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Physiopathologie
Lโendocardite infectieuse est une inflammation de lโendocarde, principalement des valves gรฉnรฉralement en lien avec la greffe cardiaque dโun microorganisme. Les valves du cลur gauche sont plus souvent touchรฉes que les valves du cลur droit. Lโendocarde sain est relativement rรฉsistant aux infections. Ainsi lโEI survient prรฉfรฉrentiellement sur cลur pathologique. (22)
Les cardiopathies congรฉnitales sont ร lโorigine de turbulences du flux sanguin provoquant des microtraumatismes endothรฉliaux. Les valvulopathies dรฉgรฉnรฉratives, dรฉtectรฉes chez 50 % des patients de plus de 60 ans, gรฉnรจrent des lรฉsions endothรฉliales (19). La pose de prothรจse valvulaire, dโรฉlectrodes ou cathรฉters intracardiaques sont รฉgalement des facteurs ร lโorigine de telles lรฉsions.
Les lรฉsions endothรฉliales exposent la matrice extracellulaire sous-jacente, engendrent la production de facteur tissulaire et une inflammation locale sous lโinfluence de cytokines pro-inflammatoires notamment de lโinterleukine 1 (IL1). Ce phรฉnomรจne favorise la formation de fibrines et contribue ร lโagrรฉgation plaquettaire. Ce thrombus fibrino-plaquettaire est appelรฉ vรฉgรฉtation et constitue la principale lรฉsion de lโendocardite infectieuse. Cโest au sein de ce thrombus quโadhรจrent et se dรฉveloppent les microorganismes responsables de lโEI (18).
La principale complication de ces thrombi septiques est lโembolie par fragmentation ou migration complรจte de ces vรฉgรฉtations. La premiรจre localisation est cรฉrรฉbrale, ร lโorigine notamment dโabcรจs cรฉrรฉbraux, dโaccidents ischรฉmiques et dโanรฉvrysmes mycotiques (6).
Des localisations articulaires, splรฉniques, rรฉnales sont รฉgalement souvent dรฉcrites. Un continuum existe entre la taille de la vรฉgรฉtation et le risque embolique (24). Lโรฉvolution de ces lรฉsions peut รฉgalement engendrer des destructions valvulaires, perforations, dรฉsinsertions de prothรจses valvulaires ou abcรจs intracardiaques (25-27). Certains facteurs microbiologiques jouent un rรดle essentiel. En effet, les microorganismes frรฉquemment isolรฉs au cours de cette infection sont gรฉnรฉralement dotรฉs de facteurs de virulence. Parmi eux, les adhรฉsines appartenant ร la famille des MSCRAMM (microbial surface componets recognizing adhesive matrix molecules). Il sโagit de protรฉines prรฉsentes ร la surface des CGP, permettant la fixation ร certaines macromolรฉcules des cellules hรดtes, dont la fibronectine, le protรฉoglycane, les glycoprotรฉines, lโacides hyaluroniques, les รฉlastines font partie.
En prenant lโexemple du Staphylococcus spp, on dรฉcrit :
– la protรฉine A permettant la liaison au facteur de Von Willebrand sur les endothรฉliums lรฉsรฉs et la liaison au fragment Fc des IgG inhibant ainsi son opsonisation et sa phagocytose (20) ;
– la fibronectine binding protein dont les rรดles principaux sont lโadhรฉsion aux cellules endothรฉliales, aux plaquettes et aux biomatรฉriaux (20) ;
– la protรฉine de liaison au fibrinogรจne permettant lโagrรฉgation des bactรฉries et jouant รฉgalement un rรดle dans lโadhรฉrence aux tissus et biomatรฉriaux (21).
De plus, Staphylococcus spp est dotรฉ dโune capsule, rรฉseau de polysaccharides, lui permettant de rรฉsister ร la phagocytose. Enfin, lโun de ses facteurs de virulence majeur est sa capacitรฉ ร produire du biofilm. Il sโagit dโun exopolysaccharide engluant les bactรฉries, permettant non seulement lโadhรฉsion aux tissus mais aussi dโรฉchapper au systรจme immunitaire et ร lโaction des antibiotiques (28).
