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Les bienfaits du sport chez les personnes hémiplégiques
Tout d’abord, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit, en 1946, la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. La santé s’exprime donc dans toutes les dimensions biologique, sociale et psychologique. Elle recoupe la notion plus large de bien-être et se trouve donc être un concept que chacun est appelé à définir dans son environnement et son époque.
Le sport est un moyen de se maintenir en bonne santé et de contribuer à un bien- être général. Il procure du plaisir pour le pratiquant car le fait de dépasser ses limites pour atteindre un objectif est un moyen d’éprouver du plaisir par l’éprouvé du corps.
« L’idée d’utiliser le sport comme thérapeutique n’est pas nouvelle puisqu’on la retrouve déjà clairement par Hippocrate, et les handicapés physiques n’ont attendu ni les conseils des médecins, ni la création d’associations sportives spécialisées pour se livrer à leurs sports favoris » (Piera, 1999).
L’activité sportive permet de développer de nouvelles possibilités insoupçonnées jusqu’alors chez les personnes en situation de handicap tant au plan physique qu’au plan social. L’exercice physique est une façon d’éviter les méfaits de la sédentarité ou de l’immobilité tels que l’excès de poids, la désadaptation cardiovasculaire, l’ostéoporose de non-utilisation. Il agit notamment sur l’augmentation de la masse musculaire et la perte de poids. De plus, il entraîne un gain de force de tous les groupes musculaires actifs, permet d’entretenir la souplesse articulaire par la sollicitation des articulations dans le geste sportif, apporte une meilleure coordination gestuelle, mais aussi une plus grande résistance à la fatigue. Ces acquis permettent d’assumer au mieux les activités quotidiennes et toutes les taches physiques. Le gain de force aux membres supérieurs et au tronc est particulièrement utile pour les personnes hémiplégiques qui utilisent un fauteuil roulant manuel ou des cannes. En effet le développement de la musculature de la ceinture scapulaire permet de faciliter les transferts, les déplacements et le redressement en fauteuil. De ce fait, il favorise l’indépendance de la personne hémiplégique. L’activité physique facilite aussi la minéralisation et le transit intestinal.
L’expertise collective de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) démontre que l’activité physique et sportive est un déterminant majeur de l’état de santé des individus et des populations à tous les ages de la vie.
Au-delà du bénéfice physique, la pratique sportive permet l’acquisition de nouveaux savoir-faire, comme savoir rouler sur tous les types de chemins en fauteuil roulant, savoir nager, escalader, skier, monter à cheval, etc., avec un membre paralysé.
Aussi, la pratique sportive peut être un substitut intéressant dans la perspective des soins d’entretien. Chaque discipline sportive permet de travailler une déficience, à savoir : le basket permet de développer l’usage maximal d’un fauteuil roulant manuel ; le tir à l’arc et le tennis de table améliore la coordination ; l’escrime accroît l’équilibre du tronc en fauteuil roulant ; la natation est bénéfique à toutes les formes de handicap (même les plus lourds) du fait de la portance de l’eau et de l’amélioration des muscles déficitaires en milieu aquatique. D’autre part, certaines activités physiques, comme les sports de pleine nature, sont un moyen d’avoir des sensations procurant du plaisir, de par la vitesse (ski…), le glissement (surf…), la domination de la peur (l’escalade…).
Les bénéfices sociaux liés à la pratique d’un sport sont affirmés par la Fédération Française Handisport. De leur expérience du suivi des sportifs dans leurs entraînements, leurs déplacements, leurs compétitions à tous les niveaux, ils constatent qu’ils sont mieux insérés dans la société et plus performants, que ce soit physiquement ou socialement. Le sport est donc une pratique sociale. Ainsi, en permettant la rencontre de l’autre, les échanges, il crée le lien social et l’appartenance à un groupe.
Sur le plan psychologique, la pratique sportive permet d’améliorer, très rapidement, l’estime de soi et l’image que la personne a de son corps. Une étude menée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et la CIH (Classification Internationale des Handicaps) a mis en évidence les bienfaits physiques et psychologiques du sport. Il a été démontré que le sport a un impact positif sur la réinsertion, l’intégration dans la société, ainsi que sur l’indépendance physique et économique, la réadaptation et le retour à la vie normale tant sur le plan individuel que sociétal. Il y a donc une relation évidente entre la pratique sportive, le niveau de moral et l’état physique général de l’individu.
Les sports proposés aux personnes hémiplégiques
Pendant longtemps, l’adulte hémiplégique a été très peu impliqué dans les activités sportives. Aujourd’hui, il y a un réel développement de la prise en charge de la personne hémiplégique en établissement, et prise en relais par handisport par la suite.
Chez les personnes hémiplégiques, l’importance de leur paralysie conditionne la pratique d’une activité sportive. De manière générale, elles sont capables de pratiquer de nombreux sports, que ce soit en loisir ou en compétition.
La coordination, le contrôle postural, la vitesse, l’habileté, etc. sont des facultés motrices que l’activité sportive va pouvoir développer chez la personne hémiplégique. Les contre-indications sont peu nombreuses, mais certaines déficiences comme l’héminégligence peuvent parfois constituer des obstacles. Aussi, la personne hémiplégique peut être gênée, à des degrés variables, par l’asymétrie de ses possibilités physiques et par la spasticité.
Le handicap peut être sous-estimé si la personne hémiplégique marche, le risque d’échecs peut la décourager si elle ne réussit pas. Si au contraire, le handicap est sur-estimé, cela peut conduire à une exclusion. Le meilleur juge sera réellement la pratique du sport sur le terrain.
La complexité du « handicap hémiplégique » réside dans le fait qu’il ne se voit pas facilement au premier abord. Cette complexité s’explique par la diversités des étiologies et la diversité des troubles associés possibles qui peuvent venir compliquer l’apprentissage du geste sportif.
Aujourd’hui, l’offre sportive présentée aux personnes hémiplégiques est très large, que ce soit pour celles qui ont la capacité de marcher, ou encore pour celles ayant des difficultés à se tenir debout et se déplaçant donc en fauteuil roulant.
Certains sports comme la natation, l’athlétisme, l’équitation, l’escrime, le tennis de table, le cyclisme, le tir sportif, le football ou encore les sports de nature (canoë, voile, ski alpin, ski de fond, etc.) sont très appréciés des personnes hémiplégiques.
En effet, le cyclisme, par exemple, rencontre un succès important malgré d’importantes difficultés de pratique, du fait de l’asymétrie des efforts. Les commandes sont alors regroupées du côté non-hémiplégiques.
