Les bienfaits de la manipulation

La manipulation oui mais

La ยซ nature de l’expรฉrience ยป selon J. Dewey (1990) , comporte un รฉlรฉment actif et un รฉlรฉment passif qui sont combinรฉs d’une maniรจre particuliรจre. Quand nous faisons l’expรฉrience d’une chose, nous agissons sur elle puis en retour nous en subissons les consรฉquences. L’activitรฉ pour l’activitรฉ, en tant que telle ne constitue pas l’expรฉrience proprement dite. Elle est donc dans ce cas une expรฉrience centrifuge et dissipรฉe.
L’expรฉrience-รฉpreuve doit amener un rรฉel changement. Selon Dewey (1990, p193-207) , ยซ Apprendre ร  apprendre c’est รฉtablir un lien rรฉtro spectif entre ce que nous faisons aux choses et le sentiment que les choses provoquent su r nous en retour, en consรฉquence de nos actions ยป . Dans ces conditions, ยซ faire ยป devient une expรฉrimentation avec le monde pour dรฉcouvrir ร  quoi il ressemble, alors que subirdevient enseignement, dรฉcouverte des liaisons entre les choses. Il dรฉcoule de cela deux conclusions importantes pour l’รฉducation : tout d’abord l’expรฉrience est surtout une affaire active-passive, elle n’est pas essentiellement cognitive. Mais ensuite le critรจre de la valeur d’une expรฉrience rรฉside dans la perception des relations ou des continuitรฉs auxquelles elle conduit. L’expรฉrience implique alors la connaissance dans la mesure oรน elle est cumulative, ou elle revient ร  quelque chose ou ร  une signification. Dewey (1990) pense mรชme que le mot ยซ รฉlรจve ยป , lui-mรชme en est presque venu ร  signifier, non pas un รชtre qui participe ร  des expรฉriences, mais un รชtre qui absorbe des connaissances. On conรงoit l’esprit comme รฉtant purement intellectuel ou cognitif et les organes physiques comme de simples facteurs physiques n’ayant aucun rapport avec l’esprit, voire mรชme qu’ils ne le perturbent pas. L’activitรฉ corporelle n’a donc rien ร  faire avec l’activitรฉ mentale, elle devient dans ce cas un facteur de distraction qu’il faut tenter de combattre. L’auteur pense que ยซ les activitรฉs qu’exercent le corps sont condamnables car elles ne portent pas sur des occup ations qui produisent des rรฉsultats importants ยป (Dewey, 1990, p 193-207). Ces activitรฉs distraientplutรดt l’esprit de l’รฉlรจve de la leรงon qui devrait l’occuper. Intellectuellement la sรฉparation de l’esprit et de la manipulation directe des choses met l’accent sur les choses mais non sur les relations ou les liaisons qu’elles entretiennent. On prรฉtend alors que l’esprit perรงoit les choses indรฉpendamment de leurs relations, et qu’il se forme des idรฉes indรฉpendamment de leurs liaisons, avec ce qui peut se passer avant ou aprรจs. On doit donc faire appel au jugement ou ร  la pensรฉe pour combiner ces รฉlรฉments de connaissance sรฉparรฉs pour ainsi les mettre en relation (ressemblance ou leur liaison causale). Selon Dewey (1990, p193-207), ยซ une once d’expรฉrience vaut mieux qu’une tonne de thรฉorie pour la simple raison que c’est seulement dans l’expรฉrience qu’une thรฉorie a un sen s rรฉel et vรฉrifiable. Une expรฉrience peut engendrer et vรฉhiculer n’importe quelle somme de thรฉorie mais une thรฉorie sรฉparรฉe d’une expรฉrience ne peut รชtre comprise clairement, mรชme en tant que thรฉorie ยป. On peut alors dire que toutes nos expรฉriences comportent une phase d’essais et d’erreurs. Si nous faisons quelque chose mais que cela ne marche pas, nous allons continuer jusqu’ร  ce que quelque chose marche et nous adopterons alors cette mรฉthode comme la rรจgle empirique dans nos actions ultรฉrieures. Mais cette mรฉthode dรฉpend des circonstances car elles peuvent changer de sorte que nos actes risquent de ne pas produire le rรฉsultat souhaitรฉ.
Mais si au contraire, selon Dewey (1990), nous savons de quoi dรฉpend le rรฉsultat nous pouvons alors nous assurer de la prรฉsence des conditions requises ou de les adapter pour obtenir le rรฉsultat attendu.
Cependant la manipulation en tant que telle n’est pas suffisante pour un apprentissage complet et rรฉussi. Il semble donc nรฉcessaire de la combiner ร  une approche mรฉta-cognitive pour lui donner plus de sens. La mรฉta-cognition est un concept qui engage plusieurs dรฉfinitions, selon Flavell (1976, citรฉ par Doudin et Martin, 1999, p.125), la mรฉtacognition dรฉsigne le fait qu’une personne prenne conscience et connaissance de son propre fonctionnement cognitif et de celui des autres et qu’il en rend compte. Brown (1987, citรฉ par Doudin et Martin, 1999, p.125) ajoute le fait que la mรฉta-cognition dรฉsigne aussi les mรฉcanismes c’est-ร -dire les activitรฉs qui guident et rรฉgulent l’apprentissage et le fonctionnement cognitif en situation de rรฉsolution de problรจmes.
