Les schistosomoses, également appelées bilharzioses, constituent après le paludisme, la maladie parasitaire la plus importante dans les régions tropicales et sub-tropicales (Van der Werf Mj et al,. 2003). Endémique dans 76 pays en voie de développement, elle touche plus de 200 millions de personnes dans les zones agricoles et rurales mais aussi en milieu péri- urbain dont 20 millions font face à des conséquences graves et 120 millions présentent différents types de symptômes (Chitsulo et al., 2000). On estime que 85% de la transmission survient en Afrique subsaharienne (Savioli et al., 1997). Dans bien des régions, une proportion importante des enfants de moins de 14 ans est infestée (OMS, 1999) . Les projets concernant les ressources hydriques pour la production d’électricité et l’irrigation ont provoqué une énorme augmentation de la transmission et des flambées de bilharziose dans plusieurs pays (Parent et al., 1997 ; Campagne et al., 1998). L’installation de la sécheresse au Sahel à partir des années 1970 a eu pour conséquence en Mauritanie, la sédentarisation des populations nomades (Gravier, 1996). La nécessité de subvenir aux besoins alimentaires de ces nouveaux groupements et d’une population sans cesse croissante, a entraîné la mise en place d’une politique de gestion des ressources hydriques avec la construction de barrages, l’aménagement de terres pour les cultures irriguées et la mise en valeur des oasis pour combler l’insuffisance alimentaire après les longues années de sécheresse (Engelhard et Abdallah, 1987).
La construction et la mise en service des barrages sur le fleuve Sénégal, ont permis l’extension des aménagements hydroagricoles. Des centaines de kilomètres de canaux d’irrigation et des milliers de périmètres rizicoles ont été créés, constituant un habitat idéal pour les hôtes intermédiaires des bilharzioses (Laamrani, 1994). Avant la construction des barrages, seul S. heamatobium était présent en Mauritanie et la plupart des foyers de la vallée du fleuve Sénégal avaient disparu après les longues années de sécheresse (Morel, 1959 ; Maril, 1961 ; Gretillat, 1963). Les schistosomoses ont progressé de manière inquiétante après la mise en service des barrages en 1985 (Diaw et al., 1990 ; 1998). Ainsi, le taux de prévalence de Schistosoma haematobium est passé de 5,6% en 1981 (Sidatt et al., 1981), à 21,7% en 2001 (Lô et al, 2001).
L’installation de la bilharziose intestinale à Schistosoma mansoni, dans la basse vallée du fleuve Sénégal, constitue un autre exemple de l’impact des barrages et des aménagements hydro- agricoles sur la santé humaine. La prévalence moyenne de cette parasitose dans la région du Trarza est passée de 9,7% en 1994 (Urbani et al.1997), à 23% en 1998 (Ouldabdallahi, 2001). La bilharziose intestinale est devenue hyper endémique dans certains villages comme Breune où une prévalence de 94% et une intensité >1000 œufs/g de selles ont été notées (Jacks et OuldAbdallahi, 2000). Face à cette aggravation, un programme national de lutte contre la bilharziose (PNLB) a été élaboré en 2001. Il vise à réduire la morbidité due aux schistosomoses par le traitement efficace des cas, notamment chez les enfants en âge scolaire vivant dans les régions de la Mauritanie où la bilharziose constitue un problème majeur de santé publique. Durant les vingt dernières années, le praziquantel (PZQ) a été le médicament de choix pour le traitement de la bilharziose dans la plupart des programmes nationaux de lutte (Davis, 1993). Des effets indésirables minimes (Davis, 1993) une efficacité élevée contre la plupart des trématodes et des cestodes ainsi qu’un coût raisonnable expliquent cette préférence (Katz et al.,1989). Une dose unique de 40mg/kg suffit généralement pour avoir des taux de guérison variant entre 60% et 90% et une baisse de 90% à 95% du nombre moyen d’oeufs excrétés (Gryseels, 1987; Katz, 1998 ; Magnussen, 2003). Cependant, des taux de guérison significativement plus faibles avaient été notés en Égypte (EbuElyyazed, et al., 1998) et sur la rive gauche du fleuve Sénégal (Stelma et al., 1997). Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer ces taux de guérison inhabituels (Pascal, 2003). Les différentes études que nous avons menées avaient pour objectif d’évaluer la situation des bilharzioses sur la rive droite du fleuve Sénégal (rive mauritanienne) par une comparaison de la situation de la bilharziose urinaire et intestinale dans la basse, moyenne et haute vallée. Elle a porté sur la composition de la faune malacologique, la prévalence de la maladie chez les écoliers des trois parties de la vallée. Par ailleurs, un essais clinique a servi à comparer l’efficacité thérapeutique et la tolérance de 60 mg de praziquantel /kg de poids corporel avec celle de la dose classique de 40mg/kg en prise unique pour le traitement de la bilharziose.