De même, le tennis de table est parfaitement adapté à la personne présentant une hémiplégie, que ce soit pour une personne pouvant se mettre debout et se déplacer rapidement, que pour une autre en fauteuil roulant qui utilisera dans ce cas mieux son côté sain et disposera d’un meilleur équilibre du tronc.
Malgré l’asymétrie des mouvements nécessitant un long apprentissage des compensations, la natation fait également beaucoup d’adeptes.
Quant à l’escrime, elle se pratique surtout en fauteuil roulant afin que la personne soit plus à l’aise pour utiliser son côté sain, mais elle peut aussi se pratiquer debout même si les déplacements rapides restent difficiles.
L’enquête exploratoire
Afin de préciser ma question de recherche, j’ai souhaité interrogé un enseignant en APA et un ergothérapeute par le biais d’un questionnaire envoyé par mail. Les questions posées dans cette enquête exploratoire (cf. annexes 1 et 2) portaient sur le cadre de l’activité sportive au sein d’une structure accueillant, entre autres, des patients hémiplégiques. J’ai voulu savoir avec quels professionnels l’enseignant en APA et l’ergothérapeute, respectivement, avaient l’habitude de travailler concernant la mise en place et la pratique d’activités sportives. Mon objectif a été de comprendre de quelle manière ces deux professionnels intervenaient dans la mise en place et le déroulement d’activités sportives adaptées aux personnes hémiplégiques, et s’ils travaillaient conjointement. Je n’ai volontairement pas employé le terme « collaboration » mais le terme « interactions » dans ma présentation afin de ne pas influencer ou ne pas orienter leurs réponses. J’ai construit mon questionnaire à partir de questions ouvertes, objectives et non orientées, de sorte que l’interrogé puisse donner des réponses complètes.
À travers l’enquête, il en ressort notamment que les activités sportives peuvent être utilisées comme un outil thérapeutique au sein d’un établissement comme un centre de rééducation, à condition que leur mise en place soit réfléchie et avec de réels objectifs pour le patient. D’autre part, l’envie, l’intérêt et la motivation du patient hémiplégique sont des aspects importants à prendre en compte en tant que professionnel de santé avant de proposer une activité sportive.
L’analyse des réponses m’a permis de construire plus clairement ma question de recherche et de trouver un réel intérêt professionnel à ce mémoire.
Je vais poursuivre en m’intéressant maintenant aux professionnels de santé qui interviennent dans le déroulement des activités sportives. Je développerai plus particulièrement le rôle et la complémentarité de l’ergothérapeute et de l’enseignant en APA dont leur engagement et leurs actions dans la mise en place d’activités sportives a été confirmés dans mon enquête exploratoire. Les résultats de cette enquête sont intégrés dans dans le chapitre suivant.
Les professionnels de santé autour de la personne hémiplégique dans la mise en place de l’activité sportive
Le rôle de l’enseignant en activités physiques adaptées
De Potter (2004) définit l’activité physique adaptée (APA) comme « tout mouvement, activité physique et sport, essentiellement basé sur les aptitudes et les motivations des personnes ayant des besoins spécifiques qui les empêchent de pratiquer dans des conditions ordinaires ».
Les enseignants en activités physiques adaptées (APA) agissent au niveau fonctionnel en diminuant la déficience et les incapacités, et au niveau social en réduisant les handicaps. Les formations apparaissent en France dans les années 1980 au sein des Unités de Formation et de Recherche en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (UFR STAPS).
Il existe de multiples dénominations selon les secteurs et les conventions collectives des établissements concernant l’intervenant en APA : enseignant en APA, professeur d’APA, éducateur sportif en APA, éducateur médico-sportifs, moniteur d’APA.
Son rôle est de transformer les activités physiques et sportives afin d’utiliser leurs effets pour favoriser l’amélioration ou le maintien de la santé, la gestion des maladies chroniques, le bien être et la participation sociale des personnes handicapées.
L’enseignant en APA exerce sa pratique professionnelle en salle de rééducation, en piscine (balnéothérapie), en gymnase ou en extérieur. Il encadre toute activité physique et sportive destinée à un public porteur d’une limitation, d’une déficience, d’un handicap, d’une pathologie chronique ou encourant un risque de santé, dans le but de favoriser un style de vie actif et porteur de santé. L’enseignant en APA questionné dans l’enquête exploratoire (cf. annexe 1) indique suivre des personnes paraplégiques (basket-fauteuil), amputées du membre inférieur (basket-fauteuil) et non-voyantes (cécifoot) dans le cadre du handisport. Son travail consiste donc à adapter les activités physiques et sportives selon le public qu’il encadre.
Le travail de terrain prend diverses formes, selon le public concerné, le projet institutionnel.
les lieux de pratique et les activités.
Les activités concernent :
– le développement de la condition physique (réentraînement à l’effort, renforcement musculaire, travail de l’équilibre, etc.) .
– l’éducation à la santé (prévention, etc.) .
– l’animation d’activités physiques et sportives.
L’enseignant en APA ne soigne pas directement, il agit sur des leviers permettant la compensation d’un déficit ou sa réduction. Il prend en charge une ou plusieurs personnes et leur propose un programme en lien avec une problématique de santé. Ce programme contient donc des évaluations, des séances de pratique, des temps pour l’éducation à la santé. Il est progressif et adapté à l’état de chaque personne.
De plus, l’enseignant en APA intervient généralement au sein d’une équipe pluridisciplinaire, c’est à dire qu’il travaille en collaboration, principalement avec des kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens, neuropsychologues et le médecin MPR.
Dans l’enquête exploratoire (cf. annexe 1), l’enseignant en APA, travaillant dans un Centre de Rééducation Fonctionnelle, évoque son travail au sein de l’équipe pluridisciplinaire de la manière suivante : « je dois nécessairement catégoriser les relations que je peux entretenir avec les différentes personnes avec lesquelles je travaille. Cela s’organise ainsi :
– Avec les kinés : on échange sur la progression du patient, eux me donnent des infos sur les capacités d’un point de vue analytique, par rapport à leurs évaluations. Et ensuite, je peux organiser mes activités, les structurer, et en tenant compte de la fatigabilité des patients, et de leurs capacités à des valeurs sub-maximales.
– Avec la psychomotricienne : on encadre ensemble les ateliers « Équilibre », on échange les idées pour les faire évoluer.