Dans ce sens, Charpak (1996) montre que la construction des connaissances se fait aussi par la discussion aprรจs avoir effectuรฉ l’action. Les รฉlรจves apprennent en interagissant avec leurs pairs et avec de plus experts, en explicitant par รฉcrit leur point de vue, en l’exposant aux autres, en le confrontant ร  d’autres points de vue et aux rรฉsultats expรฉrimentaux pour en tester la pertinence et la validitรฉ. Pour cela, l’enseignant doit proposer des situations permettant l’investigation raisonnรฉe, il doit guider les รฉlรจves sans faire ร  leur place, il fait expliciter et discuter les points de vue, en accordant une grande attention ร  la maรฎtrise du langage, il fait รฉnoncer des conclusions valides par rapport aux rรฉsultats obtenus, les repรจres par rapport au savoir scientifique, il gรจredes apprentissages progressifs. On trouve des รฉlรฉments de cette dรฉmarche dans le cahier d’expรฉriences, dans lequel se trouvent aussi bien des รฉcrits personnels ou individuels que des รฉcrits collectifs (d’un groupe, de toute la classe).
De plus, Bisault (2005) รฉnonce le rรดle de l’argumentation dans l’enseignement des sciences ร  l’รฉcole primaire : ยซ Dans une vision constructiviste des apprentissages, le langage peut jouer un rรดle fonctionnel dans la dรฉmarche d’investigation des รฉlรจves pour organiser l’action, confronter les rรฉsultats et structurer progressivement les connaissances.
La dรฉmarche de l’รฉlรจve se rapproche alors de celle du chercheur en articulant des activitรฉs d’investigation sur des objets ou phรฉnomรจnes et des activitรฉs de ยซ communication ยป ยป.
L’argumentation joue donc un rรดle essentiel dans l’รฉlaboration sociale des connaissances.
Cette รฉtude montre ce que des รฉlรจves ont รฉtรฉ en mesure de construire par le langage et l’action. Les รฉchanges jouent un rรดle primordial dans les apprentissages individuels, les actions et observations rรฉalisรฉes par quelques รฉlรจves ont รฉtรฉ intรฉgrรฉes par les autres รฉlรจves mรชme si elles n’ont pas toujours รฉtรฉ systรฉmatiquement verbalisรฉes. Le dรฉbat et l’argumentation ont donc un effet positif sur l’apprentissage. La communication ne se limite pas aux รฉchanges verbaux, il est important de prendre en compte aussi les actions et les gestes qui constituent une part importante de ce qui peut รชtre partagรฉ. Son รฉtude montre ce que des รฉlรจves ont pu construire grรขce au langage et ร  l’action. Cependant, il est difficile de constater la part respective de l’un ou de l’autre dans les apprentissages scientifiques.
Pour approfondir cette idรฉe, Astolfi (2003) va s’attarder sur le terme de ยซ dรฉmarche expรฉrimentale ยปร  proprement parlรฉ. Avant tout, pour cet auteur, l’idรฉe d’enseignement des sciences se trouve tout de suite associรฉe ร  celle de la formation de l’esprit scientifique avec ce que cela suppose comme initiation ร  la dรฉduction et ร  la formation de problรจme. Il affirme que la pรฉriode de l’รฉcole primaire et du collรจge couvre les phases essentielles du dรฉveloppement de l’intelligence et donc l’action sur les objets y joue un rรดle moteur essentiel. Les enseignements scientifiques sont alors un lieu privilรฉgiรฉ pour articuler lapratique avec la rรฉflexion. Les dรฉmarches expรฉrimentales, selon Astolfi (2003), vont dans le sens de La main ร  la Pรขte (Charpak, 1996). Cet enseignement, qui jouit d’un prestige auprรจs des autres professeurs de disciplines diffรฉrentes et de l’ensemble de la sociรฉtรฉ, est censรฉ dรฉvelopper les habilitรฉs manuelles et techniques de l’enfant. Dans ce livre, Alain Monchamp critique le fait qu’il est facile pour lesรฉlรจves de ยซ falsifier ยปles propositions pour arriver dans la ยซ bonne direction ยป . Cela donnerait l’impression, pour ces auteurs, que le professeur chercherait ร  รชtre attractif et persuasif en exhibant des objets inhabituels pour ainsi consommer le moins de temps de didactique possible. La formation de l’esprit scientifique en paraรฎt donc bien loin…
La question de l’imagination ร  l’รฉcole ressemble ร  celle de l’autonomie, le dรฉbat est toujours d’actualitรฉ pour savoir s’il faut la concevoir comme une compรฉtence terminale ou si la meilleure voie est d’en encourager dรจs le dรฉbut la pratique afin de mieux la rรฉguler par la suite.