Ainsi, du fait dโun fort inoculum bactรฉrien et de la prรฉsence de biofilm, la vรฉgรฉtation constitue un site difficile dโaccรจs au systรจme immunitaire, mais รฉgalement ร une antibiothรฉrapie.
Diagnostic
Lโendocardite infectieuse constitue un rรฉel dรฉfi diagnostique, notamment du fait de la variรฉtรฉ des symptรดmes souvent associรฉs aux localisations emboliques.
Le tableau typique associe un syndrome infectiologique avec des signes cardiaques – souffle de novo, modification dโun souffle cardiaque prรฉexistant – parfois des signes extracardiaques – emboles pรฉriphรฉriques, manifestations immunologiques – ร une bactรฉriรฉmie ou fongรฉmie le plus souvent soutenue et des signes รฉchographiques avec la mise en รฉvidence de lรฉsions telles que les vรฉgรฉtations, abcรจs, fuites valvulaires.
Dans la cohorte prospective EURO-ENDO, la fiรจvre sโobservait chez 80% des patients. Des signes dโinsuffisance cardiaque รฉtaient prรฉsents dans 27 % des cas. Jusquโร 25 % des patients prรฉsentaient une complication embolique au moment du diagnostic (14).
La variabilitรฉ de la prรฉsentation clinique et la nรฉcessitรฉ de poser un diagnostic prรฉcis ont amenรฉ Durack et ses collรจgues en 1994 ร proposer une stratรฉgie diagnostic permettant de catรฉgoriser les patients en EI certaine, possible et les cas oรน le diagnostic dโEI nโest pas retenu. Il sโagit des critรจres de Duke (29). Le diagnostic dโEI repose alors sur la prรฉsence de critรจres majeurs et de critรจres mineurs. Deux critรจres majeurs sont pris en compte : un critรจre microbiologique avec lโidentification sur au moins deux hรฉmocultures consรฉcutives dโun microorganisme typique dโEI tel que les Streptocoques oraux, Streptococcus gallolyticus, le groupe de bactรฉrie ร croissance lente et les bactรฉriรฉmies communautaires ร Staphylococcus aureus et Enterococcus spp. Le second critรจre majeur est un critรจre รฉchographique avec la mise en รฉvidence de lรฉsions caractรฉristiques. Six critรจres mineurs, moins spรฉcifiques, sont proposรฉs : un terrain prรฉdisposant, de la fiรจvre > 38ยฐ, la prรฉsence de signes vasculaires (notamment les anรฉvrismes mycotiques, les taches de Janeway), de signes immunologiques (notamment les nodules dโOsler, les taches de Roth), des critรจres microbiologiques et รฉchographiques lorsque les conditions des critรจres majeurs ne sont pas remplies. Lโensemble de ces critรจres ont par la suite รฉtรฉ validรฉs par diffรฉrentes รฉtudes confirmant leurs importantes sensibilitรฉ et spรฉcificitรฉ (30,31).
En 2000, les critรจres de Duke ont รฉtรฉ actualisรฉs. Le critรจre majeur microbiologique prend dรฉsormais en compte tous types de bactรฉriรฉmies ร Staphylococcus aureus quโelles soient communautaires ou nosocomiales (32, 33). La sรฉrologie ร Coxiella burnetii fait son apparition dans les critรจres majeurs (34). Le critรจre mineur รฉchographique dรฉfinit comme
ยซ une image รฉchographique compatible avec un diagnostic dโendocardite infectieuse mais ne rรฉpondant pas au critรจre majeur ยป disparait, ne laissant que 5 critรจres mineurs. En effet, sur une analyse post hoc ce critรจre nโรฉtait utilisรฉ que dans trรจs peu de cas (5%) et jamais appliquรฉ en cas dโETO.
Ainsi, ร lโaide de ces critรจres de Duke modifiรฉs, une endocardite infectieuse est dite certaine si un patient prรฉsente deux critรจres majeurs ou 1 critรจre majeur et 3 critรจres mineurs ou 5 critรจres mineurs. Une endocardite infectieuse est dรฉfinie comme possible si un patient prรฉsente un critรจre majeur et un mineur ou trois critรจres mineurs.