– Avec les ergothérapeutes : on travaille de différentes manières. Les ergothérapeutes ont ça de particulier qu’ils s’intéressent au quotidien du patient, et c’est très enrichissant, et indispensable de les solliciter. Par exemple, je leur fais part de ce que j’ai fait avec tel ou tel patient, et eux m’expliquent comment ils vont utiliser la progression pour transposer ça sur le quotidien. Je suis en demande de ça, car moi aussi je peux parler au patient différemment. Enfin, on travaille ensemble sur des ateliers, notamment l’escalade mais pas seulement. Par exemple pour l’escalade, quand j’emmène des patients à l’extérieur, on doit prendre le métro, le bus, etc. Moi, je m’occupe de l’activité escalade (je sollicite l’ergo pour assurer sur les murs certains patients s’ils sont d’ accord), et eux ont besoin de venir avec moi pour voir comment se comporte les patients dans des situations de tous les jours. Ils m’expliquent que ce genre de sortie permet de percevoir le fonctionnement exécutif ou cognitif des patients. C’est intéressant car à l’issue de ces sorties on échange sur nos problématiques du jour, et on arrive à mieux cerner les besoins du patient en terme de prise en charge.
– Avec la neuropsychologue : il s’agit d’échanger sur le fonctionnement cognitif des patients. Souvent elle m’explique pourquoi il a tel ou tel comportement. Cela me permet d’adapter mes exercices, et d’adapter les consignes que je peux transmettre, afin qu’elles soient davantage comprises et pour que les patients puissent s’approprier les modalités de réalisation demandées/exigées. Elle me demande régulièrement comment s’est passé la séance, dans la dimension comportementale et motivationnelle.
– Avec le médecin MPR : on échange surtout sur la progression des patients. Mais je demande aussi parfois des explications sur les particularités des pathologies, et les contre-indications en terme d’activités. Ce qui est bien au CRF, c’est que le médecin a vraiment un œil attentif à ce qu’on fait en APA, et aux bénéfices que cela apporte à la prise en charge globale ».
En finalité, l’enseignant en APA peut être présent dans la guidance et la mise en place d’activités sportives auprès des personnes hémiplégiques. Les ergothérapeutes peuvent aussi accompagner ces activités mais un des encadrants doit toujours être formé à la pratique du sport. Cette compétence est reconnue par des diplômes en vigueur dans les spécificités. Chaque discipline sportive doit respecter des règles et consignes de sécurité, d’autant plus quand les activités sont réalisées à l’extérieur comme par exemple le kayak ou le ski.
Le rôle de l’ergothérapeute
L’ergothérapeute fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé en agissant contre les limitations d’activités et les restrictions de participation sociale de l’individu. Son objectif est de « maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace ». Il aide à « prévenir, réduire ou supprimer les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement. De ce fait, il est l’intermédiaire entre les besoins d’adaptation de la personne et les exigences de la vie quotidienne en société » (ANFE, 2012).
Le rôle de l’ergothérapeute s’inscrit dans une démarche d’autonomie fondée sur une vision holistique. En effet, l’ergothérapeute prend en compte le sujet dans sa globalité et l’intègre dans son environnement matériel et humain pour favoriser l’autonomie et l’indépendance.
La profession d’ergothérapeute est régi par un diplôme d’État attestant d’avoir les compétences professionnelles à réaliser les activités propres au métier. L’ergothérapeute doit respecter le code de la santé publique ainsi que les principes de déontologie, d’éthique et du droit français (ANFE, 2012). L’exercice est réglementé par l’article L. 4331-1 du code de la santé publique et il respecte le champ d’intervention des autres professions réglementées.
L’ergothérapeute agit sur prescription médicale et se base sur les données médicales et l’anamnèse du patient. Les prises en charge sont personnalisées et élaborées en fonction des attentes, des besoins, des envies et des projets de vie des patients. « L’ergothérapeute évalue les intégrités, les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation des personnes ou des groupes de personnes, en prenant en compte les ages, les données pathologiques, les environnements humains et matériels, et les habitudes de vie. Il élabore ainsi un diagnostic ergothérapique » (Arrêté du 5 juillet 2010 relatif au Diplôme d’État d’ergothérapeute).
L’ergothérapeute peut conseiller, adapter des éléments liés à la personne, à l’activité ou à l’environnement afin de favoriser une activité adaptée et lutter contre les situations de handicap. De plus, il ne travaille pas seul, il collabore avec de nombreuses personnes, que ce soit avec le patient lui même mais aussi avec l’entourage de ce dernier, avec l’équipe médicale, paramédicale, médico-sociale, les revendeurs médicaux, etc. afin d’établir des projets d’intervention pertinents.
Nous avons vu que l’ergothérapeute utilise l’activité comme outil thérapeutique. Toutefois, l’activité en ergothérapie, bien qu’elle soit considérée comme un moyen est aussi une finalité thérapeutique, elle correspond à un concept central de l’ergothérapie (Meyer, 1996). Aussi, étymologiquement, le terme « ergothérapie » renvoie à l’activité. En effet, « ergon » signifie « activité », « travail » en grec. L’activité signifie : « l’exécution d’une tache ou le fait pour une personne de faire quelque chose » (selon la Classification Internationale du Fonctionnement) ». Aussi, « l’activité s’entend selon la définition du terme anglo-saxon à « l’occupation » : « un groupe d’activités, culturellement dénommées, qui ont une valeur personnelle et socioculturelle et qui sont le support de la participation à la société » (selon l’arrêté du 5 juillet 2010 relatif au Diplôme d’État d’ergothérapeute). Elles comprennent notamment les soins personnels, le travail et les loisirs. L’activité est donc au centre de la profession d’ergothérapeute, l’objectif est de rendre au patient tout ou une partie de ses possibilités d’avoir une activité. Par ailleurs, l’activité a besoin d’avoir un sens pour être constructive, et dans le cas où elle perdrait son sens elle deviendrait contraignante. « L’activité ergothérapique n’a de sens que si elle aide le patient à retrouver son espace vital, son champ d’action, dans un milieu ou les symptômes pathologiques pourront être objectivés » (Pibarot, 1981).