Andrรฉ Giordan, dans le livre d’Astolfi (2003), a nommรฉ cette dรฉmarche d’expรฉrimentation, ยซ OHERIC ยป car tout se passe comme dans un rituel tellement il est stรฉrรฉotypรฉ quand il est mis en ล“uvre dans les classes. A.Giordan et De Vecchi (2004), va expliquer en dรฉtail ce concept. Il commence donc par une observation, puis il y a รฉmission des hypothรจses, ensuite l’expรฉrience prend place puis donne les rรฉsultats suivis d’une interprรฉtation pour arriver ร  la conclusion. Mais une telle approche est un peu frustre pour faire entrer les รฉlรจves dans une vraie dรฉmarche expรฉrimentale, elle expose le cheminement des apprenants sans leur permettre de comprendre cequ’ils font. D’ailleurs les scientifiques eux-mรชme ne procรจdent jamais de la sorte. Mรชme Claude Bernard, le soi disant ยซ pรจre de la mรฉthode expรฉrimentale ยปselon ce qu’en dit le livre d’Astolfi (2003), n’a jamais procรฉdรฉ ainsi au quotidien de ses recherches, comme l’a montrรฉ l’analyse de ses carnets de laboratoire. Mais cette mรฉthode ne correspond ni au fonctionnement rรฉel de l’activitรฉ scientifique, ni ร  des procรฉdures que les รฉlรจves seraient en mesure de suivre. En faite cette mรฉthode n’est reconstruite qu’aprรจs que le chercheur ait ยซ trouvรฉ ยป.
Selon Giordan et De Vecchi (2004), lorsqu’on pense ยซ dรฉmarche expรฉrimentale ยป on pense tout de suite aux mรฉthodes actives, on propose aux รฉlรจves de mettre la ยซ main ร  la pรขte ยป. Malheureusement, l’activitรฉ seule telle qu’on peut l’envisager en classe, si elle est un ยซ passage obligรฉ ยป pour motiver les jeunes enfants, elle n’est pas suffisante pour les faire entrer dans une maitrise de la dรฉmarche expรฉrimentale. Selon Vygotski (citรฉ par Giordan & De Vecchi, 2004, p 241-259), ยซ un scientifique passe plus de 90% de son temps ร  faire autre chose que des expรฉriences ยป. Ce dernier pense que dans une approche active telle qu’on a l’habitude de la pratiquer, l’รฉlรจve ne verra le plus souvent que ce qu’il veut bien voir et ne comprendra que ce qu’il peut comprendre. En classe, une approche expรฉrimentale ne suppose pas que l’apprenant s’active ou mรชme manipule sans cesse,l’important est qu’il soit interpellรฉ et qu’il se questionne.
Selon Giordan et De Vicchi (2004), une ยซ dรฉmarche expรฉrimentale ยป peut recouvrir des activitรฉs trรจs variรฉes. Les trois principaux moments forts de la dรฉmarche sont le questionnement qui constitue le problรจme, puis l’hypothรจse qui peut รชtre une explication possible et enfin une argumentation pour tenter d’รฉtayer cette idรฉe. Une dรฉmarche expรฉrimentale est une tentative de rรฉponse ร  une question ou du moins ร  une situation posรฉe. L’individu est face ร  quelque chose qui l’intrigue et l’interpelle, la situation le prรฉoccupe et il a envie de savoir. La formulation d’hypothรจses varie au cours de l’expรฉrimentation et vont รชtre retravaillรฉes au fildes expรฉriences rรฉalisรฉes. Pour y rรฉpondre, l’individu avance des explications mais il doit tenter de les prouver avant de les affirmer.
Ces affirmations testรฉes vont รชtre des suppositions et prennent le statut d’hypothรจses en sciences. L’expรฉrience doit รชtre utilisรฉe pour la validation d’hypothรจses. Elle va ainsiย apporter des รฉlรฉments qui vont aider ร  la construction d’un savoir nouveau. Il est cependant essentiel d’exercer son esprit critique et de vรฉrifier les sources d’informations en interrogeant la nature, c’est lร  que se situe la place des expรฉriences. Mais il n’est pas possible de valider totalement une hypothรจse mรชme si toutes les expรฉriences s’accordent ร  la confirmer. En revanche une seule expรฉrience la contredisant peut suffire ร  la remettre en cause. Tant que l’hypothรจse tient on dit que l’expรฉrience ยซ corrobore ยป l’hypothรจse. Le statut de l’expรฉrience paraรฎt dรฉlicat pour les รฉlรจves car sa signification est double, ce donten tรฉmoignent les deux expressions : ยซ faire des expรฉriences ยป et ยซ savoir expรฉrimenter ยป .
Faire des expรฉriences relรจve des opรฉrations concrรจtes accessibles dรจs l’รฉcole primaire et qui provoquent un engouement chez les รฉlรจves, ils sont motivรฉs par le plaisir de l’action et de l’essai. Astolfi (2003) s’accorde donc avec Vygotsky (citรฉ par Giordan & De Vecchi, 2004, p 241-259) et pense qu’il est nรฉcessaire d’envisager des pratiques expรฉrimentales comme des occasions de stimuler intellectuellement les รฉlรจves dans leur zone proximale de dรฉveloppement, zone qui dรฉpasse leurs possibilitรฉs conceptuelles du moment mais qui est quand mรชme accessible grรขce ร  la mรฉdiation de l’enseignant, du groupe ou des activitรฉs.

