellulaire de l’hôte fixé par la CRP. La CRP joue donc un rôle important dans la médiation de la phagocytose et participe au système de l’immunité innée.
Concentration plasmatique
Dans la population saine, la concentration plasmatique de la CRP est inférieure à 10mg/l. La concentration plasmatique de la CRP augmente dans la plupart des processus pathologiques impliquant une réaction inflammatoire de l’organisme, ce qui lui confère une forte sensibilité mais une faible spécificité.
En effet la CRP augmente au cours des processus infectieux, mais aussi dans le cadre des maladies inflammatoires comme les vascularites, la maladie de Crohn, ou encore dans les situations de nécrose tissulaire comme au cours des pancréatites ou des infarctus du myocarde. Une augmentation de la CRP est également possible dans le cadre des maladies néoplasiques ou traumatiques comme au décours d’une chirurgie, après une fracture ou une brûlure. La grande variété de processus pathologiques aboutissant à une élévation de la CRP lui confère une faible spécificité. Une façon de contourner le manque de spécificité est de raisonner sur les seuils de concentration de la CRP. On constate généralement une augmentation plus faible en cas d’infection virale (inférieure à 40mg/l) (15), tandis qu’une concentration très élevée (supérieure à 200 mg/l) n’apparaît le plus souvent que dans des cas d’infection bactérienne sévère. (13) Pour le diagnostic de sepsis, la sensibilité de la CRP est estimée entre 71 et 100% pour une spécificité allant de 66 à 85% selon les études, avec des seuils variant entre 40 et 100mg/l. (16) La CRP n’augmente que de façon relativement faible au cours des poussées de certaines maladies, comme le lupus érythémateux disséminé, la polymyosite, le syndrome de Sjorgen, la rectocolite hémorragique et la leucémie aiguë. Certains médicaments comme les statines, les corticoïdes ou les immunosuppresseurs peuvent diminuer les concentrations sériques de CRP et conduire à un résultat faussement négatif.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION
A. LE SEPSIS
I. GENERALITES
I.1. Epidémiologie
I.2. Historique
II. PHYSIOPATHOLOGIE
III. DEFINITIONS DU SEPSIS
III.1 La conférence Sepsis – 1
III.1.1 Le SIRS
III.1.2 Infection
III.1.3 Le Sepsis
III.1.4 Sepsis sévère
III.1.5 Le choc septique
III.2 La conférence Sepsis 2
III.3 La conférence Sepsis 3
III.3.1 Le sepsis
III.3.2 Le choc septique
III.4 Critiques des nouvelles définitions
B. LES BIOMARQUEURS DU SEPSIS
I. GENERALITES
I.1. Définition d’un biomarqueur
I.2. Le biomarqueur idéal
I.3. Biomarqueurs du sepsis
II. LA CRP
II.1. Généralités
II.2. Cinétique
II.3. Fonctions biologiques
II.4. Concentration plasmatique
II.5. Utilité dans la pratique
II.5.1. Intérêt diagnostique
II.5.2. Intérêt pronostique
II.5.3. La CRP dans les recommandations
III. LA PCT
III.1. Généralités
III.2. Voie de synthèse
III.3. Fonction
III.4. Cinétique
III.5. Limites de la PCT
III.5.1. Faux positifs
III.5.2. Faux négatifs
III.6. Applications cliniques
III.6.1. Pour le sepsis
III.6.2. Méningite
III.6.3. Les infections respiratoires basses
C. LA NOTION DE CONCORDANCE
I. Définition de la concordance
II. Analyse de la concordance
III. Le kappa de Cohen
IV. Interprétation du kappa de Cohen
DEUXIEME PARTIE : ETUDE CLINIQUE
I. INTRODUCTION
II.METHODE
II.1. Type d’étude
II.2. Objectif principal
II.3. Objectifs secondaires
II.4. Critères d’inclusion
II.5. Critères d’exclusion
II.6. Recueil de données
II.7. Préparation des dossiers
II.8. La relecture
II.9. Analyse statistique
III.RESULTATS DE LA PROCEDURE D’INCLUSION
III.1. Effectif d’inclusion
III.2. Description de la population d’étude
III.2.1. Caractéristiques générales
III.2.2. Antécédents
III.2.3. Paramètres cliniques et biologiques
III.2.4. Infections documentées
III.2.5. Tableau récapitulatif des caractéristiques de la population d’étude
III.2.6. Motifs de recours
III.2.7. Diagnostic retenu par l’urgentiste
III.2.8. Caractéristiques des évaluateurs
a. Pour le CHU de Caen
b. Pour le CH de Saint-Lô
c. Comparatif des deux populations de médecins
IV. RESULTATS DE LA RELECTURE A CAEN
IV.1. Analyse des prescriptions de CRP et de PCT
IV.1.1 Prescription de CRP
IV.1.2 Prescription de PCT
IV.2. Analyse de la concordance
IV.2.1. Diagnostic d’infection
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
IV.2.2. Décision d’antibiothérapie
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
IV.2.3. Décision d’hospitalisation
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
IV.3. Variables associées à un changement de décision
V. RESULTAT DE LA RELECTURE A SAINT-LO
V.1. Analyse des prescriptions de CRP et de PCT
V.1.1. Taux de Prescription de CRP
V.1.2. Prescription de PCT
V.2. Analyse de la concordance
V.2.1. Diagnostic d’infection
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
V.2.2. Décision d’antibiothérapie
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
V.2.3. Décision d’hospitalisation
a. Analyse globale
b. Analyse en sous-groupes
V.3 Variables associées à un changement de décision
IV.DISCUSSION
IV.1. Discussion sur la méthode
IV.1.1 Limites de l’étude
IV.1.2 Forces de l’étude
IV.2. Discussion sur les résultats
IV.2.1 Critère de jugement principal
IV.2.2 Critères de jugement secondaires
b) Prescription de CRP
c) Prescription de la PCT
IV.2.3 Analyses en sous-groupes
a) Pour le diagnostic d’infection
b) Pour la décision de prescription d’antibiotiques
c) Pour la décision d’hospitalisation
d) Comparatif des groupes avec et sans changement de décision
V.CONCLUSION
CONCLUSION
Bibliographie