L’engagement du patient dans des activités signifiantes et significatives permet de développer ses capacités, d’avoir un certain contrôle sur sa vie et sur son environnement, de donner un sens à sa vie et donc d’améliorer sa qualité de vie. Une activité est dite signifiante lorsqu’elle a un sens pour la personne, et dite significative lorsqu’elle a un sens pour l’environnement social (Leontiev, cité par Rochex, 1995). Pour l’ergothérapeute, il s’agit de permettre à une personne handicapée de réaliser des activités qui sont importantes pour elle dans son environnement, car cela a non seulement un intérêt thérapeutique mais permet aussi d’améliorer la gestion du quotidien, son bien-être et sa qualité de vie.
Dans un objectif de « remise en activité », présent dès le début de la prise en charge, l’ergothérapeute se doit de prendre en compte le milieu, les conditions de vie et l’environnement de la personne. « C’est la mise en activité de la personne afin qu ‘elle puisse développer ses aptitudes, appréhender ses situations de handicap, se les approprier et passer de l’état de dépendance objective à celui d’une indépendance relative » (Pibarot, 1981).
Suite à un AVC, l’apparition d’un handicap va entraîner une rupture dans la vie de l’individu. L’ergothérapeute va alors essayer de comprendre l’histoire de son patient et les valeurs que ce dernier donne à ses activités quotidiennes, et notamment l’activité sportive. À savoir, celles qu’il effectuait auparavant, celles qu’il aimerait faire, comment il conçoit sa position actuelle vis à vis des différentes activités et ses projections dans l’avenir.
En centre de rééducation neurologique, l’ergothérapeute peut suivre des personnes hémiplégiques dans le cadre d’une activité handisport. En effet, l’ergothérapeute interrogé lors de l’enquête exploratoire (cf. annexe 2) évoque que « lorsque l’équilibre postural le permet, les patients pratiquent la marche nordique et le tricycle à propulsion podale ou manuelle, dans un but de ré-entraînement à l’effort ». De plus, au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans le cadre de l’activité sportive, l’ergothérapeute a généralement « l’habitude de travailler avec le médecin, le kinésithérapeute et l’enseignant en APA ». Son action est « d’évaluer le patient hémiplégique dans un but d’orientation et de choix » (cf. annexe 2).
La pluridisciplinarité
Par ailleurs, dans une équipe pluridisciplinaire, nous retrouvons une certaine complémentarité entre les différents professionnels mais, à l’inverse d’une équipe interdisciplinaire, il n’y a pas de croisement ou d’imbrication des savoirs et méthodes, chaque professionnel est autonome et peut prendre des décisions de manière indépendante. La pluridisciplinarité renvoie alors davantage au concept de collaboration. La collaboration interprofessionnelle est d’ailleurs définie par M. Robidoux (2007) comme le « lieu de structuration d’une action collective qui réunit des membres d’au moins deux groupes professionnels autour d’un but commun, à travers un processus de communication, de décision, d’intervention et d’apprentissage. Ce processus est dynamique, évolutif et complexe ». De plus, selon Goudreau et Dion (2005), la fréquence des réunions, la culture des différents professionnels, la communication, la coordination et la gestion des conflits, font partie des facteurs qui modulent la qualité de la collaboration interprofessionnelle. La collaboration repose sur le fait qu’il est nécessaire que chaque membre de l’équipe reconnaissent les compétences de l’autre. Il est important qu’ils se sentent plus compétents et plus productifs ensemble, que chacun de leur côté. La démarche de collaborer avec un ou plusieurs professionnels est un processus difficile, qui demande de grandes qualités professionnelles, mais aussi humaines.
La transdisciplinarité
Comme le préfixe « trans » l’indique, il s’agit de ce qui est à la fois entre et à travers les disciplines, mais aussi au delà. Cela désigne un savoir qui parcourt diverses disciplines sans se soucier des frontières. Ici, la technique est dépassée. Les professionnels acceptent l’idée d’interchangeabilité, modifient l’organisation et se centrent sur le projet de vie, sur les particularités de la personne. Ainsi, la transdisciplinarité correspond à la mise en oeuvre d’un travail commun, engendrant une complexité qui dépasse les cadres disciplinaires et implique le renforcement et/ou l’acquisition de compétences communes (transversales) aux disciplines associées.
La transdisciplinarité se nourrit d’interdisciplinarité. Elle déborde les champs disciplinaires afin d’envisager l’objet d’étude dans sa complexité et surtout dans son caractère absolu (tel un système). Elle a donc dans l’idée de dégager des éléments transversaux à toutes les disciplines. Il s’agit là plutôt d’une utopie, mais le principe même d’essayer permet de trouver des résultats très intéressants.
La source de la notion de transdisciplinarité se trouve dans l’article de Niels Bohr (1955) sur l’unité de la connaissance. Le mot n’y apparaît pas mais la notion y est exprimée : « Le problème de l’unité de la connaissance est intimement lié à notre quête d’une compréhension universelle, destinée à élever la culture humaine » (p. 272).
L’apparition du mot « transdisciplinarité » est difficile à situer dans le temps. Toutefois J. Piaget, en 1970, cite à l’occasion d’un colloque sur l’interdisciplinarité : « Enfin, à l’étape des relations interdisciplinaires, on peut espérer voir succéder une étape supérieure qui serait « transdisciplinaire », qui ne se contenterait pas d’atteindre des interactions ou réciprocités entre recherches spécialisées, mais situerait ces liaisons à l’intérieur d’un système total sans frontières stables entre les disciplines ». Depuis, plusieurs auteurs ont précisé leur conception de la transdisciplinarité, notamment B. Nicolescu (1993) dont la notion reste la plus élaborée. D’autre part, en novembre 1994, les participants au 1er Congrès mondial de la transdisciplinarité ont adopté une Charte, dont l’objectif principal est de « donner une orientation commune aux disciplines, de les centrer sur les besoins et les aspirations de l’Homme ».
En définitive, le travail en équipe facilite la cohérence et la continuité de l’accompagnement du patient. Il évite le chevauchement d’actions, la redondance de prestations ou la non réponse à des attentes. Cela permet alors de réduire le risque de prise en charge incomplète, d’actes contradictoires ou d’actes répétés inutilement, au détriment d’autres actions. La cohérence des interventions permet une continuité dans l’accompagnement de la personne. Un climat de confiance peut aussi s’instaurer grace au discours uni des professionnels de l’équipe. Chaque membre de l’équipe doit toujours garder à l’esprit la résolution de la problématique du patient afin de tendre vers son bien-être. La qualité du lien de coopération entre les professionnels sera garante de la qualité de l’accompagnement du patient.