La remise en question de la manipulation

Cependant on peut se demander si cette conception si idรฉaliste de cette mรฉthode est partagรฉe par des auteurs autres que Charpak et ses collaborateurs. C’est pour rรฉpondre ร  cette problรฉmatique que les recherches se sont ensuite orientรฉes vers d’autres auteurs comme Bachelard (1971) par exemple pour qui l’expรฉrience premiรจre apparaรฎt plutรดt comme un premier obstacle. Selon Bachelard (1971), l’obstacle principal est lorsque l’expรฉrience est placรฉe avant la critique qui elle, est un รฉlรฉment intรฉgrant de l’esprit scientifique. Comme la critique n’a pas eu lieu avant l’expรฉrience, cette derniรจre ne peut pas reprรฉsenter un appui sรปr. Pour lui ยซ l’esprit scientifique doit se former en se reformant ยป (Bachelard, 1971, p 13-19). Bachelard (1971) affirme que dans les classes รฉlรฉmentaires, dรจs qu’une expรฉrience se prรฉsente avec un appareil bizarre, en particulier, si elle vient sous un nom inattendu, la classe est attentive aux รฉvรจnements, mais elle oublie seulement de regarder les phรฉnomรจnes essentiels et que ยซ s’il se produit quelques accidents, l’intรฉrรชt est ร  son comble ยป (Bachelard, 1971, p 13-19). Cela signifie que la plupart du temps les causes objectives sont oubliรฉes mais les รฉlรจves se rappellent d’autres dรฉtails liรฉs par exemple ร  une consรฉquence inattendue de l’expรฉrience et qui a marquรฉ les esprits de tout le monde, plutรดt qu’ร  la formule effectuรฉe pour rรฉaliser cette expรฉrience. En bref, personne ne l’a retenue. En rรฉsumรฉ ce que veut dire Bachelard (1971) ici c’est que, dans l’enseignement des sciences ร  l’รฉcole รฉlรฉmentaire, les expรฉriences trop vives, trop imagรฉes sont des centres de faux intรฉrรชt. Selon l’auteur, ยซ l’expรฉrience est faite pour illustrer un thรฉorรจme ยป (Bachelard, 1971, p 13-19). Ce qu’il souhaite faire comprendre ici, c’est que si l’expรฉrience venait ร  manquer pour cause de l’action matรฉrielle, cet accident ne dรฉtruirait pas la tension de cette attente. Pour lui, ยซ les forces de l’expรฉrience resteraient intactes car la vive conscience de l’espรฉrance est dรฉjร  une rรฉussite ยป (Bachelard, 1971, p 13-19). Il n’en va pas de mรชme pour l’esprit scientifique car pour lui un รฉchec matรฉriel est aussitรดt un รฉchec intellectuel puisque l’empirisme scientifique, mรชme le plus modeste, se prรฉsente comme impliquรฉ dans un contexte d’hypothรจses rationnelles. L’expรฉrience de la science est donc libรฉrรฉe du besoin de rรฉussite personnelle car elle a รฉtรฉ vรฉrifiรฉe par la citรฉ savante auparavant. L’auteur s’interroge sur les effets qui se produiraient dans le cas oรน l’expรฉrience dรฉmentirait la thรฉorie. Selon Bachelard (1971) on peut s’acharner ร  refaire l’expรฉrience nรฉgative ou on peut croire qu’elle n’est qu’une expรฉrience manquรฉe. Il est donc important de montrer ici que Bachelard (1971) ne s’accorde pas tout ร  fait avec l’idรฉe que toute expรฉrience et manipulation permet ร  l’enfant de mieux mรฉmoriser les notions ร  apprendre. En effet, selon l’auteur, l’expรฉrience est utile que si elle vient illustrer une connaissance, un thรฉorรจme mais tout en รฉtant assez simple car si elle s’avรจre รชtre trop perfectionnรฉe, trop recherchรฉe, trop prรฉsente ou trop vivante, l’enseignant va croire que les enfants vont retenir parfaitement les notions misesen avant par son biais alors qu’ils auront รฉtรฉ beaucoup plus attirรฉs et รฉmerveillรฉs devant unetelle expรฉrience que par ce qu’elle doit en faire รฉmerger.