Dans les รฉtudes รฉpidรฉmiologiques, cette classification a une sensibilitรฉ globale de 80% lorsque les critรจres sont รฉvaluรฉs sur des patients en fin de traitement (35). Cependant, ces critรจres de Duke modifiรฉs montrent une plus faible prรฉcision pour les diagnostics dโEI prรฉcoces ou lorsquโil sโagit dโEI sur prothรจse ou matรฉriel intracardiaque, lโETT รฉtant non contributive jusquโร 30% des cas (36, 37). Le diagnostic dโendocardite infectieuse est souvent suspectรฉ devant une bactรฉriรฉmie isolรฉe chez des patients ร haut risque et notamment en cas de bactรฉriรฉmies ร cocci gram positif. Dans ces situations, les cliniciens peuvent sโaider dโoutils afin dโestimer la probabilitรฉ dโEI et dโรฉvaluer la nรฉcessitรฉ dโune imagerie cardiaque complรฉmentaire. Il sโagit des scores VIRSTA et PREDICT pour les bactรฉriรฉmies ร Staphylococcus aureus que nous dรฉtaillerons ensuite (46, 47). Le score HANDOC et le score DENOVA existent pour les bactรฉriรฉmies ร Streptococcus spp (non ฮฒ-hรฉmolytiques) et Enterococcus spp respectivement (48, 49). Lโun des intรฉrรชts majeurs de ces scores est dโidentifier les patients peu ร risque dโEI afin de limiter le recours ร lโรฉchographie cardiaque. Les paramรจtres les plus influents pour exclure une pathologie sont la VPN et le rapport de vraisemblance nรฉgatif (RV (-) = probabilitรฉ dโavoir un test nรฉgatif chez un malade / probabilitรฉ dโavoir un test nรฉgatif chez un non malade). Ces scores visent รฉgalement ร identifier les patients avec un risque assez รฉlevรฉ dโEI justifiant la rรฉalisation systรฉmatique dโune imagerie cardiaque, de prรฉfรฉrence une ETO, les paramรจtres influant le plus รฉtant la VPP et le RV (+) (=probabilitรฉ dโavoir le test positif quand on est malade/ probabilitรฉ dโavoir le test positif quand on est indemne de la maladie).
En prenant lโexemple du VIRSTA (46), ce score fut รฉtabli ร lโaide dโune cohorte de 2008 patients avec un diagnostic de bactรฉriรฉmie ร Staphylococcus aureus. Dans cette รฉtude un seuil โค 2 รฉtait associรฉ ร une VPN de 98,8% et le RV (-) de 0,2. Pour ces patients, la probabilitรฉ dโEI รฉtait de 1,1%. De plus, pour les patients prรฉsentant une bactรฉriรฉmie ร Staphylococcus aureus avec un score VIRSTA > 5, la VPP รฉtait de 44,6 % et le RV (+) de mise en place dโun staff endocardite (40). Dโautres exemples existent dans la littรฉrature (41).
Les hรฉmocultures constituent un examen fondamental pour le diagnostic dโendocardite infectieuse. La quantitรฉ de sang prรฉlevรฉe dans les flacons conditionne lโidentification de lโagent pathogรจne en cause. Les recommandations europรฉennes et amรฉricaines prรฉconisent de prรฉlever au moins trois paires dโhรฉmocultures, sur trois prรฉlรจvements distincts ร un intervalle dโau moins une heure entre la premiรจre et la derniรจre paire dโhรฉmocultures.
LโETT est รฉgalement un examen primordial et permet de mettre en รฉvidence des lรฉsions typiques dโendocardite infectieuse comme les vรฉgรฉtations, abcรจs, perforation valvulaire ou aggravation dโune fuite valvulaire existante, dรฉsinsertion de prothรจse valvulaire. LโETT est gรฉnรฉralement lโexamen rรฉalisรฉ en premiรจre intention car plus facile dโaccรจs, non invasif. LโETO doit รชtre rรฉalisรฉe en cas dโETT non contributive chez des patients suspects dโendocardite infectieuse ou en cas dโETT en faveur dโune endocardite infectieuse pour mieux caractรฉriser les lรฉsions dโendocardite. Une premiรจre ETT nรฉgative ne doit pas remettre en question le diagnostic en cas de suspicion dโEI, une nouvelle imagerie doit รชtre rรฉalisรฉe entre 5 et 7 jours de la premiรจre, voire plus tรดt pour des EI dont la bactรฉrie identifiรฉe est agressive comme le Staphylococcus aureus (45). La sensibilitรฉ de lโETT pour visualiser une vรฉgรฉtation varie selon le caractรจre natif ou prothรฉtique de la valve, 70% et 50% respectivement. La sensibilitรฉ de lโETO est de 96% pour les valves natives et 92% pour les prothรฉtiques (43, 44).