L’ergothérapeute a toute légitimité pour intégrer l’activité sportive dans un programme de soins. D’autres professionnels, comme les enseignants en APA, ont aussi une légitimité complémentaire pour proposer l’activité sportive dans leur accompagnement. La pluridisciplinarité et la collaboration interprofessionnelle dans ce cas peut alors être un gage de prise en charge globale de la personne. « Les enseignants en APA sont désormais intégrées dans le système de santé » (Fabre, 2010). Ils sont donc susceptibles de travailler en collaboration avec les ergothérapeutes, incluant le patient dans une prise en charge globale et tendant vers un but commun. L’objectif est de traiter une problématique avec une approche systémique où l’enseignant en APA et l’ergothérapeute confrontent et intègrent leurs différents savoirs. L’activité sportive, menée conjointement par un professionnel de l’APA et un ergothérapeute, peut permettre au patient de découvrir une nouvelle activité en lien avec ses attentes, besoins et envies, tout en gardant des objectifs de rééducation.
Les concepts d’autonomie et d’indépendance
Cette partie va définir les concepts d’autonomie et d’indépendance. Ainsi, cela va me permettre de comprendre comment se situe la personne hémiplégique dans ses activités, et notamment ses activités sportives, par rapport à ces deux notions.
Dans les sociétés occidentales, l’autonomie est aujourd’hui une valeur fondamentale. Elle renvoie plus ou moins clairement aux notions d’autodétermination, d’indépendance, de liberté de choix, de droits… (Leroy, Mon dossier, mon histoire, 2015).
Adant (1995) introduit dans son article sur « une réflexion autour des concepts d’indépendance et d’autonomie » : « Chacun le sait, les mots autonomie et indépendance sont très souvent utilisés dans notre travail quotidien d’ergothérapeutes. Ils sont employés l’un comme l’autre comme des synonymes ».
Nous avons vu précédemment que le but de l’ergothérapie est de permettre aux personnes en situation de handicap de maintenir ou développer le potentiel d’indépendance et d’autonomie personnelle, sociale et professionnelle. Toutefois ces deux termes recouvrent deux concepts différents qui ne sont pas toujours intégrés, de façon dissociée, dans la pratique professionnelle. Ces deux notions d’autonomie et d’indépendance renvoient notamment à la liberté de choix du patient (selon la Charte de la personne hospitalisée). Ce sont deux finalités recherchées par les patients, et de ce fait au cœur des objectifs de l’ergothérapeute.
La notion d’autonomie
De nombreux auteurs se sont penchés sur la notion d’autonomie en reprenant le sens étymologique « auto », voulant dire soi-même, et « nomos », voulant dire la loi. De ce fait, l’autonomie peut se traduire par : « droit pour un individu de se gouverner par ses propres lois. C’est une liberté relative puisqu’elle est avec et en dépendance avec la société. Il s’agit d’un processus adaptatif interactif réciproque de la personne avec son environnement » (Sève-Ferrieu, 2008).
L’autonomie désigne une capacité cognitive à gérer sa vie selon un processus d’individuation. C’est la faculté de faire des choix librement en étant conscient de l’existence de l’autre et des limites que cela impose à sa propre liberté. Elle renvoie à la « capacité de décision, parfois qualifiée d’autonomie psychique », elle correspond à la « capacité de comprendre les informations reçues, d’envisager différentes options possibles, de mener une argumentation cohérente et de prendre des décisions de manière réfléchie » (Leroy, 2015).
Le concept d’autonomie peut ainsi être associé au fait de « vouloir », il s’agit de « l’être » et ainsi d’une conceptualisation de l’action.
Turlan, dans son article « À la recherche de l’autonomie » (1998), expose diverses approches du concept, au travers d’auteurs présentant la notion d’autonomie de différentes manières : l’approche biologique (Varela et Maturana), l’approche philosophique (Simondon et Malherbe), l’approche cognitive (Favre) et l’approche humaniste (Rogers). Ces approches montrent alors la complexité du concept. Elles mettent cependant toutes en avant la notion d’individualisation.
L’autonomie n’est pas innée, elle s’acquiert dans une relation avec son entourage. C’est l’individu dans son groupe qui par sa démarche personnelle crée son individualité par rapport à ce groupe. C’est l’affirmation de sa propre identité.
« Devenir autonome est une dynamique interne propre à chacun mais elle ne peut s’exercer que dans la relation d’interdépendance qui relie chacun de nous aux autres et à son environnement » (Turlan 1998).
Le terme « autonomie » est un terme familier pour les ergothérapeutes. En effet, il figure très souvent comme un des objectifs principaux dans de nombreux dossiers cliniques ; il fait partie de la finalité des interventions de réadaptation auprès du patient.
L’autonomie, en lien avec la dépendance à la société, est un processus interactif d’adaptation reposant sur la capacité à choisir et à gérer sa vie en toute conscience. Elle n’est pas mesurable car elle représente une entité subjective et personnelle. Seuls des modèles en permettent l’approche. Les liens entre autonomie et projet de vie montrent l’interaction entre indépendance, interdépendance et autonomie, et combien l’évaluation de la qualité de vie est délicate.
La notion d’indépendance
L’indépendance est relative aux capacités fonctionnelles, neuropsychologiques voire psychiques de la personne afin de pouvoir réaliser seul les activités de la vie quotidienne. Le concept d’indépendance décrit la possibilité de réaliser une action, il se situe donc dans le « faire », le « pouvoir ».
« L’indépendance comprend un ensemble de comportements observables et potentiellement mesurables » (Adant, 1995).
Ainsi, l’indépendance renvoie à une absence de besoin des autres et s’exprime à plusieurs niveaux : c’est la capacité de se déplacer comme on le veut, d’avoir des activités et de prendre soin de soi, c’est-à-dire de façon générale, de de pouvoir accomplir les actes de la vie quotidienne par soi-même. Cette capacité de se prendre en charge est qualifiée, dans le langage ordinaire, d’autonomie physique. « Le concept standard de l’autonomie implique un individu indépendant robuste, capable d’agir sans aide » (Dekkers, Autonomy and dependance, 2001).
À l’inverse, la dépendance est l’impossibilité partielle ou totale pour une personne d’effectuer sans aide les activités de la vie, qu’elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s’adapter à son environnement. La qualité de la dépendance joue un rôle non négligeable dans la perte ou l’acquisition de l’autonomie.
D’autre part, Favre (1991) décrit l’interdépendance comme « un mode de relation universelle entre les êtres vivants » et il évoque que « l’indépendance dans l’univers cohérent dans lequel nous vivons n’existe pas ».