GENERALITES
DEFINTION
Les schistosomoses ou bilharzioses sont des maladies parasitaires dues à la présence de vers plats (schistosomes ou bilharzies) dans les vaisseaux sanguins. La transmission urinaire ou fécale faisant intervenir des hôtes intermédiaires (mollusques d’eau douce). La symptomatologie est le reflet des lésions provoquées par la migration ou l’embolisation des œufs.
AGENTS PATHOGENES
Cinq espèces du genre Schistosoma appartenant à 3 groupes parasitent l’homme :
– Groupe haematobium : comprend Schistosoma haematobium (Bilharz, 1852), agent de la bilharziose urinaire et Schistosoma intercalatum (Fischer, 1934), agent de la bilharziose rectale en Afrique centrale.
– Groupe mansoni : avec Schistosoma mansoni (Sambon, 1907), agent de la bilharziose intestinale.
– Groupe japonicum : comprend Schistosoma japonicum (Katsurada, 1904), agent de la bilharziose artérioveineuse sino-japonaise et Schistosoma mekongi (Voge, Bruckner & Bruce, 1978), agent de la bilharziose du Mékong rencontrée au Laos et au Cambodge.
TAXONOMIE DES SCHISTOSOMES
Les schistosomes appartiennent à l’embranchement des Plathelminthes, à la classe des Trematoda, à la sous-classe des Digenea, à l’ordre des Strigeatoida, à la famille des Schistosomitidea, à la sous-famille des Schistosomatinea et au genre Schistosoma. Les Schistosomes sont caractérisés par l’absence de pharynx musculeux, la présence d’œufs à éperon dépourvu de clapet, de furcocercaires et la pénétration chez l’hôte par voie transcutanée.
CYCLE DE TRANSMISSION
Phase sexuée
La phase sexuée a lieu chez l’homme, l’hôte définitif. La contamination de l’homme se fait par voie transcutanée (figure 1). Après pénétration, les larves (furcocercaires) migrent par voie circulatoire, gagnent le territoire mésentérique inférieur où ils deviennent adultes (mâles et femelles). Les femelles pondent des milliers d’œufs par jour dans les veinules des organes profonds. Les œufs migrent à travers la paroi de la vessie et des intestins pour être éliminés avec les excréta. Certains œufs sont bloqués et ne peuvent pas être expulsés. Ce blocage des œufs dans la vessie et/ou le foie est à l’origine des complications de la maladie.
Phase asexuée
La phase asexuée a lieu chez un mollusque d’eau douce hôte intermédiaire (figure 1). En effet, les œufs éliminés ne peuvent poursuivre leur évolution que dans l’eau douce. Ils libèrent les embryons ou miracidiums qui, en absence de mollusques peuvent survivre jusqu’à 18 heures dans l’eau douce. Chez le mollusque, les miracidiums donnent au bout de trois semaines à deux mois, des larves (furcocercaires). Ces dernières quittent les mollusques et nagent à la surface des eaux à la recherche d’hôtes définitifs (hommes ou animaux) qu’elles contaminent par voie transcutanée.