La recherche dโemboles extracardiaques est essentielle. Aussi, un examen clinique rigoureux sโimpose lorsque le diagnostic dโendocardite infectieuse est รฉvoquรฉ. Bien que certaines รฉtudes suggรจrent que lโimagerie cรฉrรฉbrale soit indispensable (51, 52), il nโexiste aucune preuve concernant lโutilitรฉ dโun TDM thoraco-abdomino-pelvien systรฉmatique notamment en cas dโabsence de symptรดme clinico-biologique รฉvocateur de lรฉsions secondaires (42).
Prise en charge
Lโobjectif du traitement de lโendocardite infectieuse consiste en lโรฉradication du microorganisme ร lโorigine de lโinfection et en la stรฉrilisation du site infectieux par une antibiothรฉrapie.
La particularitรฉ de lโendocardite infectieuse avec son site infectieux difficile dโaccรจs, lโinoculum bactรฉrien important, des bactรฉries en dormance et la prรฉsence de biofilm justifient la durรฉe dโantibiothรฉrapie prolongรฉe, lโutilisation dโATB bactรฉricides, en intraveineux au moins initialement et ร fortes posologies.
Les sociรฉtรฉs europรฉennes et amรฉricaines de prise en charge de lโendocardite infectieuse ont toutes deux mis ร jour leurs recommandations en 2015 (53,54). Les bรชtalactamines constituent la classe d’antibiotiques utilisรฉes en premiรจre intention pour la prise en charge de lโEI en dehors des EI ร Staphylococcus aureus rรฉsistant ร la mรฉticilline, ร Enterococcus spp rรฉsistant aux bรชtalactamines et aux microorganismes intracellulaires. Dans la cohorte europรฉenne des endocardites infectieuses, EURO-ENDO (14), sur les 2461 รฉpisodes dโEI documentรฉes, 7,2% des EI sont dues ร un SARM, 6,1% ร un SERM, et 0,8% ร Coxiella burnetii. Pour le traitement probabiliste de lโEI sur valve native ou prothรฉtique, les sociรฉtรฉs savantes recommandent lโassociation dโamoxicilline, dโun anti-staphylocoque tel que la cloxacilline ou lโoxacilline et de gentamicine. Lโadaptation des antibiotiques se fait dans un second temps aprรจs identification du microorganisme en cause. Nous dรฉtaillerons ici, les recommandations de traitement par bรชtalactamine de lโendocardite infectieuse. Nous nโaborderons donc pas la question des EI ร Staphylocoque mรฉticilline rรฉsistant, Entรฉrocoque rรฉsistant aux bรชtalactamines et les EI ร bactรฉries intracellulaires. Les gรฉnรฉralitรฉs qui suivent dans le reste du manuscrit ne concernent pas ces situations.
Les recommandations europรฉennes et amรฉricaines placent les pรฉnicillines anti-staphylococciques telles que lโoxacilline et la cloxacilline en premiรจre intention dans le traitement de lโendocardite infectieuse ร SASM. La posologie prรฉconisรฉe est de 12g/j IV en 4 ร 6 injections (53, 54). La cรฉfazoline, cรฉphalosporine de 1รจre gรฉnรฉration, est une alternative en cas dโallergie aux pรฉnicillines – ร lโexception dโune rรฉaction anaphylactique
– dans le traitement de lโendocardite infectieuse ร SASM ร la dose de 6 g/j en 3 injections (53-56). En France, la posologie recommandรฉe varie de 80 ร 100 mg/kg/j en 3 injections ou IVSE avec dose de charge (57).
Dans le cas des endocardites infectieuses ร Streptococcus spp et Enterococcus faecalis, lโamoxicilline constitue le traitement de premiรจre intention (53, 54). Les recommandations europรฉennes et franรงaises prรฉconisent une posologie allant de 100 ร 200 mg/kg/j en 4 ร 6 injections pour lโEI ร Streptococcus spp La posologie recommandรฉe varie en fonction de lโespรจce bactรฉrienne, de la CMI mesurรฉe ร lโamoxicilline, de la nature de la valve et du poids du patients (53). Pour lโEI ร Enterococcus faecalis la posologie recommandรฉe est de 200 mg/kg/j.