Le modèle conceptuel du Processus de Production du Handicap
La notion de handicap
Tout d’abord, la notion de handicap et l’élaboration d’une définition consensuelle sont nécessaires dans le but d’avoir un langage commun au niveau national et international. Ceci, afin de permettre l’analyse de données sanitaires concernant les populations mondiales.
La notion de handicap a largement évolué depuis 1950, elle bénéficie actuellement d’une classification internationale aboutie. L’OMS définit actuellement le handicap comme « le résultat d’une interaction entre les déficiences physiques, sensorielles, mentales ou psychiques entraînant des incapacités plus ou moins importantes, qui sont renforcées en raison d’un environnement inadapté ou inaccessible ». Cette définition reprend en partie les notions évoquées dans la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé. En 1946, la notion de handicap est définie par la Classification Internationale des Maladies (CIM) comme une maladie, sans la prise en compte des conséquences invalidantes. Le concept de handicap, jusqu’aux années 70-80, se développe seulement dans le champ du médical et suit donc l’évolution du modèle biomédical. La notion de handicap a commencé à évoluer en 1980 avec la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités, Handicaps (CIDIH), faisant référence à trois niveaux de handicap découlant d’un trouble ou d’une maladie.
Présentation du Processus de Production du Handicap
L’évolution de la classification du handicap s’est faite en parallèle avec l’évolution des normes internationales et avec l’évolution des représentations politiques et sociales des personnes handicapées. L’aboutissement de cette classification a notamment émergé en 1998 à travers le modèle conceptuel du Processus de Production du Handicap (P.P.H.) de P. Fougeyrollas (ci-dessous).
Ce modèle du PPH va me permettre de montrer que le niveau de réalisation des habitudes de vie d’une personne hémiplégique est déterminé par le résultat de l’interaction entre ses facteurs personnels et les facteurs environnementaux présents dans son milieu de vie, et à un moment donné dans le temps.
Aussi, les situations de participation sociale ou de handicap peuvent également évoluer en fonction des changements observés dans les facteurs personnels et les facteurs environnementaux.
Construction des matrices théorisées
Les matrices théorisées issues de ma problématique théorique font référence au modèle conceptuel du PPH, aux modes de fonctionnement du travail en équipe, et au concepts d’autonomie et d’indépendance.
Ces matrices sont présentées sous la forme de tableaux composés de quatre colonnes : théorie, modèle ou concept ; critères ; indicateurs et indices (cf. annexe 3). Elles ont été développées afin de réaliser mes grilles d’entretien (cf. annexe 4). Ainsi, elles vont me permettre de collecter et de traiter des données à travers mes questions d’entretien.
Construction et passation des entretiens
Mon choix s’est porté sur l’entretien semi-directif car il permet la liberté de parole de la personne interrogée et donc d’avoir une démarche d’ouverture tout en gardant un cadre.
La passation s’est faite sous la forme d’entretiens téléphoniques (indirects). Ces derniers se sont déroulés en trois phases : tout d’abord une phase d’introduction (explicative), suivie d’une phase de questions, et pour terminer par une phase de conclusion. Avant de débuter mes entretiens, je me suis présentée, en rappelant également le thème de mon travail de recherche mais sans pour autant leur donner mon sujet de mémoire, afin que les personnes interviewées ne soient pas influencées. D’autre part, je leur ai demandé l’autorisation de les enregistrer grace à un dictaphone, en précisant que l’entretien resterait anonyme.
Je débute donc l’entretien par une présentation, me concernant et concernant le déroulement de l’entretien (cela n’est pas retranscrit en annexes). Puis la phase d’interrogation commence par des questions signalétiques afin de mieux connaître les sujets. Puis, cinq questions principales sont posées, possédant chacune des questions de relance afin de reprendre et dynamiser la discussion en cas de réponse jugée trop incomplète. Ces questions sont des questions ouvertes pouvant laisser la personne interrogée parler librement. De plus, une question est posée pour clôturer l’entretien, ressemblant à ma question de recherche, et me permettant aussi de terminer sur une ouverture. Lors de la phase de conclusion, je remercie la personne en lui précisant que je reste disponible pour toute autre question et que si elle le désire je pourrai lui transmettre ce mémoire une fois terminé.
Interprétation des résultats et réponse à la question de recherche
Tout d’abord, on peut constater au travers des réponses données par les deux professionnels interrogés que les activités sportives sont bénéfiques tant au plan moteur qu’au plan psycho-social pour les personnes hémiplégiques. Cela fait référence au concept d’indépendance et au modèle du PPH concernant les facteurs personnels. Lors des entretiens, il en ressort alors que l’activité sportive apparait être un moyen satisfaisant sur l’aspect rééducation et réadaptation pour ces personnes. Les bénéfices de l’APA en centre de rééducation peuvent être transposés aux activités de la vie quotidienne et permettre, de ce fait, d’améliorer l’autonomie et l’indépendance du patient hémiplégique. Les notions de plaisir et de bien être sont également mises en avant, ce qui nous amène, de nouveau, aux facteurs personnels du PPH.
Mes entretiens ont aussi fait ressortir le côté enrichissant que l’ergothérapeute pouvait avoir, grace à ses connaissances sur les troubles associés à l’AVC, à son travail orienté essentiellement sur le quotidien des patients, ainsi qu’à ses compétences en lien avec le matériel technique, l’évaluation et la prise en compte de l’environnement.
L’ergothérapeute peut donc avoir un rôle dans l’adaptation du matériel sportif et l’aménagement de l’environnement physique, en lien avec les capacités et incapacités des personnes hémiplégiques. L’une des sous-compétences de la compétence 2 du référentiel : « préconiser des adaptations et des aménagements de l’environnement pour un retour à l’activité » répond d’ailleurs à cela. En effet, les adaptations permettent de faciliter l’activité et de rendre ainsi la personne plus indépendante et plus autonome. La référence aux concepts d’autonomie et d’indépendance peut ainsi être faite.
De plus, des éléments lors des entretiens font référence à l’évaluation du patient avant de proposer des activités sportives à ce dernier. En effet, une prise en charge en ergothérapie débute toujours par une phase d’évaluation qui fait appel à la compétence 1 du référentiel de compétences de l’ergothérapeute : « évaluer une situation et élaborer un diagnostic ergothérapique ». Cela peut permettre à l’ergothérapeute d’évaluer le patient sur ces capacités et incapacités, ainsi que son désir et sa motivation envers la pratique d’une ou plusieurs activités sportives.