Toujours selon Gaston Bachelard (1971), l’idรฉe de partir de zรฉro, en dรฉtruisant les connaissances mal faites, pour fonder et construire les nouvelles connaissances n’existe pas, c’est un mythe auquel certains enseignants y croient encore et poursuivent leur apprentissage sur cette idรฉe. Dans le rรฉel il est impossible de faire table rase des connaissances usuelles. L’รฉlรจve, en arrivant ร  l’รฉcole n’est pas une page vierge. ยซ L’esprit est vieux car il a l’รขge de ses prรฉjugรฉs ยป (Bachelard, 1971, p 13-19)est une citation de Bachelard (1971) pour montrer qu’il est impossible de ne pas prendre en compte les connaissances de base que possรจdent les รฉlรจves, les connaissances correctes ou fausses qu’ils ont encrรฉs dans leur tรชte avant mรชme d’avoir eu leur premier cours de science. Il affirme qu’ ยซ accรฉder ร  la science c’est rajeunir, accepter une mutation brusque qui doit contredire un passรฉ ยป (Bachelard, 1971, p 13-19).Les professeurs de sciences, plus que les autres, ne comprennent pas que les enfants ou autrepersonnes ne puisse pas comprendre ce qui semble pour eux si รฉvident. Ils sont peu nombreux ร  avoir creusรฉ la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irrรฉflexion. Ils pensent, selon cet auteur, que l’esprit commence comme une leรงon, qu’on puisse refaire une culture simplement en redoublant une classe par exemple, qu’on puisse faire comprendre une dรฉmonstration en la rรฉpรฉtant point par point. Il s’agit non pas d’acquรฉrir une culture expรฉrimentale mais bien de la changer c’est-ร -dire de changer de culture expรฉrimentale, de renverser les obstacles dรฉjร  acquis par la vie quotidienne. Il semble assez difficile de faire comprendre les principes de base dans sa simplicitรฉ, si l’on a pas d’abord critiquรฉ et dรฉsorganisรฉ les intuitions premiรจres.
L’auteur explique que ยซ toute culture scientifique doit commencer par une catharsis intellectuelle et affective, ensuite mettre la cult ure scientifique en รฉtat de mobilisation permanente, remplacer le savoir fermรฉ par une conna issance ouverte et dynamique, dialectiser toutes les variables expรฉrimentales, do nner enfin ร  la raison des raisons d’รฉvoluer ยป (Bachelard, 1971, p13-19).On peut voir parfois dans le savoir scientifique une sorte d’entreprise destinรฉe ร  approfondir ou ร  rectifier la conception spontanรฉe que nous nous faisons des choses. Dans cette perspective, lascience serait alors reprรฉsentรฉe comme un ensemble d’opinions rรฉflรฉchies et non plus commeun ensemble d’opinions spontanรฉes.
C’est contre cette idรฉe que s’รฉlรจve Gaston Bachelard (1971). C’est aprรจs avoir lu Gaston Bachelard (1971) qu’il a pu รชtre possible de remettre en cause la rรฉelle efficacitรฉ sur la mรฉmorisation, de la manipulation et des expรฉriences en sciences, qui jusqu’ร  prรฉsent montraient tout leur intรฉrรชt pour les enfants.