Les recommandations amรฉricaines de prise en charge de lโEI ร Streptococcus spp indiquent une dose variant de 12 ร 24 UI/j en 4 ร 6 injections. Les facteurs faisant varier cette posologie sont la nature de la valve et la CMI ร lโamoxicilline de la bactรฉrie en cause. Pour lโEI ร Enterococcus faecalis, la posologie prรฉconisรฉe est une dose fixe de 12g/j d’amoxicilline (2g toutes les 4h IV).
Ces recommandations portent sur les patients dont la fonction rรฉnale est normale. Pour chacun de ces antibiotiques, une adaptation posologique en cas de modification de la fonction rรฉnale est conseillรฉe par lโESC et la SPILF, mais sans en prรฉciser les modalitรฉs (53, 57). Dans ses recommandations, lโAHA ne fait en revanche aucune mention de la nรฉcessitรฉ dโadapter ces antibiotiques ร la fonction rรฉnale.
Lโantibiothรฉrapie pour une EI sur valve prothรฉtique dure au minimum 6 semaines, pour une EI sur valve native, la durรฉe varie de 4 ร 6 semaines en fonction de diffรฉrents facteurs, notamment le type de microorganisme.
Un traitement chirurgical peut รชtre indiquรฉ pour certains tableaux cliniques notamment en cas dโinsuffisance cardiaque rรฉfractaire, de vรฉgรฉtation de grande taille pour prรฉvenir le risque embolique, dโinfection non maitrisรฉe, de valvulopathie sรฉvรจre, le retrait dโun matรฉriel infectรฉ ou encore le drainage dโabcรจs. 50 % des patients sont opรฉrรฉs dans les 10 premiers jours (53).
LES BETALACTAMINES
Historique
Cโest en septembre 1928 que le Dr Alexander Fleming (1881-1955), biologiste ร St Maryโs Hospital ร Londres, dรฉcouvre la pรฉnicilline. Alors quโil travaille sur le lyzozyme des Staphylococcus spp, il constate ร son retour de vacances lโenvahissement de ses boรฎtes de Petri par des colonies filamenteuses : Penicillium notatum. Ce champignon appartenait ร son voisin de paillasse, le Dr Charles J. Latouche, un mycologue irlandais, qui travaille sur cette moisissure ร lโorigine de rรฉaction allergique chez les asthmatiques (58).
Alexander Fleming observe une zone dโinhibition circulaire autour des colonies de moisissures oรน le Staphylococcus nโa pas pu pousser. Il รฉmet lโhypothรจse que le champignon sรฉcrรจte une substance responsable de cette inhibition de croissance bactรฉrienne et lui donne le nom de ยซ Pรฉnicilline ยป. Il poursuit ses travaux et constate les mรชmes inhibitions avec dโautres bactรฉries.
Cโest seulement quelques annรฉes plus tard que lโimportance de cette dรฉcouverte sera comprise. Deux chercheurs dโOxford, Sir Howard Walter Florey et Ernst Boris Chain, reprennent les travaux de Fleming. Avec pour objectif une application en santรฉ humaine, ils isolent et purifient cette pรฉnicilline. Ils publient plusieurs travaux encourageant son utilisation en pratique clinique (59, 60). Ils contribuent ensuite ร la production en grande quantitรฉ de cet antibiotique.
En 1945, Fleming, Walter Florey et Boris Chain sont rรฉcompensรฉs pour leurs travaux et reรงoivent tous les trois le prix Nobel de physiologie et de mรฉdecine.
Les bรชtalactamines, toutes dรฉrivรฉes de la pรฉnicilline, sont aujourdโhui une classe dโATB majeure et parmi les plus consommรฉes au monde (61).
Mรฉcanisme dโaction
Cโest ร la suite des travaux de Spratt en 1975 que lโon connait prรฉcisรฉment le site dโaction des bรชtalactamines : les protรฉines liant les pรฉnicillines (PLP).