Il est possible de dire que le rôle de l’ergothérapeute dans la mise en place de l’activité sportive auprès de patients hémiplégiques est principalement orienté vers la réalisation d’adaptations du matériel sportif et l’évaluation, mais aussi le conseil en aides techniques et l’organisation d’un environnement propice à l’activité physique adaptée.
D’autre part, la coopération entre l’ergothérapeute et l’enseignant en APA est soulevée dans l’entretien par ce dernier dans la mise en place d’activités sportives au centre de rééducation. Je remarque ainsi que le mode de fonctionnement du travail en équipe correspond, dans ce cas là, à l’interdisciplinarité. En effet, nous retrouvons des éléments illustrant la collaboration interdisciplinaire entre deux professionnels de santé autour de l’activité physique adaptée.
L’enseignant en APA coordonne la mise en place de l’activité sportive mais le travail en équipe reste évoqué lors des deux entretiens, qu’il s’agisse d’interdisciplinarité comme de pluridisciplinarité. L’ergothérapeute et l’enseignant en APA sont soumis tous les deux à la prescription médicale du médecin. L’implication de l’ergothérapeute au sein d’une équipe paraît indispensable, et spécifiquement en lien étroit avec l’enseignant en APA pour ce qui concerne les activités sportives. Maillet, ergothérapeute, développait dans un article en 2014, l’importance d’un double encadrement du patient par une collaboration interprofessionnelle entre un professionnel de l’activité physique adaptée et d’un ergothérapeute. Les deux personnes interrogées ont, en effet, soulevé cet élément en communiquant l’intérêt de cette association de compétences.
En posant une question de synthèse à la fin de mes entretiens aux deux professionnels, il en ressort que l’ergothérapeute, de par ses compétences, se trouve être le professionnel qualifié pour faire le lien entre ce qui est réalisé en centre de rééducation et le domicile de la personne, son quotidien. Il connaît le patient dans son fonctionnement global, les activités qu’il aimait faire avant son accident, les difficultés qu’il pourrait rencontrer dans sa vie de tous les jours, etc. Son approche et sa vision globale du patient peut permettre à l’enseignant en APA d’adapter l’activité sportive en tenant réellement compte de la vie de la personne, de ses besoins et de ses envies, favorisant ainsi l’autonomie et l’indépendance de cette dernière une fois rentrée chez elle. L’enseignant en APA, en tant que spécialiste de l’activité physique adaptée, est alors en mesure de « transposer » le quotidien du patient sur son activité sportive afin de faciliter le retour à domicile.
Critique du dispositif de recherche
Critique de la méthode
La méthode clinique choisie n’offre pas un échantillon important de réponses. Le temps imparti ne m’a pas permis d’interroger suffisamment de personnes dans chaque groupe. En effet, deux personnes seulement ont pu être interrogées, cependant celles-ci ont la possibilité de développer leurs réponses, ce qui n’aurait pas été le cas par le biais d’un questionnaire.
Le choix de cette méthode influence donc la validité des résultats à cause du nombre restreint d’interviewés. Dans un travail futur, il serait intéressant d’étendre cette étude à un nombre plus important de personnes afin qu’elle soit plus pertinente, valide et fiable.
Critique de la population
J’avais fait le choix d’interroger à la fois un ergothérapeute, un enseignant en APA et une personne hémiplégique afin d’obtenir une triangulation des données, en construisant deux grilles d »entretiens : l’une pour les professionnels, l’autre pour l’usager. Cependant, je n’ai malheureusement pas réussi à trouver la personne hémiplégique correspondant à mes critères d’inclusion et acceptant d’être interrogée. Cette personne aurait pu apporter une vision différente et moins professionnelle, ainsi que son vécu et son ressenti personnel en lien avec son handicap et l’activité sportive. Ce manque a donc un impact sur la qualité de mon étude, sa validité et sa pertinence. L’une des principales difficultés rencontrées durant ce travail a donc été la recherche de cette personne à interroger.
Les deux personnes avec lesquelles je me suis entretenue ont su pleinement répondre à mes attentes, et m’ont apportée les éléments nécessaires pouvant me permettre de répondre à ma question de recherche. Toutefois, si j’avais pu réaliser d’autres entretiens, cela m’aurait permis d’approfondir certains éléments et de compléter mes résultats. Notamment, en interrogeant des ergothérapeutes ayant l’habitude de collaborer avec les enseignants durant le déroulement d’activités sportives. Cela m’aurait permis de comparer les pratiques professionnelles d’une structure à une autre, et par conséquent d’apporter un point de vue complémentaire à mon analyse.
Critique de la passation des entretiens
J’ai choisi d’utiliser l’entretien semi-directif afin de compléter mes données tout en laissant les deux personnes interrogées s’exprimer librement. J’ai essayé pour cela de ne pas les interrompre dans leurs propos, et de cette manière avoir accès à des informations supplémentaires auxquelles je n’aurais pas forcément pensé lors de l’élaboration de ma grille d’entretien. Cette méthode traduit un intérêt sur l’écoute des informations transmises, elle permet aussi un échange plus naturel et moins formel entre les deux interlocuteurs. Les questions de relance ont également facilité la conversation, elles m’ont permis de rebondir et d’approfondir certains éléments plus importants. Aussi, quelques questions qui m’ont semblé intéressantes à poser sur le moment, ont été rajouté au fur et à mesure de l’entretien afin de compléter mes données. D’autre part, le fait de réaliser mes entretiens par téléphone, et non en face à face, a empêché l’étude du langage corporel. La partie non-verbale de l’entretien n’a donc pas pu être prise en compte dans mon analyse.
Critique des résultats
Les résultats ont été obtenu grace à une retranscription de mes entretiens, qui ont pu être, par la suite, analysés selon une analyse dite qualitative. Un nombre plus important de personnes à interroger aurait, cependant, permis une généralisation des résultats et donc une analyse plus approfondie et plus fiable de mon étude. Les résultats ont toutefois révélé des éléments pertinents répondant à ma question de recherche et ont pu faire apparaître une ouverture et des pistes d’amélioration dans la pratique professionnelle en ergothérapie.
Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
Les deux entretiens ont fait ressortir, en plus du rôle de l’ergothérapeute en rééducation et réadaptation, son rôle dans l’information, le conseil, l’orientation et la réinsertion de la personne hémiplégique.