Recherches sur le terrain

Vanessa s’est consacrรฉe ร  l’analyse de questionnaires distribuรฉs ร  des enseignants de cycle 2 et 3 pour connaรฎtre leurs mรฉthodes d’enseignement et leurs conceptions des sciences ร  l’รฉcole primaire et Stรฉphanie s’est donc consacrรฉe ร  l’observation et la mise en place de sรฉances de sciences en classe (avec et sans manipulation).
Nous avons dรฉcidรฉ toutes les deux de travailler parcomplรฉmentaritรฉ c’est-ร -dire que nous avons profitรฉ d’รชtre deux pour doubler notre รฉventail de recherche et ainsi obtenir beaucoup plus d’informations sur le sujet. Ainsi enayant des observations et des entretiens mais aussi la possibilitรฉ de mettre en ล“uvre de sรฉances, cela va nous permettre de multiplier nos analyses.
Suite aux nombreuses recherches de conceptions d’auteurs ร  ce sujet, l’enquรชte et la rรฉalisation des sรฉances en classe ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes dans le but de complรฉter les informations obtenues et de nous aider ร  rรฉpondre ร  la problรฉmatique suivante : ยซ Un travail de mรฉta-cognition de la manipulation des รฉlรจves en sciences favorise la mรฉmorisation, un mythe? ยป.

ร‰tude 1 : questionnaire et observation

L’approche que j’ai, ici, privilรฉgiรฉ pour mes recueils de donnรฉes est essentiellement l’approche clinique. En effet mes recherches se basent sur des entretiens et des enquรชtessous forme de questionnaires. Mes lieux de recherche ont รฉtรฉ les รฉcoles publiques, privรฉes et mes relations personnelles.
Suite ร  la distribution de mes questionnaires, j’ai pu obtenir 10 retours de la part des enseignants ร  qui ils avaient รฉtรฉ proposรฉs. Il s’agit donc d’une รฉtude qualitative et non quantitative des donnรฉes. Ce corpus de questionnaires est donc intรฉressant ร  analyser car il permet la comparaison des mรฉthodes d’enseignement en fonction de l’รขge des enseignants et de leur anciennetรฉ par exemple, ce qui peut jouer รฉventuellement sur leurs conceptions plus ou moins anciennes des sciences ร  l’รฉcole primaire.

Mรฉthode

Les participants de mon questionnaire sont donc essentiellement des enseignants du primaire. Ils sont au nombre de 10 a y avoir rรฉpondu. Parmi ces 10 questionnaires remplis et argumentรฉs, on trouve des enseignants de tout รขge : 2 enseignants ont entre 20 et 30 ans, 3 enseignants ont entre 30 et 40 ans et enfin 5 enseignants ont entre 40 et 50 ans. Les enseignants de ce corpus sont en grande majoritรฉ des femmes.
Les outils qui m’ont permis de complรฉter mes recherches et de nous aider ร  rรฉpondre ร  notre problรฉmatique furent quelques observations en classe mais avant tout un questionnaire prรฉsentรฉ en annexe 1.
ร‰tant donnรฉ le fait que mon outil principal de recherche a รฉtรฉ le questionnaire, il n’y a pas eu de procรฉdure particuliรจre mise en place.

Rรฉsultats et analyse

Je vous prรฉsente les rรฉponses au questionnaire sous la forme d’un tableau pour une meilleure analyse.