Les bรชtalactamines ciblent la paroi bactรฉrienne et interfรจrent avec les รฉtapes finales de sa synthรจse en inhibant de maniรจre compรฉtitive les principales enzymes permettant la construction des polymรจres de peptidoglycanes. Ces enzymes, regroupรฉes sous le nom de PLP, sont majoritairement composรฉes de glycosyltransfรฉrases, de transpeptidases et de carboxypeptidases. Elles permettent dโassurer la rรฉticulation du peptidoglycane.
Par analogie structurale tridimensionnelle avec le dipeptide D-alanylโD-alanine, constituant du peptidoglycane, les bรชtalactamines forment une liaison covalente et irrรฉversible avec les PLP et inhibent leur activitรฉ. Cette inhibition va se traduire par une inhibition de la synthรจse du peptidoglycane et donc un arrรชt de la croissance bactรฉrienne. Ainsi, les bรชtalactamines se comportent comme des substrats suicides.
Une part de lโeffet bactรฉricide des bรชtalactamines repose sur la mise en jeu dโautres groupes dโenzymes impliquรฉes dans la dรฉgradation du peptidoglycane. Ce sont des peptidases, des amidases, des glycosidases. A la suite de lโinhibition des PLP, le mรฉcanisme dรฉclenchant la mise en jeu de ces enzymes lytiques est encore sujet ร caution (62, 63).
Dรฉfinitions
Afin de comprendre la pharmacocinรฉtique, la pharmacodynamie des bรชtalactamines puis lโoptimisation PK/PD des antibiotiques abordรฉes dans le chapitre suivant, certaines dรฉfinitions sont indispensables ร connaitre :
La CMI, concentration minimale inhibitrice correspond ร la concentration minimale dโantibiotique, mesurรฉe en mg/L, permettant dโinhiber la croissance bactรฉrienne visible dans des conditions de cultures standardisรฉes (18-24h de culture ร 37ยฐ avec un inoculum standard). Il sโagit donc dโune mesure in vitro. Cette valeur dรฉtermine lโactivitรฉ bactรฉriostatique dโun antibiotique. Diffรฉrentes techniques sont utilisรฉes au laboratoire de microbiologie pour la mesurer : la mรฉthode directe de dilution en milieu solide (bandelette E test) ou liquide, la mรฉthode de diffusion (diamรจtre autour dโun disque dโATB) ou la mesure automatisรฉe (ex : VITEK). Il sโagit de la mesure de rรฉfรฉrence pour dรฉterminer les paramรจtres pharmacodynamiques dโun antibiotique (65).
La CMB, concentration minimale bactรฉricide, correspond ร la concentration minimale dโantibiotique, mesurรฉe en mg/L, ne laissant survivre que 0,01 % ou moins de lโinoculum bactรฉrien dโorigine dans des conditions standards de culture. La CMB dรฉfinit lโactivitรฉ bactรฉricide dโun antibiotique (65).
La CPM, la concentration prรฉventive de lโapparition des mutations (65). Dans toute population bactรฉrienne suffisamment abondante, il existe spontanรฉment des mutants naturellement rรฉsistants ร un antibiotique donnรฉ. Cette sous-population possรจde sa propre CMI ร cet antibiotique, plus รฉlevรฉe que la CMI de la population principale. Ainsi, ces mutants peuvent รชtre sรฉlectionnรฉs en cas dโexposition ร lโantibiotique ร une concentration supรฉrieure ร la CMI de la population principale mais infรฉrieure ร la CMI de la sous-population. Seule une concentration supรฉrieure ร la CMI de la sous-population permet dโรฉviter la sรฉlection de mutants (65).
Lโeffet post-antibiotique (EPA) est dรฉfini comme une rรฉmanence de lโeffet bactรฉricide de lโantibiotique mรชme lorsque celui-ci nโest plus prรฉsent dans le milieu de contact de la bactรฉrie. Lโexistence de cet effet a รฉtรฉ dรฉmontrรฉe aussi bien in vitro que in vivo. In vitro, lโEPA, correspond ร lโintervalle de temps nรฉcessaire aux bactรฉries pour recroรฎtre dโun log aprรจs le retrait de lโATB (par dilution ou destruction) comparativement ร une population bactรฉrienne identique au dรฉpart sans antibiotique. In vivo, lโEPA est dรฉpendant des leucocytes. La phagocytose et la bactรฉricidie intracellulaire sont amรฉliorรฉes pendant lโEPA. Ce phรฉnomรจne se nomme PALE : post antibiotic leucocyte effect (65).