En vue des référentiels d’activités et de compétences de l’ergothérapeute, le rôle d’information et de conseil que peut avoir l’ergothérapeute auprès de personnes en situation de handicap, ayant pour projet de pratiquer un sport, est cohérent. En effet, il est cité dans dans le référentiel d’activités, en IV, que l’ergothérapeute peut informer et conseiller la personne sur son mode de vie et ses activités en rapport avec ses capacités et ses potentialités. Son intervention peut donc se trouver dans le domaine de l’information et du conseil, en dirigeant la personne handicapée vers le sport le plus adapté à sa situation et en terme de prévention des risques liés à l’activité sportive. Aussi, son intervention pourrait concerner l’orientation, la réinsertion et/ou l’intégration sociale afin de diriger la personne vers des clubs de loisirs ou des clubs handisport. En effet, l’ergothérapeute, généralement habitué à sortir de son cadre de travail pour rendre visite aux patients à leur domicile dans un objectif d’aménagement de logement, pourrait élargir ses interventions, en se déplaçant dans les structures de sportives adaptées aux personnes handicapées. L’ergothérapeute a tout à fait sa place dans le projet d’intégration d’une personne hémiplégique, ou d’une personne handicapée au sens plus large, dans des établissements sportifs. La profession d’ergothérapeute pourrait être amenée à se développer davantage à l’extérieur.
Ce travail de recherche s’est spécifiquement intéressé aux personnes hémiplégiques car les ergothérapeutes sont très souvent amenés à prendre en charge cette population. Toutefois, l’activité sportive est ouverte à de nombreuses personnes présentant un handicap. L’ergothérapeute, de par ses connaissances sur les pathologies, de par ses compétences sur l’évaluation, les adaptations, la préconisation d’aides techniques et l’aménagement de l’environnement peut donc participer activement à la mise en place d’activités sportives dans un but de rééducation, de réadaptation et de réinsertion.
Intérêt de l’étude et perspectives de recherche
Le but de mon étude a été de mieux comprendre de quelle façon l’ergothérapeute et l’enseignant en APA peuvent travailler ensemble dans la mise en place d’activités sportives auprès de patients hémiplégiques afin d’en améliorer leur autonomie et leur indépendance.
La problématique développée dans ce mémoire peut être intéressante dans notre profession pour les ergothérapeutes voulant travailler davantage en lien avec l’activité sportive. En effet, notre profession s’intéresse à divers domaines d’intervention et par conséquent est varié et riche de compétences, ainsi cette étude peut permettre une meilleure compréhension de ce que peut faire un ergothérapeute dans ce domaine.
D’autre part, les activités sportives ne sont pas toujours prises en compte dans le projet de vie du patient hémiplégique. Ainsi, l’ergothérapeute pourrait apporter un intérêt plus important à ces activités pouvant avoir un sens significatif et même parfois primordial pour le bien être d’une personne souhaitant pratiquer ou re-pratiquer un sport en phase de récupération. De plus, cette prise en compte de l’activité sportive dans le projet de soin et le projet de vie d’un patient hémiplégique aurait sans doute une influence sur le choix des objectifs de la prise en charge, le choix des moyens et la mise en place des principes d’accompagnement de l’ergothérapeute et de toute l’équipe pluridisciplinaire.
Par ailleurs, afin de favoriser l’engagement du patient dans les activités sportives, il serait nécessaire de mettre en place des actions ergothérapiques à travers son projet de soin. Or, à travers cette étude, nous constatons que ces activités ne font pas toujours partie du travail de l’ergothérapeute. Il serait donc intéressant de comprendre pourquoi les ergothérapeutes évoquent peu les activités sportives dans le projet de soin et le projet de vie de la personne hémiplégique. Ce travail de recherche m’a permis de montrer l’importance du rôle que peut avoir l’ergothérapeute dans le domaine du sport pour des personnes handicapées. En effet, l’ergothérapeute possède des compétences liant sa pratique aux besoins du handisport. C’est pour cela que je souhaiterais, dans ma future pratique professionnelle, développer davantage l’ergothérapie dans le domaine sportif, un domaine, je pense, encore peu exploré aujourd’hui par les ergothérapeutes. J’ai notamment pris conscience qu’il était important d’apporter de la crédibilité et de la fiabilité dans nos actions professionnelles afin de faciliter la mise en place de nouvelles pratiques en ergothérapie.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 L’hémiplégie
1.1.1 Définition
1.1.2 Épidémiologie et étiologies
1.1.3 Divers tableaux cliniques de l’hémiplégie
1.2 Le sport et la personne hémiplégique
1.2.1 L’origine du handisport
1.2.2 Les bienfaits du sport chez les personnes hémiplégiques
1.2.3 Les sports proposés aux personnes hémiplégiques
1.2.4 L’enquête exploratoire
1.3 Les professionnels de santé autour de la personne hémiplégique dans la mise en place de l’activité sportive
1.3.1 Le rôle de l’enseignant en activités physiques adaptées
1.3.2 Le rôle de l’ergothérapeute
1.3.3 Question de recherche
Cadre théorique
2.1 Les modes de fonctionnement du travail en équipe
2.1.1 L’interdisciplinarité
2.1.2 La pluridisciplinarité
2.1.3 La transdisciplinarité
2.2 Les concepts d’autonomie et d’indépendance
2.2.1 La notion d’autonomie
2.2.2 La notion d’indépendance
2.3 Le modèle conceptuel du Processus de Production du Handicap
2.3.1 La notion de handicap
2.3.2 Présentation du Processus de Production du Handicap
2. Matériel et méthode
2.1 Le choix de la méthode
2.2 La population interrogée
2.3 La présentation de l’outil
2.3.1 Choix de l’outil
2.3.2 Construction des matrices théorisées
2.3.3 Construction et passation des entretiens
2.3.4 Élaboration des questions d’entretien
2.3.5 Protocole de passation
3. Résultats
3.1 Présentation de l’échantillon
3.2 Analyse qualitative des données
3.2.1 Analyse de la question 1
3.2.2 Analyse de la question 2
3.2.3 Analyse de la question 3
3.2.4 Analyse de la question 4
3.2.5 Analyse de la question 5
4. Discussion des données
4.1 Interprétation des résultats et réponse à la question de recherche
4.2 Critique du dispositif de recherche
4.2.1 Critique de la méthode
4.2 2 Critique de la population
4.2.3 Critique de la passation des entretiens
4.2.4 Critique des résultats
4.3 Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.4 Intérêt de l’étude et perspectives de recherche
Conclusion
Bibliographie
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