Discussion

En ce qui concerne les neuf avis positifs de la rรฉfรฉrence de La Main ร  la Pรขte (Charpak, 1996) pour l’enseignement des sciences ร  l’รฉcole primaire, on peut expliquer cela par le fait que cette rรฉfรฉrence est prรฉconisรฉe activement dans le socle commun de connaissances et de compรฉtences (2009 2010). Selon Charpak (1996) l’enseignement des sciences pour les รฉlรจves de l’รฉcole primaire doit donner le goรปt et les techniques dรจs le plus jeune รขge de l’enfant, mais il dit permettre aussi de dรฉvelopper les capacitรฉs inductives et dรฉductives de l’intelligence sous ses diffรฉrentes formes et de mettre les รฉlรจves en situation de dรฉmarche scientifique et c’est ce que propose cette mรฉthode. Cela peut donc expliquer les rรฉponses donnรฉes par les enseignants mais on peut รฉgalement s’interroger sur la vรฉracitรฉ de ces rรฉponses รฉtant donnรฉ que cette rรฉfรฉrence estdans les programmes, les enseignants n’ont peut-รชtre pas osรฉ montrer leur rรฉticences pour ainsi ne pas s’opposer ร  ce document officiel qui doit les guider dans leur enseignement. D’ailleurs pour vรฉrifier cela j’ai eul’occasion d’observer les sรฉances de sciences donnรฉes par une jeune enseignante et en effet cette enseignante n’a eu en aucun cas une dรฉmarche expรฉrimentale basรฉe sur cette rรฉfรฉrence. On peut alors renvoyer cette rรฉflexion ร la question posรฉe sur la pratique ou non de la manipulation en classe, question ร  laquelle tous les enseignants ont rรฉpondu positivement. Mais on pourrait alors s’interroger sur leur rรฉelle conception de la manipulation en sciences si tous les enseignants affirment manipuler mais qu’une fois en classe rien n’a pu รชtre observรฉ. Ayant pu, ร  deux reprises, observer deux enseignants qui ont rรฉpondu au questionnaire, j’ai constatรฉ que ces derniers affirmaient manipuler en classe (rรฉponses au questionnaire) alors qu’en rรฉalitรฉ lors de la rรฉalisation de la sรฉance, ils ne manipulaient pas ou alors ils illustraient simplement leurs propos, quand cela รฉtait possible, avec des objets comme par exemple lors de la sรฉancesur les ombres et les lumiรจres, ce ne sont pas les รฉlรจves qui ont manipulรฉ mais l’enseignante qui a illustrรฉ la leรงon avec une lampe et un ballon qu’elle a mis en รฉvidence lorsque cela รฉtait nรฉcessaire pour la bonne comprรฉhension des notions : pour montrer que l’ombre d’un objet provoquรฉe par une lampe est plus grosse que l’objet lui-mรชme, l’enseignante a รฉteint la lumiรจre et a montrรฉ ร  ses รฉlรจves qu’en projetant la lumiรจre d’une lampe sur un ballon, l’ombre que celle-ci renvoyait sur le mur รฉtait beaucoup plus grande. Seul ร  une ou deux reprises un รฉlรจve a pu utiliser la lampe et une gomme pour montrer que l’ombre รฉtait supรฉrieure ร  l’objet puis en faisant le contour de l’ombre sur une feuille blanche et en posant la gomme sur celle-ci pour se rendre compte de la diffรฉrence de taille entre l’objet et l’ombre portรฉe.
Pour l’enseignante qui utilise le carnet d’expรฉrience, celui-ci se compose des expรฉriences rรฉalisรฉes par les enfants lorsqu’il y en a (les enfants mesure leur pouls avant et aprรจs l’effort…) mais avant tout des activitรฉs du livre, des illustrations des รฉlรจves (papier calque avec des dessins comme par exemple le squelette du poisson, dessin du bonhomme qui mange une pomme, โ€ฆ), les rรฉponses aux questionsdu livre et des schรฉmas lorsque le sujet l’oblige.
ร€ la question portant sur l’amรฉlioration de la mรฉmorisation des รฉlรจves lorsque celle ci est accompagnรฉe de manipulation, a รฉtรฉ validรฉe par huit enseignants sur les dix. Parmi les deux enseignants ayant รฉvoquรฉ des doutes quant ร  la pertinence de cette conclusion, un enseignant avait amenรฉ la conclusion que lorsqu’il y a de la manipulation dans une leรงon de sciences, les รฉlรจves ont tendance ร  ne retenir que ce qui a รฉtรฉ fait en classe et surtout l’expรฉrience par elle-mรชme et cela ร  dรฉfaut de se souvenir des notions essentielles et importantes de la leรงons. En effet c’est la thรฉorie qu’expose Bachelard (1971) en cela que les รฉlรจves sont รฉmerveillรฉs et attirรฉs par l’expรฉrimentation en classe car elle est distrayante et agrรฉable, c’est une phase diffรฉrente de la le รงonhabituelle, et cela plait รฉnormรฉment aux enfants. Cependant ร  cรดtรฉ de l’expรฉrience rรฉalisรฉe les รฉlรจves n’ont pas, ร  chaque fois, retenu les informations essentielles qui permettent de la comprendre.