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES
1. DEFINTION
2. AGENTS PATHOGENES
3. TAXONOMIE DES SCHISTOSOMES
4. CYCLE DE TRANSMISSION
4.1. Phase sexuée
4.2. Phase asexuée
5. RESERVOIR DE VIRUS
6. HOTES INTERMEDIAIRES
7. SUJET RECEPTIF
8. REPARTITION GEOGRAPHIQUE
9. PHYSIOPATHOLOGIE
10. ASPECTS CLINIQUES
10.1. Phase initiale ou primo-infection cercarienne
10.2. Phase d’invasion ou dissémination larvaire
10.3. Phase d’état ou focalisation viscérale
11. DIAGNOSTIC
11.1. Paramètres non spécifiques
11.2. Diagnostic direct
12. LUTTE ANTIBILHARZIENNE
12.1. Stérilisation du réservoir humain
12.2. Destruction des mollusques hôtes intermédiaires
12.3. Assainissement
13. TRAITEMENT
PARTIE I : LA REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE ET LES BILHARZIOSE HUMAINES
I- PRESENTATION DE LA MAURITANIE
II : LES BILHARZIOSES HUMAINES EN MAURITANIE
PARTIE II : ÉTUDE MALACOLOGIQUE
1. PROBLEMATIQUE
2. ZONE D’ETUDE
2.1. Climat
2-2- Végétation
2.3. Aspects socio-économiques
3. MATERIEL ET METHODES
3.1. Choix des sites prospectés
3.2. Caractéristiques des gîtes
3.3. Echantillonnage des populations de mollusques
3.4. Identification des mollusques
3.5. Test d’émission des cercaires
3.6. Identification des cercaires
3.7. Infestation expérimentale
3.8. Expression des résultas
3.9. Analyses statistiques
4. RESULTATS : CARACTERISTIQUES DES GITES
4.1. FLORE
4.2. CARACTERISTIQUES PHYSICI-CHIMIQUES DE L’EAU DES GITES STRUCTURE, VARIABILITE ET TAUX D’INFESTATION DU PEUPLEMENT DE MOLLUSQUES HOTES INTERMEDIAIRES DES BILHARZIOSES HUMAINES SUR LA RIVE DROITE DU FLEUVE SENEGAL
1. DIVERSITE SPECIFIQUE
1.1. Abondance relative
1.2. Variations saisonnières de l’abondance
1.3. Variations de l’abondance spécifique selon les localités
1.4. Variations de l’abondance selon la nature des points d’eau
1.5. Fréquence relative
2. INFESTATIONS NATURELLES (émission des cercaires)
3. INFECTION EXPERIMENTALE
4. DISCUSSION
4.1. Caractères physicochimiques
4.2. Diversité, abondance spécifique et distribution spatiale
4.3. Taux d’infestation naturelle
4.4. Taux d’infestation expérimentale
5. CONCLUSION
PARTIE III : PREVALENCE ET INTENSITE DES SCHISTOSOMOSES CHEZ LES ECOLIERS DE LA RIVE DROITE DU FLEUVE SENEGAL
1. PROBLEMATIQUE
2. MATERIEL ET METHODE
2.1. Type d’étude
2.2. Sites d’étude
2.3. Échantillonnage
2.4. Consentement éclairé des parents d’élèves
2.5. Traitement des échantillons
2.6. Recherche de l’hématurie
3. RESULTATS
A/ BILHARZIOSE URINAIRE
1. PREVALENCE PARASITAIRE
2. CHARGES PARASITAIRES
3. HEMATURIE
4. COMPARAISON DES TROIS ZONES DE LA RIVE DROITE DU FLEUVE SENEGAL
B/ BILHARZIOSE INTESTINALE
1. PREVALENCE PARASITAIRE
2. VARIATION DU TAUX DE PREVALENCE DE S. mansoni
3. INTENSITE DE L’INFECTION
C/ CO-INFECTION S. mansoni-S. haematobium
4. DISCUSSION
5. CONCLUSION
CONCLUSION