La valeur brute de la CMI dโun couple bactรฉrie/antibiotique nโa de valeur pour le clinicien que si elle permet de classer la souche en sensible, intermรฉdiaire ou rรฉsistant. La comparaison ร des rรฉfรฉrences dites concentrations critiques permet de catรฉgoriser la souche. Si la CMI du couple bactรฉrie/antibiotique est infรฉrieure ร la concentration critique infรฉrieure la souche est dite sensible. Si la CMI est supรฉrieure ร la concentration critique supรฉrieure la souche est dite rรฉsistante. Entre les deux, elle est intermรฉdiaire.
Il existe deux types de concentrations critiques :
– Les concentrations critiques รฉpidรฉmiologiques : lโECOFF ou Europe Epidemiological Cut OFF. Il sโagit dโune concentration constante dโun antibiotique, รฉtablie suite ร la mesure de la frรฉquence et de la distribution des CMI des souches dโune mรชme bactรฉrie de phรฉnotype sauvage. Ces donnรฉes sont fournies par diffรฉrents laboratoires qui acceptent de les confier ร lโEUCAST (European Committee on Antimicrobial Susceptibility Testing). Ainsi, cette valeur sรฉpare les souches bactรฉriennes de phรฉnotypes sauvages des souches bactรฉriennes avec un mรฉcanisme de rรฉsistance phรฉnotypiquement exprimรฉ. Il sโagit de la CMI la plus รฉlevรฉe incluant 95% des souches dโune mรชme espรจce bactรฉrienne de phรฉnotype sauvage. Cette approche รฉpidรฉmiologique est un outil pour dรฉtecter prรฉcocement des mรฉcanismes de rรฉsistance. De plus, utiliser lโECOFF comme cible de CMI permet dโextrapoler certains rรฉsultats dโรฉtude PK/PD ร un plus grand nombre de souches. Par exemple, la figure ci-dessous, รฉvalue lโECOFF de la cรฉfazoline pour Staphylococcus aureus, ECOFF est ร 2 mg/L. Cette valeur a รฉtรฉ dรฉterminรฉe sur plus de 19 000 souches. Ces donnรฉes sont fournies sur le site de lโEUCAST (66)
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Table des matiรจres
I. LโENDOCARDITE INFECTIEUSE
A. Historique
B. Epidรฉmiologie
C. Physiopathologie
D. Diagnostic
E. Prise en charge
II. LES BETALACTATAMINES
A. Historique
B. Mรฉcanisme d’action
C. Dรฉfinitions
D. Pharmacocinรฉtique des bรชtalactamines
E. Pharmacodynamie des bรชtalactamines
III. LโOPTIMISATION DE LโUTILISATION DES BETALACTAMINES
A. La PK/PD des bรชtalactamines : des donnรฉes in vitro aux essais cliniques
B. Suivi thรฉrapeutique pharmacologique
C. Spรฉcificitรฉ PK/PD dans l’endocardite infectieuse
IV. LES NOMOGRAMMES
A. Rationnel
B. Dรฉveloppement des nomogrammes
C. Nomogramme d’amoxicilline
D. Nomogramme de cรฉfazoline
E. Nomogramme de cloxacilline
V. ETUDE DE LโINTERET DE NOMOGRAMMES DโADAPTATION POSOLOGIQUE A PRIORI POUR LโAMOXICILLINE, LA CEFAZOLINE ET LA CLOXACILLINE DANS LE TRAITEMENT DES BACTERIEMIES A COCCI GRAM POSITIF TRAITEES A DOSE VISANT A TRAITER UNE ENDOCARDITE INFECTIEUSE : ETUDE NOMOBA
A. Cheminement
B. Rรฉsumรฉ รฉtude NOMOBA
C. Protocole รฉtude NOMOBA
D. Calendrier
E. Statistiques de la cohorte historique
F. Rรฉsultats prรฉliminaires issus de la cohorte historique
G. Discussion
H. Conclusion
REFERENCES
ANNEXES
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