Et donc la plupart du temps les causes objectives sont oubliรฉes par les รฉlรจves, en revanche ils vont se rappeler d’autres dรฉtails moins importants en terme d’apprentissage mais liรฉs par exemple ร  une consรฉquence inattendue de l’expรฉrience, plutรดt qu’ร  la formule effectuรฉe pour rรฉaliser cette expรฉrience. Bachelard(1971) pense donc que les expรฉriences trop vives et trop recherchรฉes sont des centres de faux intรฉrรชt de la part des enfants. Ainsi l’enseignant pense que les รฉlรจves vont beaucoup mieux retenir la notion abordรฉe parce qu’elle aura รฉtรฉ expรฉrimentรฉe et mise sous forme rรฉelle alors qu’en rรฉalitรฉ les รฉlรจves auront fait abstraction des choses les plus importantes. C’est un peu ici ce que pense l’enseignant, cependant sur les dix enseignants interrogรฉs, seuleune a soulevรฉ le problรจme. Est-ce du ร  la naรฏvetรฉ des autres enseignants envers leur classe ? Ou ร  une thรฉorie incertaine et infondรฉe ?
Cependant d’aprรจs les rรฉsultats du questionnaire on remarque que l’ensemble des enseignants affirme que la manipulation aide beaucoup plus les รฉlรจves en difficultรฉ qu’unsimple texte ou recherche documentaire. On peut alors penser que cela a รฉtรฉ constatรฉ par les enseignants et donc qu’il s’agisse de donnรฉes vรฉritables et observรฉes sur les bienfaits de la manipulation pour ces รฉlรจves. Donc si les รฉlรจves ne retiendraient que l’expรฉrience sans les notions essentielles, les rรฉsultats obtenus ne seraient pas aussi dรฉcisifs. Or si l’ensemble des enseignants pensent que la manipulation amรฉliore la mรฉmorisation de certaines notions chez les รฉlรจves, c’est alors que ces รฉlรจves en question ont bien retenu malgrรฉ tout les informations importantes et donc cela remettrait en cause, en quelque sorte la thรฉorie de Bachelard (1971). En revanche cette analyse va dansle sens d’Henri Bergson (1985) qui affirme, quant ร  lui, que ยซ l’intelligence remonte de la main ร  la tรชte ยป (p 91-94) et c’est un peu ce que signifient les rรฉponses donnรฉes par les enseignants qui expliquent que les รฉlรจves en difficultรฉ retiennent mieux les leรงons lorsqu’elles sont accompagnรฉes de manipulation car pour ces รฉlรจves, les actions rรฉalisรฉes vont aider ร  retenir les notions abordรฉes et donc l’apprentissage et la mรฉmorisation dรฉbute par les mains.
De plus selon Charpak (1996), les รฉlรจves apprennent en interagissant avec leurs pairs et en explicitant leur point de vue, en l’exposant aux autres, en le confrontant ร  d’autres points de vue et enfin il est intรฉressant que les รฉlรจves aient un cahier d’expรฉriences qui rรฉsumerait les dรฉmarches entreprises, cahier dans lequel se trouvent aussi bien des รฉcrits personnels ou individuels que des รฉcrits collectifs. C’est en effet la dรฉmarche qu’a adoptรฉ une enseignante en laissant la place ร  l’oralisation des enfants sur ce qu’ils viennentde faire mais aussi en rรฉalisant un cahier d’expรฉriences, dans lequel chaque รฉlรจve retrace ce qu’il a fait et รฉcrit les informations et les rรฉsultats constatรฉs les plus importants. Plusieurs enseignants ont mis l’accent sur la verbalisation des รฉlรจves avant et aprรจs les expรฉriences en insistant sur le fait que la verbalisation des actions rรฉalisรฉes ou l’oralisation lors d’exposรฉs par exemple, favorisaient considรฉrablement la mรฉmorisation des notions par les รฉlรจves. Ce que confirme Bisault (2005) en disant que le rรดle de l’argumentation dans l’enseignement des sciences ร  l’รฉcole primaire est primordial pour organiser l’action, confronter les rรฉsultats et structurer progressivement les connaissances. L’รฉlรจve se place progressivement en situation de chercheur en articulant des activitรฉs d’investigation sur des objets ou phรฉnomรจnes et des activitรฉs de ยซ communication ยป . L’argumentation joue donc un rรดle essentiel dans l’รฉlaboration sociale des connaissances et c’est pour cela que les enseignants ร  l’unanimitรฉ, privilรฉgient la parole dans la rรฉalisation des dรฉmarches scientifiques et que la majoritรฉ des enseignants interrogรฉs rรฉalisent des groupes de travail, de tutorat etc… pour insister sur la mise en mots des actions et expรฉriences rรฉalisรฉes.

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Table des matiรจres
Remerciements
Introduction
I) Les bienfaits de la manipulation
II) La manipulation oui mais
III) La remise en question de la manipulation
Recherches sur le terrain
I) ร‰tude 1 : questionnaire et observationย 
1) Mรฉthode
2) Analyse et rรฉsultats
3) Discussion
II) ร‰tude 2 : sรฉances en classe et observation
1) Mรฉthode
2) Analyse et rรฉsultats
3) Discussion
III) Discussion commune aux deux analyses
Conclusion
Rรฉfรฉrence bibliographie
Annexes
Rรฉsumรฉ

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